ferroviaire en France
(D’après « Ce soir : grand quotidien d’information
indépendant »
du 13 décembre 1937, « Le Figaro » des 14, 16 et 18
décembre 1917
et « Le tragique destin d’un train de permissionnaires :
Maurienne, 12 décembre 1917 » paru en 2013)
Train sortant du tunnel ferroviaire du Fréjus reliant Modane (France) dans la vallée de la Maurienne et Bardonnèche (Italie)
C’est le 12 décembre 1917 que se produisit, dans le
massif de la Maurienne, le déraillement d’un train de permissionnaires revenant
du front d’Italie, au cours duquel 425 d’entre eux devaient trouver la mort,
cet accident étant à ce jour le plus grave accident ferroviaire survenu en France
Un train avait été formé pour ces permissionnaires à
Bassano del Grappa, en Italie.
Arrivé à la frontière, le convoi s’arrêta, et les
permissionnaires passèrent une heure à Modane.
Vers 23h15, le train repartit en emportant la troupe
joyeuse. Peu après, il escaladait les pentes de la Maurienne, roulant à une
vitesse normale, et franchissait les crêtes.
La vitesse s’accéléra. Les soldats étaient joyeux de voir
le train aller plus vite et de voir se rapprocher l’heure où ils reverraient
leur famille.
Mais bientôt à leurs cris d’enthousiasme suivit un
silence de mort.
La machine était littéralement emballée.
Ponts, tunnels, tranchées étaient franchis dans un fracas
infernal : les freins ne fonctionnaient plus.
Une panique s’empara des occupants.
Le lourd convoi de 550 tonnes et dix-sept voitures
dévalant les pentes glacées de la Maurienne au milieu des effrayants appels de
la sirène d’alarme, venait s’écraser à près de 180 kilomètres à l’heure contre
un mur de dix mètres de haut.
Ce fut une effroyable hécatombe.
Sur près de 1200 permissionnaires, plus de 400 périrent.
Parmi les corps retrouvés, certains, méconnaissables,
avaient été consumés par le feu ou hachés par les ferrailles tordues, et
n’avaient plus apparence humaine.
Au matin du 13 décembre, les sauveteurs accourus dans la
nuit prennent la mesure du drame dont le bilan, longtemps incertain et
controversé, sera arrêté à 425 victimes.
C’était la plus meurtrière catastrophe ferroviaire jamais
survenue en France, et elle comptera parmi les trois pires enregistrées dans le
monde.
L’accident fut
classé secret militaire et le resta longtemps après la fin de la guerre.
Le silence est imposé à la presse française, qui se fait
peu ou pas l’écho de l’accident.
Ainsi, le drame fait l’objet de ces quelques lignes dans
l’édition du 14 décembre 1917 du Figaro, précédées du titre Déraillement d’un
train en Savoie, nombreuses victimes :
Usine de La Saussaz, dans la
vallée de la Maurienne
« On nous communique la note suivante :
« Au cours de la nuit du 12 au 13, un grave accident de
chemin de fer s’est produit dans la région de la Savoie, où un train de
permissionnaires venant d’Italie a déraillé.
Toute idée de malveillance doit être écartée.
D’après les premières nouvelles, le chiffre des blessés
serait assez élevé ; on compterait, malheureusement, des morts.
Les familles des victimes ont été prévenues, ou le seront
dans le plus bref délai. Toutes mesures utiles ont été prises avec la plus
grande diligence pour assurer aux blessés les soins nécessaires.
En raison de cet accident, un certain retard est à
prévoir dans l’arrivée des permissionnaires d’Italie actuellement en cours de
route. »
Deux jours, plus, dans l’édition de 16 décembre 1917, le
même Figaro apporte de sommaires précisions et corrections :
« On nous communique la note suivante :
« L’accident de chemin de fer qui s’est produit en Savoie
dans la nuit du 12 au 13 décembre est plus grave qu’on ne l’avait supposé tout
d’abord.
Bien que les travaux de déblaiement soient poussés très
activement, la circulation normale des trains ne sera rétablie que dans la
journée du 16 courant.
Le gouvernement a décidé de se faire représenter aux
obsèques des victimes par les ministres de la justice et des travaux publics. »
Photographie des opérations
de déblaiement montrant les débris des voitures du train accidenté
Le Figaro insère encore quelques lignes à ce sujet dans
son édition du 18 décembre :
« Hier ont été célébrées les obsèques des victimes de la
catastrophe qui s’est produite à Saint-Michel-de-Maurienne (Savoie). M. Nail,
garde des sceaux, a prononcé un discours dont nous extrayons ce passage :
« Dès la première heure, sur le théâtre même du désastre,
alors que la population de Saint-Michel-de-Maurienne, sous la direction
éclairée de son maire, donnait le plus bel exemple de dévouement, un train de
l’armée britannique s’arrêtait, et ses hommes, vers lesquels va également notre
gratitude, faisaient oeuvre touchante, précieuse de solidarité.
Cédant à une pensée dont la France apprécie le prix, la
nation italienne, également éprouvée, et qui, à certaines heures, les avait
accueillis avec enthousiasme, a délégué leurs frères d’armes pour leur rendre
les honneurs et associer ses regrets aux nôtres. »
Dès la nuit même de l’accident, le ministère de la Guerre
impose en effet un total black-out des informations sur ce drame.
Pendant 90 ans, une « chape de plomb » — selon
l’expression d’André Pallatier qui a publié en 2013 l’ouvrage Le tragique
destin d’un train de permissionnaires : Maurienne, 12 décembre 1917 consacré à
ce drame — va peser sur ce qui s’était exactement passé dans la nuit du 12 au
13 décembre.
Une rigoureuse censure interdira la diffusion
d’informations dans la presse sur un drame que la majorité des Français — à
l’exception des habitants de la Maurienne — ignoreront.
L’information judiciaire sur les circonstances de la
catastrophe et la recherche des responsabilités seront retirées à la
magistrature civile par l’autorité militaire qui, néanmoins, conservera dans
ses archives tous les documents d’enquêtes.
Le mutisme sur la catastrophe sera, pour la première
fois, partiellement rompu, en 1972, dans un article de la revue Historia, que
l’absence d’accès aux sources documentaires directes entachait de nombreuses
inexactitudes, mais qui aura le mérite de susciter, dans le public, le désir de
savoir ce qu’avait réellement été ce « drame national ».
Stèle inaugurée le 12
décembre 1998, pour le 81e anniversaire de l’accident, sur le lieu-dit La
Saussaz, non loin du lieu du drame
André Pallatier, enfant de Saint-Michel-de-Maurienne,
s’était, dès sa jeunesse, interrogé en vain sur « ces croix blanches, alignées
par centaines, dans le cimetière militaire de (sa) commune.
Il s’est livré à une recherche hérissée de difficultés :
sources documentaires abondantes, mais non ouvertes aux chercheurs ;
multiplicité des témoignages dont il fallait établir la véracité.
C’est en août 2007 seulement que la Commission nationale
d’accès au patrimoine l’autorisa à consulter les archives militaires du Conseil
de guerre chargé, en juillet 1918, de juger les protagonistes du drame, et la
SNCF en fit autant pour le dossier constitué, à l’époque, par la Compagnie du
Paris-Lyon-Méditerranée.
Tragique
Destin d'un Train de Permissionnaires Maurienne 12 Decembre 1917 Broché – de
André Pallatier (Auteur)
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