Par Camille Lecuit - 07/05/2019.
Une délégation turque se rendra en France les
20 et 21 mai prochains.
Le président turc Erdogan. Photo © Yasin
Bulbul/AP/SIPA
Les programmes scolaires turcs, enseignant
entre autres le «bon djihad», ont déjà suscité de nombreuses réactions.
Le président
Erdogan ne s’en cache pas, il a des vues sur l’école française.
Ouverture d'un lycée musulman à Strasbourg - France 3
Grand Est - le 4 nov. 2015
Le premier lycée musulman d'alsace sera inauguré ce
vendredi. Ouvert depuis lundi, cet établissement privé propose parallèlement au
programme général de l'Education nationale, des cours optionnels de langue
arabe, turque et des cours de religion musulmane.
Dans un article paru vendredi 3 mai, Le Point révélait
que le chef d’État envisage d’ouvrir des établissements scolaires turcs en
France.
Dans le courant du
mois d’avril, les responsables des lycées français en Turquie ont reçu plusieurs
visites «modérément courtoises» des fonctionnaires d’Ankara, informe
l’hebdomadaire.
Le président Erdogan, ici avec Emmanuel Macron à
Istanbul en octobre 2018, a fait modifier les programmes turcs pour former une
«génération pieuse». Crédits photo: KAYHAN OZER/AFP
Ces représentants
du pouvoir seraient venus pour «contester les fondements légaux de la
scolarisation d’enfants turcs dans ces établissements», précise encore Le
Point.
Les lycées français de Turquie n’accueillent pas
seulement les enfants d’expatriés de l’Hexagone, mais aussi ceux des dirigeants
de l’AKP, le parti d’Erdogan défini comme «islamo-nationaliste» et
conservateur.
Recep Tayyip
Erdogan a chargé une délégation turque de se rendre en France les 20 et 21 mai
prochains, afin d’y observer les lycées internationaux.
L’objectif serait ensuite d’exiger la création de lycées
turcs sur le territoire français.
«Des Français sont mis sous pression à Istanbul et à
Ankara par le pouvoir d’Erdogan, qui cherche à implanter des écoles turques en
France, et le Quai d’Orsay ne bouge pas», s’inquiète un proche du dossier cité
par Le Point.
La décision d’ouvrir de tels établissements ne relèvera
sans doute pas uniquement de la volonté du président turc, mais aussi du
ministère de l’Éducation nationale et de celui des Affaires étrangères.
Contactés par Le Figaro, ceux-ci n’ont pas encore apporté les précisions
attendues sur le sujet.
Quoi qu’il en
soit, Jean-Michel Blanquer n’hésite pas à porter en étendard son combat pour la
laïcité de l’enseignement, quitte à s’attirer les foudres d’établissements
religieux comme l’école musulmane d’Échirolles qu’il entend fermer pour son
«inspiration salafiste».
L’ouverture de ces établissements turcs en France
pourrait bien dénoter avec cette politique, du moins si le contenu des
enseignements est calqué sur celui en vigueur en Turquie.
L’islamisation des
programmes menée par Erdogan dans son pays a déjà suscité des inquiétudes dans
les médias français ces dernières années.
Dès février 2012,
le président de la Turquie déclarait vouloir «former une génération pieuse».
Une déclaration
suivie par la création de trois cours optionnels de religion au collège (la vie
de Mahomet, la lecture du Coran, les connaissances religieuses de base) à l’été
2012.
Celles-ci, axées
sur la vision d’un islam sunnite, sont devenues obligatoires dans plusieurs
établissements faute d’autres options.
Par la suite, le
pouvoir turc a peu à peu remplacé la prédominance des lycées publics
«classiques» par les lycées «imam hâtif», destinés à la formation des imams et
prédicateurs.
Les élèves ayant échoué aux concours d’entrée
en lycée public sont désormais inscrits d’office dans ces établissements
religieux (bien qu’ils ne deviennent pas tous imams à la sortie).
La Turquie comptait 1408 lycées de ce type en
2017, accueillant 517.000 élèves.
Avec un nouveau programme diffusé en juillet
2017, le gouvernement a instauré l’enseignement du concept de «djihad» dans la
plupart des établissements.
«Le djihad existe
dans notre religion et il est du devoir du ministère de l’Éducation de veiller
à ce que ce concept soit enseigné de façon juste et appropriée», avait alors
déclaré le ministre de l’Éducation nationale turc, Ismet Yilmaz.
Il avait précisé
qu’il ne s’agissait pas de la guerre sainte mais du «bon djihad», exaltant
«l’amour de la patrie».
Ce programme
marquait aussi la disparition de la théorie de l’évolution de Charles Darwin,
dépassant le «niveau de compréhension des élèves».
Une grande partie
du programme consacrée à Atatürk, fondateur de la République de Turquie, est
quant à elle remplacée par la tentative de putsch raté du 15 juillet 2016.
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