Par Marina Fabre – 05/11/2018 - Novethic
Des terres agricoles
françaises sous pavillon chinois.
C'est un des symboles de
la financiarisation et de l'accaparement des surfaces agricoles dans
l'Hexagone.
Résultat, les prix
flambent et les exploitations sont de plus en plus grosses, mettant en péril
notre sécurité alimentaire.
Agriculteurs et experts
tirent la sonnette d'alarme.
En France, 164 hectares de
terres agricoles disparaissent chaque jour.
Soit 60 000 hectares
détruits tous les ans, l'équivalent de six fois la surface de Paris.
Un phénomène dû à
l'urbanisation, à la construction de voies nouvelles et au développement de zones
industrielles.
En témoigne le projet
Europacity qui comptait bétonner 280 hectares de terres agricoles dans le Val
d'Oise.
Cette artificialisation
des sols est d'autant plus inquiétante qu'elle s'accompagne d'un autre
phénomène : l'accaparement des terres agricoles.
En 2017, jamais autant de
surfaces agricoles n'ont été vendues.
Et les prix ont flambé :
+15,5%. Une bonne nouvelle à première vue, témoignant de la compétitivité du
secteur. La réalité est un peu plus complexe.
Des sociétés étrangères achètent
à prix d'or
"On se rend compte
que de plus en plus de personnes morales achètent ces terres au détriment des
agriculteurs", explique Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, la
Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement
rural dont le rôle est justement de réguler ces achats, "il s'agit
d'investisseurs français mais aussi de holdings étrangères dont le montage est
opaque".
Ces sociétés, dont le
siège est en France, parviennent ainsi à contourner la loi.
Il devient alors
difficile, voire complètement impossible pour la FNSafer de savoir qui sont ces
nouveaux acheteurs.
Et ces investisseurs
achètent les terres à prix d'or, favorisant la spéculation. Dans l'Indre, en
août, des centaines d'agriculteurs ont ainsi manifesté contre l'acquisition par
une entreprise chinoise de 1600 hectares de terres agricoles. L'investisseur
aurait acheté au moins 12 000 euros l'hectare, soit le double des prix du
marché.
"On met en péril le
modèle d'agriculture familial français"
Et cela a de multiples
impacts sur l'agriculture française.
D'abord une explosion des
prix du foncier agricole qui devient très peu accessible pour les nouveaux
agriculteurs.
Mais aussi des
conséquences néfastes sur l'emploi.
Avec la concentration des
terres, la main d'oeuvre diminue.
"On met en péril le
modèle d'agriculture familial français", alerte Emmanuel Hyest.
"L'agrandissement de
ces exploitations ne rime pas avec une augmentation de la main d'oeuvre, au
contraire", confirme Guy Kastler de la Confédération paysanne.
"Ils favorisent
l'agriculture intensive, la mécanisation et les monocultures.
Cela a évidemment un
impact sur la biodiversité puisqu'il y a moins de variété de cultures".
Un enjeu de sécurité
alimentaire
Pour l'instant, les
produits cultivés en France et détenus par des sociétés étrangères ont tendance
à rester dans l'Hexagone.
Mais la Chine ne cache pas
son objectif : exporter ces cultures françaises directement dans l'assiette de
la classe moyenne chinoise qui demandent des produits de meilleure qualité.
Il y a donc un réel enjeu
de sécurité alimentaire, autant pour la France que pour les pays étrangers.
Emmanuel Macron avait
promis une loi sur le foncier agricole pour 2019.
Il semble qu'elle soit
retardée d'un an, au grand dam de la FNSafer qui tire la sonnette d'alarme :
"le phénomène est
très rapide et irréversible.
C'est le même mécanisme
que les grandes surfaces qui ont fait mourir les petits commerces",
analyse Emmanuel Hyest.
D'autant que la politique
agricole commune (PAC) pousse en ce sens.
Plus l'exploitation est
grande, plus elle reçoit des subventions, sans aucun plafonnement.
"La question du
foncier agricole ne peut être envisagé en dehors du cadre européen",
rappelle ainsi Yves Petit, professeur de droit public à l'Université de
Lorraine.
La PAC doit justement
subir une refonte pour l'édition 2021-2027, mais l'enjeu le plus discuté sera
celui du montant des subventions dont la France est le premier pays
bénéficiaire.
Bruxelles a déjà annoncé
une baisse de 5 % du budget.
Marina Fabre @fabre_marina
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