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17.12.2018.
Détournement de l'œuvre La Liberté guidant le peuple
Les forces de l’ordre ont utilisé des flashball, des
grenades de désencerclement et des gaz lacrymogènes contre des manifestants
majoritairement pacifiques. Nous avons pu recenser de nombreux cas de recours
excessifs à la force par des policiers.
Des "gilets jaunes" sur les Champs-Élysées le
15 décembre 2018.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP
Il est vrai que le maintien de l'ordre pendant les
manifestations est une tâche délicate et que certains manifestants ont commis
des actes violents et illégaux, mais il n'en reste pas moins indispensable de
respecter le droit français.
La proposition de référendum d'initiative citoyenne
défendue par des Gilets jaunes.
Les policiers ont le devoir de maintenir l'ordre public
et, ce faisant, ne peuvent recourir à la force que lorsque cela est strictement
nécessaire. Lorsque le recours à la force est inévitable, ils doivent en user
avec retenue.
Selon les chiffres officiels, 1 407 manifestants ont été
blessés, dont 46 grièvement, depuis le début des manifestations le 17 novembre
2018.
Des "gilets jaunes" toulousains.
Illustration. — F. Scheiber - Sipa
Au total, 717 policiers, gendarmes et pompiers ont aussi
souffert de violences. Or, si les autorités ont, de manière tout à fait
légitime, condamné à maintes reprises les actes de violence commis par des
manifestants, elles n'ont pas exprimé d'inquiétudes concernant le recours
excessif à la force par des policiers, qui doit faire l'objet d'une enquête
indépendante, impartiale et efficace.
Comprendre : Info et intox sur le droit de manifester
Des récits de victimes et de témoins, ainsi que des
vidéos que nous avons examinées montrent que la police a fait un usage
inapproprié des flashball, en tirant sur la foule. Elle a aussi lancé des grenades
de désencerclement, qui ne devraient jamais être utilisées dans des opérations
de maintien de l'ordre.
L’avenue des Champs-Élysées au soir du 24 novembre 2018.
Selon les chiffres officiels, 225 personnes ont été
blessées durant les manifestations du 8 décembre à Paris.
Audrey, une secouriste qui se trouvait sur place a
indiqué que dix des quinze personnes soignées par son équipe avaient été
blessées par des flashball, dont une à la tête.
Panneau revendicatif posé par des Gilets jaunes
(Belfort, le 17 novembre 2018).
Outre des manifestants, de nombreux journalistes ont été
blessés, et certains ont affirmé avoir été délibérément visés. Une vidéo montre
un journaliste portant un casque de presse touché dans le dos par une grenade
de désencerclement alors qu'il s'éloignait du cordon de policiers.
Les photographes étaient vraiment ciblés.
Thierry Olivier, photojournaliste
Un autre journaliste, qui a souhaité rester anonyme, a
raconté que lui et ses collègues avaient été « visés à plusieurs reprises par
des tirs de flashball de la part des forces de l’ordre ».
Publié par wikistrike.com sur 18 Novembre 2018
Thomas Morel-Fort, journaliste également, souffre de
multiples fractures à la main après avoir été touché par un tir de flashball,
alors qu'il portait un casque sur les deux côtés duquel figurait clairement la
mention « presse ».
Lire aussi : Cinq décisions à prendre pour garantir le
droit de manifester
Gilets jaunes au rond point de Rambervillers. Photo
Philippe Briqueleur
FOUILLES ET CONFISCATIONS
Les forces de l'ordre semblent avoir adopté une tactique
délibérée consistant à installer des barrages pour fouiller toutes les
personnes qui se rendaient aux manifestations, afin de confisquer les
équipements de protection des manifestants, des journalistes et même du
personnel médical.
Paris, le 24 novembre 2018. Sur les Champs-Elysées, aux
alentours de la place de l'Etoile et de l'Arc de Triomphe, en fin de
manifestation des gilets jaunes, après une après-midi d'affrontements violents
avec la police. Photo Denis Allard pour Libération
Denis Meyer, photographe, a raconté que des policiers lui
avaient confisqué son casque, ses lunettes de protection et son masque, et
qu'il avait par la suite été blessé par une balle de flashball tirée à faible
distance.
la manifestation parisienne des "gilets
jaunes" samedi a donné lieu à des heurts, que le gouvernement a imputé à
des "séditieux" d’ultradroite.BERTRAND GUAY AFP
Denis Meyer, photographe
Audrey, la secouriste, a indiqué qu'elle s'était fait
confisquer non seulement ses propres équipements de sécurité, mais aussi ceux
qu'elle avait dans son sac pour les personnes blessées : « Ils m'ont confisqué
mon casque de protection blanc avec une croix rouge, mes lunettes de protection
transparentes, ainsi que les autres masques et lunettes que j'avais en plus. »
Echange tendu entre les Gilets jaunes et les CRS.LUCAS
BARIOULET AFP
Elle ne saurait dire combien de victimes du gaz
lacrymogène elle a soignées. « Le gaz lacrymogène a commencé vers 10 heures du
matin et a été continu pendant quatre ou cinq heures. Des gens avaient du mal à
se déplacer. Un homme a inhalé tellement de lacrymo qu’il s’est retrouvé à
genoux avec des spasmes, il tremblait de partout. »
La police a aussi pris des mesures préventives, fouillant
des gens qui ne présentaient pas forcément un risque de violence imminent.
Certains "gilets jaunes" veulent éviter les
gaz lacrymogènes : "on vient juste manifester pacifiquement et on se fait
gazer. On voit comment on est reçu à Paris"LUCAS BARIOULET AFP
Non seulement ces personnes se sont fait confisquer leurs
équipements de protection, mais en plus le simple fait qu'elles soient en
possession de tels équipements a été utilisé comme prétexte pour les arrêter.
Le 8 décembre, près de 400 personnes qui se rendaient aux
manifestations ont été arrêtées à Paris après avoir été fouillées à des
barrages de police. Ces « arrestations préventives » ont été rendues possible
par l'autorisation accordée aux policiers, sur réquisitions du procureur de la
République, de mener des opérations de fouilles dans certaines zones.
© Sputnik .
De nombreuses personnes trouvées en possession d'objets
tels que des casques, de la peinture ou des masques ont été arrêtées pour «
délit de participation à un groupement violent ».
Beaucoup ont été libérées dès le lendemain faute de
preuves suffisantes. Selon les chiffres publiés par le ministère de
l'Intérieur, au total 1 082 personnes ont été arrêtées à Paris le 8 décembre,
dont 100 mineurs.
LES LYCÉENS ÉGALEMENT DANS LE VISEUR
Parallèlement au mouvement des « gilets jaunes », un
mouvement de lycéens a débuté le lundi 3 décembre, initialement pour protester
contre la réforme du baccalauréat et la procédure d'admission à l'université.
Dans la semaine qui a suivi, plus de 200 lycées à travers la France ont été
bloqués par des élèves.
Mathieu Barraquier, enseignant à Garges-lès-Gonesse, dans
la banlieue de Paris, a raconté avoir vu la tension monter d'un cran le 5
décembre devant le lycée Simone de Beauvoir, après qu'un arbre eut été incendié
et que les policiers eurent commencé à revêtir leurs équipements anti-émeutes.
Certains jeunes ont commencé à lancer des pierres, ainsi
qu’un petit projectile enflammé en direction des forces de l'ordre, qui se
trouvaient à environ 30 mètres. « Soudain, sans qu'il n'y ait eu d'éléments
tangibles, j'ai entendu un tir de flashball et j'ai vu un élève s'effondrer. Je
me suis approché de lui le plus rapidement possible, et quand il s'est retourné
j'ai vu qu'il avait la joue ouverte, comme une grenade (le fruit). Il n’avait
pas lancé de pierres, il était en train de parler tranquillement. »
L'adolescent est resté deux jours à l'hôpital.
Le 6 décembre, des affrontements ont éclaté entre la
police et des élèves du lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie, en banlieue
parisienne. Au total, 163 élèves, dont les plus jeunes n'avaient que 13 ans,
ont été arrêtés. Une vidéo montrant des dizaines de lycéens contraints de
s'agenouiller, les mains derrière la tête ou menottées dans le dos, est devenue
virale.
Selon Mourad Battikh, avocat de plusieurs de ces jeunes,
certains ont été maintenus jusqu'à quatre heures dans cette position. Le
maintien des élèves dans une telle position pendant si longtemps, s'il est
confirmé, s'apparente à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, interdit en
toutes circonstances par le droit international.
Une avocate de lycéens concernés a dit que certains
n'avaient pas eu à manger ni été examinés par un médecin avant d'être
interrogés. Leurs interrogatoires par la police n'ont pas été enregistrés,
alors que la loi française impose un enregistrement audiovisuel. En outre, des
avocats n'ont pas été autorisés à assister aux interrogatoires.
Quand je suis arrivée au commissariat, les officiers de
police judiciaire m’ont dit qu’ils avaient déjà commencé l’audition de l’un des
deux mineurs. Je leur ai dit : ”Ce n’est pas possible, il est mineur”, et j’ai
demandé l’interruption de l’audition. Ils m’ont dit qu’ils comprenaient mais
ont continué l’audition sans ma présence.
Leila Volle, avocate de deux adolescents de 15 ans
Les autorités doivent assurer la sécurité de toute
personne et veiller à ce que le droit de manifester pacifiquement soit
respecté. Elles doivent prendre des mesures légales et proportionnées pour
protéger la vie et l'ordre public, en évitant de recourir à une force excessive
.
Le port d'équipements de protection contre les gaz
lacrymogènes, les flashball ou les grenades de désencerclement ne saurait être
assimilé à une intention de commettre des violences, et les personnes arrêtées
uniquement pour ce motif doivent être libérées.
…………..
DROIT DE MANIFESTER EN FRANCE
Depuis près d’un an, nous avons enquêté sur le respect du
droit de manifestation en France. Le constat est sans appel : l’application de
l’état d’urgence et un usage disproportionné de la force ont restreint ce droit
fondamental de manière préoccupante dans ce pays.
Depuis novembre 2015 et les terribles attentats qui ont
touché la France, l’état d’urgence a été instauré et renouvelé à cinq reprises.
Alors que son objet est de prévenir de nouvelles attaques, les mesures de
l’état d’urgence ont été utilisées pour interdire 155 manifestations. Tous les
3 jours environ, une manifestation est interdite en France sous ce prétexte.
Par ailleurs, 595 interdictions individuelles de manifester ont été ordonnées
par les préfectures en France, sous l’argument de prévenir les violences lors
des manifestations, alors que le plus souvent il n’existait que peu ou pas
d’éléments démontrant que ces personnes auraient participé à des violences.
https://www.20minutes.fr/societe/2397647-20181217-gilets-jaunes-toulouse-acte-6-organisent-lacheront
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