jeudi 13 décembre 2018

Vive la culture générale !

Par Florence Braunstein - dans Art & Société | 8 commentaires

La culture générale revient en force.

 Florence Braunstein, éditorialiste d’iPhilo, et Jean-François Pépin, agrégé d’histoire, docteur ès lettres et professeur de chaire supérieure en classes préparatoires aux grandes écoles, viennent de publier 1 kilo de culture générale - 1700 pages (P.U.F., février 2014), sur notre culture et celle des autres.

Loin d’avoir voulu empiler les feuilles sur les différents savoirs à travers le temps, de donner une connaissance stérile à la façon d’un Bouvard et Pécuchet, nous avons voulu fournir un véritable couteau suisse contre le refus d’une pensée aliénante et totalitaire, mais en revanche une pensée qui favorise un regard méditant qui refuse la banalisation, la dispersion.

Enjeu ces dernières années de débats politiques, prise en otage par des doxologues de droite ou de gauche, la culture générale mérite aujourd’hui d’éviter un requiem, parce qu’être sourd, écrivait Nietzsche, n’est pas la meilleure condition pour écouter de la musique.

Elle est devenue ces dernières années un vaste fourre tout, où pêle-mêle sont associés, la culture d’entreprise, la culture populaire, la culture de masse.

Trop de culture partout a fini par défavoriser la culture générale, la réduire à une peau de chagrin, à un smic intellectuel, dans le meilleur  des cas à un kit de survie pour briller en société.

Notre époque est certes boulimique de savoirs, une attitude facilitée par un accès au web qui a mis à disposition une masse énorme de connaissances mais où tout est mis à plat, au même niveau, œuvres et moyens d’expressions et où nous assistons à la mise en place d’une espèce de cafétéria culturelle, celle dénoncée par Claude Lévi-Strauss.

De la culture générale nous sommes passés à la culture généralisée.

La démocratisation de la culture a conduit à sa diffusion, puis à son exploitation commerciale sous toutes les formes (Quiz et QCM en console), menant davantage à une décérébralisation de l’individu qu’à sa formation.

Bref de la culture générale pour tous, nous sommes passés à l’inculture pour tous ou peu s’en faut.

Les principaux arguments contre cette culture générale se sont appuyés sur l’incapacité à en donner une définition exacte en dépit de celle fournie par le Dictionnaire de l’Académie française en, 1932, « ensemble de connaissances générales sur la littérature, l’histoire, la philosophie, les sciences et les arts que doivent posséder au sortir de l’adolescence toute personne ».

Le but de la culture générale est de pourvoir les jeunes d’un bagage de connaissances utiles, mais aussi et surtout de favoriser le libre et complet développement de leurs facultés.

C’est aussi ce qui est demandé aujourd’hui à tout élève de Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles à travers la matière enseignée de culture générale : connaître ce qui a constitué notre socle commun intellectuel et culturel.

Pourtant dans certains concours, elle a été tout bonnement supprimée, au grand Oral de l’ENA et à Sciences Po, parce que jugée trop discriminatoire socialement.

Nous n’en avions pas encore fini avec « la raison instrumentale » de l’école de Francfort et les héritiers de Bourdieu.
Mais, ainsi que souligne Claude Javeau, ce ne sont pas les élites qui sont visées mais « celle d’une certaine façon de concevoir leur existence et la justification de celle-ci, ce que notre époque a baptisé élitisme ».

Aujourd’hui encore, nous le savons tous, les fils de polytechniciens ne deviennent pas polytechniciens et tous les fils de postiers ne deviennent pas postiers.

Résumer à un « habitus » le mérite d’un travail, le goût de l’excellence et de l’effort est complétement réducteur.

Sous prétexte que certains ne manient pas bien l’oralité d’une langue première, faut-il pour autant faire disparaitre toute langue littéraire, toute forme de poésie ?

C’est aussi au nom d’un égalitarisme à tout crin que l’on fait croire que la France progressera mieux avec des bacheliers, des fonctionnaires, des administratifs, des médecins, sans culture générale, oubliant ainsi la notion d’humanités qui lui est centrale.

La culture générale est la culture du débutant, elle demande, à partir de connaissances acquises, de savoir en faire le tri et de savoir comment les accroitre avec raison.

C’est une véritable passerelle entre les choses qu’il faut établir pour savoir ce qui les relie entre elles avec jugement et discernement, à la différence du spécialiste qui ne peut le faire que sur un objet restreint dans un domaine bien précis.

C’est pour cela aussi que l’on dit du polytechnicien qu’il sait tout et rien d’autre…

La culture générale aurait en fait vocation, dès son origine, à être étendue sans spécificité profonde, sans être particulière pour autant.
L’homme de notre époque est souvent amnésique et il est bon de lui rappeler ce qui en a fait la grandeur et la valeur.

La culture générale a toujours eu cette volonté d’ouverture sur l’extérieur, sur les autres et sur soi.

Elle refuse l’isolement, le fixisme et privilégie la remise en cause, le questionnement, même si notre époque croit valoriser ceux qui aiment les réponses toutes prêtes, les contenus sans forme, le préfabriqué dans la construction de l’individu où le paraître a détrôné depuis longtemps l’être.

Elle constitue le meilleur rempart contre les idéologies totalitaristes, amies des idées uniques et simplificatrices tenues pour un ersatz de culture générale à ceux qui en sont justement dépourvus.

Les totalitarismes brisent la pensée, l’arrêtent dans son élan, refusent d’accepter les différences des autres et, en ce sens, castrent l’identité de ces richesses.
Ce sont des « misologies » au sens où Kant l’entendait, une ruse de la raison contre l’entendement, un discours contre la raison.
L’inculture devient leur fond de commerce, elles l’entretiennent, le soignent, car elles ne seront ainsi jamais remises en cause.

Enfin la culture générale permet, même dans les heures les plus sombres de l’histoire, à travers les écrits de Jorge Semprun, de Primo Levi, ou de Robert Antelme de comprendre comment en développant et en tissant davantage les liens sociaux et amicaux entre les déportés, elle a été une des conditions de survie puis de résilience.
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Culture générale
Par Wikipédia.

La culture générale désigne les connaissances en tout genre d'un individu, sans spécialisation.
Elle fait partie du projet humaniste, trouvant ses origines dans la paideia grecque, traduite par Cicéron sous le terme d'humanitas, puis se mêlant lors de la Renaissance aux arts libéraux, par exemple chez Pic de la Mirandole.

Le projet d’une culture générale est intrinsèquement lié à des réflexions à propos de l'humanité, qu'elle soit conçue comme nature humaine ou encore comme dépassement de la nature par la culture (ou « seconde nature »).

Durant la Renaissance, elle forme l'idéal de l'« honnête homme ».
La problématique de la culture générale est au cœur de ce que l'on a pu appeler la « crise de l'éducation » (La crise de la culture de Hannah Arendt).

L'humanitas de Cicéron

Cicéron définit l’humanitas comme « le traitement à appliquer aux enfants pour qu’ils deviennent hommes » (De oratore, I, 71, et II, 72).
Il forge aussi l'expression « culture de l'âme » (cultura animi):

« La culture de l’âme, c’est la philosophie : c’est elle qui extirpe radicalement les vices, met les âmes en état de recevoir les semences, leur confie et, pour ainsi dire, sème ce qui, une fois développé, jettera la plus abondante des récoltes  »
— Cicéron, Les Tusculanes, II, 13

Selon Cicéron, la culture générale se distingue de l’éducation donnée à l'enfant, puisqu’elle doit se poursuivre tout au long de la vie (De oratore, II, 1 et I, 12). L’idéal de culture de la Grèce du IVe siècle s’est transmis jusqu’à aujourd’hui, s’incarnant dans des modèles scolaires distincts.
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J’ai quelques correspondant(e)s qui sont lycéen(ne)s, et qui ne se plaisent pas trop au lycée, car ils trouvent que l’enseignement de « culture générale » est sans intérêt.

 Je comprendrais très bien leur point de vue s’ils étaient attirés par de l’enseignement concret d’un métier, et ils faudrait alors qu’ils se dirigent vers l’enseignement technique, qui leur serait plus approprié.

 Mais il n’en n’est rien; ils détestent tout autant le travail manuel, si ce n’est taper sur un clavier pour écrire sur Facebook ou envoyer un SMS.

 En fait pour eux la « culture générale » est une chose inutile.

 Je ne suis pas d’accord sur ce point de vue, et pourtant le contenu de l’enseignement actuel est bien moins un enseignement général qu’autrefois.

 Qu’est ce que la culture générale ? : C’est « l’ensemble des connaissances sur l’histoire, la littérature, la philosophie, les sciences et les arts que l’on devrait posséder au sortir de l’adolescence et à l’entrée de l’âge adulte », (dictionnaire de l’Académie).

 C’est en quelque sorte un ensemble de connaissances et de savoir-faire importants pour vivre dans la société humaine.

 Je suis d’accord avec cette définition mais elle me semble restrictive.

 Certes tout au long de ma vie, l’éducation que m’avait donnée mes parents et grands-parents et l’instruction que j’ai eue dans le primaire et le secondaire, m’ont beaucoup plus servi que les études supérieures que j’ai faites ensuite, qui m’ont surtout été utiles dans mon métier ou pour comprendre mes lectures scientifiques.

 Peut être l’enseignement était il plus concret autrefois, mais il ne se passe pas de jour où je n’utilise les vieux savoirs que j’ai appris à l’école.
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