La Sainte-Chapelle, dite aussi Sainte-Chapelle du Palais,
est une chapelle palatine édifiée sur l’île de la Cité, à Paris, à la demande
de saint Louis afin d’abriter la Sainte Couronne d’épines, un morceau de la
Vraie Croix, ainsi que diverses autres reliques de la Passion qu’il avait
acquises à partir de 1239.
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Sainte Chapelle - Upper Chapel, Paris, France - Didier
B (Sam67fr)
Elle est la
première construite des Saintes chapelles, conçue comme une vaste châsse
presque entièrement vitrée, et se distingue par l'élégance et la hardiesse de
son architecture, qui se manifeste dans une élévation importante et la
suppression quasi totale des murs au niveau des fenêtres de la chapelle haute.
Saint-Louis recevant la Sainte-Couronne, la
Sainte-Croix, la Sainte-Lance et d'autres reliques, enluminure du xive siècle.
Bien qu'édifiée
dans un bref délai ne dépassant pas sept ans, l'on n'a pas relevé de défauts de
construction, et la décoration n'a pas été négligée.
Elle fait notamment appel à la sculpture, la peinture et
l'art du vitrail : ce sont ses immenses vitraux historiés d'origine qui font
aujourd'hui la richesse de la Sainte-Chapelle,
car elle a été privée de ses reliques à la Révolution française, et perdu ainsi
sa principale raison d'être.
Représentation du palais royal dans les Très Riches
Heures du duc de Berry, où l'on aperçoit la façade de la Sainte-Chapelle avec
sa rosace d'origine.
Desservie par un collège de chanoines jusqu'en 1787, la Sainte-Chapelle
a été fermée au culte vers 1790, puis vidée de tout son contenu et détournée en
siège du Club de la Sainte-Chapelle.
Charte de fondation de la Sainte-Chapelle par Louis
IX.
En 1797, elle est transformée en dépôt d'archives du
palais de justice, et l'expansion de celui-ci menace son existence même.
Son sauvetage est décidé en 1836 sous la pression de
l'opinion publique, et sa restauration est lancée un an plus tard et dure
vingt-six ans.
En tant qu'édifice emblématique du style gothique
rayonnant, la Sainte-Chapelle est classée monument historique par liste de
1862, un an avant l'achèvement de sa restauration, qui est l'une des plus
réussies de son temps.
Le chevet de la Sainte-Chapelle, intégrée dans
l'actuel Palais de justice de Paris, pris depuis le Boulevard du Palais - Parsifall
Avec la Conciergerie, la Sainte-Chapelle constitue l'un
des vestiges du palais de la Cité, qui s’étendait sur le site couvrant l’actuel
palais de justice.
Elle est gérée par le Centre des monuments nationaux,
auquel elle a été attribuée à titre de dotation par un arrêté du 2 avril 2008.
Desservi par la station de métro Cité, le monument a
accueilli en 2013 plus d'un million de visiteurs, en faisant le troisième
monument géré par le Centre des monuments nationaux le plus visité après le
Mont Saint-Michel et l'Arc de triomphe de l'Étoile.
Dessin de la Sainte-Chapelle, dans BnF Manuscrit
français 9152 : « Recherches de plusieurs singularités, par Françoys Merlin,
controlleur général de la maison de feu madame Marie-Élizabeth, fille unique de
feu roy Charles dernier,... portraictes et escrites par Jacques Cellier,
demourant à Reims. » (1583-1587)
Cet édifice est référencé à l'Observatoire du Patrimoine
Religieux Français sous la référence OPR150966
Histoire
L'acquisition des Saintes Reliques
Lors du siège de Constantinople en 1204, Baudouin VI de
Hainaut accapare tout ce qu'il peut trouver dans le palais de Boucoléon, dont
la Vraie Croix et la Sainte Couronne.
Ces insignes reliques ne sont pas vendues dans un premier
temps, mais demeurent au domicile de l'empereur latin et se transmettent à ses
successeurs.
La Chambre des Comptes et l'élévation sud de la
Sainte-Chapelle au xviie siècle.
Israël Silvestre
En 1237, le dernier empereur latin de Constantinople
Baudouin II de Courtenay arrive en France dans le cadre d'un voyage européen
ayant pour but de trouver des alliés pour l'aider à affronter les Bulgares qui
assiègent Constantinople.
Afin de financer la dépense de son empire, Baudouin met
en gage la Sainte Couronne en septembre 1238, à Nicolo Quirino, un marchand
vénitien proche du doge de Venise.
Il est prévu que le marchand devienne propriétaire de la
relique si le gage n'est pas remboursé dans les quatre mois.
Donation faite par le roi de France Philippe IV Le Bel
aux chapelains et marguilliers de la Sainte-Chapelle du palais à Paris. Paris,
février 1286. Archives nationales de France.
Peu enclin à l'envoi d'une aide militaire à Baudouin,
Saint Louis se montre en revanche intéressé par l'achat de la Sainte Couronne.
Après une série de pourparlers afin de vérifier
l'authenticité de la relique, il acquiert la Sainte Couronne pour 135 000
livres tournois, plus de la moitié du revenu annuel du domaine royal, qui,
selon de Wailly, pour les seuls revenus ordinaires, s'élevait en 1238 à 235 285
livres parisis.
Pierre-Denis
Martin, Louis XV sortant du lit de justice tenu au parlement en septembre 1715.
Sous la conduite des prêcheurs dominicains Jacques et
André de Longjumeau, la relique prend la route de la France en 1239.
Le 10 août 1239, elle fait une entrée solennelle à
Villeneuve-l'Archevêque (Champagne), puis le cortège s'arrête à Sens le jour
suivant.
Le roi, son frère Robert Ier d'Artois, évêque du Puy,
leur mère Blanche de Castille et l'archevêque de Sens, Guillaume Cornut, vont à
la rencontre du cortège et vérifient les sceaux, qui garantissent l'authenticité
de la relique.
Le roi dépose le sien.
Ensuite le voyage se poursuit par voie fluviale.
À partir de 1524, l'Eucharistie est célébrée sur ce
maître-autel en bois doré (aujourd'hui au château d'Écouen). P.poschadel
Le 18 août, la Sainte-Couronne entre à Paris, en la
présence d'une grande foule de spectateurs et l'ensemble du clergé de la
capitale.
Lors d'une grande cérémonie qui se tient le lendemain, la
relique est déposée en la chapelle Saint-Nicolas du palais de la Cité.
Deux ans plus tard, en 1241, le roi poursuit son ambition
en se portant acquéreur d'un large morceau de la Sainte Croix et de sept autres
reliques de la Passion du Christ, notamment le Saint Sang et la Pierre du
Sépulcre.
L'orgue de 1762, racheté par la paroisse de
Saint-Germain-l'Auxerrois.
GFreihalter
L'année suivante, ce sont des morceaux de la Sainte Lance
et de la Sainte Éponge qui sont ajoutés à la Sainte Collection.
Construction de la
Sainte-Chapelle
Fort de l'acquisition de cette collection de reliques,
saint Louis décide de l'édification d'une chapelle conçue comme une véritable
châsse pour la vénération des reliques.
Il n'a toutefois pas l'intention d'en faire un sanctuaire
national ou un lieu de pèlerinage de premier ordre, ce qui est exprimé par
l'absence d'accès extérieur à la chapelle haute, lieu d'exposition de la grande
châsse.
Le nouvel édifice prend place dans le Palais de la Cité,
principal lieu de résidence de saint Louis avec Vincennes, et remplace l'ancienne
chapelle Saint-Nicolas qui est alors détruite.
Vue après l'incendie de 1630, qui détruisit la flèche
de 1460, qui a été restituée approximativement en 1853. Étienne Martellange
(1569-1641)
Le choix d'une implantation au sein du Palais n'est pas
anodin : il affirme le lien sacré entre les reliques et la couronne royale,
comme le faisaient les empereurs byzantins et germaniques, avec respectivement
les chapelles des palais de Boucoléon et d'Aix-la-Chapelle.
Cette proximité a également un rôle judiciaire, car c'est
sur les reliques que l'on prête serment dans les procédures entre seigneurs et
vassaux.
La grande châsse.
Ransonnette. — Sauveur-Jérôme Morand, Histoire de la
Ste-Chapelle royale du Palais enrichie de planches, Paris
La chapelle doit répondre à une quadruple vocation :
- écrin pour la conservation des reliques permettant
également leur vénération ; - chapelle palatine ;
- siège d'un collège de chanoines ;
-et lieu de culte pour le personnel du château.
Situation de la Sainte-Chapelle en 1754 (à gauche, au
milieu).
Toutes les chapelles liées à une résidence royale ou
épiscopale ne réunissent pas nécessairement toutes ces fonctions.
L'exemple le plus ancien est certes la Cámara Santa
d'Oviedo, qui date du milieu du IXe siècle.
C'est déjà une chapelle double.
La Sainte-Chapelle à la veille de sa restauration.
Thomas Shotter Boys (England,
London, 1803-1874) — Image:
En France, la forme de la Sainte-Chapelle se cristallise
avec les chapelles épiscopales de Laon, de Paris et de Noyon, et surtout celle
de l'archevêché de Reims.
Elle n'est pas la mieux adaptée pour faire face à
l'afflux de foules de pèlerins : l'absence de déambulatoire ne permet pas un
défilement devant les reliques, et les visiteurs doivent emprunter l'un des
deux escaliers à vis de la façade occidentale.
Félix Duban, architecte ayant dirigé la restauration
du monument (1798 - 1870).
L'on pense que c'est la volonté de Louis IX de disposer
d'un lieu de prière tranquille qui motive ce parti, et non le désir du roi de
réserver les reliques à la famille royale et son entourage, ce qui cadre moins
bien avec la personnalité de saint Louis.
Aussi, la chapelle ne dispose-t-elle pas d'une tribune
royale, car les jours ordinaires, seulement le clergé, la famille royale et ses
invités ont accès à la chapelle.
Polychromie des chapiteaux. Chapelle basse, chapiteaux au
revers de la façade.
Photo Pierre Poschadel.
Elle est reliée au palais par la galerie des Merciers,
qui délimite à l'ouest la cour de Mai et dessert les appartements privés du
roi.
Dans la chapelle, le roi dispose d'un oratoire qui est
juste une niche ménagée dans le mur de la quatrième travée, au sud.
La chapelle ne contient initialement pas de stalles :
l'assistance, y compris les chanoines, prennent place sur les bancs de pierre
qui courent tout autour.
Un jubé n'est installé que postérieurement, un peu à
l'est de la limite entre la seconde et la troisième travée.
Article de journal sur la nouvelle flèche. In 1854, the
steeple of the Saint-Chapelle Cathedral was resurrected to replace the previous
one destroyed in 1792
La date exacte du début de la construction reste
inconnue.
Les travaux commencent entre l'automne 1241, date de
l'arrivée des reliques à Paris, et mai 1244, date à laquelle une bulle
pontificale évoque pour la première fois les travaux.
Dès 1246, Saint-Louis fonde un collège de cinq
maîtres-chapelains chargé de garder les reliques, entretenir les vitraux et
luminaires, et célébrer le culte dans la chapelle.
Première messe de l'institution de la magistrature en
1849.
Philippe Benoist (1813-1905), lithographe, d'après un
dessin d'Adolphe Jean Baptiste Bayot, (1810-18..).
L'édifice est officiellement consacré le 26 avril 1248,
le légat du pape Eudes de Châteauroux consacrant la chapelle haute dédiée à la
Sainte-Croix, et l'archevêque de Bourges Philippe Berruyer consacrant la
chapelle basse dédiée à la Vierge le même jour.
La durée des travaux est donc comprise entre quatre et
six ans, pour un coût total de 40 000 livres tournois.
La rapidité avec laquelle est menée le chantier illustre
la santé financière du royaume, dont le trésor peut réunir de grosses sommes en
très peu de temps.
Élévation sud. Mathae
Saint Louis est un
roi bâtisseur, qui fait édifier des édifices militaires, tels que les
remparts d'Aigues-Mortes et de Jaffa ;
- des bâtiments civils tels que le château de Tours,
- l'hospice des Quinze-Vingts et les
- hôtels-Dieu de Compiègne et de Pontoise ;
- et surtout de nombreux établissements religieux, tels
que l'abbaye de Maubuisson fondée par sa mère en 1236, et l'abbaye de
Royaumont, dont il est lui-même le fondateur.
Élévation nord.
Il pousse aussi l'abbé Eudes Clément à reconstruire la
basilique Saint-Denis de Suger.
L'on sait qu'il visite personnellement les chantiers pour
contrôler leur déroulement, prend une part active dans l'ordonnancement des
édifices et aide parfois les ouvriers.
Façade occidentale. Tiraden
Ainsi, il est à peu près certain qu'il conçoit la
Sainte-Chapelle en étroite collaboration avec le maître d'œuvre.
L'architecte chargé de la construction reste inconnu.
La tradition orale, remontant au XVIe siècle, évoque
Pierre de Montreuil, architecte de la chapelle de la Vierge de l'abbaye de
Saint-Germain-des-Prés et du bras sud du transept de la cathédrale Notre-Dame
de Paris.
Or, seul le style de la sculpture montre un lien de
parenté avec la Sainte-Chapelle.
Portail supérieur.
Wilwarin
Différentes hypothèses ont été avancées sur l'architecte
principal, qui a une conception plus conservatrice de l'architecture que Pierre
de Montreuil : Robert Branner évoque Thomas de Cormont, maître-maçon de la
cathédrale d'Amiens, tandis que Dieter Kimpel et Robert Suckale évoquent son
prédécesseur, Robert de Luzarches.
Ces hypothèses reposent notamment sur la parenté
architecturale relevée entre la Sainte-Chapelle et la chapelle de la Vierge de
la cathédrale d'Amiens
Vierge à l'enfant au trumeau du portail inférieur. Ibex73
Rien de précis n'est connu sur le déroulement du
chantier.
Le programme architectural s'accompagne d'un programme
symbolique qui se manifeste à la fois dans le contenu du reliquaire et la
décoration de la chapelle haute. Les reliques provenant de l'Empire byzantin,
ce que les contemporains savent parfaitement, la monarchie capétienne s'affiche
ainsi comme véritable héritière de l'idée impériale, et dans le prolongement de
cette idée, le pape Boniface VIII qualifie Louis IX d'empereur dans sa bulle de
canonisation de 1297.
Plafond de la chapelle basse. Benh LIEU SONG
Il s'agit aussi de répondre à la translation des reliques
de la Vierge de la chapelle du palais d'Aix-la-Chapelle dans une nouvelle
châsse en 1238 / 1239, qui est au début d'un nouveau pèlerinage et place le
Saint-Empire pour un moment au centre du monde chrétien.
À l'époque des Croisades, les Capétiens cherchent aussi à
s'approprier la légitimité de la monarchie d'Israël, ce qui est facilité par la
possession de la verge de Moïse, qui se trouve parmi les reliques arrivées de
Byzance au début des années 1240 et est conservée dans la grande châsse des
reliques de la Passion.
Vue à la fin du xixe siècle.
Louis IX a une prédilection particulière pour le culte de
la Passion, et veut sans doute véhiculer une certaine image qui montre qu'il
marche dans les traces du Christ, raison pour laquelle il procède au Lavement
des pieds des pauvres chaque Jeudi saint.
Mais contrairement à la vision sombre du XIVe siècle, la
Passion est perçue comme indissociable de la Résurrection du Christ,
représentée sur une face de la grande châsse.
Abside de la chapelle basse. Chatsam
En dépit de la représentation de scènes de martyres sous
les arcatures plaquées des soubassements des fenêtres, le programme symbolique
de la chapelle haute et toute son architecture expriment l'optimisme, qui émane
de l'élévation vertigineuse de l'espace, de la haute flèche, de la
dématérialisation de l'espace où le verre le remporte sur les murs, et de
l'harmonie des couleurs.
La flèche est une nouvelle tour de Babel, qui, fondée sur
le Christianisme, ne s'écroule pas.
Les piliers entre les travées sont munis des statues des
Douze Apôtres, qui par leur prédication ont formé les colonnes sur lesquelles
repose l'église.
Les vitraux illustrent l'histoire du peuple de Dieu, et
mettent en scène les précurseurs, à savoir les Prophètes et saint Jean le
Baptiste.
Faux bas-côté sud. Pierre Poschadel
Dans son ensemble, le programme symbolique de la
Sainte-Chapelle et la signification de son architecture sont compris et
appréciés par les contemporains.
La Sainte-Chapelle constitue aussi la matérialisation
réussie d'un rêve, celui d'un édifice aux murs de lumière ou d'une image du
Jérusalem céleste.
C'est aussi la fusion de tous les arts du XIIIe siècle :
architecture, sculpture, peinture, art du vitrail, orfèvrerie (pour les
châsses), enluminure (pour les missels et évangéliaires) et musique (pour le
chant des chanoines et leurs diacres).
3e travée, côté sud. Pierre Poschadel
Le service de la
Sainte-Chapelle
Grâce à un privilège attaché à la couronne de France, le
clergé de la Sainte-Chapelle ne dépend pas de l'évêque, ni de la paroisse sur
le périmètre de laquelle le Palais de la Cité se trouve, celle de
Saint-Barthélémy.
Pour que cette exemption ne soit pas contestée par
l'évêque de Paris, celui-ci n'est pas invité à la cérémonie de consécration,
qui est présidée par le légat apostolique et l'archevêque de Reims.
En 1273, le pape rattache officiellement le clergé de la
Sainte-Chapelle au Saint-Siège.
Le clergé est installé en janvier 1246 par un acte de
Louis IX appelée la « Première Fondation », et se compose de membres de trois
rangs : cinq maîtres-chapelains appelés plus tard chanoines, et pour chacun
parmi eux, un sous-chapelain et un diacre ou sous-diacre.
Fenêtre de l'abside. Pierre Poschadel
Le temporel est administré par deux marguilliers, dont
les postes sont toutefois supprimés sous Philippe le Hardi.
Par contre, son petit-fils Philippe V de France double le
clergé.
S'y ajoutent des sous-chapelains ou chapelains perpétuels
de fondation, qui sont attachés à l'un des autels secondaires, et ont comme
attribution de lire des messes pour les défunts de la famille royale.
Ces chapelains perpétuels ne font pas partie du collège
des chanoines, qui par ailleurs n'est jamais érigé en chapitre, et la
Sainte-Chapelle ne devient pas une collégiale, afin de ne pas conférer au
collège les droits supplémentaires qui en auraient découlé.
Chapelle basse, abside, côté sud. Pierre Poschadel
Le chef des maître-chapelains est le trésorier, car sa
principale responsabilité est la garde du trésor. Il est en même temps curé de
la Sainte-Chapelle, et veille sur les âmes de son clergé, de son personnel
laïque et de certains officiers du palais, dont le concierge.
Le second personnage le plus important de la
Sainte-Chapelle est le chantre, qui doit être présent à l'ensemble des offices
et diriger le chœur à toutes les fêtes, ce qui représente de telles contraintes
qu'il s'avère souvent difficile de trouver une personne qui accepte d'être
nommé chantre.
Chapelle basse, médaillon au revers de la façade. Pierre
Poschadel
Tout le clergé de la Sainte-Chapelle est astreint à
résidence au palais. Il gagne des salaires confortables, et les
maîtres-chapelains roulent en carrosse et ont une écurie de quatre chevaux,
mais les logements de service sont exigus et insalubres.
Ce sont les grandes cérémonies qui ponctuent la vie de la
Sainte-Chapelle tout au long de l'année.
Il convient de distinguer celles se rapportant aux
reliques de la Passion, qui sont au nombre de trois et ont été instituées par
saint Louis, et celles se rapportant au culte de Saint-Louis lui-même,
instaurées après sa canonisation en 1297, et qui sont au nombre de deux.
Le roi assiste bien sûr à ces cérémonies, mais sa
présence lors des autres messes est plutôt exceptionnelle.
Médaillon côté ouest. Pierre Poschadel
Pour des hôtes ou des personnages de marque, le roi fait
parfois célébrer des offices extraordinaires afin de faire profiter ses invités
des vertus des reliques.
D'autres cérémonies sont celles découlant de privilèges
accordés à de nombreux ordres religieux ; ils peuvent venir tel ou tel jour de
l'année et célébrer une messe avec leur propre clergé.
La nuit du jeudi au Vendredi saint, la Vraie Croix est
exposée à l'intention des malades, notamment celles atteintes d'épilepsie, ce
qui se finit souvent par des crises d'hystérie de masse.
La Chapelle haute. Didier B (Sam67fr)
Des messes sont célébrées quotidiennement dans la
chapelle haute et dans la chapelle basse, les unes destinées à la cour, l'autre
destinée au personnel du palais et de la Sainte-Chapelle.
La qualité de la musique chantée atteint un haut niveau,
et parmi les maîtres de musique, une autre charge qui existe à la
Sainte-Chapelle, l'on trouve des musiciens et compositeurs reconnus tels que
Marc-Antoine Charpentier (1698-1704) et Nicolas Bernier (1704-1726).
Un orgue est attesté dès le début ; il est remplacé en
1493, 1550 et 1762.
Abside. Pierre Poschadel
Un vicaire désigné parmi les chanoines est responsable de
la chapelle basse, assisté par l'un des chapelains.
Tout le reste du clergé n'intervient que dans la chapelle
haute, sauf bien sûr les nombreux chapelains perpétuels qui disent les messes
de fondation devant les autels latéraux, qui sont répartis sur les deux
chapelles.
Les messes de fondation ne sont pas à confondre avec les
célébrations eucharistiques s'adressant au cercle de fidèles qui ont accès à la
chapelle ; elles se déroulent en silence et souvent sans assistance.
Tribune des reliques. Pierre Poschadel
La Liturgie des Heures est instaurée par Charles VI en
1401, mais il s'avère que ces offices sont peu fréquentés par le clergé
lui-même.
Il paraît que les obligations et devoirs des chanoines
soient si nombreux qu'ils finissent par ne plus être observés ; aussi, des
réformes doivent-elles être menées à trois reprises, en 1475, 1521 et 1681,
chaque fois, à l'initiative du roi.
Si le Palais de la Cité est abandonné comme résidence
royale par Charles V, la Sainte-Chapelle est honorée par toutes les dynasties
qui se succèdent, et même quand Paris est gouverné par le duc de Bedford après
la Bataille d'Azincourt en 1415, celui-ci tient à respecter les usages.
Polychromie architecturale. Joe deSousa
Cependant, des mariages royaux et sacres ne sont plus
célébrés dans la Sainte-Chapelle depuis la fin du XIVe siècle.
Jusque-là, on peut notamment citer le sacre et
couronnement de la princesse Marie de Brabant lors de ses noces avec Philippe
le Hardi, le 24 juin 1275 ;
- le mariage du futur empereur Henri VII du Saint-Empire
avec Marguerite de Brabant le 9 juin 1292 ;
- le sacre et couronnement de la princesse Marie de
Luxembourg lors de son mariage avec Charles IV le 15 mai 1323 ;
- le couronnement de Jeanne d'Évreux le 11 mai 1326 ;
- et le couronnement d'Isabeau de Bavière en 1389.
Vue vers le sud-est. Joe deSousa
Puis la Sainte-Chapelle n'est plus retenue que pour les
services funéraires, notamment celui de Philippe le Long, fêté en grande pompe
chaque année jusqu'à l'époque de Louis XIV.
Après la mort de Louis XV en 1774, un différend à propos
du droit de choisir l'orateur funèbre et de dresser la liste des invités,
éclate entre la Chambre des Comptes et le collège des chanoines.
La conséquence est un ordre du roi Louis XVI, interdisant
pour l'avenir tout service funéraire dans la Sainte-Chapelle.
L'un des Apôtres. Didier B (Sam67fr)
Des querelles et procédures judiciaires intentées par des
membres de son clergé à d'autres instances officielles ponctuent par ailleurs
l'histoire de la Sainte-Chapelle.
Vers l'extérieur, les chanoines donnent souvent une image
d'âpreté au gain et de mesquinerie ; ils sont suspicieux et défendent
jalousement leurs nombreux privilèges.
Au détriment du règlement, ils cumulent parfois les
fonctions et négligent leurs missions principales.
Décor au revers de la façade. Conxa Roda
Au XVIIIe siècle, la philosophies des Lumières contribue
à une mise en doute de l'authenticité des reliques et discrédite leur
vénération.
Le 11 mars 1787, le Conseil du roi de France décide une
rationalisation administrative et financière des différentes Saintes-Chapelles
du royaume.
Les biens et droits du collège de chanoines sont mis sous
séquestre, et les nominations aux postes vacants sont interdites.
Ainsi, la Sainte-Chapelle tombe dans une léthargie deux
ans avant la Révolution française.
Baldaquin de la tribune. Joe deSousa
En 1790, la chapelle basse de la Sainte-Chapelle est
cependant encore le siège de l'une des 52 paroisses urbaines du diocèse de
Paris.
Elle est ouverte aux habitants du palais de Justice et de
ses dépendances.
Son curé depuis 1784, l'abbé Jean-François Roussineau,
prête le serment constitutionnel avec les treize autres prêtres qui composent
le clergé de cette paroisse.
Détail de la tribune. Ciptur
En février 1791, par une suite de décrets de l'Assemblée
Constituante pris sur une proposition de la mairie de Paris, la
Basse-Sainte-Chapelle, comme les neuf autres églises de l'ile de la Cité, perd
son statut de siège de paroisse au bénéfice de la cathédrale Notre-Dame de
Paris.
Le reliquaire et
son évolution
Les reliques les plus insignes sont conservées dans la
grande châsse qui trône dans l'abside de la chapelle haute, d'abord sur une
plate-forme accessible par une chapelle, puis à partir de 1254 environ sur
l'édicule voûté que l'on voit actuellement, accessible par deux escaliers à vis
en bois, et abrité symboliquement par un dais.
Vitraux de la 4e travée et de l'abside. Oldmanisold
La grande châsse est un coffre-fort d'orfèvrerie de 2,70
m de large, avec deux vantaux extérieurs s'ouvrant à l'arrière, et deux vantaux
intérieurs en treillis comme seconde protection.
Le roi porte les dix clés sur lui-même en permanence, et
ne les confie à des personnes de confiance que contre signature de lettres de
créance.
Rosace occidentale : l'Apocalypse. Didier B (Sam67fr)
L'intérieur renferme plusieurs reliquaires sous la forme
de croix, vases, bustes et tableaux.
Ils contiennent :
- la Sainte Couronne ; du Sang du Christ ;
- une grande partie du bois de la lance ;
- des morceaux du fer de la lance, du manteau de pourpre,
du roseau, de l'éponge, du Saint-Suaire ;
- du linge dont le Seigneur s'était servi au lavement des
pieds ;
- les menottes ;
-un morceau de la pierre du Saint-Sépulcre ;
- une Sainte-Face ;
- la Croix de la Victoire ;
- des drapeaux de l'Enfance ;
- du lait de la Vierge ;
- des cheveux de la Vierge ;
- des morceaux de son voile ;
- du sang miraculeux sorti d'une image du Christ frappé
par un infidèle ;
- le haut de chef de saint Jean-Baptiste ;
- la verge de Moïse.
Sainte-Chapelle de l'abbaye Saint-Germer-de-Fly. Chatsam
Afin de faciliter l'exposition aux fidèles, un mécanisme
de pivotement permet de retourner la grande châsse sur son axe.
Son décor était architecturé, et comportait des
bas-reliefs sur trois côtés : la Crucifixion à l'ouest, la Flagellation du
Christ au nord, et la Résurrection du Christ au sud. —
La Sainte-Chapelle possède bien sûr une grande quantité
d'autres reliques, dont la plupart sont conservées dans deux grandes armoires
dans la sacristie, en réunion avec de petits objets précieux.
Vingt-sept ans après sa mort, Louis IX est canonisé par
le pape Boniface VIII, comme avant lui les souverains Clovis et Charlemagne.
Cette formalité est importante pour la royauté française,
car elle honore toute la dynastie Capétienne et assoit plus solidement le
pouvoir royal.
L'église espère pour sa part des faveurs de la part du
roi de France, et plus particulièrement la protection de la monarchie
pontificale.
Le corps de saint Louis est levé dans le cadre d'une
grande cérémonie en la basilique Saint-Denis, le 25 août 1298.
Puis la nouvelle châsse d'argent est portée en procession
à la Sainte-Chapelle.
Philippe le Bel veut bien qu'elle y reste pour toujours,
mais les religieux de l'abbaye Saint-Denis s'y opposent, et en février 1300, la
châsse rejoint la nécropole royale de la basilique de Saint-Denis.
Au bout de six ans de négociations avec le pape et les
moines de Saint-Denis, le roi obtient finalement de pouvoir retirer la tête de
son ancêtre, sauf la mâchoire inférieure, et la place dans un reliquaire d'or
le 17 mai 1306.
Celui-ci est transporté à la Sainte-Chapelle, près de
laquelle le Parlement de Paris a désormais son siège définitif : la présence de
la relique, symbole d'un roi qui incarnait l'équité et la justesse, doit
rappeler aux juges qu'ils doivent maintenir les lois, protéger les gens de bien
et rendre justice à tous.
Ainsi, la Sainte-Chapelle devient en quelque sorte le
chef du royaume.
La valeur inestimable des reliques de la Passion
n'empêche pas les souverains successifs d'en prélever des parcelles afin de les
offrir à des communautés monastiques et des évêques en France et à l'étranger,
car le partage des reliques ne diminue pas leur sainteté.
Louis IX lui-même instaure cette pratique dès 1248, quand
il offre des parcelles à l'évêque de Tolède.
Ainsi les reliques se multiplient, et pour ne prendre que
l'exemple de la Vraie Croix, huit reliquaires en ont été créés en province.
Tant que les bénéficiaires sont des établissements
religieux, ces générosités sont honorables, mais quand Charles VI offre des
ossements de saint Louis aux ducs de Berry et de Bourgogne en 1492, les moines
de Saint-Denis décident de ne plus ouvrir la châsse.
Il s'agit en l'occurrence d'un usage des reliques à des
fins purement personnelles.
En 1672 encore, la reine Marie-Thérèse d'Autriche abuse
des reliques dans le même sens, et fait prélever un morceau de la Vraie Croix
destiné à son fils, Louis-François de France, afin de le préserver d'accidents.
Même des vols diminuent le reliquaire : des morceaux de
la Vraie Croix enfermés dans des reliquaires séparés sont subtilisés en 1534 et
1555 et ne seront jamais retrouvés.
Puisque le cercle de personnes y ayant accès est
restreint, on soupçonne en 1555 Henri III et sa mère Catherine de Médicis
d'avoir porté en gage l'objet en Italie.
Pour calmer les rumeurs, le roi prélève un autre morceau
de la Vraie Croix et le place dans un reliquaire identique à celui qui vient
d'être volé.
Mais, il retire aussi cinq gros rubis de la Sainte
Couronne, estimés à 250 000 écus, afin de les mettre en gage.
En 1562, Charles IX retire des ornements à plusieurs
reliquaires et les envoie à la Monnaie pour y être fondus.
La Révolution française signifie la fin du reliquaire de
la Sainte-Chapelle. Contrairement à ce qui s'observe ailleurs, les reliques
elles-mêmes ne sont pas profanées, car du fait de leur antiquité, elles
imposent le respect même aux révolutionnaires non croyants.
Alors que la grande châsse est fondue en 1791, et les
reliquaires en 1791 et 1793 surtout, toujours dans le but de récupérer les
métaux précieux, les reliques sont confiées à Jean-Baptiste Gobel, évêque
constitutionnel.
Elles sont transportées à Saint-Denis, et c'est là que
beaucoup parmi elles disparaissent dans des conditions pas encore élucidées.
La Sainte-Couronne est déposée dans le cabinet des
Antiques en 1793, et remise au cardinal Jean-Baptiste de Belloy en 1804.
Elle est conservée aujourd'hui au trésor de Notre-Dame de
Paris.
Le camée du Triomphe de Germanicus et le buste de
Constantin sont envoyés au cabinet des Médailles, et le missel et trois
évangéliaires avec des plats de reliure en or au département des Manuscrits de
la Bibliothèque nationale de France.
Le reliquaire de « la pierre du sépulcre » et la Vierge
d'ivoire sont conservées au département des Objets d'art du musée du Louvre ;
et le reliquaire de saint Maxien, saint Lucien et saint Junien au musée de
Cluny
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