Le matin du 21 juin 1791, le valet de chambre de Louis
XVI découvre sur le lit, en lieu et place du corps du roi, un texte de 16 pages
écrit de la main de Louis, intitulé « Déclaration
à tous les Français », justifiant son départ de Paris.
Cliquez sur l'image pour voir le diaporama :
Arrestation de Louis XVI à Varennes le 22 juin 1791,
estampe de Jean-Louis Prieur, (musée de la Révolution française).
Louis XVI voulait en effet s'adresser directement au
peuple afin de les faire juges de la situation politique du pays.
Ce texte sera censuré sur le moment par La Fayette, puis
par l'Assemblée qui voulut masquer la fuite du roi, peu compatible avec la
monarchie constitutionnelle qu'ils voulaient mettre en place.
Déclaration autographe de Louis XVI adressée aux
Français à sa sortie de Paris le 20 juin 1791. Archives Nationales - AE-II-1218
Il ne fut jamais connu des Français ni diffusé dans son
intégralité à l'époque révolutionnaire.
Traditionnellement appelé « le testament politique de
Louis XVI », ce document a été redécouvert en mai 2009.
Il est au Musée des lettres et manuscrits à Paris.
Louis XVI écu constitutionel.
Ce document historique majeur explique la volonté du roi
: une monarchie constitutionnelle avec un exécutif puissant et autonome
vis-à-vis de l'Assemblée.
Tour Louis XVI, reste de l’église Saint-Gengoult.
Par ailleurs, il commente son sentiment sur la
révolution, en critique certaines conséquences sans pour autant rejeter les
réformes importantes comme l'abolition des ordres et l'égalité civile.
À droite, le duc de Berry, futur Louis XVI, à gauche,
le comte de Provence, futur Louis XVIII en somptueux costumes de cour. Peinture
de François-Hubert Drouais (1756).
Conclusion du manuscrit :
« Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants
d'une ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne
ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis,
revenez à votre roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami.
L’arrestation du roi et de sa famille à Varennes.
Toile de Thomas Falcon Marshall (1854).
Quel plaisir n'aura-t-il pas d'oublier toutes ces injures
personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu'une Constitution qu'il
aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le
gouvernement sera établi sur un pied stable et utile par son action, que les
biens et l'état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus
enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée sur des bases fermes
et inébranlables.
À Paris, le 20 juin 1791, Louis. »
Plaque commémorative de la rencontre du 23 juin 1791 à
Boursault.
Sa rédaction a initialement été confiée au comte de
Provence, mais Louis XVI, trouvant les propos trop agressifs à l'égard de
l'Assemblée, le réécrit dans sa quasi-totalité, nous apprennent « Les mémoires
du comte de Provence ».
Le manuscrit préparatoire de huit pages du comte de
Provence est également au musée des lettres et manuscrits à Paris.
Pastel de Marie-Antoinette réalisé par Joseph Ducreux
en 1769 à l'intention du Dauphin afin qu'il puisse faire connaissance de sa
future épouse.
Les sources
Plusieurs participants directs ou indirects ont écrit
leurs mémoires.
On peut citer celles de François Claude de Bouillé, du
marquis de Choiseul, qui aidèrent à la fuite et celles du comte de Moustier,
Valory ainsi que celle de la marquise de Tourzel qui participèrent à la fuite
les premiers en tant que garde du corps et Mme de Tourzel en tant que baronne
de Korff.
Le retour du Roi passant à la barrière des Ternes le
25 juin 1791 (Duplessi-Bertaux d’après un dessin de J-L Prieur).
Plusieurs historiens, contemporains ou de peu, de
l’évènement, ont également relaté ce dernier dont les plus connus restent
Charles de Lacretelle et Jules Michelet.
Louis XVI en costume de sacre, huile sur toile de
Joseph-Siffred Duplessis (1777, château de Versailles).
Alexandre Dumas s’est intéressé à la fuite de Varennes
lors de l’écriture de son roman La Comtesse de Charny.
Il s’est alors abondamment documenté sur le sujet et a
refait lui-même le trajet, plus d’un demi-siècle plus tard, reconstituant les
lieux, recherchant des témoins visuels et pointant ainsi les imprécisions des
historiens.
Il relate sa quête dans La Route de Varenne, publié en
1860.
Signature de Louis XVI le 20 janvier 1793.
……………….
Déclaration de Louis XVI à tous les Français, à sa sortie
de Paris
20 juin 1791 -
Texte intégral (d'après la minute autographe).
Marie-Louise-Adélaïde Boizot, Portrait de Louis XVI, 1775
- Tant que le Roi a pu espérer voir renaître l'ordre et
le bonheur du royaume par les moyens employés par l'Assemblée nationale, et par
sa résidence auprès de cette Assemblée dans la capitale du Royaume, aucun sacrifice
personnel ne lui a coûté ; il n'aurait pas même argué de la nullité dont le
défaut absolu de liberté entache toutes les démarches qu'il a faites depuis le
mois d'octobre 1789, si cet espoir eût été rempli.
Médaille commémorative du Sacre à Reims de Louis XVI
le 11 juin 1775
Mais aujourd'hui que la seule récompense de tant de
sacrifices est de voir la destruction de la royauté, de voir tous les pouvoirs
méconnus, les propriétés violées, la sûreté des personnes mise partout en
danger, les crimes rester impunis, et une anarchie complète s'établir au-dessus
des lois, sans que l'apparence d'autorité que lui donne la nouvelle
Constitution soit suffisante pour réparer un seul des maux qui affligent le
royaume, le Roi, après avoir solennellement protesté contre tous les actes
émanés de lui pendant sa captivité, croit devoir mettre sous les yeux des
Français et de tout l'Univers le tableau de sa conduite, et celui du
Gouvernement qui s'est établi dans le royaume.
On a vu Sa Majesté, au mois de juillet 1789, pour écarter
tout sujet de défiance, renvoyer les troupes qu'elle n'avait appelées auprès de
sa personne qu'après que les étincelles de révolte s'étaient déjà manifestées
dans Paris et dans le régiment même de ses gardes.
Le Roi, fort de sa conscience et de la droiture de ses
intentions, n'a pas craint de venir seul parmi les citoyens armés de la
Capitale.
Au mois d'octobre de la même année, le Roi, prévenu
depuis longtemps des mouvements que les factieux cherchaient à exciter, dans la
journée du 5 fut averti assez à temps pour pouvoir se retirer où il eût voulu ;
mais il craignit qu'on ne se servit de cette démarche pour allumer la guerre
civile, et il aima mieux se sacrifier personnellement, et ce qui était plus
déchirant pour son cœur, mettre en danger la vie des personnes qui lui sont le
plus chères.
Tout le monde sait les événements de la nuit du 6
octobre, et l'impunité qui les couvre depuis près de deux ans.
Dieu seul a empêché l'exécution des plus grands crimes,
et a détourné de la nation française une tache qui aurait été ineffaçable.
Le Roi, cédant au vœu manifesté par l'armée des
Parisiens, vint s'établir avec sa famille au château des Tuileries.
Il y avait plus de cent ans que les Rois n'y avaient fait
de résidence habituelle, excepté dans la minorité de Louis XV.
Rien n'était prêt pour recevoir le Roi, et la disposition
des anciens appartements est bien loin de procurer les commodités auxquelles Sa
Majesté était accoutumée dans les autres maisons Royales, et dont tout
particulier qui a de l'aisance peut jouir.
Malgré la contrainte qui avait été apportée, et les incommodités
de tout genre qui suivaient le changement de séjour du Roi, fidèle au système
de sacrifice que Sa Majesté s'était fait pour procurer la tranquillité
publique, elle crut, dès le lendemain de son arrivée à Paris, devoir rassurer
les provinces sur son séjour dans la Capitale, et inviter l'Assemblée à se
rapprocher de lui, en venant continuer ses travaux dans la même ville.
Mais un sacrifice plus pénible était réservé au cœur de
Sa Majesté ; il fallut qu'elle éloignât d'elle les gardes du corps de la
fidélité desquels elle venait d'avoir une preuve bien éclatante dans la funeste
matinée du 6 ; deux avaient péri victimes de leur attachement au Roi et à sa
famille, et plusieurs autres blessés grièvement en exécutant strictement les
ordres du Roi qui leur avait défendu de tirer sur la multitude égarée.
L'art des factieux a été bien grand pour faire envisager
sous des couleurs si noires une troupe aussi fidèle, et qui venait de mettre le
comble à la bonne conduite qu'elle avait toujours tenue.
Mais ce n'était pas tant contre les gardes du corps que
leur intention était dirigée, c'était contre le Roi lui-même.
On voulait l'isoler entièrement en le privant du service
de ses gardes du corps dont on n'avait pas pu égarer les esprits, comme on
avait réussi auprès de ceux du régiment des Gardes Françaises qui, peu de temps
auparavant, était le modèle de l'armée.
C'est aux soldats de ce même régiment, devenu troupe
soldée par la ville de Paris, et aux Gardes Nationaux volontaires de cette même
ville, que la garde du Roi a été confiée.
Ces troupes sont entièrement sous les ordres de la
municipalité de Paris, dont le commandant général relève, et le Roi s'est vu
par là prisonnier dans ses propres Etats ; car comment peut-on appeler
autrement l'état d'un Roi qui ne commande à sa Garde que pour les choses de
parade, qui ne nomme à aucune des places, et qui même est obligé de se voir
entouré de plusieurs personnes dont il connaît les mauvaises intentions pour
lui et pour sa famille ?
Ce n'est pas pour inculper la Garde Nationale parisienne
et les troupes du centre, c'est pour faire connaître l'exacte vérité que le Roi
relève ces faits ; et en la faisant connaître, il aime à rendre justice au zèle
pour le bon ordre et à l'attachement qu'en général cette troupe lui a montrés
pour sa personne, lorsque les esprits ont été laissés à eux-mêmes, et qu'ils
n'ont pas été égarés par les clameurs et les mensonges des factieux.
Mais plus le Roi a fait des sacrifices pour le bonheur de
ses peuples, plus les factieux ont travaillé pour qu'ils en méconnussent le
prix, et présenter la royauté sous les couleurs les plus fausses et les plus
odieuses.
La convocation des États Généraux, le doublement des
députés du Tiers État, les peines que le Roi a prises pour aplanir toutes les
difficultés qui pouvaient retarder l'assemblée des États Généraux, et celles
qui s'étaient élevées depuis leur ouverture ; tous les retranchements que le
Roi avait faits sur sa dépense personnelle, tous les sacrifices qu'il a faits à
ses peuples dans la séance du 23 juin, enfin la réunion des Ordres, opérée par
la manifestation du vœu du Roi, mesure que Sa Majesté jugea alors indispensable
pour l'activité des États Généraux : tous ses soins, toutes ses peines, toute
sa générosité, tout son dévouement pour son peuple, tout a été méconnu, tout a
été dénaturé.
Lorsque les États Généraux s'étant donnés le nom
d'Assemblée nationale, ont commencé à s'occuper de la Constitution du royaume,
qu'on se rappelle les mémoires que les factieux ont eu l'adresse de faire venir
de plusieurs provinces, et les mouvements de Paris, pour faire manquer les
députés à une des principales clauses portée dans tous leurs cahiers, qui
portait que — la confection des lois se ferait de concert avec le Roi —.
Au mépris de cette clause l'Assemblée a mis le Roi tout à
fait hors de la Constitution en lui refusant le droit d'accorder ou de refuser
sa sanction aux articles qu'elle regarde comme constitutionnels, en se
réservant le droit de ranger dans cette classe tous ceux qu'elle juge à propos,
et en restreignant sur ceux purement législatifs, la prérogative royale à un
droit de suspension jusqu'à la troisième législature, droit purement illusoire,
comme tant d'exemples ne le prouvent que trop.
Que reste-t-il au Roi autre chose que le vain simulacre
de la royauté ?
On lui a donné vingt-cinq millions pour sa Liste civile ;
mais la splendeur de la Maison qu'il doit entretenir pour faire honneur à la
dignité de la Couronne de France, et les charges qu'on a rejetées dessus, même
depuis l'époque où ces fonds ont été réglés, doivent en absorber la totalité.
On lui a laissé l'usufruit de quelques-uns des domaines
de la Couronne, avec plusieurs formes gênantes pour leur jouissance.
Ces domaines ne sont qu'une petite partie de ceux que les
Rois ont possédé de toute ancienneté, ou des patrimoines des ancêtres de Sa
Majesté qu'ils ont réunis à la Couronne.
On ne craint pas d'avancer que si tous ces objets étaient
réunis, ils dépasseraient de beaucoup les sommes allouées pour l'entretien du
Roi et de sa famille, et qu'alors il n'en coûterait rien au peuple pour cette
partie.
"Une remarque qui coûte à faire au Roi, est
l'attention qu'on a eue de séparer, dans tous les arrangements sur la finance
et toutes les autres parties, les services rendus au Roi personnellement, ou à
l'Etat, comme si ces objets n'étaient pas vraiment inséparables, et que les
services rendus à la personne du Roi ne l'étaient pas à l'Etat.
Qu'on examine ensuite les diverses parties du
gouvernement :
LA JUSTICE.
Le Roi n'a aucune participation à la confection des lois,
il a le simple droit d'empêcher jusqu'à la troisième législature sur les objets
qui ne sont pas réputés constitutionnels, et celui de prier l'Assemblée
nationale de s'occuper de tel ou tel objet, sans avoir le droit d'en faire la
proposition formelle.
La Justice se rend au nom du Roi, les provisions des
juges sont expédiées par lui, mais ce n'est qu'une affaire absolument de forme,
et le Roi a seulement la nomination des commissaires du Roi, places
nouvellement créées qui n'ont qu'une partie des attributions des anciens
procureurs généraux, et sont seulement destinés à faire maintenir l'exécution des
formes : toute la partie publique est dévolue à un autre officier de justice.
Ces places de commissaires sont à vie et non révocables,
pendant que l'exercice de celles de juges ne doit durer que six années.
Un des derniers décrets de l'Assemblée vient de priver le
Roi d'une des plus belles prérogatives attachées partout à la Royauté : celle
de faire grâce et de commuer les peines.
Quelques parfaites que soient les lois, il est impossible
qu'elles prévoient tous les cas ; et ce sera alors les jurés qui auront
véritablement le droit de faire grâce, en appliquant suivant leur volonté le
sens de la loi, quoique les apparences paraissent contraires.
D'ailleurs combien cette disposition ne diminue-t-elle
pas la Majesté Royale aux yeux des peuples, étant accoutumés depuis si
longtemps à recourir au Roi dans leurs besoins et dans leurs peines, et à voir
en lui le père commun qui pouvait soulager leurs afflictions !
L'ADMINISTRATION INTÉRIEURE.
Elle est tout entière dans les mains des départements,
des districts et des municipalités, ressorts trop multipliés qui nuisent au
mouvement de la machine, et qui souvent peuvent se croiser.
Tous ces corps sont élus par le peuple et ne
ressortissent du gouvernement, d'après les décrets, que pour leur exécution et
celle des ordres particuliers qui en sont la suite.
D'un côté ils n'ont aucune grâce à en attendre, et de
l'autre les manières de punir ou de réprimer leurs fautes, comme elles sont
établies par les décrets, ont des formes si compliquées qu'il faudrait des cas
bien extraordinaires pour pouvoir s'en servir, ce qui réduit à bien peu de
chose la surveillance que les ministres doivent avoir sur eux.
Ces corps ont d'ailleurs acquis peu de force et de
considération, et les Sociétés des Amis de la Constitution qui ne sont pas
responsables, se trouvent bien plus fortes qu'eux, et par là l'action du
gouvernement devient nulle.
Depuis leur établissement, on a vu plusieurs exemples
que, quelque bonne volonté qu'ils eussent pour maintenir le bon ordre, ils
n'ont pas osé se servir des moyens que la loi leur donnait, par la crainte du
peuple poussé par d'autres instigations.
Les corps électoraux, quoiqu'ils n'aient aucune action,
et soient restreints aux élections, ont une force réelle par leur masse, par
leur durée biennale, et par la crainte naturelle aux hommes, et surtout à ceux
qui n'ont pas d'état fixe, de déplaire à ceux qui peuvent servir ou nuire.
La disposition des forces militaires est, par les
décrets, dans la main du Roi.
Il a été déclaré chef suprême de l'Armée et de la Marine.
Mais tout le travail de formation de ces deux armes a été
fait par les Comités de l'Assemblée sans la participation du Roi ; tout,
jusqu'au moindre règlement de discipline, a été fait par eux ; et s'il reste au
Roi le tiers ou le quart des nominations, suivant les occasions, ce droit
devient à peu près illusoire par les obstacles et les contrariétés sans nombre
que chacun se permet contre les choix du Roi.
On l'a vu être obligé de refaire tout le travail des
officiers généraux de l'Armée, parce que ces choix déplaisaient aux Clubs ; en
cédant ainsi, Sa Majesté n'a pas voulu sacrifier d'honnêtes et braves
militaires, et les exposer aux violences qu'on aurait sûrement exercées contre
eux, comme on n'en a vu que de trop fâcheux exemples.
Les Clubs et les corps administratifs se mêlent des
détails intérieurs des troupes qui doivent être absolument étrangers même à ces
derniers, n'ayant que le droit de requérir la force publique lorsqu'ils pensent
qu'il y a lieu à l'employer.
Ils se sont servis de ce droit quelquefois même pour
contrarier les dispositions du gouvernement sur la distribution des troupes, de
manière qu'il est arrivé plusieurs fois qu'elles ne se trouvaient pas où elles
devaient être.
Ce n'est qu'aux Clubs qu'on doit attribuer l'esprit de révolte
contre les officiers et la discipline militaire qui se répand dans beaucoup de
régiments, et qui, si on n'y met bon ordre efficacement, sera la destruction de
l'Armée.
Que devient une armée quand elle n'a plus ni chefs ni
discipline ?
Au lieu d'être la force et la sauvegarde d'un Etat, elle
en devient alors la terreur et le fléau.
Combien les soldats français, quand ils auront les yeux
dessillés, ne rougiront-ils pas de leur conduite, et ne prendront-ils pas en
horreur ceux qui ont perverti le bon esprit qui régnait dans l'Armée et la
Marine françaises ?
Funestes dispositions que celles qui ont encouragé les
soldats et les marins à fréquenter les Clubs !
Le Roi a toujours pensé que la loi doit être égale pour
tous ; les officiers qui sont dans leur tort doivent être punis, mais ils
doivent l'être, comme les subalternes, suivant les dispositions établies par
les lois et règlements.
Toutes les portes doivent être ouvertes pour que le
mérite se montre et puisse avancer ; tout le bien-être qu'on peut donner aux
soldats est juste et nécessaire ; mais il ne peut pas y avoir d'armée sans
officiers, et il n'y en aura jamais tant que les soldats se croiront en droit
de juger la conduite de leurs chefs.
AFFAIRES ÉTRANGÈRES.
La nomination aux places de ministres dans les Cours
étrangères a été réservée au Roi, ainsi que la conduite des négociations ; mais
la liberté du Roi pour ces choix est aussi nulle que pour ceux des officiers de
l'Armée ; on en a vu l'exemple à la dernière nomination.
La révision et confirmation des traités, que s'est
réservé l'Assemblée nationale, et la nomination d'un Comité diplomatique,
détruit (sic) absolument la seconde disposition.
Le droit de faire la guerre ne serait qu'un droit
illusoire, parce qu'il faudrait être insensé pour croire qu'un roi qui n'est ni
ne veut être despote, allât, de but en blanc, attaquer un autre royaume lorsque
le vœu de la nation s'y opposerait et qu'elle n'accorderait aucun subside pour
la soutenir.
Mais le droit de faire la paix est d'un tout autre genre.
Le Roi, qui ne fait qu'un avec la nation, qui ne peut
avoir d'autre intérêt que le sien, connaît ses besoins et ses ressources, et ne
craint pas alors de prendre les engagements qui lui paraissent propres à
assurer son bonheur et sa tranquillité.
Mais quand il faudra que les conventions subissent la
révision et la confirmation de l'Assemblée nationale, aucune puissance
étrangère ne voudra prendre des engagements qui peuvent être rompus par
d'autres que par celui avec qui elle contracte ; et alors, tous les pouvoirs se
concentrent dans cette même Assemblée.
D'ailleurs, quelque franchise qu'on mette dans les
négociations, est-il possible d'en confier le secret à une Assemblée dont les
délibérations sont nécessairement publiques !
FINANCES.
Le Roi avait déclaré, bien avant la convocation des États
Généraux, qu'il reconnaissait dans les Assemblées de la nation le droit
d'accorder des subsides, et qu'il ne voulait plus imposer les peuples sans leur
consentement.
Tous les cahiers des députés aux États Généraux s'étaient
accordés à mettre le rétablissement des finances au premier rang des objets
dont cette Assemblée devait s'occuper ; quelques-uns y avaient mis des
restrictions pour des articles à faire décider préalablement.
Le Roi a levé les difficultés que ces restrictions
auraient pu occasionner, en allant au-devant lui-même et accordant, dans la
séance du 23 juin, tout ce qui avait été désiré.
Le 4 février 1790, le Roi a pressé l'Assemblée de
s'occuper efficacement d'un objet si important ; elle ne s'en est occupé que
tard et d'une manière qui peut paraître imparfaite.
Il n'y a point
encore de tableau exactement fait des recettes et des dépenses, et des
ressources qui peuvent servir à combler le déficit.
On s'est laissé aller à des calculs hypothétiques.
L'Assemblée s'est pressée de détruire plusieurs impôts
dont la lourdeur, à la vérité, pesait beaucoup sur le peuple, mais qui
donnaient des ressources assurées ; elle les a remplacés par un impôt presque
unique dont la levée exacte sera peut-être très difficile.
Les contributions ordinaires sont à présent très arriérées,
et la ressource extraordinaire des douze premiers millions d'assignats est déjà
presque consommée.
Les dépenses des départements de la Guerre et de la
Marine, au lieu d'être diminuées, sont augmentées, sans y comprendre celles que
des armements nécessaires ont occasionnées dans la dernière année.
Pour l'administration de ce département, les rouages ont
été fort multipliés, en en confiant les recettes aux administrations de
districts.
Le Roi qui le premier n'avait pas craint de rendre
publics les comptes de son administration des finances, et avait montré la
volonté que les comptes publics fussent établis comme une règle du
gouvernement, a été rendu, si cela est possible, encore plus étranger à ce département
qu'aux autres ; et les préventions, les jalousies, et les récriminations contre
le gouvernement ont été plus répandues encore sur cet objet.
Le règlement des fonds, le recouvrement des impositions,
la répartition entre les départements, les récompenses pour services rendus,
tout a été ôté à l'inspection du Roi, et il ne lui reste que quelques stériles
nominations, et pas même la distribution de quelques gratifications à donner
aux indigents.
Le Roi connaît les difficultés de cette administration,
et s'il était possible que la machine du gouvernement pût aller sans sa
surveillance directe sur la gestion des finances, il ne regretterait que de ne
pouvoir plus travailler par lui-même à établir un ordre qui pût faire parvenir
à la diminution des impositions — objet qu'on sait que Sa Majesté a toujours
vivement désiré, et qu'elle eût pu effectuer sans les dépenses de la dernière
guerre —, et de ne plus avoir la distribution des secours pour le soulagement
des malheureux.
Enfin par les décrets le Roi est déclaré chef suprême de
l'administration du royaume ; d'autres décrets subséquents ont réglé
l'organisation du ministère, de manière que le Roi, que cela doit regarder plus
directement, ne peut pourtant y rien changer sans décision de l'Assemblée.
Le système des chefs du parti dominant a été si bien
suivi, de jeter une telle méfiance sur tous les agents du gouvernement, qu'il
devient presque impossible aujourd'hui de remplir les places de
l'administration.
Tout gouvernement ne peut pas marcher ni subsister sans
une confiance réciproque entre les administrateurs et les administrés, et les
derniers règlements proposés à l'Assemblée nationale sur les peines à infliger
aux ministres ou aux agents du pouvoir exécutif qui seraient prévaricateurs, ou
seraient jugés avoir dépassé les limites de leur puissance, doivent faire
naître toutes sortes d'inquiétudes, — ces dispositions pénales s'étendent même
jusqu'aux subalternes, ce qui détruit toute subordination, les inférieurs ne
devant jamais juger les ordres de leurs supérieurs qui sont responsables de ce
qu'ils ordonnent —.
Ces règlements, par la multiplicité des précautions et
des genres de délits qui y sont indiqués, ne tendent qu'à inspirer de la
méfiance au lieu de la confiance qui serait nécessaire.
Cette forme de gouvernement, si vicieuse en elle-même, le
devient plus encore par deux causes :
1er/ L'Assemblée, par le moyen de ses Comités, excède à
tout moment les bornes qu'elle s'est prescrites ; elle s'occupe d'affaires qui
tiennent uniquement à l'administration intérieure du royaume et à celle de la
Justice, et cumule ainsi tous les pouvoirs.
Elle exerce même par son Comité des Recherches, un
véritable despotisme plus barbare et plus insupportable qu'aucun de ceux dont
l'histoire ait jamais fait mention.
2°/ Il s'est établi dans presque toutes les villes, et
même dans plusieurs bourgs et villages du Royaume, des associations connues
sous le nom des Amis de la Constitution : contre la teneur des décrets, elles
ne souffrent aucune autre qui ne soit pas affiliée avec elles, ce qui forme une
immense corporation plus dangereuse qu'aucune de celles qui existaient
auparavant.
Sans y être autorisées, mais même au mépris de tous les
décrets, elles délibèrent sur toutes les parties du gouvernement, correspondent
entre elles sur tous les objets, font et reçoivent des dénonciations, affichent
des arrêtés, et ont pris une telle prépondérance que tous les corps
administratifs et judiciaires, sans en excepter l'Assemblée nationale
elle-même, obéissent presque toujours à leurs ordres.
Le Roi ne pense pas qu'il soit possible de gouverner un
royaume d'une si grande étendue et d'une si grande importance que la France par
les moyens établis par l'Assemblée nationale tels qu'ils existent à présent.
Sa Majesté, en accordant à tous les décrets
indistinctement une sanction qu'elle savait bien ne pas pouvoir refuser, y a
été déterminée par le désir d'éviter toute discussion que l'expérience lui
avait appris être au moins inutile; elle craignait de plus qu'on ne pensât
qu'elle voulût retarder ou faire manquer les travaux de l'Assemblée nationale à
la réussite desquels la nation prenait un si grand intérêt.
Elle mettait sa confiance dans les gens sages de cette
Assemblée qui reconnaissaient qu'il était plus aisé de détruire un gouvernement
que d'en reconstruire un sur des bases toutes différentes, et qui avaient
plusieurs fois senti la nécessité, lors de la révision annoncée des décrets, de
donner une force d'action et de coaction nécessaire à tout gouvernement ; ils
reconnaissent aussi l'utilité d'inspirer pour ce gouvernement et pour les lois
qui doivent assurer la prospérité et l'état de chacun, une confiance telle
qu'elle ramenât dans le royaume tous les citoyens que le mécontentement dans
quelques-uns, et dans la plupart la crainte pour leur vie ou pour leur
propriété, ont forcés de s'expatrier.
Mais plus l'Assemblée approche du terme de ses travaux,
plus on voit les gens sages perdre de leur crédit, plus les dispositions qui ne
peuvent mettre que de la difficulté et même de l'impossibilité dans la conduite
du gouvernement, et inspirer pour lui de la méfiance et de la défaveur,
augmentent tous les jours.
Les autres règlements, au lieu de jeter un baume
salutaire sur les plaies qui saignent encore dans plusieurs provinces, ne font
qu'accroître les inquiétudes et aigrir les mécontentements.
L'esprit des Clubs domine tout et envahit tout, les mille
journaux et pamphlets calomniateurs et incendiaires qui se répandent
journellement ne sont que leurs échos, et préparent les esprits de la manière
dont ils veulent les conduire.
L'Assemblée nationale n'a jamais osé remédier à cette
licence bien éloignée d'une vraie liberté; elle a perdu son crédit et même la
force dont elle aurait besoin pour revenir sur ses pas et changer ce qui lui
paraîtrait bon à être corrigé.
On voit par
l'esprit qui règne dans les Clubs, et la manière dont ils s'emparent des
nouvelles assemblées primaires, ce qu'on doit attendre d'eux ; et s'ils
laissent apercevoir quelques dispositions à revenir sur quelque chose, c'est
pour détruire les restes de la royauté que les premiers décrets ont laissé
subsister, et établir un gouvernement métaphysique et philosophique impossible
dans son exécution.
- Français, est-ce là ce que vous attendiez en envoyant
vos représentants à l'Assemblée nationale ?
- Désiriez-vous que l'anarchie et le despotisme des Clubs
remplaçât le gouvernement monarchique sous lequel la nation a prospéré pendant
quatorze cents ans ?
- Désiriez-vous voir votre Roi comblé d'outrages et privé
de sa liberté pendant qu'il ne s'occupait que d'établir la vôtre ?
L'amour pour ses rois est une des vertus des Français, et
Sa Majesté en a reçu personnellement des marques trop touchantes pour pouvoir
jamais les oublier.
Les factieux sentaient bien que tant que cet amour
subsisterait, leur ouvrage ne pourrait jamais s'achever.
Ils sentirent également que pour l'affaiblir, il fallait,
s'il était possible, anéantir le respect qui l'a toujours accompagné ; et c'est
la source de tous les outrages que le Roi a reçus depuis deux ans, et de tous
les maux qu'il a soufferts.
Sa Majesté n'en retracerait pas ici l'affligeant tableau
si elle ne voulait faire connaître à ses fidèles sujets l'esprit de ces
factieux qui déchirent le sein de la patrie en feignant de vouloir la
régénérer.
Ils profitèrent de l'espèce d'enthousiasme où l'on était
pour M. Necker, pour lui procurer sous les yeux mêmes du Roi un triomphe
d'autant plus éclatant que dans le même instant les gens qu'ils avaient
soudoyés pour cela affectèrent de ne faire aucune attention à la présence du
Roi.
Enhardis par ce premier essai, ils osèrent dès le
lendemain, à Versailles, faire insulter M. l'archevêque de Paris, le poursuivre
à coup de pierres, et mettre sa vie dans le plus grand danger.
Lorsque l'insurrection éclata dans Paris, un courrier que
le Roi avait envoyé fut arrêté, publiquement fouillé, et les lettres du Roi
même furent ouvertes.
Pendant ce temps l'Assemblée nationale semblait insulter
à la douleur de Sa Majesté en ne s'occupant qu'à combler de marques d'estime
ces mêmes ministres dont le renvoi a servi de prétexte à l'insurrection, et que
depuis elle n'a pas mieux traités pour cela.
Le Roi s'étant déterminé à aller porter lui-même des
paroles de paix dans la capitale, des gens apostés sur toute la route eurent
grand soin d'empêcher ces cris de vive le Roi si naturels aux Français, et les
harangues qu'on lui fit, loin de porter l'expression de la reconnaissance, ne
furent remplies que d'une ironie amère.
Cependant on accoutumait de plus en plus le peuple au
mépris de la royauté et des lois : celui de Versailles essayait de pendre deux
houzards à la grille du château, arrachait un parricide au supplice, s'opposait
à l'entrée d'un détachement de chasseurs destiné à maintenir le bon ordre,
tandis qu'un énergumène faisait publiquement au Palais Royal la motion de venir
enlever le Roi et son fils, de les garder à Paris, et d'enfermer la Reine dans
un couvent, et que cette motion, loin d'être rejetée avec l'indignation qu'elle
aurait dû exciter, était applaudie.
L'Assemblée de son côté, non contente de dégrader la
royauté par ses décrets, affectait du mépris même pour la personne du Roi, et
recevait d'une manière qu'il est impossible de qualifier convenablement, les
observations du Roi sur les décrets de la nuit du 4 au 5 août.
Enfin arrivèrent les journées du 5 au 6 octobre : le
récit en serait superflu, et Sa Majesté l'épargne à ses fidèles sujets ; mais
elle ne peut pas s'empêcher de faire remarquer la conduite de l'Assemblée
pendant ces horribles scènes.
Loin de songer à les prévenir ou du moins à les arrêter,
elle resta tranquille et se contenta de répondre à la motion de se transporter
en corps chez le Roi, que cela n'était pas de sa dignité.
Depuis ce moment, presque tous les jours ont été marqués
par de nouvelles scènes plus affligeantes les unes que les autres pour le Roi,
ou par de nouvelles insultes qui lui ont été faites.
A peine le Roi était-il aux Tuileries qu'un innocent fut
massacré, et sa tête promenée dans Paris presque sous les yeux du Roi.
Dans plusieurs provinces, ceux qui paraissaient attachés
au Roi ou à la Couronne, ont été persécutés, plusieurs même ont perdu la vie
sans qu'il fut possible au Roi de faire punir les assassins, ou même d'en
témoigner de la sensibilité.
Dans le jardin même des Tuileries, tous les députés qui
ont parlé contre le Roi ou contre la religion — car les factieux dans leur rage
n'ont pas plus respecté l'autel que le trône — ont reçu les honneurs du
triomphe, pendant que ceux qui pensent différemment y sont à tout moment
insultés, et leur vie même est continuellement menacée.
A la fédération du 14 juillet 1790, l'Assemblée, en
nommant le Roi par un décret spécial pour en être le chef, s'est montrée par là
penser qu'elle aurait pu en nommer un autre. A cette même cérémonie, malgré la
demande du Roi, la famille royale a été placée dans un endroit séparé de celui
qu'il occupait, chose inouïe jusqu'à présent. — C'est pendant cette fédération
que le Roi a passé les moments les plus doux de son séjour à Paris ; elle
s'arrête avec complaisance sur le souvenir des témoignages d'attachement et
d'amour que lui ont donné les gardes nationaux de toute la France rassemblés
pour cette cérémonie —.
Les ministres du Roi, ces mêmes ministres que l'Assemblée
avait forcé le Roi de rappeler, ou dont elle avait applaudi la nomination, ont
été contraints, à force d'insultes et de menaces, de quitter leurs places,
excepté un.
Mesdames, tantes du Roi, et qui étaient restées
constamment près de lui, déterminées par un motif de religion, ayant voulu se
rendre à Rome, les factieux n'ont pas voulu leur laisser la liberté qui
appartient à toute personne, et qui est établie par la déclaration des droits
de l'homme.
Une troupe, poussée par eux, s'est portée vers Bellevue
pour arrêter Mesdames. Le coup ayant été manqué par leur prompt départ, les
factieux ne se sont pas déconcertés, ils se sont portés chez Monsieur sous
prétexte qu'il voulait suivre l'exemple de Mesdames ; et quoiqu'ils n'aient
recueilli de cette démarche que le plaisir de lui faire une insulte, elle n'a pas
été tout à fait perdue pour leur système.
Cependant, n'ayant pu faire arrêter Mesdames à Bellevue,
ils ont trouvé les moyens de les faire arrêter à Arnay-le-Duc, et il a fallu
des ordres de l'Assemblée nationale pour les laisser continuer leur route, ceux
du Roi ayant été méprisés.
A peine la nouvelle de cette arrestation était-elle
arrivée à Paris, qu'ils ont essayé de faire approuver par l'Assemblée nationale
cette violation de toute liberté ; mais leur coup ayant manqué, ils ont excité
un soulèvement pour contraindre le Roi à faire revenir Mesdames.
Mais la bonne conduite de la Garde nationale — dont le
Roi s'est empressé de lui témoigner sa satisfaction — ayant dissipé
l'attroupement, ils recoururent à d'autres moyens.
Il ne leur avait pas été difficile d'observer qu'au
moindre mouvement qui se faisait sentir, une grande quantité de fidèles sujets
se rendait aux Tuileries et formait une espèce de bataillon capable d'en
imposer aux malintentionnés.
Ils excitèrent une émeute à Vincennes, et firent courir à
dessein le bruit que l'on se servirait de cette occasion pour se porter aux
Tuileries, afin que les défenseurs du Roi pussent se rassembler comme ils
l'avaient déjà fait, et qu'on pût dénaturer leurs intentions aux yeux de la
Garde nationale en leur prêtant les projets des forfaits mêmes contre lesquels
ils s'armaient.
Ils réussirent si bien à aigrir les esprits que le Roi
eut la douleur de voir maltraiter sous ses yeux, sans pouvoir les défendre,
ceux qui lui donnaient les plus touchantes preuves de leur attachement.
Ce fut en vain que Sa Majesté leur demanda elle-même les
armes qu'on avait rendues suspectes ; ce fut en vain qu'ils lui donnèrent cette
dernière marque de leur dévouement, rien ne put ramener ces esprits égarés qui
poussèrent l'audace jusqu'à se faire livrer et briser ces mêmes armes dont le
Roi s'était rendu dépositaire.
Cependant le Roi ayant été malade, se disposait à
profiter des beaux jours du printemps pour aller à Saint-Cloud, comme il y
avait été l'année dernière une partie de l'été et de l'automne.
Comme ce voyage tombait dans la Semaine Sainte, on osa se
servir de l'attachement connu du Roi pour la religion de ses Pères pour animer
les esprits contre lui ; et dès le dimanche au soir, le Club des Cordeliers se
permit de faire afficher un arrêté dans lequel le Roi lui-même était dénoncé
comme réfractaire à la loi.
Le lendemain Sa Majesté monta en voiture pour partir,
mais arrivée à la porte des Tuileries, une foule de peuple parut vouloir
s'opposer à son passage.
Et c'est avec bien de la peine qu'on doit dire ici que la
Garde nationale, loin de réprimer les séditieux, se joignit à eux et arrêta
elle-même les chevaux.
En vain M. de La Fayette fit-il tout ce qu'il put pour
faire comprendre à cette Garde l'horreur de la conduite qu'elle tenait, rien ne
put réussir.
Les discours les plus insolents, les motions les plus
abominables retentissaient aux oreilles de Sa Majesté ; les personnes de sa
Maison qui se trouvaient là s'empressèrent de lui faire au moins un rempart de
leurs corps si les intentions qu'on ne manifestait que trop venaient à
s'exécuter.
Mais il fallait que le Roi bût le calice jusqu'à la lie ;
ses fidèles serviteurs lui furent arrachés avec violence. Enfin, après avoir
enduré pendant une heure trois quarts tous ces outrages, Sa Majesté fut
contrainte de céder et de rentrer dans sa prison, car après cela on ne saurait
appeler autrement son palais.
Son premier soin fut d'envoyer chercher le directoire du
département, chargé par état de veiller à la tranquillité et à la sûreté publique,
et de l'instruire de ce qui venait de se passer.
Le lendemain, elle se rendit elle-même à l'Assemblée
nationale pour lui faire sentir combien cet événement était contraire même à la
nouvelle constitution.
De nouvelles insultes furent tout le fruit que le Roi
retira de ces deux démarches ; il fut obligé de consentir à l'éloignement de sa
Chapelle et de la plupart de ses grands officiers, et d'approuver la lettre que
son ministre a écrite en son nom aux Cours Étrangères, enfin d'assister le jour
de Pâques à la messe du nouveau curé de Saint-Germain-l'Auxerrois.
D'après tous ces motifs, et l'impossibilité où le Roi se
trouve à présent d'opérer le bien et d'empêcher le mal qui se commet, est-il
étonnant que le Roi ait cherché à recouvrer sa liberté et à se mettre en sûreté
avec sa famille ?
Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants d'une
ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne ville de
Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à
votre Roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami.
Quel plaisir n'aura-t-il pas d'oublier toutes ses injures
personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu'une Constitution qu'il
aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le
gouvernement sera établi sur un pied stable et utile par son action, que les
biens et l'état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus
enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée sur des bases fermes
et inébranlables.
A Paris, le 20 juin 1791, Louis.
Le Roi défend à ses ministres de signer aucun ordre en
son nom jusqu'à ce qu'ils aient reçu ses ordres ultérieurs, et il enjoint au
Garde du Sceau de l'Etat, de le lui renvoyer d'abord qu'il en sera requis de sa
part.
A Paris, le 20 juin 1791, Louis.
c est pour ça que macron est descendu dans l arene ....un peuple regicide peux frapper de nouveau .....
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