Par Vincent Vantighem - 04/02/2019.
ENQUÊTE « 20 Minutes » retrace la soirée qu’Alexandre
Benalla a passée dans un bar à chicha proche de l’Élysée le soir où « Le Monde
» a révélé qu’il avait molesté des manifestants le 1er mai
Paris, le 21 janvier 2019. Alexandre Benalla
photographié juste avant sa seconde audition devant la Commission d'enquête du
Sénat. — Alain JOCARD / AFP
En analysant les fadettes, les enquêteurs ont établi
qu’Alexandre Benalla avait eu, au moins, 33 correspondants différents au
téléphone le soir des révélations du « Monde », le 18 juillet 2018.
Ce soir-là, des policiers ont extrait des images de
vidéosurveillance des manifestations du 1er-Mai afin d’aider l’ancien chargé de
mission à se défendre.
L’un d’entre eux a été en lien avec Jimmy Reffas,
l’ancien garde du corps de Johnny Hallyday, dont le rôle intrigue.
A grandes enjambées, Kylian Mbappé entre dans la défense
argentine et le cœur des Français.
Il est un peu plus de 20 heures, ce 18 juillet 2018,
quand les deux écrans du Damas Café se mettent à rediffuser les meilleurs
moments de la Coupe du monde en Russie.
...............
Info du 04/02/2019 - Selon Mediapart, deux procureurs, accompagnés de trois policiers, ont voulu perquisitionner le matin du 4 février les locaux du média, dans le cadre d'une enquête ouverte par le parquet pour, notamment, atteinte à la vie privée d'Alexandre Benalla.
Info du 04/02/2019 - Selon Mediapart, deux procureurs, accompagnés de trois policiers, ont voulu perquisitionner le matin du 4 février les locaux du média, dans le cadre d'une enquête ouverte par le parquet pour, notamment, atteinte à la vie privée d'Alexandre Benalla.
Ce 4 février, le site d'investigation Mediapart dit avoir refusé que deux procureurs accompagnés de trois policiers ne procèdent à la perquisition de ses locaux. L'enquête vise notamment une supposée atteinte à la vie privée de l'ancien collaborateur de l'Elysée, Alexandre Benalla, selon une source judiciaire évoquée par l'AFP.
Révélés par Mediapart le 31 janvier, des extraits audio d'une conversation entre Alexandre Benalla et son comparse Vincent Crase prouvaient que les deux hommes avaient menti au Sénat. Le premier s'était notamment vanté du soutien d'Emmanuel Macron en ce sens.
............... Fin .........
Deux jours plus tôt, Alexandre Benalla
a justement descendu
les Champs-Élysées avec les Bleus.
Mais ce soir-là, il n’a pas la tête au football.
Le Monde l’a appelé en début d’après-midi pour le
prévenir qu’il avait été « identifié » comme étant l’auteur de violences sur
des manifestants du 1er-Mai.
« Mon affaire va sortir… », répète-t-il, depuis, à tous
ceux qu’il croise.
« On avait l’impression qu’il s’y attendait sans s’y
attendre vraiment, résume Christian Prouteau,
fondateur du Groupe de sécurité de la présidence de la République.
C’était très étrange… »
Pas suffisamment toutefois pour changer ses habitudes.
Il est 20h09 quand Le Monde
publie son article. Alexandre Benalla rejoint tout de même le Damas Café. Avec
son ami Vincent Crase –lui aussi pris dans la tourmente des événements du 1er
mai–, il affectionne ce bar à chicha de la rue du Colisée.
A 500 mètres de l’Élysée, il tente donc de se détendre.
Mais les vibrations de son téléphone témoignent bien de
l'agitation qui grandit à mesure que les révélations du Monde se répandent.
Après analyse des fadettes, les enquêteurs
ont relevé des contacts avec pas moins de 33 correspondants différents ce
soir-là, entre 20h30 et 2h28. La plupart ne servent qu’à gérer la crise.
La galère de trois policiers pour copier un CD illégal
Alors que les charbons de la chicha rougissent à peine,
un drôle de ballet se joue ainsi dans les rues de Paris.
A la préfecture de police, un commissaire un peu zélé se
met en tête de dégoter des images de vidéosurveillance démontrant que les
manifestants de la place de la Contrescarpe étaient, eux-mêmes, violents.
Une façon de laisser entendre que l’intervention musclée
d’Alexandre Benalla était plus légitime qu’il n’y paraît.
Rapidement, Maxence Creusat extrait une vidéo où l’on
voit un couple jeter des cendriers et une carafe d’eau sur les CRS.
Dans le jargon, on appelle cela des « PZVP » : des «
plans de zone de la ville de Paris ». Les sortir du système est illégal.
Dès le lendemain, le commissaire confessera avoir fait «
une connerie ».
Mais, ce soir-là, Laurent Simonin, son supérieur,
l’encourage.
Sur la route des vacances, celui-ci parvient même à lui
affecter le renfort de Jean-Yves Hunault pour cela.
Il s’agit de l’officier de liaison entre la préfecture de
police et l’Élysée.
Mais, sur l’île de la Cité, dans les locaux de la
Direction de
l’ordre public et de la circulation, les deux hommes ne parviennent pas à
faire une copie du fameux CD.
Maxence Creusat, propose donc d’aller chez lui, à
quelques rues à peine, persuadé d’y parvenir avec son propre matériel.
Mais là aussi, la technique a raison de lui.
Il est finalement plus de 23 heures quand Jean-Yves
Hunault se résout finalement à remettre le CD original à Alexandre Benalla,
toujours attablé au Damas Café.
Yassine Belattar et Arno Klarsfeld donnent des « conseils
»
Sur les écrans, Kylian Mbappé poursuit ses arabesques.
Dans les fauteuils en face, Alexandre Benalla, lui,
ressent toujours les vibrations de son portable.
Depuis trois heures, ses amis témoignent de leur soutien.
Un ancien député (PS) du Pas-de-Calais l’appelle pour lui dire « de tenir le
coup ».
L’animateur de Radio
Nova, Yassine Belattar, tente de lui faire prendre conscience que « la
situation est catastrophique ».
Deux journalistes veulent obtenir une réaction. Et
l’avocat Arno
Klarsfeld se fend d’un texto de « conseils ». A toutes fins utiles…
SMS envoyé par Arno Klarsfeld à Alexandre Benalla. -
A. KLARSFELD
Mais c’est
surtout le petit monde de la sécurité qui vient au secours du jeune père de
famille.
Au bout du fil se
succèdent un ancien boxeur, quelques policiers dont un commissaire, le
secrétaire général du préfet délégué à la sécurité de l’aéroport de Roissy et
même un général de gendarmerie bien embêté de voir son numéro apparaître dans
la procédure.
« J’avais
rencontré Alexandre lors d’une cérémonie, justifie-t-il aujourd’hui. Je l’avais
trouvé sympathique.
Je voulais
prendre des nouvelles. Mais c’est tout ! Rien de plus à dire ! »
Jimmy Reffas,
l’ancien garde du corps de Johnny Hallyday envoie des textos
Dans la longue
liste de correspondants, c’est notamment le nom de Jimmy Reffas qui intrigue
aujourd’hui les enquêteurs.
Il s’agit de l’ancien
garde du corps de Johnny Hallyday.
Sa société –
Protection Athena – est domiciliée dans un petit
lotissement de Carvin (Pas-de-Calais).
Sauf que ce
soir-là, Jimmy Reffas est dans le 11e arrondissement de Paris quand il échange
avec Alexandre Benalla.
Sollicité par 20
Minutes, l’ancien protecteur du « Taulier » dément pourtant avoir eu le moindre
« contact téléphonique » avec l’ancien chargé de mission élyséen.
Capture d'Ecran du tweet envoyé par le compte
@FrenchPolitic la nuit du 18 au 19 juillet 2018. - TWITTER
Impossible donc
de savoir pourquoi il a joint Alexandre Benalla à 22h43 ce fameux mercredi
soir, comme le montre l’analyse des fadettes.
Impossible
surtout de savoir pourquoi il a, deux minutes plus tard, envoyé des SMS à
Jean-Yves Hunault, avant que son portable ne cesse brusquement d'émettre.
Au moment pile où
celui-ci arpentait les rues de Paris pour venir remettre le fameux CD à
Alexandre Benalla…
Des contacts en
Normandie pour protéger la compagne d’Alexandre Benalla
Au Damas Café, le
chargé de mission, lui, continue de remercier poliment chaque interlocuteur
avant de raccrocher.
Mais son esprit
est concentré sur sa famille.
Deux jours plus
tard, alors en garde à vue, il laissera entendre que sa compagne est «
certainement partie à l’étranger se reposer et fuir les journalistes avec
[leur] bébé. »
Une diversion ?
En réalité,
depuis le Damas Café, Alexandre Benalla passe, durant la soirée, plusieurs
coups de fil à des proches installés dans un petit village de l’Eure.
C’est justement
là-bas que les policiers de la Brigade de répression de la délinquance contre
la personne (BRDP) finiront par retrouver Myriam. B. après l’avoir cherchée
pendant deux mois.
La compagne
d’Alexandre Benalla sera ainsi interrogée, le 28 septembre, dans une petite
caserne de gendarmerie normande posée le long d’une route sans âme.
Alors « en arrêt
maladie », elle refusera de dévoiler le nom de « l’association » qui l’emploie.
Il s’agit en fait
de la République
en marche qui a fini, le 11 janvier, par signer une rupture conventionnelle
de contrat avec elle.
Est-ce Alexandre
Benalla, gêné, qui lui a conseillé de cacher la vérité aux enquêteurs ?
« Je ne sais pas,
se souvient un de ses anciens amis.
Mais, au moment
des révélations du Monde, il était vraiment en panique.
Il tenait
absolument à protéger sa compagne. »
Le téléphone
d’Ismaël Emelien « borne » près du Damas Café à 2h28
A ce moment-là,
le portable du chargé de mission n'est pas déchargé.
C’est au tour des
collègues d’entrer en scène.
Certains prennent
des nouvelles depuis Périgueux
(Dordogne) où ils accompagnent le chef de l’État qui doit, le lendemain,
dévoiler le nouveau
timbre-poste.
François-Xavier
Lauch, le chef de cabinet d’Emmanuel Macron envoie un SMS, tout comme le
médecin-chef du Président.
Mais c’est
surtout Jean-Luc Minet, le commandant militaire en second de l’Élysée qui est à
la manœuvre.
Pendant plus de
14 minutes, il dialogue avec Alexandre Benalla sans que l'on sache de quoi les
deux hommes discutent.
Mais le
lendemain, le militaire envoie un courriel à tous les plantons de l’Elysée pour
leur demander d’interdire d’accès Alexandre Benalla si celui-ci se présente à
l’accueil.
Et même de
vérifier « visuellement » jusque sous la banquette arrière des véhicules qui
entrent pour voir s’il ne s’y cache pas…
L’état-major
commence à lui tourner le dos mais « l’observateur de la manifestation du
1er-Mai » bénéficie encore du soutien des conseillers les plus politiques de
l’Elysée. Ludovic Chaker, très actif pendant la campagne présidentielle, est en
contact permanent avec lui.
Tout comme Ismaël
Emelien.
Il est 2h25. Le Damas Café s’apprête à fermer
mais le conseiller envoie encore des SMS à Alexandre Benalla. Son téléphone «
borne » même dans le secteur, à 2h28.
Pour les
enquêteurs, Ismaël
Emelien semble donc « le plus en capacité » d’avoir pu récupérer le fameux CD
contenant les images de vidéosurveillance auprès de Alexandre Benalla cette
nuit-là.
Est-ce lui qui a
ensuite permis, au beau milieu de la nuit, leur diffusion sur un compte Twitter
proche de la République en marche ?
Avec des éléments
de langage pro-Benalla repris partout ?
Contacté par 20
Minutes, ce dernier n’a pas souhaité « faire de commentaire ».
Il n’a pas non
plus été auditionné par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale,
malgré la demande des parlementaires (LR).
Quant à Alexandre
Benalla, rattrapé depuis par «
l'affaire des passeports diplomatiques », il aurait aujourd'hui quitté la
région parisienne.
Il ne sait
peut-être pas que le Damas Café a changé de nom.
Il s’appelle
désormais le « Shamyat restaurant ».
Mais propose
toujours un espace où fumer tranquillement la chicha en regardant des matchs de
football.
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