100.000
morts en France
Par latribune.fr -
29/10/2009.
Il y a
63 ans presque jour pour jour, la France était touchée par une
vague de grippe sans précédent.
Un Français sur cinq a la grippe. Les hôpitaux sont
submergés.
Les médecins
doivent travailler jour et nuit.
La majorité des victimes sont des adolescents. »
Scénario catastrophe la grippe A ?
Non, informations parues dans « Le Journal du dimanche »,
daté du 13 octobre? 1957.
Neuf millions de
Français contractent la maladie.
Appelée « grippe
asiatique », elle restera dans les annales comme la première pandémie grippale
de l'ère moderne.
Aujourd'hui oubliée de tous, y compris de ceux qui l'ont
vécue, elle fit 2 à 3 millions de morts
dans le monde, dont 100.000 en France.
Traitement épidémique dans un hôpital de Suède (photo
prise en 1957).
Scanpix — dn.se
Vingt à trente
fois plus qu'une grippe saisonnière classique.
Parti de Chine en février d'où son nom le virus
mortel parcourt alors Hong Kong, Taiwan, Singapour et Bornéo, atteint ensuite
l'Australie et l'Amérique du Nord avant de frapper l'Europe au début de l'été,
en même temps que l'Afrique et l'Amérique.
En décembre 1918, à Seattle, les forces de l'ordre
sont équipées de masques.• Crédits : Domaine public
« La propagation a beau être moins rapide que celle du
H1N1 aujourd'hui, elle se fait très vite : il faut six mois au virus pour
boucler son tour du monde », remarque le virologue Claude Hannoun.
L'été, peu propice au développement des virus grippaux,
se passe sereinement. Mais les choses s'emballent à la rentrée.
« Il est intéressant d'observer l'évolution des médias de
l'époque », note Luc Hessel, directeur des affaires médicales et publiques chez
Sanofi-Pasteur MSD, spécialiste des politiques de vaccination.
En juin 1957, le
secrétariat d'État à la Santé publique affirme que « l'épidémie de grippe
asiatique ne justifie pas d'inquiétude particulière ».
La presse se veut donc rassurante. « La maladie n'a rien
d'alarmant jusqu'à présent », assure « Le Figaro ».
Les victimes signalées à l'étranger ? 100.000 cas aux
États-Unis, cinq enfants victimes de la maladie au Royaume-Uni ? n'émeuvent
guère.
Mais, dès la
rentrée scolaire, le ton change.
Fin septembre, «
Le Figaro » donne la parole au Dr Peretti. Ce conseiller municipal parisien
souhaite « renvoyer à une date ultérieure la rentrée scolaire, l'école étant un
foyer de contamination par excellence ».
Il ne sera guère écouté.
Soixante ans après la mort de Pasteur, on ne doute pas des
pouvoirs de la médecine.
À l'époque, les
antibiotiques sont présentés comme une riposte très efficace aux surinfections
bactériennes, complications classiques de la grippe.
Le professeur Étienne Chabrol explique dans « Le Figaro »
du 9 octobre que « la riposte par les antibiotiques nous trouve mieux armés
qu'à l'époque de la grippe espagnole ».
Mais le nouveau virus se caractérise par une
forte contagiosité.
« Trouvant devant lui une population dépourvue d'immunité
préalable, il atteint un grand nombre de sujets à l'exception de ceux âgés de
plus de 70 ans, qui semblaient plus résistants [on comprendra plus tard que ces
derniers possèdent la mémoire immunitaire d'un virus similaire, datant
vraisemblablement de 1889-1890, Ndlr].
Édition du 12 janvier 1890 du magazine satirique
parisien Le Grelot, qui dépeint une malheureuse victime de la grippe renversée
par un défilé de médecins, droguistes, squelettes musiciens et danseuses
représentant la quinine et l'antipyrine - http://wellcomeimages.org/indexplus/obf_images/cf/85/07e5093703d1a44724afcc4ec11d.jpg
Gallery:
Les nombreux cas sévères étaient des pneumonies virales
primitives, sans complications bactériennes, mais une maladie chronique
sous-jacente était souvent présente.
Le virus était également grave pour la femme enceinte au
cours du troisième trimestre de grossesse », rapportent Pierre Saliou et deux
autres experts dans leur ouvrage « la Grippe en face ».
« Deux
caractéristiques distinguent la pandémie de la simple épidémie : une vaste
extension géographique et un virus nouveau face à laquelle la population est en majorité naïve, c'est-à-dire
dépourvue d'anticorps », ajoute l'historien de la santé Patrick Zylberman.
Les scientifiques, pourtant, s'accrochent à une autre
découverte de l'après-guerre : le vaccin.
"Die Familie". Egon Schiele a peint ce
tableau quelques jours avant sa mort, juste après celle de son épouse Édith,
enceinte de six mois. La grippe espagnole s'était répandue dans tout Vienne...
« Dix ans plus
tôt, en 1947, on a isolé la première souche du virus à l'Institut Pasteur,
premier laboratoire français jamais consacré aux recherches sur la grippe »,
indique Claude Hannoun.
« Mais les méthodes restent très artisanales et le
processus, semi-industriel.
Deux laboratoires, Pasteur et Mérieux, possèdent des
vaccins à peu près équivalents.
Pourtant, il n'y a
pas de politique de vaccination : on administre le vaccin à quelques dizaines
de milliers de personnes, surtout âgées. »
Soit, justement,
la population la mieux immunisée.
De plus, « les vaccins contre la grippe sont moins
efficaces que ceux contre la polio, la rougeole, les oreillons ou la variole,
soit parce que le virus de la grippe est très instable, soit parce que les
vaccins eux-mêmes ne sont pas bien adaptés », rapporte Patrick Zylberman.
Pendant ce temps,
la pandémie poursuit son avancée dans l'Hexagone.
Le pic survient à
l'automne 1957.
Présente dans le Nord et l'Est (Moselle), la vague
grippale s'intensifie brusquement dans la seconde quinzaine d'octobre,
entraînant son lot de désorganisations.
« L'offensive de
la grippe se développe », titre alors « Le Journal du dimanche » du 13 octobre,
mentionnant pêle-mêle les « administrations fonctionnant au ralenti » et les «
usines à demi-effectifs ».
Quelques jours après la rentrée scolaire à l'époque, elle
a lieu début octobre ?, 30 % des écoliers français sont grippés.
Le traitement
médiatique reste parfois bon enfant : dans « France-Soir », un pharmacien de la
capitale estime qu'« au fond, les Parisiens sont contents de l'avoir eux aussi
», cette grippe.
Mais la tension monte.
Dans les
pharmacies, « les malades imaginaires épuisent les stocks de médicaments »
(principalement aspirine et vitamine C) note « Le JDD ».
Le 14 octobre, « Le Figaro » signale « l'ouverture
prochaine de centres de vaccination » à Paris.
L'Institut Pasteur annonce que « le vaccin sera délivré
avant dix jours aux populations prioritaires », en l'occurrence les médecins et
les pharmaciens.
La réalité sera
tout autre. « Il n'y a pas assez de doses vaccinales et elles arrivent trop tard.
La moitié d'entre
elles ne seront disponibles qu'après le pic de l'épidémie », indique Patrick
Zylberman.
Dans l'opinion,
l'agacement est à son comble.
« Le ministère de
la Santé a-t-il du vaccin contre la grippe ? » s'interroge « Le Figaro » le 25
octobre, qui assène : « Nous sommes en pleine épidémie de grippe asiatique et
personne ou presque n'a été vacciné. »
En fait, la
complexité du virus a eu raison du savoir de l'époque.
« La pandémie de
1957 est un mauvais coup pour les scientifiques ! » plaisante Claude Hannoun.
Le virus est
radicalement différent de ses prédécesseurs, et notamment de la fameuse «
grippe espagnole », un H1N1.
Or le virus de
1957 est un H2N2 Les chercheurs le comprendront trop tard.
« Le vaccin ne fonctionnait pas car il n'était tout
simplement pas adapté au nouveau virus.
Un peu comme si, aujourd'hui, on se vaccinait avec le
vaccin contre la grippe saisonnière en pensant se protéger du H1N1 », explique
Claude Hannoun.
Fin octobre, la chose semble entendue : « L'Institut
Pasteur ne disposera que d'une quantité absolument négligeable de vaccins »,
tranche « Le Monde » du 27-28 octobre, qui souligne que les médecins et les
techniciens de Pasteur ont réagi avec « bon sens » : « Ils ont décidé de ne
point se faire vacciner ! »
Sans vaccin, ni
médicament miracle, la première pandémie moderne s'éteint? naturellement.
« Les vagues de pandémies finissent toujours par
s'atténuer spontanément », souligne Luc Hessel.
« Les répliques ont été de moins en moins importantes
d'année en année, au fur et à mesure que l'immunité augmentait dans la
population.
On estime qu'à l'hiver 1957-1958, 20 % des Français ont
été malades, donc immunisés, auxquels il convient d'ajouter 5 % de porteurs
sains qui ont attrapé le virus sans le savoir. Petit à petit, celui-ci est
devenu saisonnier », note Claude Hannoun.
« Le virus de la grippe est un virus voyou : il s'échappe
en mutant de manière marginale, par un phénomène de dérive génétique, indique
Luc Hessel.
Un peu comme s'il changeait de manteau chaque hiver? »
Durant l'hiver
1957-1958, ce changement de garde-robe aura fait 9 millions de malades et
100.000 morts en France.
Il faudra attendre près de dix ans et la seconde pandémie
grippale mondiale de l'ère moderne pour que ce virus H2N2 soit supplanté par un
troisième, le H3N2.
La pandémie de 1957 est de type H2N2, et non H1N1.
Les scientifiques de l'époque le comprendront trop tard
pour élaborer un vaccin efficace.
………………….
Pandémie – par Wikipédia
En 1957, la surveillance mondiale des virus grippaux
était encore peu développée (25 centres nationaux en 1952) Cependant, peu après
la reconnaissance d'un début d'épidémie sévère de grippe, dans les provinces du
Guizhou et du Yunnan, un nouveau virus est identifié par les chercheurs des
laboratoires de Melbourne, Londres et Washington.
C'est la première pandémie de grippe à être suivie en
temps réel par des laboratoires de virologie.
L'épidémie s'étend à Singapour en février 1957, pour
atteindre Hong Kong en avril avec 250 000 malades en peu de temps.
Elle touche les États-Unis en juin, provoquant environ 69
800 décès.
Le virus suit les routes terrestres et maritimes et gagne
la totalité du monde en six mois.
À l'exception des personnes âgées de plus de 70 ans, la
population mondiale n'avait aucune immunité contre ce virus.
Il fut démontré
que le virus seul, sans surinfection bactérienne, pouvait être mortel par
pneumonie et œdème pulmonaire.
Les sujets les plus à risques furent les patients
cardiaques et les femmes enceintes au troisième trimestre de grossesse.
Une étude sur des cas hospitalisés confirmés montre le
large spectre de gravité des cas, qui va d'une fièvre de 3 jours sans
complications, jusqu'à la pneumonie mortelle.
Les virus isolés des poumons des patients décédés n'ont
montré aucune différence discernable avec ceux isolés de la gorge des cas
bénins.
Les estimations de décès dans le monde entier par cette
pandémie sont très variables en fonction de la source, allant de 1 à 4
millions.
L’OMS les estime à 2 millions.
En France, elle tua 100 000 personnes et contamina 9
millions d'individus.
Type du virus
Le virus pandémique de 1957 est rapidement reconnu comme
un virus grippal de type A par des tests immunologiques (test de fixation du
complément), cependant ces tests montrent aussi que les antigènes
(hémaglutinines et neuraminidases) étaient différents de ceux déjà connus chez
les humains.
Il fut démontré par la suite que le virus grippal de 1957
était du sous-type A (H2N2). Ces nouveaux virus sont des réassortants,
combinant 5 segments de la souche H1N1 avec 3 segments d'un virus grippal
aviaire.
La grippe aurait trouvé son origine en Chine par une
mutation du virus provenant des canards sauvages, se combinant avec une souche
humaine de grippe.
Le nouveau virus A (H2N2) remplace le précédent virus de
type A (H1N1) qui disparaît alors pour réapparaître en 1977.
Conséquences
La pandémie de 1957 a été l'occasion d'observer la
réponse immunitaire collective (niveaux d'anticorps) à des vaccinations
antigrippales dans les années 1958-1960, et aussi d'observer l'évolution de
l'immunité naturelle de diverses populations.
Ces études montrent qu'au cours des trois années
post-pandémiques, l'incidence des cas cliniques décroit, ce qui peut être
attribué soit à l'augmentation du niveau d'anticorps, soit à une baisse de
virulence du virus.
La pandémie de 1957 a permis de reconnaître la valeur
d'un réseau de surveillance, basé sur des laboratoires de référence ou de
recherches hautement qualifiés.
Ce qui a conduit l'OMS à étendre ce réseau à l'échelle
mondiale, sur tous les continents, alors qu'il se limitait pour l'essentiel à
l'Europe et l'Amérique du nord (21 laboratoires sur 25 en 1952).
Le virus A (H2N2) circule durant onze ans, avant d'être
supplanté par un nouveau transfert antigénique en H3N23, qui a entraîné une
pandémie moins sévère de 1968 à 1969.
………….
Grippe de 1957 :
grosse boulette dans les éprouvettes
Par Julie LASTERADE — 14 avril 2005
C'est une bourde
monumentale. «Une très grave erreur de laboratoire, pas anodine du tout»,
estime Antoine Flahaut directeur du réseau de surveillance de la grippe de
l'Inserm. «Extrêmement étonnante et rarissime.»
Le virus de la grippe asiatique, celui qui a fait de 4 à
5 millions de morts en 1957-1958, celui dont on n'est arrivés à se débarrasser
qu'en 1968, celui dont l'horizon se limite depuis lors aux éprouvettes de
quelques vingtaines de laboratoires dans le monde, vient de se faire offrir un
petit tour du globe.
C'est le Collège des pathologistes américains qui lui a
payé le billet.
En octobre, il a
envoyé des échantillons de H2N2 à 3747 laboratoires de 18 pays différents. Pour
tester leurs capacités de détections. Au
risque de remettre en circulation un virus extrêmement dangereux.
En avril 2005, une
société américaine privée travaillant pour le compte du College of American
Pathologists (en) envoie par erreur des échantillons du virus H2N2 dans de
nombreux laboratoires situés aux États-Unis et au Canada, ainsi que dans 61
laboratoires d'Asie, d'Europe (Allemagne, Belgique, France et Italie),
d'Amérique latine et du Moyen-Orient.
À la suite de la découverte du premier échantillon au
Canada, l'alerte est rapidement lancée par l'OMS et toutes les mesures sont
prises pour détruire les souches.
La grippe de 1968
ou grippe de Hong Kong était une pandémie de grippe qui a eu lieu dans le monde
entier de l'été 1968 au printemps 1970. Elle a tué environ 1 million de
personnes et a été causée par une souche réassortie H3N2 du virus H2N2 de la
grippe A.