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La bataille de Bouvines par Horace Vernet (1827).
La bataille de
Bouvines est une bataille qui se déroula le dimanche 27 juillet 1214 près de
Bouvines, dans le comté de Flandre (aujourd’hui dans le département du Nord),
en France, et opposant les troupes
royales françaises de Philippe Auguste, renforcées par quelques milices
communales, à une coalition
constituée de princes et seigneurs flamands, allemands et français renforcés de
contingents anglais, menée par l’empereur du Saint-Empire Otton IV.
« Philippe-Auguste à Bouvines », illustration publiée
dans le supplément illustré du Petit Journal, 26 juillet 1914.
La victoire est
emportée par le roi de France et marque le début du déclin de la prédominance
seigneuriale.
Jean sans Terre, qui attaquait conjointement depuis la
Saintonge, doit accepter le traité de Chinon et se retirer ; puis le 15 juin
1215, les barons anglais lui imposent la Grande Charte.
Contraint de fuir, Otton IV est déposé et remplacé par
Frédéric II.
« Philippe Auguste à la bataille de Bouvines (1214) »,
illustration de Henri Grobet, 1902.
La bataille s’inscrit dans la série de conflits ayant
opposé Capétiens et Plantagenêt au XIIe siècle et XIIIe siècle et plus
précisément dans l’affrontement entre le roi de France Philippe Auguste et le
roi anglais Jean sans Terre.
En 1202, Philippe
Auguste condamne Jean sans Terre à la confiscation de l’ensemble de ses fiefs
situés dans le royaume de France pour avoir refusé de donner la justice à l’un
de ses vassaux.
Après la bataille de Bouvines, Philippe Auguste ramène
ses prisonniers Ferrand de Portugal, comte de Flandre, et Renaud, comte de
Boulogne. Enluminure des Grandes Chroniques de France de Charles V, vers
1370-1379. BnF, département des manuscrits, ms. Français 2813, fo 258 vo.
Philippe s’empare
de la Normandie en 1204, puis des terres des pays de la Loire au cours des
années suivantes.
Après les campagnes victorieuses du roi de France, Jean
sans Terre ne contrôle plus qu’une petite portion de territoire autour de
l’Aquitaine.
L’armée quittant le champ de bataille de Bouvines.
Enluminure des Grandes Chroniques de France de Charles V, vers 1370-1379. BnF,
département des manuscrits, ms. Français 2813, fo 256 ro.
En 1214, le royaume
de France est menacé car Jean sans Terre décide de s’en emparer.
Il réussit à
monter, contre Philippe Auguste, une vaste coalition avec
- Renaud de Dammartin, comte de Boulogne,
- Guillaume Ier, comte de Hollande,
- le fils cadet du roi de Portugal Ferrand, comte de
Flandre,
- Henri Ier, duc de Brabant,
- Thiébaud Ier, duc de Lorraine,
- Henri III, duc de Limbourg,
- et surtout l’empereur romain germanique Otton IV.
La plupart des seigneurs installés entre l’Escaut et le
Rhin se joignent à cette coalition.
L’année précédente, alors que Philippe guerroyait déjà
contre le comte Ferrand, les Anglais avaient anéanti la flotte française dans
le port de Damme (31 mai 1213).
Vol de nuit — Transféré de fr.wikipedia à Commons.
Les conquêtes territoriales de Philippe Auguste, entre
son avènement (1180) et sa mort (1223).
Les coalisés envisagent un plan d’invasion d’envergure
dans lequel les troupes anglaises de Jean sans Terre attaqueraient par La
Rochelle et Otton et ses alliés à la tête d’une armée un peu plus nombreuse que
celle de Philippe Auguste par le Nord.
En Flandre, le roi de France ne contrôle plus que les
villes de Douai et de Cassel.
Philippe Auguste charge le prince Louis, futur roi Louis
VIII, de garder la Loire avec une armée de 14 000 hommes.
À la nouvelle de la victoire de la Roche-aux-Moines (2
juillet), Philippe décide de prendre l’initiative sur le front nord avec le
reste de son armée, avant que les renforts lorrains et allemands ne rejoignent
les troupes de l’empereur.
Bataille de Bouvines. Enluminure des Grandes
Chroniques de France, vers 1330. Bibliothèque municipale de Chartres, BM 0003,
fo 282 vo.
Avant la bataille,
une préparation tactique
Otton arrive avec son armée le 12 juillet à Nivelle et se
dirige vers Valenciennes, où il établit son camp.
Le 23 juillet, après avoir convoqué ses vassaux, ses
arrière-vassaux et les milices des communes, Philippe Auguste et son armée,
forte de 1 300 chevaliers et entre 4 000 et 6 000 piétons, quittent Péronne
pour Douai et plantent l’oriflamme de Saint-Denis à Tournai le 26.
Le roi entend couper ses ennemis des renforts en
provenance d’Allemagne et tente de surprendre Otton par le Nord-Est.
L’empereur a vent de la manœuvre de Philippe Auguste et
se déplace à Mortagne, à quelques lieues de l’armée royale.
Après avoir observé l’armée d’Otton à deux lieues de
distance, Philippe Auguste propose à ses généraux d’attaquer.
Les barons, conscients de leur infériorité numérique, le
lui déconseillent ; il décide de se replier sur Lille.
Otton pense que le roi de France veut éviter la bataille
et ses armées pensent que l’ennemi fuit.
Il dispose alors son armée en trois colonnes :
- la colonne de gauche, conduite par le comte Ferrand, se
compose de la noblesse flamande et hollandaise ;
- la colonne centrale, sous le commandement direct de
l’Empereur, comprend 800 hommes d’armes du Brunswick, l’infanterie allemande et
un corps de réserve de 16 000 Saxons ;
- la colonne de droite, commandée par Renaud de Boulogne,
est formée des vassaux de Renaud, de vieilles bandes de routiers et de
Brabançons qu’il a pris à sa solde et de 6 000 chevaliers ou archers anglais
conduit par le comte de Salisbury, frère naturel de Jean sans Terre.
Ils suivent l’armée française qui se replie le dimanche
27 juillet.
Arrivée à proximité d’un étang sur sa droite et d’un bois
sur sa gauche, l’armée française doit traverser la rivière Marque et emprunter
le pont de Bouvines situé entre Cysoing et Sainghin, indique Guillaume le
Breton, chroniqueur de Philippe II et auteur de La Philippide.
C’est un véritable entonnoir : étang à gauche et bois à
droite, on ne peut se battre ni dans l’un, ni dans l’autre.
Otton s’étonne d’avoir rattrapé le roi de France (qui a
sans doute attiré l’empereur dans ce piège).
Bien que l’Église l’interdise, Otton, déjà excommunié,
décide de lancer l’attaque sur ce qui est alors l’arrière-garde française.
Philippe Auguste peut livrer bataille. Son armée se
retourne brusquement.
Or, entre l’étang et le bois, l’armée française se
déploie en ligne, ainsi son infériorité numérique est effacée. L’armée d’Otton
n’a plus l’espace nécessaire pour se déployer convenablement, son avantage en
surnombre ne peut plus jouer, pire, elle est devenue bien trop nombreuse, elle
se gêne et se piétine elle-même.
La bataille
Les forces en
présence
Si aujourd’hui encore, l’évaluation des forces en
présence suscite des controverses — l’historiographie française classique fait
souvent référence à des troupes coalisées trois fois plus nombreuses que celles
du roi de France (Philippe Contamine n’est pas de cet avis :
« En face, ses adversaires n’avaient pas une supériorité
numérique évidente ») — on sait par Guillaume le Breton, chapelain de Philippe
II présent à Bouvines, que les lignes de combattants se tenaient en ligne dans
un espace de 40 000 pieds (15 hectares), ce qui ne laisse pas beaucoup de
dégagement et prédispose au corps à corps.
Guillaume le Breton ajoute dans sa chronique que « les
deux lignes de combattants étaient séparées par un espace peu considérable ».
Philippe Auguste avait lancé alors un appel aux communes
du Nord de la France, afin d’obtenir leur concours.
Dix-sept des trente-neuf communes de l’État capétien
répondent à l’appel :
- Arras envoie 1 000 miliciens,
- la région d’Abbeville 2 000 hommes,
- Paris envoie un corps de 2 000 hommes, dont 1 750
restent sur le champ de bataille.
Au total, l’armée royale atteindrait 7 000 combattants.
Armée royale
L’armée royale est divisée en trois batailles :
L’aile droite, composée de chevaliers champenois et
bourguignons, est commandée par le duc Eudes de Bourgogne et ses lieutenants :
- Gaucher III de Châtillon, comte de Saint-Pol,
- le comte Guillaume Ier de Sancerre,
- le comte de Beaumont, Mathieu de Montmorency et le
vicomte Adam II de Melun.
Cette aile droite est composée des hommes d’armes et des
milices paroissiales de Bourgogne, de Champagne et de Picardie et couverte par
les sergents à cheval du Soissonnais.
La bataille centrale est menée par Philippe Auguste et
ses principaux chevaliers : - Guillaume des Barres,
- Barthélemy de Roye,
-Girard Scophe dit « Girard la Truie »,
-Guillaume de Garlande,
-Enguerrand III de Coucy,
-Étienne de Longchamps
-et Gautier de Nemours.
Ce centre se composait de l’infanterie des communes
d’Île-de-France et de la Normandie, en avant du roi et de ses chevaliers.
L’aile gauche, composée de chevaliers et de la piétaille
est emmenée par Robert de Dreux et le comte Guillaume de Ponthieu.
Cette aile gauche est composée de la gendarmerie bretonne,
des milices de Dreux, du Perche, du Ponthieu et du Vimeux.
Le pont de Bouvines, unique moyen de retraite à travers
les marécages, est gardé par 150 sergents d’armes du roi qui forment la seule
réserve des troupes françaises.
Armée des coalisés
Otton a également divisé son armée en trois groupes :
Le flanc gauche, sous les ordres du comte de Flandre et
du Hainaut Ferrand avec ses chevaliers flamands — dirigés par Arnaud
d'Audenarde.
On y trouve les soldats de la Flandre et du Hainaut.
Le centre sous le commandement d'Otton, celui de
Thiébaud, duc de Lorraine, d’Henri, duc de Brabant, et du comte Philippe II de
Courtenay-Namur : on y trouve des soldats saxons, des chevaliers et des
fantassins brabançons et allemands.
Au centre, l’infanterie allemande est formée de phalanges
profondes, hérissées de piques et flanquée par des compagnies formées en coin,
puis en deuxième ligne, l’infanterie saxonne en réserve.
Dans l’intervalle, se tenait Otton entouré de 50
chevaliers allemands.
Le flanc droit, sous les ordres de Renaud de Dammartin,
comprend également de l’infanterie brabançonne et des chevaliers anglais — sous
les ordres du comte de Salisbury Guillaume de Longuépée.
À l’extrême droite, appuyés à la Marque les archers
anglais et les routiers du Brabant flanquaient les noblesses des deux Lorraines
et du Palatinat.
Les événements
Le roi Philippe Auguste, veillant à conserver le soutien
de la papauté ainsi qu’à éviter les refus de transgresser un tabou religieux de
la part de ses troupes, exclut l’hypothèse d’attaquer un dimanche, jour dédié à
Dieu et non à la guerre, mais n’écarte pas l’idée de se défendre.
C’est ainsi que le roi, en fin stratège, pousse les
coalisés à attaquer.
Le premier choc fait s’affronter les forces d’Eudes de
Bourgogne et l’aile gauche de l’armée d’Otton, commandée par Ferrand de
Flandre.
L’affrontement au centre est en revanche initialement
dominé par l’infanterie de l’empereur, avec l’objectif de tuer Philippe
Auguste.
Une partie des troupes coalisées de l’aile gauche se
déporte au centre pour soutenir l’effort de capture du roi de France.
Enguerrand III de Coucy charge Otton lance baissée et le
désarçonne.
Au même moment Philippe Auguste est à la merci des
soldats allemands et ne doit son salut qu’à l’intervention in extremis de ses
chevaliers qui abandonnent l’Empereur et agitent l’oriflamme pour rassurer les
combattants français, et notamment de son chambellan Pierre Tristan qui lui
fait un rempart de son corps.
Mais par contrecoup une faille apparaît sur l’aile gauche
des coalisés.
Ce qui facilite une percée de l’aile droite française,
qui, à revers, surprend Ferrand.
Les chevaliers chargent vigoureusement et au bout de
quelques heures, Ferrand se rend.
La capture de Ferrand consacre la déroute du flanc gauche
d’Otton.
Au centre et à gauche, les gens d’armes d’Otton
s’empilent systématiquement sur les blessés et les morts qui sont en ligne de
front, et sur lesquels trébuchent ceux qui essaient de reculer sous la charge
des Français.
Ceux qui sont à l’arrière ne comprennent pas ce qui se
passe devant.
Ils commencent à voir des fuyards.
C’est le début de la débandade sur une partie du front.
Quelques instants plus tard, Otton manque à son tour de
se faire tuer par les chevaliers français Guillaume des Barres et Girard La
Truie.
Il ne doit son salut qu’à sa fuite du champ de bataille,
et, au-delà, à sa fuite sous déguisement.
Robert de Dreux est rapidement en difficulté avec son
contingent.
Ses troupes, d’abord enfoncées par les hommes conduits
par Guillaume de Longue-Épée et Renaud de Dammartin, sont obligées de défendre
le pont de Bouvines pied à pied.
Guillaume de Longue-Épée capturé, ses soldats anglais
prennent la fuite.
Mathieu II de Montmorency s’empare lui-même de douze bannières
ennemies (en souvenir de cet exploit, le blason des Montmorency comportera
douze aigles supplémentaires soit seize, au lieu de quatre auparavant).
Renaud de Dammartin, le dernier à résister farouchement
sur le champ de bataille, finit par se rendre à la vue de la débandade générale
de ses alliés.
La victoire de Philippe Auguste est totale, ses pertes en
hommes minimes et une bonne partie des seigneurs coalisés est prisonnière.
Après la bataille,
un bilan très positif pour le roi de France
Selon Jean Favier, Bouvines est « l’une des batailles
décisives et symboliques de l’histoire de France ».
Pour Philippe Contamine, « la bataille de Bouvines eut à
la fois d’importantes conséquences et un grand retentissement ».
Otton s’enfuit et
perd sa couronne.
Ferrand de Flandre passe quinze ans en prison au château
du Louvre.
Philippe Auguste confisque les terres de Renaud de
Dammartin pour les donner à son fils Philippe Hurepel et marie celui-ci avec
Mathilde de Dammartin, fille de Renaud.
Ce dernier restera emprisonné dans la forteresse du
Goulet jusqu’à sa mort en 1227.
Jean sans Terre doit accepter le traité de Chinon :
dépossédé de la Normandie, du Maine, de l’Anjou, de la Touraine et de la
Bretagne depuis 1206, Jean sans Terre cesse les hostilités contre la France, et
regagne l’Angleterre.
Pour sauver sa couronne, il est contraint d’accorder à
ses barons la Grande Charte (1215).
Du côté français, la dynastie capétienne sort renforcée
tandis que les récentes acquisitions de Philippe Auguste sur Jean sans Terre
sont consolidées.
Contrairement à Jean sans Terre, Philippe Auguste est
désormais l’arbitre incontesté au-dessus de ses barons.
Le retour de Philippe Auguste à Paris est triomphal ; les
festivités — qui durèrent six jours — seront exploitées par la monarchie pour
en faire l’une des premières manifestations de l’unité nationale : Philippe
Auguste écrit à l’université de Paris : «
Louez Dieu !, car nous venons d’échapper au plus grave danger qui nous ait pu
menacer… ».
Au lendemain de cette bataille, Philippe Auguste fonde,
entre Senlis et Mont-l'Évêque, l’abbaye de la Victoire, qui sera intégrée au
domaine de l'évêque de Senlis en 1486.
Monument aux morts de Bouvines. Serge Ottaviani
Commémorations
En juillet 1914, une commémoration est organisée pour le
700e anniversaire de la bataille.
Une souscription est lancée pour ériger un monument mais
le déclenchement de la Première Guerre mondiale bloque le projet.
La stèle monumentale sert à la fin du conflit de monument
aux morts.
Un lien est néanmoins fait avec la bataille de Bouvines
avec en haut du monument, sous le nom « Bouvines », le rappel des deux années,
« 1214 - 1914 ». Y figure aussi une inscription de Paul Bourget :
« La bataille de
la Marne c’est Bouvines renouvelé à sept cents ans de distance. »
En 2014, la ville de Bouvines a créé un jeu de son et
lumière pour les 800 ans de la bataille.
Le texte a été écrit par Alain Streck et mis en scène par
Émilie Tommasi.
À cette occasion, le Tour de France 2014 passe par
Bouvines, lors de la 5e étape.
Le prétendant légitimiste Louis de Bourbon, héritier
théorique du roi Philippe Auguste, participe à la cérémonie officielle du 27
juillet 2014, en présence du prince Axel de Bourbon-Parme, du prince
Charles-Emmanuel de Bauffremont-Courtenay et de son épouse, du comte de
Beaumont-Beynac et du baron Hervé Pinoteau.
En 2015, une nouvelle association « Bouvines, l’aventure
continue » est créée pour continuer à faire vivre le jeu de son et lumière
retraçant la bataille. Le spectacle est reprogrammé pour le début du mois de
juillet 2016 toujours écrit par Alain Streck et mis en scène par Manuela
Dumortier.
Plus d’une centaine de bénévoles présentent sur scène
cette bataille historique débutant par le mariage de Jeanne de Flandre et
Ferrand en 1212.
Dans l’un de ses articles, la presse locale parle du «
Puy-du-Fou du Nord ».
Œuvres concernant
la bataille
Horace Vernet peint le tableau Bataille de Bouvines, 27
juillet 1214 en 1827, il est visible dans la galerie des Batailles, au château
de Versailles.
Georges Mathieu peint également un tableau intitulé La
Bataille de Bouvines, dans le style de l'abstraction lyrique, exposé au musée
Georges Pompidou.
Un épisode de la série télévisée Points de repères
intitulé Bouvines, la France en péril a été diffusé sur Arte le 2 octobre 2016.
Site classé
L'ensemble formé par le champ de bataille de Bouvines et
ses abords, sur le territoire des communes d'Anstaing, Baisieux, Bourghelles,
Bouvines, Camphin-en-Pévèle, Chéreng, Cysoing, Fretin, Gruson, Louvil,
Sainghin-en-Mélantois et Wannehain est classé parmi les sites du département du
Nord