lundi 10 décembre 2018

Serons-nous jamais capables de mettre fin aux guerres ?

Par Ugo Bardi – 08/11/2018 – Source Cassandra Legacy

Comment les sages sont confus

Cent ans après la fin de la guerre qui devait mettre fin à toutes les guerres, la Première Guerre mondiale, nous ne comprenons toujours pas ce que sont les guerres, pourquoi nous combattons dans les guerres, pourquoi nous ne pouvons pas arrêter d’y combattre.

Il semble que nous soyons entourés de choses que nous ne comprenons pas :
- Pourquoi les gens se battent-ils dans des guerres ?
- Pourquoi les guerres sont-elles si communes ?
- Pourquoi ne pouvons-nous pas trouver un moyen de les arrêter ?
- Pourquoi les gens tombent encore dans les pièges de propagande les plus évidents ?

Ci-dessous, vous trouverez un extrait du livre de David Wilkinson, Querelles mortelles, publié en 1980, qui commence par une liste des différentes théories avancées lors des temps modernes pour expliquer comment la paix peut être atteinte.
Encore parfaitement valable aujourd’hui, la liste souligne la confusion qui règne dans les tentatives de mettre fin à la guerre.

Cela rappelle plus de 200 théories rapportées par Demandt pour expliquer les raisons de la chute de l’empire romain.

Plus que cela, cela rappelle Paul de Tarse (Corinthiens 1) quand il dit « Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ».
Et c’est la guerre, une chose stupide qui continue à nous confondre.

De Querelles mortelles de David Wilkinson, 1980 *.

Le moyen le plus courant de contribuer au débat sur la causalité de la guerre et la stratégie de paix est d’affirmer une théorie précise, de montrer en quoi elle correspond aux circonstances actuelles et de tirer des conclusions pratiques immédiates.

Si nous suivons ce débat public, nous pouvons nous attendre à ce que la guerre soit une conséquence, par exemple,
-  de la méchanceté ;
-  d’un monde sans lois ;
-  de l’aliénation ;
-  des régimes agressifs ;
-  de l’impérialisme ;
-  de la pauvreté ;
-  du militarisme ;
-  de l’anarchie ou de la faiblesse.

Il est rare qu’une preuve soit présentée.

Au lieu de cela, l’auteur présentera probablement une stratégie de paix qui correspond à sa théorie de la causalité de la guerre.
Nous allons donc apprendre que nous pouvons en tirer.

Paix par la moralité.

La paix (locale et globale) peut être obtenue par un appel moral, par le biais de l’opinion publique mondiale, aux dirigeants et aux peuples non pas pour tolérer ou pratiquer la violence, l’agression ou la guerre, mais pour les fuir et les dénoncer.

Paix par le droit.

La paix peut être faite en signant des traités internationaux et en créant des lois internationales qui régiront le comportement et en ayant recours aux tribunaux internationaux pour résoudre les différends.

Paix par la négociation.

La paix peut être maintenue par une discussion franche sur les différences, par une diplomatie ouverte, par des conférences et assemblées internationales qui exposeront des griefs et, par franchise et bonne volonté, aboutiront à un consensus harmonieux.

Paix par la réforme politique.

La paix peut être établie en mettant en place des régimes de type non-agressif à travers le monde : des républiques plutôt que des monarchies ; des républiques démocratiques plutôt qu’oligarchiques ; des régimes constitutionnels plutôt qu’arbitraires et autocratiques.

Paix à travers la libération nationale.

La paix ne peut être instituée que par le triomphe mondial du nationalisme.
Les empires multinationaux doivent être dissous en États-nations ; chaque nation doit avoir son propre gouvernement souverain et indépendant et tout son territoire national, mais pas plus.

Paix par la prospérité.

La paix exige le triomphe mondial d’un ordre économique qui produira une prospérité universelle et éliminera ainsi l’incitation à la lutte.
Certains considèrent que cet ordre appartient au capitalisme universel ou, du moins, au libre-échange mondial.
D’autres le considèrent comme une forme de socialisme, réformiste ou révolutionnaire, élitiste ou démocratique.

Paix par le désarmement.

La paix peut être établie en réduisant et en éliminant finalement les armes, les bases et les armées, en supprimant les moyens de faire la guerre.

Paix à travers l’organisation internationale.

La paix peut être instaurée en créant une organisation politique mondiale, peut-être même un gouvernement mondial constitutionnel ressemblant aux gouvernements nationaux, chargé de faire respecter l’ordre et de promouvoir le progrès dans le monde entier.

Paix par le pouvoir.

La paix peut être maintenue par une accumulation pacifique de forces, peut-être écrasante, peut-être prépondérante ou équilibrée ou suffisante pour dissuader, vaincre ou punir l’agression.

La plupart des discussions actuelles sur la guerre et la paix ne sont rien d’autre que des affirmations irréfléchies selon lesquelles la théorie que j’ai choisie est la bonne et que toutes les autres sont donc manifestement fausses.

Ugo Bardi

Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

Ugo Bardi enseigne la chimie physique à l'Université de Florence, en Italie. Il s'intéresse à l'épuisement des ressources, à la modélisation de la dynamique des systèmes, à la science du climat et aux énergies renouvelables. Contact: ugo.bardi (whirlything) unifi.it


Notes

* Les querelles mortelles de Wilkinson sont une discussion des études effectuées par Lewis Fry Richardson des années 1930 à son décès en 1953. Richardson fut l’un des premiers chercheurs à avoir tenté de proposer une théorie quantitative de la guerre.
Avec mes collègues Gianluca Martelloni et Francesca Di Patti, nous réexaminons les schémas statistiques de la guerre.
Nous constatons malheureusement que Richardson avait fondamentalement raison : les guerres sont un phénomène aléatoire similaire aux tremblements de terre et aux avalanches – très difficile à prévoir et à arrêter







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