Par Alban Dignat
L'île de Mayotte a
été vendue à la France le 25 avril 1841 par le sultan local.
Elle est devenue
le 31 mars 2011 un département d'outre-mer de plein droit suite au référendum
du 29 mars 2009 initié par le gouvernement français.
Le lac Dziani est le vestige d'un des derniers
cratères volcaniques de Mayotte (éteint il y a environ 500 000 ans). C'est à
son pied, à une dizaine de kilomètres du rivage et 3,5 km de profondeur, qu'est
apparu un nouveau volcan sous-marin début 2019, responsable de nombreux
séismes.
Franck Bouttemy http://www.geodiversite.net/auteur197
— http://www.geodiversite.net/media1017
Elle n'en demeure pas moins une société de type colonial,
où une poignée d'« expats » (expatriés) tente de contenir une population
démunie, jeune, illettrée, en croissance exponentielle, attachée à son identité
comorienne ou africaine, toujours au bord de l'explosion.
Mayotte,
comorienne avant tout
Logo du Conseil départemental.
CD976 — http://www.cg976.fr/pratique/mediatheque/la-logotheque
Mayotte (374 km2), située dans l'archipel des Comores,
entre l'Afrique et Madagascar, est en fait constituée de deux îles entourées
d'un récif corallien et d'un lagon que l'on dit le plus beau du monde !
Sa population a crû
de 3 000 habitants en 1841 à près de 300 000 au début du XXIe siècle. Près de
la moitié sont aujourd'hui des immigrants illégaux venus des Comores ou
d'Afrique noire.
Location of Mayotte. TUBS
Rien ne distingue les Mahorais, habitants originels de
Mayotte, de leurs voisins des autres îles comoriennes. La grande majorité parle
une langue bantoue (africaine), le shimaoré.
Les autres parlent un dialecte malgache, le shibouski. Le
français demeure une langue d'importation comme en Afrique noire.
Carte de Mayotte, l’île-hippocampe. Rémi Kaupp
Tous les habitants
ou presque sont musulmans.
Ils suivent le droit islamique appliqué par 22 cadis
(juges) officiels.
La polygamie est très largement pratiquée.
Elle est tolérée par la loi française mais interdite (en
théorie) aux nouvelles générations nées après 1985.
La production se réduit à quelques productions vivrières
et les exportations, insignifiantes, à des clous de girofle et du parfum dérivé
de l'ylang-ylang.
Une possession
délaissée
Le climat de Mayotte est résolument tropical (d'alizé
maritime). Frédéric Ducarme — Travail personnel
Vue de la plage de Nyambadao (commune de Bandrélé), à
Mayotte.
Les Comores étaient, au XIXe siècle, l'objet de luttes
incessantes entre les chefs locaux, les « sultans batailleurs ».
Leur principale
activité consistait dans le trafic d'esclaves à destination du Moyen-Orient.
Plage de Sakouli et ses baobabs. Frédéric Ducarme —
Travail personnel
Le sultan qui régnait sur Mayotte, en bisbille avec son
voisin de l'île d'Anjouan, appela au secours un Français, le commandant Pierre
Passot.
Par le traité du
25 avril 1841, il céda son île à la France en contrepartie d'une indemnité de
1000 piastres.
Paysages de padzas surplombant Passamaïnty. Frédéric
Ducarme — Photographie personnelle
C'est ainsi que
Mayotte est entrée dans le giron de la France.
Jean-Pierre Dalbéra from Paris, France — Le centre
universitaire (Dembéni, Mayotte)
Le Centre universitaire de Mayotte est un
établissement public d'enseignement supérieur, il a été créé en 2011 (décret no
2011-1299 modifié du 12 octobre 2011). Le directeur actuel est Aurélien Siri,
maître de conférence en droit privé. Il est doté d'un pôle culturel dirigé par
Jean-Louis Rose, PRAG de Lettres modernes Ses objectifs : - Développer les
pratiques artistiques encadrées par des professionnels, - Découvrir et
comprendre les cultures locales, - Favoriser la découverte des métiers liés à
la culture et ouvrir les étudiants sur des cultures extérieures (séjours,
conférences, concerts).
www.univ-mayotte.fr/fr/vie-de-campus/pole-culture/le-pole... Le site web du
Centre Universitaire de Formation et de Recherche de Mayotte
www.univ-mayotte.fr/fr/index.html
usqu'à la fin de l'époque coloniale, la présence
française à Mayotte et aux Comores se ramena à très peu de chose, l'archipel
n'ayant guère d'intérêt pour la métropole.
Ripisylve tropicale caractéristique à Mayotte, avec de
grands manguiers couverts d'épiphytes. Frédéric Ducarme — Photographie
personnelle
L'esclavage fut néanmoins aboli à Mayotte dès le 9
décembre 1846, soit sous le règne de Louis-Philippe et avant le décret de
Schoelcher.
Il est vrai que l'abolition n'affectait ici les intérêts
d'aucun planteur européen...
Une grande partie de la population vit dans des cases
en tôle, improprement appelées « bangas ». franek2
De proche en
proche, les sultans voisins demandèrent à bénéficier du protectorat de la
France et en 1887, l'ensemble de l'archipel (Mayotte, Anjouan, Grande Comore et
Mohéli) devient colonie française.
Survol drone des ilots choisils et prise de vue du
récif frangeant. Un des plus dynamiques de l'île de Mayotte, département
français depuis 2011 - JeRome — Travail personnel
Au XXe siècle, les Comores furent de fait gouvernées à
partir de la colonie voisine de Madagascar.
Surpeuplées, pauvres et sans ressources, éloignées des
grandes routes maritimes, elles n'intéressaient guère l'administration
coloniale.
Une très vieille colonie de corail (Porites) sur la
barrière ouest.
Frédéric Ducarme — Travail personnel
Un ensemble corallien des récifs de Mayotte. On note
une très grosse colonie de Porites et de nombreux anthias, mais aussi un
bénitier, des colonies d'hydraires et de coraux comme un Pocillopora.
Maladresses
parisiennes
Après la Seconde Guerre mondiale, Paris dissipa les
espoirs des élites qui, aux Comores comme à Madagascar et même en Afrique
noire, caressaient l'espoir d'une intégration pleine et entière dans la République.
Une tortue verte (Chelonia mydas) à N'Gouja. Frédéric
Ducarme — Travail personnel
En 1968, la France
concède à l'archipel des Comores une large autonomie interne, prélude à
l'indépendance.
Mais dès lors,
Paris accumule les maladresses en réveillant la rivalité entre les îles (note).
Colonie de corail fracassée, par une ancre ou par un
baigneur maladroit. Si elle survit, elle mettra plusieurs longues années à se
reconstituer. Frédéric Ducarme — Travail personnel
Ainsi la capitale administrative est-elle transférée de
Dzaoudzi (Mayotte) à Moroni (Grande Comore).
L'arrogance des nouveaux fonctionnaires ne tarde pas à
indisposer les Mahorais.
L'ancienne préfecture, de style Eiffel, construite en
1881.
David Stanley from Nanaimo,
Canada — Eiffel Building Uploaded by AlbertHerring
Pour ne rien arranger, le gouvernement parie sur un riche commerçant d'Anjouan,
Ahmed Abdallah, pour diriger le pays après l'indépendance.
Mais l'homme, irascible et sans assise politique, fait
peur aux Mahorais.
Lors du référendum du 22 décembre 1974, ils se prononcent
à 63% contre l'indépendance et les autres Comoriens à 95% pour.
Le conseil départemental à Mamoudzou.
Jean-Pierre Dalbéra from Paris, France —Mayotte est
une région ultrapériphérique (RUP) de l'Europe, l'instrument financier de la
coopération entre Mayotte et l'UE est le fonds européen de développement (FED)
Le conseil départemental de Mayotte www.cg976.fr/
Le Parlement, embarrassé, exige que la future
Constitution des Comores soit approuvée île par île, ce qui fait fi de la
légalité internationale (note).
Comme on pouvait s'y attendre, la Constitution est rejeté
par Mayotte cependant qu'Ahmed Abdallah proclame de façon précipitée une
indépendance unilatérale.
C'est ainsi que Mayotte reste sur le bas côté.
Mosquée de M’Tsapéré.
Jean-Pierre Dalbéra from Paris, France — La mosquée de
Mtsapéré (Mayotte)
La population mahoraise pratique un Islam modéré,
d'origine sunnite, selon la voie shafeïte kamania comme dans la plupart des
pays du canal du Mozambique. Mosquée et école coranique organisent pratique et
enseignement de la foi islamique, autour des autorités coutumières :
"Fundi, Cheiha et Cadis"
Moins d'un mois plus tard, le 3 août 1975, Ahmed Abdallah
est renversé.
Trop tard pour changer le cours des choses.
Les Nations unies dénoncent cette violation des
frontières issues de la colonisation : la résolution 3385 du 12 novembre 1975
réaffirme « la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de
l’archipel des Comores, composées des îles d’Anjouan, de la Grande-Comore, de
Mayotte et de Mohéli ».
Vue de Sada, avec son minaret. Christophe Laborderie —
mayotte 2005 paysage 003
Il n'empêche que
le 8 février 1976, les habitants de Mayotte expriment par référendum à 99% leur
volonté de rester dans le giron de la France.
Ils n'ont plus
envie de retrouver la pétaudière comorienne.
Sous la protection
de la France
Depuis lors, l'île est administrée par des fonctionnaires
venus en quasi-totalité de métropole.
Elle est toujours revendiquée par le gouvernement
comorien qui a l'appui de la communauté internationale.
Mais les dissensions au sein des Comores et la
quasi-sécession de l'île d'Anjouan rendent improbable la mainmise des Comoriens
sur Mayotte.
Dans
l'indifférence des médias et des commentateurs, le gouvernement de Nicolas
Sarkozy leur ouvre la voie de la départementalisation.
Le 29 mars 2009,
les Mahorais se prononcent à une écrasante majorité sur la transformation de
leur collectivité en département d'outre-mer, à l'image des vieilles colonies
de la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion.
Ils renoncent à la voie de l'indépendance, sur laquelle
se sont engagés les territoires d'outre-mer de Polynésie et Nouvelle-Calédonie,
qui sont comme eux vieilles terres de culture et d'Histoire avec une identité
propre.
Le défi mahorais
À l'automne 2011, des émeutes violentes - avec mort
d'homme - opposent la jeunesse de Mayotte aux policiers venus de métropole.
Elles révèlent une
société coloniale très éloignée du rêve assimilationniste et dont le
fonctionnement est assuré plutôt mal que bien par les « expatriés » ou «
m'zungus » (administrateurs, enseignants, médecins).
Certains de ces
métropolitains blancs, riches de leurs salaires et de leurs primes, se laissent
corrompre par l'atmosphère locale : soirées alcoolisées, consommation sexuelle
de mineures etc.
Sauf à échouer, la départementalisation de l'île
nécessitera dans les décennies à venir des efforts considérables de l'État
français pour faire fi aux défis politiques, sociaux, culturels et économiques
:
• corruption
endémique de la classe politique locale,
• analphabétisme
et méconnaissance de la langue française,
• prévalence du
droit coutumier coranique sur la loi française,
• principaux
commerces aux mains des marchands indo-pakistanais,
•
sous-développement aigu et absence de toute activité économique significative,
• surpeuplement et
natalité exubérante,
• forte pression
migratoire en provenance des Comores, de Madagascar, voire de l'Afrique des
Grands Lacs (on compte en 2009, à Mayotte, plusieurs milliers d'enfants
clandestins à la charge de la collectivité et dont la mère a péri dans un
naufrage),
• montée des
violences entre Mahorais et immigrés illégaux comoriens ou africains.
L'avenir s'avère
d'autant plus sombre que les Mahorais de souche tendent à abandonner leur île
aux immigrants illégaux.
Ils usent de leur
citoyenneté pour aller chercher une vie plus sereine à la Réunion ou en
métropole (Marseille abrite plus de Comoriens que Mayotte).
Ceux qui sont encore présents sur l'île manifestent leur
colère en prenant des armes pour combattre les clandestins ainsi qu'en donnant
leurs votes à l'extrême-droite...
Aux élections
présidentielles de mai 2017, la candidate du Front national a ainsi recueilli
42,85% des suffrages exprimés, soit nettement plus que la moyenne
métropolitaine (note).
Par une aberration
singulière, les immigrants illégaux et leurs enfants, qui ne peuvent sortir de
l'île légalement, pourraient bientôt devenir les seuls habitants permanents de
l'île, aux côtés des policiers et administrateurs métropolitains.
Sans doute la départementalisation de Mayotte
demeurera-t-elle dans l'Histoire comme le legs le plus coûteux et le plus lourd
de conséquences de la présidence Sarkozy.
……………………….
En 2017, la population de Mayotte est de 256 518
habitants2 (contre 212 645 habitants en 201211) répartie sur 376 km2. Elle a
ainsi la plus forte densité de population de la France d’outre-mer, avec 682
hab./km2 en 2017 (565 hab./km2 en 2012), mais aussi le plus fort taux de
fécondité avec près de cinq enfants par femme en moyenne et le plus fort taux
de pauvreté (84 %). Ses habitants sont appelés les Mahorais.