Loin de pleurer le modèle social français, les gilets
jaunes en ont assez de le financer.
La révolte des gilets jaunes n’est pas une simple
jacquerie antifiscale.
Certes, la France périphérique souffre de la vie chère et
du déclassement social mais sa colère ne se compte pas en euros.
Symboliquement, la voiture représente le dernier espace
de liberté pour cette frange du peuple fâchée avec ses élites politiques,
syndicales et médiatiques. Loin de pleurer le modèle social français, les
gilets jaunes en ont assez de le financer.
- Populaires ou populistes ?
- Peste brune ou lutte des classes ?
- Poujadistes ou insoumis ?
- Mobilisation ou jacquerie ?
La question du sexe des « gilets jaunes » a mis au
supplice nombre de commentateurs d’habitude prompts à nommer, catégoriser,
enfermer et, in fine, disqualifier ou encenser – on se rappelle le ravissement
de certains devant Nuit debout.
Ce désarroi sémantique partagé d’un bout à l’autre de
l’arc médiatique et politique (y compris par votre servante) n’est guère
surprenant.
Jusqu’à ce que Christophe Guilluy, identifiant le grand
mouvement qui a chassé les classes moyennes et populaires des centres-villes
trop chers, puis des banlieues, trop islamisées, la qualifie de « périphérique
», la France périurbaine, celle qui vit dans des bourgades qui ne sont ni
vraiment la ville, ni vraiment la campagne et cumulent souvent les défauts des
deux, n’avait aucune existence médiatique.
« Il s’agit d’une France largement ignorée par les
intellectuels et les acteurs publics, confirme l’urbaniste Philippe Genestier
dans Le Monde.
Quand on parcourt cette France-là, on perçoit qu’elle se
considère comme vraiment invisible aux yeux des pouvoirs publics, contrairement
aux “banlieues à problèmes”, bien qu’elle soit, elle aussi, menacée de
déclassement et de précarisation.
En outre, elle se sent déconsidérée par les injonctions
morales (à la mixité sociale dans l’habitat et à l’école, ou à utiliser des
modes de déplacement doux) que lui adresse la “France d’en haut”, alors que
cette dernière s’affranchit de la carte scolaire et voyage régulièrement en
avion. »
Marre des crânes d’œuf parisiens
La sociologie très hétérogène du mouvement et la
diversité des aspirations que cachent les « Ras l’bol » et les « On n’en peut
plus », exprimés de mille manières, sont un défi de plus à l’analyse.
Aussi faut-il saluer l’effort de Genestier pour dresser
un portrait-robot des manifestants :
« Que leurs
revenus soient modestes ou moyens (de 1,5 à 3 ou 4 SMIC pour un couple avec
deux salaires), qu’ils soient ouvriers qualifiés, employés, cadres d’exécution
ou alors représentants, artisans, commerçants ou infirmières, leurs activités
et leur choix de vie se caractérisent par leur localisation dans le périurbain.
Il s’agit de ces Français qui ont conçu l’accès à la
propriété d’un pavillon dans une zone peu dense (rêve de 85 % d’entre eux,
selon un sondage TNS-Sofres de 2007) comme une manière de sécuriser l’avenir.
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