Par Annabelle Laurent - 25/01/2017.
Si 83 % des Français ont déjà entendu parler des
algorithmes, 52 % ne voient pas précisément de quoi il s’agit. Et même la CNIL
s'y perd.
Explication avec les auteurs du « Temps des algorithmes »
(Le Pommier)…
Ils sont là dès qu'on ouvre un ordinateur.
Mais pas seulement. Comment les définir? (Série Girls, HB)
Ils sont à l’œuvre quand Google vous propose un résultat
de recherche.
Quand Netflix vous conseille une série.
Quand Facebook vous présente une actualité plutôt qu’une
autre.
Mais aussi dans les diagnostics médicaux, les
transactions financières ou la prédiction des crimes…
Les algorithmes sont partout.
Les craintes qui les entourent se multiplient.
Mais savons-nous ce qu’ils sont?
Loin de là, à en croire les résultats de l’étude IFOP
publiée lundi par la Commission nationale de l'informatique et des libertés
(CNIL), qui lance un cycle de débats publics sur le sujet et rendra ses
conclusions à l’automne 2017.
Selon cette étude, si 83 % des Français ont déjà entendu
parler des algorithmes, 52 % disent ne pas savoir précisément de quoi il s’agit
(et 31% assurent savoir précisément de quoi il s'agit.)
A vrai dire... même la CNIL s'y perd.
Les spécialistes
ont bondi à la lecture d'une première définition de l'algorithme, donnée à
l'occasion du lancement du cycle de réflexion, la jugeant trompeuse et erronée.
La CNIL l'a ensuite corrigée.
20 Minutes a profité de la publication du Temps des
algorithmes, le 27 janvier aux éditions Le Pommier, pour interroger ses deux
auteurs, Serge Abiteboul et Gilles Dowek, tous deux informaticiens et
chercheurs à l’ Inria.
Une bonne vieille recette
« Un algorithme, c’est extrêmement simple, promet Serge
Abiteboul.
On connaît ça depuis toujours. Un enfant qui s’habille le
matin suit un algorithme [en apprenant assez vite qu'il y a un ordre à suivre
et qu'il aura quelques difficultés à enfiler ses chaussettes après ses
chaussures].
Vous aussi, quand vous suivez une recette de cuisine.
Un algorithme, c’est une séquence d’instructions utilisée
pour résoudre un problème».
L’avantage est qu’une fois qu'on sait comment résoudre le
problème avec un algorithme, «la transmission de cet algorithme va permettre de
ne pas avoir à inventer une solution à chaque fois.»
L’itinéraire que vous suivez le matin pour vous rendre au
bureau est aussi un algorithme : vous n’inventez pas chaque jour un nouveau
chemin.
Autre exemple parlant : quand vous cherchez un mot dans
le dictionnaire, vous l’ouvrez au milieu, comparez le mot recherché au mot sur
lequel vous êtes tombé au hasard, sélectionnez la première ou seconde moitié du
dictionnaire selon que le mot recherché est avant ou après ce mot, jusqu’à
trouver le mot souhaité.
Quels génies vous faites : voilà un algorithme qui porte
sur le symbole écrit que sont les lettres.
Comme l’indiquent les auteurs, un premier algorithme
connu est attribué à Euclide, vers 300 avant notre ère, et permettait de
calculer le plus grand diviseur commun de deux nombres entiers.
A lire aussi: Panique algorithmique, la BD de
Gee sur le sujet - grisebouille.net
Pourquoi maintenant ?
Si les algorithmes existent depuis toujours, comment
expliquer alors qu’ils se soient faits une telle place récemment dans le débat
public, au point que la CNIL lance un cycle de débats publics afin de répondre
aux « réactions diverses et souvent passionnées, entre enthousiasme,
fascination, inquiétude et contestations » qu’ils suscitent ?
« La vraie révolution, ce n’est pas les nouveaux
algorithmes, c’est qu’on a des machines pour les exécuter, poursuit Gilles
Dowek.
Après avoir été longtemps capables de les expliquer entre
nous, on est capable de les expliquer à un ordinateur, pour lui dire ce qu’il
faut faire ».
Pourtant là encore, l’arrivée des ordinateurs ne date pas
d’hier…
« On a des ordinateurs depuis les années 1940.
On les a connectés en réseau à la fin des années 1960 [en
1969, Arpanet est le précurseur d’Internet], puis le prix des ordinateurs a
énormément baissé et les ordinateurs, téléphones portables et tablettes, en
s’invitant dans notre quotidien, ont permis la large diffusion des algorithmes,
de celui qui calcule vos impôts, à celui qui décide où vous allez à l’école ou
aide aux diagnostics médicaux. »
Informer pour démystifier
L’internaute pense
pourtant en premier lieu aux algorithmes de recommandation (qui ne sont qu’un
type d’algorithme parmi d’autres), ceux qui conditionnent aujourd’hui notre vie
en ligne, sur les réseaux sociaux, sites de streaming ou d’e-commerce…
« Ils sont très importants
puisqu’ils décident au quotidien quelles informations vous parviennent, et
suscitent donc des inquiétudes car les manipuler peut avoir des répercussions
sur votre liberté de choix. »
Ces inquiétudes ont invité
les algorithmes dans le débat public, académique (A quoi rêvent les algorithmes
? de Dominique Cardon) et médiatique, et mené à une prise de conscience.
« Ce qui est récent, c’est
cette prise de conscience, notent les auteurs.
Et si les gens en ont
peur, c’est qu’ils ne les comprennent pas.
D’où notre responsabilité
d’informaticiens pour les expliquer et nous battre contre les craintes
irrationnelles. »
>> Retrouvez sur 20
Minutes l’interview complète: D’autres craintes sont plus rationnelles.
Quelles décisions
pouvons-nous confier à un algorithme ?
Les algorithmes
signent-ils la fin du travail tel que nous le connaissons ?
Faut-il donner une
personnalité juridique aux robots et aux intelligences artificielles ?
>> A lire aussi :
Comment l’informatique s’est masculinisée le jour où elle devenue prestigieuse
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