Terra nullius est une locution latine signifiant «
territoire sans maître ».
C'est un espace qui peut être habité, mais qui ne relève
pas d'un État.
Selon ce principe, les terres ne sont possédées par
personne.
C'est un mode juridique reconnu d'acquisition de la
souveraineté sur un territoire par un État, que la Cour internationale de
justice a, au XXIe siècle, compétence pour valider.
Sa définition a évolué avec le temps.
Définition juridique des Terrae nullius.
Origine historique
Littéralement, « terra nullius » (au pluriel terrae
nullius) est une locution latine qui signifie « terre n'appartenant à personne
».
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États latins en 1165.
L'expression trouve son origine et son emploi en droit
international dans la bulle papale Terra Nullius du pape Urbain II, fulminée en
1095, qui autorisa les états chrétiens européens à s'approprier les territoires
occupés par des non-chrétiens.
En nuances de vert, les États latins d’Orient au xiie
siècle.
À une époque où l’Église était la référence pour l'ordre
international de l'Occident chrétien, ce fut le cadre juridique dans lequel
furent érigés les états latins d'Orient pendant les croisades, à partir de
1096.
Le christianisme occidental (catholicisme et
protestantisme) en bleu et violet, le (christianisme orthodoxe) en rouge et
l'islam en vert.
Aux XIVe et XVe siècle, les pays occidentaux
reconnaissaient encore au Pape une autorité suffisante pour trancher de la
souveraineté d'un territoire reconnu comme terra nullius.
L'« Occident chrétien » (en bleu-gris) à l'époque de
la Ire croisade.
C'est dans ce sens que l'on peut comprendre la bulle
Inter caetera du pape Alexandre VI organisant la division des terres du Nouveau
Monde entre les royaumes d'Espagne et du Portugal.
La Cathédrale métropolitaine de Mexico, symbole de
l'expansion de l'Occident chrétien au Nouveau-Monde.
Terra nullius et colonisation
Plus tard, à l'époque de l'expansion coloniale de
l'occident, le terme a été comme d'une portée très générale : même quand il
peut y avoir des autochtones dans le pays que l'on qualifie de « découvert »,
il se traduit en pratique par le « droit » des peuples « plus civilisés » à
saisir des terres et le mettre à une « meilleure utilisation ».
En nuances de jaune, les États latins d’Orient au XIIIe
siècle.
Au fil du temps il est interprété de manière de plus en
plus restrictive, pour désigner des territoires ne disposant pas d'une
organisation politique avec laquelle on puisse signer un traité en droit
international, ou des territoires « non exploités » par leurs occupants
chasseurs-cueilleurs, que des cultivateurs se voyaient en droit de s'approprier
pour les « mettre en valeur ».
Cérémonie de la Kirikoraha chez les Veddas (île de
Ceylan) pour se concilier les faveurs de la déesse de la chasse, Kande Yaka.
Pendant le XVIIIe siècle, le principe a été utilisé pour
donner une force légale à la colonisation de terres occupées par des peuples
n'ayant pas d'organisation étatique ou de système de propriété organisé.
San du Botswana construisant une hutte de branchages.
Le philosophe suisse et théoricien du droit international
Emer de Vattel, construisant entre autres sa philosophie sur celle de Christian
Wolff, lui-même disciple de Gottfried Wilhelm Leibniz, a proposé que soit
considérée terra nullius la terre non cultivée par les habitants indigènes.
Cette terre n'étant pas cultivée, elle n'était pas
considérée comme utilisée à bon escient. Ceux qui ont fait l'effort de la
cultiver ont conséquemment le droit de propriété sur elle.
Le principe de terra nullius a servi de justification à
la colonisation de nombreuses régions du monde, comme le partage de l'Afrique
par les puissances européennes à la conférence de Berlin en 1885.
Gravure montrant les participants à la conférence de
Berlin en 1885.
Le principe de terra nullius fut invoqué pour justifier
la colonisation de l'Australie par les Britanniques, et l'expropriation des
terres aborigènes.
Two of the Natives of New
Holland, Advancing to Combat (1770), par Sydney Parkinson.
Les Aborigènes en effet ne cultivaient pas la terre, mais
leur culture et leur identité étaient (et sont) inextricablement liées à leurs
terres ancestrales.
Ce n'est qu'en 1992 que la Haute Cour d'Australie
invalida rétroactivement cet argument, et proclama que l'Australie n'avait
jamais été terra nullius (Mabo & Others v. Queensland, 1992).
Fermiers indigènes d'un protectorat de la période
coloniale au Victoria en 1858.
Cette interprétation extensive sera battue en brèche
après le Traité de Saint-Germain en 1919, qui consacra en droit international
le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
En application de ce principe, il ne peut plus exister de
terra nullius à partir du moment où il existe une population autochtone.
En revanche, il peut continuer à être appliqué sur les
terres désertes.
C'est en particulier un thème récurrent dans les
revendications de souveraineté en mer de Chine méridionale.
Ensembles de la mer de Chine méridionale. Les
principales revendications portent sur les îles Paracels et les îles Spratleys,
ainsi que sur le Macclesfield Bank et le récif de ScarboroughCet article ou
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Approche moderne
Cette notion est à présent utilisée en droit
international pour décrire une zone qui n'a jamais été soumise à la
souveraineté d'un État, ou sur laquelle l’État auparavant souverain a renoncé
expressément ou implicitement à sa souveraineté.
Elle se distingue donc d'un res nullius (objet sans
propriétaire), en ce que le « maître des lieux » ne fait pas référence à un «
propriétaire », mais à l'entité souveraine qui y fait régner sa loi.
Historiquement, le scénario de prise de possession d'une
terra nullius a consisté dans l'action d'un ou plusieurs citoyens mandaté
officiellement par un pays (généralement, un explorateur ou une expédition
militaire), qui met le pied sur le territoire et y plante un drapeau marquant
la souveraineté revendiquée.
De nos jours, l'acquisition de souveraineté sur un tel
territoire peut être obtenue ni suite à la découverte, ni par déclaration.
La déclaration ou l'acte symbolique, qui marque une
volonté d'appropriation qui reste nécessaire, n'est pas en soi suffisante.
Elle doit être concrétisée par une occupation effective,
ou par tout acte de souveraineté exercé sur ce territoire.
« Depuis le XIXème siècle, il n'a plus été suffisant de
planter un drapeau ou ériger un monument pour revendiquer une souveraineté
opposable à des tiers.
La découverte et l'accomplissement de quelque acte
symbolique n'ouvre droit qu'à une présomption de souveraineté, une option
permettant de se protéger de l'intervention d'autres états pour consolider ces
premières étapes par une occupation effective en un temps raisonnable. »
Les Empires coloniaux en 1898.
La nation qui revendique la souveraineté sur une terra
nullius doit démontrer qu'elle la considère véritablement comme une partie de
son propre territoire, qu'elle administre, et sur laquelle elle exerce
effectivement sa souveraineté et y fait régner sa loi par des actes concrets.
En outre, une publicité suffisante doit être donnée sur
cette revendication pour qu'elle soit acceptée au moins implicitement par les
autres pays.
Certaines terrae nullius sont protégées par les
conventions internationales, et ne peuvent pas faire l'objet d'appropriation.
C'est le cas de l'Antarctique, ainsi que des corps
célestes.
Terra nullius et Sahara occidental
Sahara espagnol.
Dans l'avis donné, à la demande de l'Assemblée générale
de l'ONU, le 16 octobre 1975, dans l' « affaire du Sahara occidental », la Cour
internationale de justice a donné de ce terme une définition restrictive : ne
peuvent plus être considérés comme terra nullius les territoires habités par
des tribus ou des peuples ayant une organisation sociale et politique.
Vue de la mosquée de Dakhla, ville sous contrôle
marocain.
Terra nullius et l'« affaire de l'île de Clipperton »
Îlot du Pacifique inhabité et difficile à aborder, l'île
de Clipperton fut un temps terra nullius.
Carte de l'île de la Passion ou île de Clipperton
Mais bien qu'il n'ait jamais connu de population
française, la souveraineté française fut reconnue le 28 janvier 1931 par
l'arbitrage de la Cour internationale et du roi Victor-Emmanuel III d'Italie.
La Cour rappela le principe qu'« il est hors de doute que
par un usage immémorial ayant force de loi, juridique outre l'animus occupandi,
la prise de possession matérielle et non fictive est une condition nécessaire de
l'occupation », mais se contenta néanmoins d'une proclamation au nom du
gouvernement français, accompagné d'un débarquement, de relevés géographiques
suivis d'inspections.
Carte des territoires outre-mer français représentant
l'île Clipperton.
La Cour déclara en effet que « si un territoire, par le
fait qu'il était totalement inhabité, est dès le premier moment où l'État
occupant y fait son apparition, à la disposition absolue et incontestée de cet
État, la prise de possession doit être considérée à partir de ce moment comme
accomplie et l'occupation est achevée par cela même ».
Terra nullius et Antarctique
Carte du monde d'après Ptolémée.
De jure, l'Antarctique est soumis à un statut
international qui lui est particulier, avec le Traité sur l'Antarctique du 1er
décembre 1959.
Illustration d'un des navires et d'un canot de la
deuxième expédition de James Cook parmi les icebergs de l'Antarctique.
Il fait que la notion de terra nullius ne s'applique plus
vraiment au continent puisque les revendications territoriales de plusieurs
États sont officiellement admises, et d'un commun accord non satisfaites.
Il reste une partie de l'Antarctique qui n'est
revendiquée par aucun État, la Terre Marie Byrd. Ce territoire se rapproche
davantage d'une terra nullius en droit.
Terra nullius et Bir Tawil
En dehors de l'Antarctique, ci-dessus citée, le Bir
Tawil, région située à la frontière entre Égypte et Soudan, est la seule région
du monde qui ne soit revendiquée par aucun État.
Cet endroit n'est revendiqué par aucun des deux pays - ni
aucun autre - et est donc de facto et de jure terra nullius.
Cette situation s'explique par le très faible intérêt de
ce territoire désertique et par la crainte des deux pays riverains de faire
perdre du poids à d'autres revendications territoriales s'ils venaient à
l'administrer.
Le 16 juin 2014, Jeremiah Heaton, un père de famille
américain, revendique la souveraineté du Bir Tawil, à la suite d'une promesse
faite à sa fille, Emily, de devenir princesse.
Il se proclame roi du Royaume du Nord-Soudan. Au 16
juillet 2014, les États voisins de l'Égypte et du Soudan n'ont pas réagi à
cette déclaration.
Terra nullius et corps célestes
L'article 2 du Traité de l'espace signé le 27 janvier
1967 interdit toute appropriation nationale par proclamation de souveraineté.
Les quatre planètes telluriques (à l'échelle) du
Système solaire : Mercure, Vénus, Terre et Mars.
Il est néanmoins envisageable qu'à l'avenir, si le
progrès technique permet une appropriation effective des objets célestes, la
notion de terra nullius retrouve un usage actuel et permette l'acquisition de
la souveraineté par un État sur des corps célestes.
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