(latin : IMPERATOR NERO CLAVDIVS CAESAR AVGVSTVS
GERMANICVS), né Lucius Domitius Ahenobarbus le 15 décembre 37 à Antium et mort le 9 juin 68 à
Rome.
Il est le cinquième et dernier empereur romain de la dynastie Julio-Claudienne
; il régna de 54 à 68 (apr. J-C).
Néron, œuvre en marbre du Ier siècle, musée du Palatin
(Inv. 618).
Il accède au trône le 13 octobre 54, à la mort de son
grand-oncle et père adoptif Claude
(Claudius), Empereur de Rome.
En 66, il ajoute le titre Imperator à son nom. Il est
dépossédé de son pouvoir en 68 et se suicide assisté de son scribe
Épaphrodite.
Tête de Néron (règne 54-68 ap. J.-C.), provenant d'une
statue plus grande que nature, haute d'environ 2,40 m. Après 64 ap. J.-C.
Buste de Sénèque, double hermès du iiie siècle,
d'après un original du ier siècle, Collection antique de Berlin (de).
Bien que Sénèque ait été son précepteur, on se souvient
de lui comme d'un despote cruel, notamment pour avoir assassiné sa mère
Agrippine en 59, et pour ses persécutions des chrétiens.
Il est célèbre pour avoir bâti la Domus Aurea, après
l'incendie de Rome de juillet 64, et pour être un prince poète, chanteur et
musicien, un grand organisateur de célébrations sportives et artistiques (les
Neronia).
Il est aussi un homme d'une ambition démesurée, ayant
lutté de toutes ses forces contre l'immense conjuration politique dressée
contre lui.
Certains historiens débattent de la folie, réelle ou mise
en scène, de Néron
Buste de Claude en Jupiter. Marbre, œuvre romaine,
vers 50. Rome, musée Pio-Clementino.
Sources sur Néron
Les sources primaires concernant Néron doivent être lues
avec précaution.
Autel de la Paix, détail de la frise montrant
probablement Antonia la Jeune, Drusus et leur fils Germanicus.
Sa vie a été rapportée par l'historiographe Suétone dans
son œuvre De vita duodecim Caesarum libri (La Vie des douze Césars) et par
Tacite dans les Annales, œuvres toutes deux écrites une quarantaine d'années
après la mort de Néron.
Le fait que tous deux appartiennent aux ordres supérieurs
de la société romaine, Tacite avec le rang de sénateur et Suétone avec le titre
de chevalier, a conduit certains historiens à considérer la description des
événements du règne de Néron avec prudence, dans la mesure où l'on sait que
Néron persécuta les sénateurs romains à partir des années 65-66 à la suite de
la découverte de deux conspirations.
Certains récits exaltés du règne de Néron pourraient être
discutables. Cependant, par leurs fonctions, les deux auteurs avaient un accès
privilégié aux archives impériales, Suétone notamment, né dans les années qui
suivent la mort de Néron, qui a été archiviste d'Hadrien.
Buste de Suétone, Rome, musée du Capitole.
Aussi, il faut prendre en considérations que les textes
des historiens étaient accessibles par des copies, retranscrites par des
copistes.
Avec l'avènement du christianisme dans l'Empire romain,
qui deviendra religion d'Etat au IVe siècle, les copies seront surtout
retranscrites par des moines chrétiens, plutôt que par des laïcs.
Avec les siècles, et le temps en général, les créations
de Tacite et de Suétone n'étaient peut-être pas identiques à ce qu'elles
étaient à l'origine.
Par exemple, les historiens s'interrogent depuis
longtemps sur le rôle des chrétiens, qui n'étaient peut-être même pas cités
dans les textes originaux, et ils seraient apparus au IVe siècle, ajoutés par
des copistes en liens étroits avec la propagande du pouvoir impérial.
Par conséquent, les rôles des sénateurs et de la curie
romaine étaient écartés, d'autant plus que nous ne possédons pas les manuscrits
originaux de ces ouvrages, dont une grande partie des textes sont aussi perdus.
Statue de Tibère (ier siècle), Paris, musée du Louvre.
Famille
Arbre généalogique des Julio-Claudiens
Ascendance de Claude, à sa naissance. En grisé,
parents décédés à cette date
Né à Antium, Néron est le fils unique de Gnaeus Domitius
Ahenobarbus et d'Agrippine la Jeune, sœur de Caligula.
Son père adoptif est Claudius (ou Claude), qui fut le
prédécesseur de Néron en tant qu’empereur.
Buste de Caligula, musée des sciences naturelles de
Houston.
Grands-parents paternels
Lucius Domitius Ahenobarbus : fils de Gnaeus Domitius
Ahenobarbus l'Ancien et d'Aemilia Lepida.
Antonia l'Aînée : fille de Marc Antoine et d'Octavie
(sœur d'Auguste et petite-nièce de Jules César).
Grands-parents maternels
Germanicus : fils de Drusus (fils de Tiberius Néron et de
Livie, et frère de Tibère) et d'Antonia la Jeune (sœur d'Antonia l'Aînée).
Germanicus est le frère de Claude ; il est aussi le
petit-fils adoptif d'Auguste, puis le fils adoptif de son oncle Tibère.
Agrippine l'Aînée : fille d'Agrippa et de Julia (fille
d'Auguste et de Scribonia).
Naissance sous Caligula
Lucius Domitius Ahenobarbus est né le 15 décembre 37.
Rien ne le prédestinait alors à devenir maître de
l'empire.
Son oncle maternel Caligula venait de commencer à régner
le 16 mars de cette année, à 24 ans.
Ses prédécesseurs, Auguste et Tibère, avaient vécu
respectivement jusqu'à 75 et 77 ans.
Caligula est donc l'oncle de Néron, ce dernier n'aurait
pu prétendre au trône que dans le cas où Caligula n'aurait pas eu d'héritier
mâle.
Néron porte le nom de ses ancêtres de la gens des
Domitii.
Comme eux, précédemment, les prénoms dans la gens Domitii
étaient donnés, toujours les mêmes, par succession de trois en trois.
On trouve ainsi : trois Caius de suite, puis trois Lucius
de suite, etc. Néron était donc un Lucius Domitius Ahenobarbus comme beaucoup
de ses ancêtres avant lui.
Agrippine, quatrième épouse de Claude, va réussir à
évincer Britannicus de la succession directe et légitime au titre d'empereur.
Son fils Néron (de son précédent mariage avec Lucius
Domitius Ahenobarbus, connu à Rome pour sa violence et ses actes de cruauté),
sera adopté et reconnu par Claude, comme son héritier et successeur.
Ce tour de force réussi, il ne restait plus à Agrippine
que de se "débarrasser" de Claude en le faisant assassiner.
L'Empire romain sous Claude. L'Empire à
l'avènement de Claude Annexion de royaumes clients Conquêtes
armées
Un scandale marquant le début du règne de Caligula fut sa
relation particulièrement étroite avec ses trois sœurs Julia Drusilla, Julia
Livilla et Agrippine.
Toutes les trois étaient représentées avec leur frère sur
les pièces de monnaie de l'époque.
Les trois femmes semblent avoir obtenu sa faveur et y ont
sans doute gagné de l’influence.
Les écrits de Flavius Josèphe, Suétone, Dion Cassius
rapportent qu’elles avaient des relations incestueuses avec leur frère.
Lucius devenait ainsi le fils d'une femme influente et
célèbre.
Mais elle pouvait perdre rapidement l’influence qu'elle
avait sur son frère. Caligula n'avait toujours pas d’enfant.
Ses parents mâles les plus proches étaient alors ses
beaux-frères Marcus Aemilius Lepidus (le mari de Drusilla), Marcus Vinicius (le
mari de Livilla) et Gnaeus Domitius Ahenobarbus (le mari d'Agrippine).
Ils étaient les héritiers probables en cas de décès
prématuré de Caligula. Pourtant, après le décès de sa femme, Lepidus semblait
avoir perdu toute chance, mais pas toute ambition, de succéder à son
beau-frère.
Camée du triomphe de
Claude : deux centaures tirent le char impérial en piétinant les vaincus.
Claude tient le foudre de Jupiter tandis que la Victoire lui apporte la
couronne triomphale. À ses côtés, Messaline tenant un épi, Octavie couronnée de
laurier et Britannicus en habit militaire. –
Conspirations
En septembre 39, Caligula partit rejoindre ses légions en
campagne contre les tribus germaniques.
La campagne dut être repoussée à l'année suivante à cause
des craintes de l'empereur d'une conspiration contre lui.
Lepidus avait réussi à devenir l'amant d'Agrippine et de
Livilla, apparemment à la recherche de leur aide pour gagner le trône.
Il fut pour cela
immédiatement exécuté.
Caligula ordonna également l'exécution de Gnaeus
Cornelius Lentulus Gaetulicus, le populaire légat de Germanie supérieure, et
son remplacement par Servius Sulpicius Galba.
Pourtant, on ne sait toujours pas s'il était lié à la
conspiration de Lepidus. Agrippine et Livilla furent reléguées aux Îles
Pontines. Lucius fut sans doute séparé de sa mère à cette époque.
Le père de Lucius mourut d'hydropisie en 40.
Lucius était maintenant orphelin et son destin était
incertain, sous le règne d'un Caligula de plus en plus fantasque.
La chance lui sourit l'année suivante : le 24 janvier 41,
Caligula, son épouse Cæsonia Milonia, et leur fille Julia Drusilla furent
assassinés par une conspiration menée par Cassius Chaerea.
L'oncle de Caligula, Claude, devint le quatrième empereur
romain, grâce à l'aide de la garde prétorienne, et rappela Agrippine et Livilla
d'exil.
Claude proclamé empereur, peinture de Charles Lebayle
selon le récit de Flavius Josèphe, 1886.
Agrippine se remaria rapidement au riche Gaius Sallustius
Crispus Passienus.
Son mari mourut entre 44 et 47, et Agrippine fut
suspectée de l'avoir empoisonné pour hériter de son immense fortune.
Lucius était le seul héritier de sa mère, devenue riche.
Statue de Claude en Jupiter, 37-54 apr. J.-C., Musées
du Vatican.
Adoption par Claude
Lucius, à dix ans, avait très peu de chances d'occuper le
trône.
Claude, âgé de 57 ans à cette époque, avait régné plus
longtemps, et sans doute plus efficacement que son prédécesseur.
Claude s'était déjà marié trois fois.
Il avait épousé Plautia Urgulanilla et Aelia Paetina
quand il était simple citoyen. Empereur, il s'était marié à Valeria Messalina.
Le couple avait deux enfants, Britannicus (né en 41) et
Octavie (née en 40). Messaline n'avait que 25 ans et pouvait lui donner
d'autres héritiers.
Famille de Claude et de Messaline, vers 42
Pourtant, Messaline fut exécutée en 48, accusée de
conspiration contre son époux.
L'ambitieuse Agrippine projeta rapidement de remplacer sa
tante par alliance. Le 1er janvier 49, elle devint la quatrième femme de
Claude, Tiberius Claudius Nero Caesar Drusus.
Le mariage dura cinq ans. La même année, Agrippine fait
rompre les fiançailles d'Octavie et de Lucius Junius Silanus et la fait fiancer
avec Néron.
Début 50, le Sénat romain offrit à Agrippine le titre
honorifique d'Augusta, que Livie (14-29) avait été la seule à porter avant
elle.
Le 25 février 50, Lucius fut officiellement adopté par
Claude sous le nom de Nero Claudius Caesar Drusus.
Néron était plus âgé que Britannicus, son frère adoptif,
et cette adoption fit de lui l'héritier officiel du trône.
Buste de Claude, salon de la paix du château de
Versailles
Claude honora son fils adoptif de plusieurs manières.
Néron fut émancipé en 51, à 14 ans. Il fut nommé
proconsul, entra au Sénat, y fit son premier discours, apparut publiquement en
compagnie de Claude, et fut représenté sur les pièces de monnaie.
En 53, il épousa sa sœur adoptive, Octavie.
Au pouvoir
Les premières années de l'empereur
Claude mourut empoisonné le 13 octobre 54 et Néron fut
rapidement nommé empereur à sa place.
Il n'avait que 17 ans. Les historiens s'accordent à
considérer que Sénèque a joué le rôle de figure de proue au début de son règne.
Les décisions importantes étaient probablement laissées
entre les mains plus capables de sa mère Agrippine la Jeune (qui pourrait avoir
empoisonné Claude elle-même), de son tuteur Sénèque, et du préfet du prétoire
Sextus Afranius Burrus.
Néron cherche dès le début de son règne à obtenir les
faveurs de l'armée et de la plèbe par diverses primes6.
Les cinq premières années du règne de Néron furent
connues comme des exemples de bonne administration, suscitant même l'émission
d'une série de pièces de monnaie célébrant le quinquennium Neronis.
Les affaires de l'empire étaient traitées avec efficacité
et le Sénat bénéficiait d'une période d'influence renouvelée dans les affaires
de l'État.
Les problèmes devaient pourtant bientôt surgir de la vie
personnelle de Néron et de la course à l'influence croissante entre Agrippine
et les deux conseillers. Tout le monde savait que Néron était déçu de son
mariage et trompait Octavie. Il prit pour maîtresse Claudia Acte, une ancienne
esclave, en 55.
Agrippine tenta d'intervenir en faveur d'Octavie et
exigea de son fils le renvoi d'Acte. Burrus et Sénèque, pour leur part,
choisirent de soutenir leur protégé.
Néron résista à l'intervention de sa mère dans ses
affaires personnelles.
Le fils légitime de Claude, Britannicus, était âgé de
treize ans, il était toujours légalement mineur et sous la responsabilité de
Néron, mais il approchait de l'âge de la majorité.
C'est à Britannicus qu'aurait dû revenir le titre
d'empereur.
Il restait pour Néron une menace permanente.
Mais le jeune homme mourut brutalement avant le 12
février 557, empoisonné « sur ordre de Néron » par Locuste (célèbre
empoisonneuse), d'après Suétone (vie des douze césars).
La proclamation de sa majorité avait été prévue pour le
13 février.
La coïncidence des dates laisse penser qu'il a
effectivement été empoisonné. Burrus est suspecté d'avoir pris part au meurtre.
Néron se révoltait de plus en plus contre l'emprise
d'Agrippine, et il commençait à envisager le meurtre de sa propre mère.
Il justifiait ses intentions en clamant qu'elle
complotait contre lui.
Le pouvoir d'Agrippine déclinait encore rapidement,
tandis que Burrus et Sénèque devenaient les deux hommes les plus influents de
Rome.
Une série de scandales
Alors que ses conseillers s'occupaient des affaires de
l'État, Néron s'entourait d'un cercle de proches.
Les historiens romains rapportent des nuits de débauche
et de violence, alors que les affaires plus banales de la politique étaient
négligées.
Marcus Salvius Otho était au nombre de ces nouveaux
favoris.
À tous points de vue, Othon était aussi débauché que
Néron, mais il devint aussi intime qu'un frère.
Certaines sources considèrent même qu'ils ont été amants.
Othon aurait présenté à Néron une femme qui aurait
d'abord épousé le favori, puis l'empereur.
Poppée (Poppaea Sabina) était décrite comme une femme de
grande beauté, pleine de charme, et d'intelligence.
On peut trouver dans de nombreuses sources les rumeurs
d'un triangle amoureux entre Néron, Othon, et Poppée.
En 58, Poppée avait assuré sa position de favorite de
Néron.
L'année suivante (59) fut un tournant dans le règne de
Néron.
Néron et/ou Poppée auraient organisé le meurtre
d'Agrippine.
Sénèque eut beau tenter de convaincre le Sénat qu'elle
mettait sur pied une conspiration contre son fils, la réputation de l'empereur
fut irrémédiablement entachée par ce cas de matricide.
Othon fut bientôt chassé de l'entourage impérial et
envoyé en Lusitanie comme gouverneur.
Le tournant suivant fut l'année 62, pour plusieurs
raisons.
La première fut un changement parmi ses conseillers.
Burrus mourut et Sénèque demanda à Néron la permission de
se retirer des affaires publiques.
Leur remplaçant aux postes de préfet du prétoire et de
conseiller fut Tigellin.
Il avait été banni en 39 par Caligula, accusé d'adultère
avec à la fois Agrippine et Livilla.
Il avait été rappelé d'exil par Claude, puis avait réussi
à devenir un proche de Néron (et peut-être son amant).
Avec Poppée, il aurait eu une plus grande influence que
Sénèque en eut jamais sur l'empereur.
Une théorie suggère que Poppée tenta, pendant ces quatre
ans (58-62), d'éloigner Néron de ses conseillers et de ses amis ; si cela est
vrai, ce qui est arrivé à Burrus et Sénèque pourrait ne pas être le fruit du
hasard.
Le deuxième événement important de l'année fut le divorce
de l'empereur. Néron, âgé alors de vingt-cinq ans, avait régné huit ans et
n'avait pas encore d'héritier.
Quand Poppée tomba enceinte, Néron décida d'épouser sa
maîtresse, mais son mariage avec Octavie devait d'abord être annulé.
Il commença par l'accuser d'adultère. Mais Néron avait
déjà acquis la réputation d'être infidèle, alors qu'Octavie était connue pour
être un parangon de vertu.
Il fallait des témoignages contre elle, mais la torture
de ses esclaves ne parvint qu'à produire la célèbre déclaration de l'une
d'elles, Pythias, selon laquelle la vulve d'Octavie était plus propre que la
bouche de Tigellinus.
Néron réussit à obtenir le divorce pour cause
d'infertilité, ce qui lui permettait d'épouser Poppée et d'attendre qu'elle
donne naissance à un héritier.
La mort soudaine d'Octavie, qui s'ouvrit les veines, le 9
juin 62, provoqua des émeutes publiques.
Un des effets rapides de la nomination de Tigellinus fut
la promulgation d'une série de lois contre les trahisons ; de nombreuses peines
capitales furent exécutées.
Au cours de cette année, Néron fit exécuter deux des
membres restants de sa famille :
Gaius Rubellius Plautus.
Sa mère Claudia Julia était la petite-fille de Tibère et
de Vipsania Agrippina. C'était aussi la petite-fille de Drusus et d'Antonia la
Jeune.
Faustus Cornelius Sulla Felix.
Il était le petit-fils de Lucius Domitius Ahenobarbus et d'Antonia
l'Aînée.
Il était aussi le demi-frère maternel de Messaline. Il
avait épousé Claudia Antonia, la fille unique de Claude et Aelia Paetina.
Le grand incendie de Rome
Début 63, Poppée donna naissance à une fille : Claudia
Augusta.
Néron célébra l'événement, mais l'enfant mourut quatre
mois plus tard. Néron n'avait toujours pas d'héritier.
Le 18 juillet 64 éclata le grand incendie de Rome.
Le feu débuta dans les boutiques des environs du Cirque
Maxime.
Néron était alors en vacances dans sa ville natale,
Antium, mais il dut revenir en toute hâte. L'incendie fit rage durant six
jours. La rumeur circula que Néron aurait joué de la lyre et chanté, au sommet
du Quirinal, pendant que la ville brûlait.
Les mêmes récits nous décrivent un empereur ouvrant ses
palais pour offrir un toit aux sans-abris et organisant des distributions de
nourriture pour éviter la famine parmi les survivants.
Mais Néron perdit toute chance de redorer sa réputation
en rendant trop vite publics ses projets de reconstruction de Rome dans un
style monumental.
La population désorientée cherchait des boucs émissaires,
et bientôt des rumeurs tinrent Néron pour responsable.
Selon Suétone, on lui prêtait l'intention d'immortaliser
son nom en renommant Rome Neropolis.
Il était important pour Néron d'offrir un autre objet à
cette suspicion. Il choisit pour cible une secte juive, celle des chrétiens.
Il ordonna que les chrétiens soient jetés aux lions dans
les arènes alors que d'autres étaient crucifiés en grand nombre et brûlés vifs
comme des torches.
Tacite nous fait le récit de cet épisode :
« La prudence humaine avait ordonné tout ce qui dépend de
ses conseils : on songea bientôt à fléchir les dieux, et l'on ouvrit les Livres
Sibyllins.
D'après ce qu'on y lut, des prières furent adressées à
Vulcain, à Cérès et à Proserpine : des dames romaines implorèrent Junon,
premièrement au Capitole, puis au bord de la mer la plus voisine, où l'on puisa
de l'eau pour faire des aspersions sur les murs du temple et la statue de la
déesse ; enfin les femmes présentement mariées célébrèrent des sellisternes et
des veillées religieuses.
Mais aucun moyen humain, ni largesses impériales, ni
cérémonies expiatoires ne faisaient taire le cri public qui accusait Néron
d'avoir ordonné l'incendie.
Pour apaiser ces rumeurs, il offrit d'autres coupables,
et fit souffrir les tortures les plus raffinées à une classe d'hommes détestés
pour leurs abominations et que le vulgaire appelait chrétiens.
Ce nom leur vient de Christ, qui, sous Tibère, fut livré
au supplice par le procurateur Pontius Pilatus.
Réprimée un instant, cette exécrable superstition se
débordait de nouveau, non seulement dans la Judée, où elle avait sa source,
mais dans Rome même, où tout ce que le monde enferme d'infamies et d'horreurs
afflue et trouve des partisans.
On saisit d'abord ceux qui avouaient leur secte ; et, sur
leurs révélations, une infinité d'autres, qui furent bien moins convaincus
d'incendie que de haine pour le genre humain.
On fit de leurs supplices un divertissement : les uns,
couverts de peaux de bêtes, périssaient dévorés par des chiens ; d'autres
mouraient sur des croix, ou bien ils étaient enduits de matières inflammables,
et, quand le jour cessait de luire, on les brûlait en place de flambeaux.
Néron prêtait ses jardins pour ce spectacle, et donnait
en même temps des jeux au Cirque, où tantôt il se mêlait au peuple en habit de
cocher, et tantôt conduisait un char.
Aussi, quoique ces hommes fussent coupables et eussent
mérité les dernières rigueurs, les cœurs s'ouvraient à la compassion, en
pensant que ce n'était pas au bien public, mais à la cruauté d'un seul, qu'ils
étaient immolés. »
Aujourd'hui encore, on ignore la cause de cet incendie.
Bien que les anciennes sources (et les lettrés)
attribuent la responsabilité de l'incendie à Néron, les études récentes tendent
à l'innocenter.
L'immense Domus aurea, qui couvrait une partie de Rome
intra muros, fut bâtie par Néron à la suite de cette destruction.
Néron, l'artiste et le veuf
En 65, Néron fut impliqué dans un autre scandale, pris
plus au sérieux par le peuple de cette époque qu'il ne le serait de nos jours.
Il était considéré comme dégradant pour un empereur
romain d'apparaître comme un amuseur public, jouant la comédie, chantant et
jouant de la lyre.
Détesté par de nombreux citoyens, avec une liste
d'ennemis politiques qui s'allongeait, Néron commençait à apprécier sa
solitude, quand en 65 il découvrit la conjuration de Pison (du nom de Gaius
Calpurnius Piso, qui tenta de prendre sa place) et l'implication d'anciens amis
comme Sénèque dans le complot.
Les conspirateurs furent contraints de mourir.
Parmi eux se trouvent plusieurs anciens amis du pouvoir
néronien.
Ainsi Sénèque, Pétrone et Lucain durent se suicider.
De plus, Néron ordonna que Gnaeus Domitius Corbulo, un
général populaire et valeureux, se suicide, pour faire suite à de vagues
soupçons de trahison.
Cette décision poussa les commandeurs militaires, à Rome
et dans les provinces, à envisager l'organisation d'une révolution.
En 65, Poppée meurt alors qu'elle était enceinte, d'un
coup de pied porté au ventre par Néron, si l'on en croit Tacite et Suétone, et
ce, malgré la passion qu'il semblait lui vouer.
Néron essaye d'abord de se remarier à Claudia Antonia, la
fille de Claude et d'Aelia Paetina (sa demi-sœur par adoption).
Comme celle-ci refuse, Néron la fait tuer sous prétexte
qu'elle fomentait un complot.
Elle était sa dernière proche parente. Néron se tourne
alors vers son ancienne maîtresse, Statilia Messalina, qu'il épouse en mai 66.
Dès le mois de septembre, Néron quitte sa jeune épouse
pour un voyage de plus d'un an en Grèce.
L'Empereur partit en Grèce, en 66, où il distrayait ses
hôtes avec des spectacles artistiques (les écrits de Suétone rapportent
cependant que l'Empereur empêchait quiconque de sortir de l'amphithéâtre
lorsqu'il déclamait ses écrits, et que certains spectateurs durent se faire
passer pour morts pour s'échapper, tant ils étaient las d'écouter et d'applaudir,
alors qu'à Rome le préfet du prétoire Nymphidius Sabinus cherchait à obtenir le
soutien des gardes prétoriens et des sénateurs.
Suicide
De retour à Rome après sa tournée, Néron trouva une
atmosphère glaciale ; Gaius Julius Vindex, le gouverneur de la Gaule lyonnaise,
se révolta, ce qui amena Néron à une chasse de toute menace éventuelle.
Il ordonna l'élimination de tout patricien avec des idées
suspectes.
Galba, son (autrefois) fidèle serviteur, gouverneur
d'Hispanie (Espagne), était l'un de ces nobles dangereux.
Il ordonna donc son exécution.
Galba, qui n'avait pas le choix, jura fidélité au Sénat
et au Peuple de Rome (Senatus Populusque Romanus : SPQR), il ne reconnaissait
plus le pouvoir de Néron.
De plus, il commença à organiser une campagne pour
prendre la tête de l'empire.
En conséquence, Lucius Clodius Macer, légat de la légion
III Augusta en Afrique, se révolta et cessa d'envoyer du blé à Rome.
Nymphidius Sabinus corrompit la garde impériale, qui se
retourna contre Néron avec la promesse d'une récompense financière de Galba.
Le Sénat démit Néron. Apprenant que les sénateurs
allaient lui imposer le supplice des parricides (le culleus : recouvert d'une
cagoule, cousu dans un sac de cuir dans lequel étaient introduits des animaux –
coq, chien et serpent – le supplicié est jeté dans le Tibre), il fut contraint
au suicide : abandonné de tous, il se réfugia dans la maison de campagne de Phaon,
son fidèle affranchi.
Suivant Suétone, peu avant de mourir, il répétait :
« Quel grand artiste périt avec moi ! » (Qualis artifex
pereo) et cita encore un vers de l'Iliade (« Le galop des coursiers résonne à
mes oreilles »), en entendant les cavaliers venus se saisir de lui, avant qu'il
se poignarde à la gorge le 9 juin 68, aidé de son secrétaire Épaphrodite.
Églogue et Alexandrie, ses nourrices, ainsi qu’Akté, sa
concubine, réunirent 200 000 sesterces pour réaliser son incinération et
ensevelir ses cendres dans un mausolée sur le Pincio, qui se trouve aujourd'hui
dans la Villa Borghèse.
Avec sa mort, la dynastie julio-claudienne prit fin.
Le sénat vota sa damnatio memoriae, maudissant sa
mémoire.
Plusieurs guerres civiles s'ensuivirent lors de l'année
69, année des quatre empereurs.
Points de vue historiques à propos de Néron
À l'époque moderne, en Occident, Néron est mis par
beaucoup en symbole de tout ce que la Rome antique a eu de plus monstrueux.
Ils s'appuient sur les textes de Suétone, fréquemment
colporteur de ragots, et de Tacite, augmentés des attaques des auteurs
chrétiens (Tertullien, repris par Eusèbe de Césarée et d'autres), et couronnés
par des œuvres de fiction comme Quo vadis, les « monstruosités » montées en
épingle étant, outre les assassinats familiaux, l'incendie de Rome et la
persécution des chrétiens.
Cependant, la culpabilité réelle de Néron dans le grand
incendie de Rome est une accusation à laquelle certains historiens comme Guy
Achard ou Claude Aziza ne croient plus guère.
De plus, aucune loi anti-chrétienne ne fut promulguée
sous son règne de manière officielle : il y a bien eu persécution, mais
uniquement localisée à Rome.
À la décharge de Néron, on peut indiquer qu'il se
trouvait à Antium lors de l'incendie de Rome en 64.
En outre les collections auxquelles il tenait y ont brûlé.
La persécution des chrétiens a peut-être été par la suite
un choix politique pour calmer la plèbe romaine qui avait besoin de coupables.
Guy Achard porte un jugement plus mesuré sur Néron.
Il constate que l'empire a été bien administré, que les
campagnes militaires ont été victorieuses, que l'empereur a inauguré une espèce
de théocratie ludique qui avait tout pour séduire une large partie du peuple.
Claude Aziza montre comment la réforme monétaire
revalorisant le denier a profité aux milieux d'affaires, et combien la
politique étrangère a été favorable aux régions orientales de l'Empire
(hellénisation de l'Empire, conclusion d'une paix avec les Parthes, ennemis
héréditaires), Néron donnant en outre une impulsion importante aux évolutions
artistiques dans le domaine de l'architecture et des arts décoratifs (voir la
Domus aurea).
Ainsi la grande popularité auprès du peuple de son temps
prit, dès sa mort, le mythe du « retour de Néron » : caché chez les Parthes, il
devait réapparaître à la tête d'une armée pour vaincre les conspirateurs et
rentrer victorieux à Rome.
Ce mythe fut stimulé par l'attente messianique juive et
chrétienne de l'époque et par l'apparition de faux Néron
Après s'être fait bâtir un somptueux palais de cinquante
hectares, la Domus Aurea, Néron l'inaugure et s'exclame :
« Enfin je pourrai vivre tel un être humain » (« ut se
diceret quasi hominem tandem habitare coepisse. ») (Suétone - Vie des XII
Césars - XXXI)
Le Sénat décrète sa mort le 6 juin 68. Néron, en se
suicidant, se serait exclamé : « Qualis artifex pereo ! » (« Quel artiste périt
avec moi ! »)
Néron dans sa jeunesse aurait dit : « Comme je
souhaiterais ne pas savoir écrire » (Suétone- Vie des XII Césars) lorsqu'on lui
présentait un ordre de condamnation à mort qu'il devait signer, paroles très
étonnantes pour cet empereur.
D'après Suétone, Néron, persuadé de posséder un
formidable talent lyrique, a participé à de nombreux concours durant sa vie et
notamment lors de son voyage en Grèce.
Il interdisait alors formellement de quitter
l'amphithéâtre pendant sa représentation et Suétone rapporte que plus d'un
spectateur dut se faire passer pour mort pour pouvoir être emporté en dehors
tellement ses déclamations ennuyaient le public.
« Que jamais Néron n'entre dans ce sein résolu ; Il faut
être cruel, non dénaturé. » Hamlet, acte III scène 2, monologue d'Hamlet
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