Par Jean-Baptiste · 29/09/2018.
Vous vous demandez comment
font les escrocs pour monter les arnaques à l’abonnement caché que nous
dénonçons ici depuis des années ?
C’est ce que nous allons
voir dans cet article en retraçant l’itinéraire d’un spécialiste du genre :
Julien Foussard.
Côté pile, c’est un
start-upper à qui tout semble avoir réussi : parti de rien, son groupe dégage
plusieurs dizaines de millions de chiffre d’affaires, il signe régulièrement
des éditos dans la presse spécialisée, et reçoit même un prix de la part d’LVMH
pour son dernier projet.
Côté face, c’est un homme
plusieurs fois condamné pour escroquerie qui a monté une terrible organisation
de vente d’abonnement caché pompant les comptes de l’internaute moyen depuis
plusieurs années.
Petit escroc deviendra grand
La valeur n’attend pas le
nombre des années !
En effet, sa première
société montée en 2006 passe devant les tribunaux dès l’année suivante : elle
est condamnée à des dommages et intérêts pour avoir utilisé le logo de la
marque Royal Canin sans son accord.
En 2010, c’est après avoir
aspiré le contenu de la base de données de Deezer, s’être fait saisir ses
serveurs puis avoir tenté de monnayer la faille de sécurité qu’il avait
utilisée, qu’il repasse avec deux compères devant les tribunaux.
Il sera relaxé.
En 2012, c’est pour un
site d’enchère inversé lancé en 2009 qu’il est condamné.
« Pas très doué le bougre
» serait-on tenté d’en conclure ?
En fait, il ne fait
qu’apprendre le métier… et bien loin l’idée de lui en dissuader : la très
grande clémence de la justice a plutôt eu tendance à lui faire pousser le
bouchon plus loin.
En effet, Foussard n’a pas
froid aux yeux et son audace lui a permis entre 2 passages aux tribunaux de
déceler un des filons favoris des arnaqueurs à l’abonnement caché : les démarches
administratives.
Foussard passe à la
vitesse supérieure
Nous en avons parlé à de
multiples reprises, l’arnaque à la démarche administrative consiste à vous
faire payer pour obtenir des documents gratuits prenant pour prétexte de vous «
assister » dans votre demande.
Julien Foussard commence à
perfectionner sa technique pour en tirer le maximum.
Il met en place des sites
qui ressemblent à quelque chose d’officiel, une ergonomie qui montre bien où il
faut cliquer pour passer une commande à petit prix tout en cachant bien sa
véritable intention : il vous engage à payer chaque mois un abonnement sans que
vous ne vous en rendiez compte.
Pour maximiser ses
chances, il achète des publicités chez Google pour apparaître sur les
recherches des gens souhaitant faire ces démarches administratives : ses
propres sites apparaissent donc au dessus des sites gouvernementaux !
Malgré tout, le tribunal
de Paris, dans des attendus que l’on pourra qualifier de « surprenants »,
prononcera en 2012 une relaxe pour l’accusation de pratique commerciale
trompeuse qui lui était faite dans ce dossier (il sera malgré tout condamné
pour faux et escroquerie cette même année).
Mais rien n’arrête
l’inébranlable Foussard qui perfectionne toujours sa technique : il abaisse les
demandes de paiement initiales à 1 euro pour maximiser le nombre d’abonnés
malgré eux qui tombent chaque jour dans ses filets et continue à multiplier les
sites.
Nouvelle condamnation en
2017, cette fois avec de la prison.
L’arnaque en mode
industriel
L’équipe de Signal
Arnaques l’a remarqué à plusieurs reprises, certaines parties du monde semblent
se spécialiser dans des types d’arnaque bien particuliers :
- les arnaques d’avance de
frais en Afrique de l’Ouest, le piratage en Europe de l’Est, la contrefaçon en
Chine,
- l’arnaque financière en
Israel, la vente forcée au Danemark… et, sans que nous ne parvenions à
l’expliquer pendant longtemps,
- les abonnements cachés
en Angleterre.
La trajectoire de Julien
Foussard nous donne une réponse à cette question : il émigre en 2014 à Londres
pour y monter « Iron Group » ainsi qu’une myriade de sociétés qui vont lui
servir à passer à la vitesse supérieure.
Mais pour comprendre
l’ampleur de l’arnaque, regardons en peu les rouages.
Pour mettre en place les
fameux abonnements qui vont régulièrement tirer de l’argent sur les cartes
bleues de vos pigeons, il vous faut un contrat « Vente à Distance » (VAD) avec
une banque.
Mais ce n’est pas si
simple.
Premier problème : une
banque risque fort de ne pas cautionner votre business si elle se rend compte
de votre « stratégie ».
Deuxième problème : si vos
transactions ont un taux d’opposition supérieur à x % (x ayant généralement une
valeur autour de 4), la banque mettra fin à votre contrat VAD.
Afin de faire face à ces
problèmes, Iron Group déploie une stratégie machiavélique :
Il se débrouille pour
calmer les clients mécontents en leur facilitant de désabonnement via des
plate-formes dédiées, voire en faisant un « geste commercial » après leur avoir
expliqué que tout était de leur faute.
Du coup, il limite les
oppositions.
Il passe par de nombreuses
sociétés contractant chacune des contrats VAD afin de limiter le risque lié à
la fermeture éventuelle d’un VAD par une banque.
Il crée deux versions de
ses sites : une version pour les gens accédant « normalement » au site (c’est à
dire en tapant son adresse url) conforme à la loi, une version pour les
internautes cliquant sur les fameuses publicités pour les faire tomber dans son
piège.
Résultat : tous les gens
susceptibles de faire des vérifications sur les sites d’Iron Group (banques
pour les VAD, Google pour les publicités, la DGCCRF, les services de police,
etc.) seront redirigés vers la « bonne » version du site.
Comme le business marche
diablement bien, Iron Group pousse la logique aussi loin qu’il le peut :
Il monte une « usine » à
sites web, tous bâtis sur le même modèle pour multiplier les opportunités
Il embauche à la pelle des
stagiaires venus de France qui participent à l’arnaque sans forcément tout
comprendre : mais ils ne coûtent pas cher et ils repartent avant d’avoir trop
d’états d’âme.
A l’occasion, il fait
lancer des attaques sur des sites légitimes pour les rendre indisponibles et
augmenter les visites sur le sien
Grâce au machine-learning,
il identifie des pigeons un peu plus gros que les autres dont il va pomper les
comptes quelques mois en dehors de toute autorisation.
Il monte une vitrine de
start-up aux méthodes marketing révolutionnaires (tu m’étonnes!) supposées
expliquer ses résultats financiers indécents.
Il crée un fond
d’investissement par la même occasion.
Il donne à son patron
Julien Foussard, une image « French Tech » ultra tendance, faisant des
apparitions dans « Les échos » ou « BFM Business ».
Et à la fin, ce sont les
gentils qui gagnent ?
Les témoignages
d’ex-employés et les enquêtes des autorités ont fini par forcer Iron Group à
cesser ses activités… et Julien Foussard à se faire un peu plus discret.
Néanmoins, on est en droit
de se demander si la punition sera à la hauteur de l’arnaque.
On parle en effet d’un
préjudice total supérieur à 100 millions d’euros !
Un individu qui a accumulé
autant d’argent a forcément acquis la panoplie qui va avec :
Des avocats qui sauront
faire traîner les procédures suffisamment longtemps
Des conseillers financiers
qui auront pu l’aider à placer suffisamment d’avoirs hors d’atteinte en passant
par diverses sociétés-écrans et autres prête-noms.
Des points de chute dans
différents pays suffisamment opaques qui lui permettraient d’y replier
discrètement quelques fonds… voire de s’y réfugier lui-même !
Si on y ajoute
l’extraordinaire mansuétude judiciaire dont Julien Foussard a bénéficié
jusque-là, on a toutes les raisons de se méfier quant aux suites de cette
affaire.
D’autant qu’on peut se
demander si tout cela est vraiment fini !
En effet, en visitant l’un
des domaines déclarés dans une des filiales du groupe Iron, on arrive à une
page étrange…
De clic en clic, on finit
par tomber sur une des ces fameuses arnaques à l’abonnement caché incluant un
smartphone à 2 euros.
La société derrière cette
arnaque est en République Tchèque et n’est pas répertoriée parmi les filiales
connues d’Iron Group.
Mais alors pourquoi donc
le domaine appartenant à cette filiale mènerait à cette arnaque ?
Nous ne sommes
probablement pas au bout de nos surprises…
https://info.signal-arnaques.com/actualites/arnaques-a-labonnement-cache-itineraire-dun-escroc-gate/
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