vendredi 14 décembre 2018

Big Bang

Des formes géométriques émergent dans des gouttelettes du quagma du Big Bang
Par Laurent Sacco - 13/12/2018.

Un plasma de quarks-gluons, encore appelé quagma, existait pendant les premières microsecondes du Big Bang.

On peut le reconstituer sur Terre depuis les années 2000 grâce à des collisions d'ions lourds, et maintenant avec des noyaux plus légers.
Il se forme alors une sorte de fluide sans viscosité, capable d'adopter des formes, comme des gouttes de liquide.
Une présentation du quagma. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. 
Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Fermilab

La théorie des quarks a été proposée indépendamment par deux physiciens, George Zweig et Murray Gell-Mann, en 1964.

Elle va progressivement s'imposer malgré un scepticisme initial, dû notamment au fait que ces nouvelles particules ne pouvaient pas être isolées ni observées séparément comme c'est le cas pour les composants des atomes, électrons et nucléons.
Les collisions d'hadrons, supposés être formés de quarks, ne donnaient jamais que des hadrons.

Mais au début des années 1970, alors que les données expérimentales commençaient à fournir des preuves incontestables de la structure en quarks des protons et des neutrons en particulier, Gell-Mann et Harald Fritzsch complètent la théorie.

Ils découvrent, en 1972, les équations de la QCD (la chromodynamique quantique) qui gouverne les forces nucléaires entre les quarks en introduisant des cousins du photon, les gluons.

L'année suivante, en 1973, Gross, Politzer et Wilczek découvrent aussi la liberté asymptotique découlant de ces équations et impliquant que les forces entre quarks ne font qu'augmenter si l'on essaie de les séparer, tant est si bien que l'énergie utilisée pour tenter de le faire provoque la formation de nouveaux quarks qui se lient rapidement en donnant des hadrons.
Voir les explications ci-dessus pour les collisions entre noyaux représentées par un artiste (en bas) et vu dans le détecteur de l'expérience Phenix (en haut). © Javier Orjuela Koop, University of Colorado, Boulder

Les quarks apparaissaient donc comme confinés dans les nucléons.
Mais on ne tarda pas à découvrir que dans des conditions de pression et de température analogues à celles du Big Bang, ou rencontrées lors de collisions violentes de nucléons, les quarks devaient se déconfiner pour former un plasma dense et chaud où ils sont libres de se déplacer.

Ce nouvel état de la matière, au départ une simple prédiction théorique, a été appelé un quagma et plus généralement un plasma de quarks-gluons.

La première création de ce plasma de quarks et de gluons par l'Humanité a été annoncée en février 2000 par les chercheurs du Cern.

L'étude de ce plasma s'est poursuivie par la suite surtout au Laboratoire national de Brookhaven aux États-Unis, en particulier avec le collisionneur d'ions lourds relativistes (RHIC, Relativistic Heavy Ion Collider).

On le produit essentiellement en accélérant en sens inverse deux faisceaux de noyaux lourds, de cuivre ou d'or pour les faire entrer en collision frontale.
On peut faire de même au LHC avec des noyaux de plomb.
Des expériences similaires concernant le quagma ont ainsi été réalisées avec le détecteur Alice.

Des bulles de quagma en expansion sans viscosité

Aujourd'hui, les physiciens travaillant avec RHIC, dans le cadre de l'expérience Phenix, viennent de publier un article dans Nature Physics.
Un article qui, sans annoncer une percée fondamentale en physique (on sait par exemple qu'il y a des liens entre la physique du quagma et la théorie des supercordes dans le cadre de la fameuse correspondance AdS/CFT), n'en est pas moins intéressant car il valide des prédictions faites il y a quelques années par des chercheurs, comme le physicien Jamie Nagle, en se basant sur des expériences au LHC justement.
Une présentation des recherches sur le quagma avec RHIC. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur " Sous-titres " et enfin sur " Traduire automatiquement ". Choisissez " Français ". © BrookhavenLab

Les collisions d'ions lourds font intervenir des centaines de protons et de neutrons et on s'attendait à ne pouvoir observer le quagma que de cette façon. Mais les détecteurs CMS et Alice du LHC ont fourni des indications de l'apparition de ce plasma déjà dans des collisions de protons.

Il s'agissait de vérifier ce phénomène de production d'un quagma avec des collisions entre des systèmes contenant un plus petit nombre de nucléons que des ions d'or ou de plomb.

Les théoriciens s'attendaient à ce que le comportement du plasma formé reflète la nature des particules en collision.
En effet, le quagma se comporte en fait comme un fluide presque parfait, sans viscosité.
 Il peut donc s'écouler à la façon de l'hélium liquide avant de se refroidir en donnant des gouttes de liquide hadronique visqueux, c'est-à-dire des hadrons.

La géométrie du flot de ces hadrons, dans le détecteur entourant le lieu de formation du quagma, permet de remonter à sa structure initiale, celle d'une goutte de liquide adoptant des formes bien particulières.

L'idée a été mise en pratique avec des collisions de noyaux d'or (symbole Au) avec respectivement des protons, des deutérons (un proton et un neutron) et des noyaux d'hélium trois (3He, deux protons + un neutron).

Les flots résultant devaient être là aussi respectivement ceux d'une sphère en expansion, d'un ballon de rugby (la somme de deux sphères en expansion) et d'un triangle (la somme de trois sphères en expansion).

C'est effectivement ce qui a été observé. Ces résultats pourraient aider les théoriciens à mieux comprendre comment le plasma originel de quark-gluon du Big Bang s'est refroidi en quelques millisecondes, donnant naissance aux premiers protons et neutrons.

CE QU'IL FAUT RETENIR

Les quarks, qui s'attirent entre eux avec une force augmentant avec la distance, ne sont jamais solitaires.
Mais dans un tout petit volume, avec des pressions et des températures très élevées, les quarks des protons, des neutrons et autres hadrons peuvent exister sous la forme d'une sorte de gaz appelé quagma, ou plasma de quarks et de gluons.
Dans ce quagma, qui se comporte comme un liquide parfait sans viscosité, des physiciens, au laboratoire, ont observé des tourbillons dont les vitesses de rotation dépassent de loin celles mesurées dans tous les fluides connus à ce jour.

Avec l'expérience Phenix aux États-Unis, les chercheurs ont maintenant observé que du quagma pouvait se former avec des simples collisions entre noyaux légers et lourds alors que l'on pensait qu'il fallait nécessairement des collisions d'ions lourds pour produire sur Terre ce plasma exotique.


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