Par Cécile Hautefeuille et
Cellule investigation de Radio France – 02/11/2018.
Mise en place en 2015,
cette réforme était censée dégager des économies.
Trois ans plus tard, on
observe au contraire une hausse des dépenses. Location de salle pour les
réunions, frais de déplacements qui explosent, primes des agents en hausse.
Enquête en Occitanie, 2e plus grande région française.
Quand on regarde les
comptes individuels des régions sur le site des collectivités locales, quelque
chose saute aux yeux : les charges de fonctionnement des régions qui ont
fusionné ont toutes augmenté entre 2016 et 2017.
Et la région où le coût
par habitant est le plus élevé, c’est l’Occitanie.
Née de la fusion entre
Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, cette nouvelle région compte aujourd’hui
près de 6 millions d’habitants, répartis dans 13 départements.
Son siège est situé à
Toulouse. Mais pour dédommager Montpellier, qui a perdu son statut de capitale
régionale avec la fusion, il a été décidé que toutes les sessions plénières des
élus auraient lieu là-bas, quatre fois par an.
Et c’est là que les
dépenses commencent à déraper.
137 170 euros pour une
journée de session plénière
L’hémicycle de l'ancien
hôtel de région de Montpellier est trop petit pour accueillir tous les élus.
Avant 2016, la région
Languedoc-Roussillon comptait 67 conseillers régionaux, mais depuis la fusion
avec leurs collègues de Midi-Pyrénées, ils sont 158.
Du coup, ces sessions
plénières ont lieu au Parc des expositions en périphérie de Montpellier.
Moquette, cloisons,
sièges, bureaux, climatisation : il faut tout monter puis démonter, et ça coûte
très cher.
L’assemblée plénière du
mois de juin 2017 a ainsi coûté 137 170 euros, sans compter les frais de
restauration.
Sur une année, cette seule
dépense se chiffre à 400 000 euros, selon Carole Delga, la présidente de la
région Occitanie.
Cette dernière assume
cette dépense.
D’abord, parce qu’elle
veut respecter son engagement de campagne, celui de maintenir l’équilibre des
territoires.
Mais surtout, elle refuse
d’engager des travaux d’agrandissement des hémicycles (estimés à 800 000 euros
pour celui de Toulouse) parce qu’Emmanuel Macron a laissé entendre que le
nombre d’élus pourrait baisser.
8 heures de trajet pour
trois heures de réunion
Qui dit territoires plus
grands dit plus de déplacements.
Et l’Occitanie est immense
!
C’est la 2e plus grande
région de France métropolitaine.
Conséquence, selon des
chiffres que nous avons pu consulter, le nombre de kilomètres effectués par les
agents ont augmenté de 78 % en 2016 par rapport à 2015.
Les élus aussi passent
énormément de temps sur la route.
"Pour se rendre aux
commissions permanentes qui ont lieu à Montpellier, certains qui sont à l’autre
bout de la région font huit heures de trajet aller-retour pour une réunion de
travail de deux à trois heures" détaille l’élue aveyronnaise de la droite
et du centre, Anne-Sophie Monestier-Charrié.
En 2017, les frais de
déplacements des élus ont atteint 646 000 euros.
Pour les limiter, la
visioconférence a été développée.
Aujourd’hui, 36 salles en
sont équipées sur les sites de Toulouse et Montpellier. Mais cet investissement
a un coût : 612 000 euros.
Enfin, chaque jour, des
agents de la région font les trajets entre les sites de Toulouse et
Montpellier.
Un système de navette a
été mis en service : deux véhicules de huit places font, quatre jours par
semaine, les allers-retours entre les deux hôtels de région.
5,4 millions d’euros pour
aligner les primes des agents
Autre conséquence de la
réforme : l’augmentation de la masse salariale.
Qui dit fusion, dit mise
en commun de personnels qui, à compétence égale, n’avaient pas les mêmes
primes.
Il y avait des dizaines
voire plusieurs centaines d’euros de différence sur la fiche de paie des agents
de Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées.
Il a donc fallu harmoniser
ces primes, et cela s’est fait par le haut.
Coût de l'opération : près
de 5,5 millions d’euros par an avec, en contrepartie cependant, une
augmentation du temps de travail.
Indemnités d’élus
régionaux en augmentation
Ce qui se produit en
Occitanie est loin d’être un cas isolé.
Dans toutes les nouvelles
régions, les dépenses de fonctionnement ont augmenté.
Il faut préciser que c’est
en partie lié à des compétences supplémentaires, et à la gestion de fonds
européens.
Pour autant, les surcoûts
liés à la fusion sont généralisés.
La Cour des comptes est
d’ailleurs assez sévère dans son premier bilan de la réforme publié l’année
dernière.
Elle pointe les
"inévitables coûts de transition".
Outre les dépenses liées à
l’harmonisation sociale et aux déplacements, on peut ainsi relever les onéreux
changements de logos qui ont eu lieu dans les Hauts-de-France, où le nouvel
habillage des trains a coûté 10 millions d’euros.
Que dire également de
l’hôtel de région flambant neuf construit à Clermont-Ferrand (pour 80 millions
d’euros) pendant que la réforme territoriale se préparait ?
Aujourd’hui sans réelle
utilité puisque le siège de la région Auvergne-Rhône-Alpes est à Lyon.
Enfin, dans certaines
régions, les indemnités des élus ont augmenté.
Une hausse justifiée par
le passage à un échelon démographique supérieur dans leur région.
En
Bourgogne-Franche-Comté, le montant de l’indemnité des conseillers régionaux a
ainsi grimpé de 380 euros par mois.
Une réforme bricolée
Tout ceci a-t-il été bien
anticipé par ceux qui ont voulu cette réforme ?
Au tout début, on évoquait
12 à 25 milliards d'euros d’économies par an alors que les risques de surcoûts,
eux, étaient rarement cités.
"Cette réforme a été
bricolée et faite dans la précipitation! " peste Gérard Onesta, le
président du bureau du conseil régional d'Occitanie.
"Souvenez-vous,
jusqu’au dernier moment, on ne savait pas qui serait marié avec qui ! "
Ce qui n’a pas non plus
été anticipé, c’est le désengagement de l'Etat sur certaines dotations.
En 2018 par exemple, le
fond de soutien au développement économique a été supprimé, bien que les
régions aient récupéré cette compétence depuis la réforme territoriale.
Cette enveloppe leur permettait d’aider les entreprises à se développer
et à investir.
Manque à gagner pour elles
: 450 millions d’euros.
Des régions qui ne font
pas le poids
Alors verra-t-on des
économies arriver ?
Oui répond l’association
Régions de France, mais seulement sur le long terme. Notamment sur des renégociations
de gros contrats ou sur les achats de biens et services.
"On est plus gros
donc on peut négocier des tarifs moins élevés" souligne Carole Delga.
La présidente de la région
Occitanie précise que de son côté, elle va dégager 20 millions d’euros d’économies
en renégociant des tarifs d’assurance et la convention des trains express
régionaux (TER).
En attendant, le constat
est cruel.
Non seulement les régions
sont plus coûteuses qu'avant la fusion, mais de surcroit, elles n’ont pas
acquis la puissance qui pourrait leur permettre de peser dans le concert
européen.
A titre d’exemple,
l’ensemble des budgets des régions françaises représente 30 milliards d’euros.
Une goutte d'eau comparée
à la seule Catalogne, en Espagne, qui pèse 23 milliards d’euros.
Cécile Hautefeuille et
Cellule investigation de Radio France
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