Royaume-Uni : des enfants mal nourris…
Par Eleanor Busby − Le 11 janvier 2019 − Source The
Independant
« Des enfants mal nourris fouillent dans les poubelles de
l’école pour apaiser leur faim », déclare une directrice d’école
Des parents arrivent à l’école en larmes disant qu’ils
n’ont aucun moyen de nourrir leurs enfants.
Les enfants arrivent à l’école tellement affamés qu’ils
vont chercher de la nourriture dans les poubelles, explique la directrice
d’école.
Siobhan Collingwood, directrice de l’école primaire de
Morecambe Bay, dans le comté de Lancashire, a déclaré qu’un élève sur dix
venait de familles qui ont recours aux banques alimentaires.
« Lorsque les enfants sont affamés, cela altère leur
comportement et les rend complètement obsédés par la nourriture, ainsi nous
avons des enfants qui vont voler des noyaux de fruits dans les poubelles », a
déclaré la directrice.
S’exprimant à l’émission BBC-Breakfast, Siobhan
Collingwood a déclaré : « Nous avons des enfants qui n’ont rien dans leur
gamelle du déjeuner et qui font une fixation sur la nourriture ».
La directrice a ajouté qu’il y avait actuellement 35
enfants dans son école dont les familles sont aidées par des banques
alimentaires, en ajoutant :
« Le nombre est probablement plus élevé, mais nous ne
connaissons que ceux-là. »
En début de semaine, le Comité d’audit environnemental a
présenté les chiffres de 2017 de l’UNICEF selon lesquels 19% des enfants
britanniques de moins de 15 ans vivent avec des adultes qui ont du mal à se
procurer de la nourriture.
Siobhan Collingwood a déclaré que la faim à laquelle sont
confrontés les élèves « brisait le cœur » et ajouté qu’elle avait vu des
parents arriver à l’école et fondre en larmes, affirmant qu’ils n’avaient pas
les moyens de nourrir leurs enfants.
« Des familles me disent qu’elles se prêtent
régulièrement de la nourriture, et mon expérience quotidienne me dit que c’est
un problème qui s’aggrave de plus en plus », a-t-elle déclaré.
Siobhan Collingwood a affirmé qu’elle avait constaté
davantage de problèmes depuis l’introduction du Crédit universel, [un système
d’indemnisation unique qui regroupe et remplace une série d’indemnités sociales
qui existaient auparavant – NdT].
Ses commentaires ont eu lieu après qu’un groupe de
députés représentant plusieurs partis a appelé le gouvernement à nommer un «
ministre de la faim » pour lutter contre « l’insécurité alimentaire » – en
particulier parmi les jeunes enfants.
Eleanor Busby
Traduit par Alexandre, relu par Marie-José pour le Saker Francophone
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source : The Independant (Royaume-Uni) 2012
Changement de
Société remercie Maurice Lecomte, qui a traduit cet article.
Les preuves s’accumulent que des milliers d’enfants au
Royaume-Uni ne reçoivent pas assez à manger – et les privations financières
s’étendant, leur nombre augmente rapidement.
Chris a 10 ans. Lui et son frère sont si mal nourris que
leurs peaux sont pâles et qu’ils ont des cernes sous leurs yeux.
Leurs frères aînés ont eu une telle mauvaise alimentation
qu’ils ont perdu leurs dents d’adulte.
Ils vivent dans la sixième ville la plus riche du monde –
Londres.
Ces garçons ne sont que quatre parmi les milliers
d’enfants de Grande-Bretagne qui ont faim – victimes d’une «épidémie
silencieuse», la malnutrition dans la capitale et au-delà.
Kids Company, qui prend en charge 17.000 enfants à
Londres, a rapporté une augmentation spectaculaire du nombre d’enfants à venir
à ses rendez-vous dans les centres, qui ne sont pas en recherche d’un abri ou
de sécurité, mais de nourriture.
La situation se reflète à travers le pays.
À Barnsley, l’assistance aux enfants consiste en un
travail avec les parents dans une lutte pour qu’ils gardent des produits de
base tels que le lait, le pain et les pâtes dans leurs réserves.
A Bristol, un projet pour les jeunes qui visait à leur
offrir un lieu de conseil et de soutien, a été transformé en un endroit où ils
vont pour un repas de base.
FareShare, un organisme de bienfaisance qui redistribue
les surplus alimentaires des supermarchés, dites soupes populaires, les
auberges de jeunesse et les groupes communautaires ont du mal à satisfaire,
avec leurs distributions, la demande des parents et des jeunes « désespérés ».
Depuis Octobre, 42 % des groupes avec lesquels il
travaille ont à faire face à la demande croissante de denrées alimentaires.
Kids Company, fondée en 1996 pour apporter un soutien
pratique, affectif et éducatif aux enfants les plus vulnérables de Londres, a
vu des jeunes réduits aux vols à l’étalage, à la récupération dans les
poubelles et à manger de la viande crue.
Chaque semaine, 70 nouveaux enfants visitent l’organisme
de bienfaisance à la recherche d’un soutien et d’un repas, comparativement à 30
par semaine l’année dernière.
Beaucoup d’enfants souffrant de la faim sont issus de
familles immigrées dont les parents ne sont pas admissibles à travailler ou à
demander des prestations. Mais les parents qui travaillent et ceux vivant des
aides de l’État sont également aux prises avec le coût de la vie qui monte en
flèche et le marché de l’emploi qui stagne.
«Nous constatons effectivement que des parents
responsables ne parviennent tout simplement pas à pouvoir se payer la
nourriture pour la maisonnée »,
a déclaré Camila Batmanghelidjh, la fondatrice de Kids
Company ;
«Les enfants n’ont pas de voix publique afin de pouvoir
nous le dire. »
Le problème est peut-être encore plus visible dans les
écoles.
Kids Company cite cinq écoles du centre de Londres, où
selon les dires du personnel entre 70 et 80 % des élèves sont touchés par
l’insécurité alimentaire – ils ne savent pas toujours s’il y aura de la
nourriture à la maison pour le prochain repas.
Mais ce n’est pas seulement dans la capitale. Un sondage
effectué en Février par Netmums, le plus grand forum web pour les parents, a
constaté qu’une mère sur cinq saute régulièrement un repas pour que ses enfants
puissent manger.
En attendant, c’est une évidence pour Trussell Trust qui
soutient les banques alimentaires qui distribuent des repas à 120.000 personnes
dans le pays, et qui suggère également que le problème est de plus en plus
important.
Son président exécutif, Chris Mould, a dit qu’il y avait
eu une « forte augmentation » de la demande dans les derniers mois – et que
parmi ceux qui ont faim se trouvaient 36.000 enfants.
Même si le service est en pleine expansion, l’organisme
de bienfaisance découvre de plus en plus de personnes souffrant de carence
alimentaire, et doit de plus en plus ne compter que sur le secteur caritatif.
« Ce que nous avons vu suggère qu’il y a des milliers de
personnes dans ce pays, qui souffrent de la faim – devant faire des choix
difficiles entre, le carburant, se chauffer, le transport et la nourriture », a
t-il dit.
« La pression s’exerce le plus durement sur les mères et
les enfants. »
Pour ceux sur la ligne de front, le problème est clair.
« C’est un manque d’argent », a déclaré Charlotte
Williams, qui dirige Station House, un groupe communautaire qui offre des
services de garde d’enfants à Thurnscoe, près de Barnsley.
« Nous sommes vraiment
dans une crise.
Des parents qui travaillent voient leurs heures
amputées et beaucoup perdent leur emploi. Même lorsque les revenus sont
stables, le coût de la vie – gaz, eau, vêtements – a augmenté au point que les
gens sont obligés de serrer leur budget alimentaire pour se permettre de
répondre à d’autres besoins essentiels.
La semaine prochaine cela sera encore pire, lorsque les
crédits d’impôt aux salariés seront supprimés.
« Cette semaine, nous avons donné des fruits frais, et
les parents nous ont dit que c’était un grand jour – qu’ils n’en avaient pas eu
depuis longtemps. »
« Barnsley est un endroit où on est fiers.
Les parents ne veulent pas admettre qu’ils ne peuvent pas
acheter de la nourriture, mais quand on voit leur réaction quand il arrive que
nous ne pouvons pas donner quelque chose qui nous est demandé, vous pouvez en
déduire tout de suite quelle est la situation à la maison.
La première question que les enfants posent quand ils
arrivent devant la porte est – avez-vous de la nourriture ? »
La School Food Trust, qui conseille le gouvernement sur
la nutrition des enfants, a déclaré que pour « beaucoup trop d’enfants », le
repas gratuit à l’école était leur seul repas convenable de la journée.
« Les enseignants signalent souvent que les enfants qui
sont venus à l’école sont trop affamés pour apprendre, et sont dans la crainte
quant à savoir s’ils vont pouvoir manger dans la soirée quand ils rentrent de
l’école, » indique une porte-parole.
Dans le même temps où la demande aux organismes de bienfaisance
alimentaire de première ligne est en hausse, leur financement est compressé.
Dans un sondage de l’an dernier, FareShare constatait
qu’un organisme de bienfaisance sur trois avec lesquels il travaille était en
proie à des réductions de financement gouvernemental ; les deux tiers de la
réduction pour rester à flot, a affecté les budgets alimentaires.
Le problème de carence alimentaire de l’enfant est le
pire qu’on ait pu connaître, même dans l’expérience d’éducateurs chevronnés
tels que Mme Batmanghelidjh.
« Un grand nombre d’organismes qui pourraient aider sont
à court de financement, et sont obligés de garder leur porte fermée ou de
restreindre leur activité », dit-elle.
« Je fais ce travail de rue depuis 21 ans.
Depuis une année et demi, le manque de nourriture est
devenu un problème beaucoup plus répandu que celui que nous connaissions
auparavant. Je sais qu’un collectif de parents pratique du vol à l’étalage pour
nourrir leurs enfants. »
Cette semaine, Kids Company lance son opération « Promesse
d’Assiette » pour alerter concernant l’insécurité alimentaire, la faim et la
malnutrition parmi les enfants.
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Reportage additionnel
par Aaron Lee, Olivia Lee et Raziye Akkoc
Études de cas :
les enfants affamés
Kids Company a partagé les histoires de quelques uns des
affamés de Londres. Leurs noms ont été changés et parce que les jeunes enfants
ont du mal à articuler leur expérience, deux jeunes adultes ont été invités à
rappeler ce qu’a été leur jeunesse, avec la peur et la faim.
►Chris,
10 ans : «La seule nourriture que l’on nous a donnée a été celle à bon marché,
frite, des aliments transformés »
Chris et son frère montrent des signes de malnutrition
extrême avec la peau pâle et des cernes sous leurs yeux.
Leurs deux frères aînés ont perdu leurs quatre dents
d’adulte de devant et leur frère de deux ans a perdu ses dents de lait
prématurément.
Leur père alcoolique a quitté leur mère il y a deux ans.
Lorsque les travailleurs sociaux ont découvert la maison
de Chris, la seule nourriture que les enfants aient reçue avait été celle à bon
marché, frite, des aliments industriels transformés.
Les enfants sont extrêmement méfiants et ont été victimes
d’intimidation à l’école.
L’axe social principal de travail avec Chris a été de le
prendre maintenant à l’école tous les jours et de manger un repas sain avec lui
dans un des centres de Kids Company. Maintenant, il perd moins son sang-froid,
il est plus confiant.
►Amy,
20 ans : « J’avais tellement faim que je mangeais les éclats de brique du mur »
« Quand j’étais petite, j’étais très maigre et j’en ais
été très embarrassée.
J’avais développé un mal de ventre qui se rattachait à
mon alimentation et au stress, qui je crois était quelque chose que j’ai hérité
du stress de ma mère relatif à la crainte de ne pas avoir assez de nourriture.
La faim me réveillait dans la nuit, mais il n’y avait
rien à manger.
Quand il m’arrivait d’aller chez des gens, les parents me
faisaient autant de nourriture que possible et m’en donnaient pour moi à la
maison.
Chez mon meilleur ami je faisais le plein de biscuits
pour chiens entre les repas. Je me postais à la clôture du jardin et demandait
aux passants des sucreries ou des aliments.
Je grattais même le mur pour provoquer des éclats de
briques et mangeais ceux-ci.
Quand j’ai vécu seule dans les rues, je passais des jours
à marcher autour de Londres, en espérant me trouver en mesure de découvrir ou
voler de la nourriture.
Je regardais dans toutes les poubelles et dans tous les
recoins du sol. »
►
Joe, 20 ans : « Je pouvais à peine manger – mon estomac étant tellement
rétréci, mes côtes saillaient »
« J’avais neuf ans lorsque j’ai été arrêté pour avoir
volé dans un supermarché. J’avais tenté de prendre les aliments pour bébé pour
ma sœur.
Quand je suis arrivé à la Kids Company, je parvenais à
peine manger quelque nourriture que ce soit – mon estomac étant tellement
rétréci-, et mes côtes saillaient.
Il m’a fallu environ huit mois pour parvenir à manger ce
que je dois manger.
Mais je suis
arrivé à avoir un repas complet tous les jours.
Venir ici m’a rendu plus heureux, parce que je me trouve
beaucoup moins stressé.
Pour la première fois, j’ai eu de la stabilité. J’ai été
en mesure de mieux apprendre. J’ai pu faire beaucoup mieux les choses parce que
n’étant pas tout le temps fatigué. »