jeudi 9 mai 2019

État de droit

Et si, avant de prôner l’État sécuritaire, on remettait l’État de droit à l’endroit ?
Une analyse toujours actuelle de Vincent Bénard.

Cet article a été publié une première fois en 2015. Il garde malheureusement toute son actualité aujourd’hui.

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Crédit image : reseauinternational.net


Dans la foulée des attentats contre Charlie Hebdo et des meurtres d’Amédy Coulibaly, nombreux sont ceux qui réclament un renforcement des pouvoirs sécuritaires de l’État, et ce même au détriment de nos libertés individuelles.

Journalistes, secouristes et policiers dans la rue Nicolas-Appert quelques heures après l'attentat contre Charlie Hebdo. Thierry Caro

À gauche, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve sont les porte-parole de cette tendance et veulent clairement criminaliser « tout propos de haine » sur les réseaux sociaux, ce qui, évidemment, rendra difficile toute critique virulente de quoi que ce soit.

Le magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes, le lendemain de la prise d'otages, le 9 janvier 2015. JJ Georges

À droite, de Valérie Pécresse à Éric Ciotti en passant par Claude Guéant et même Rachida Dati, et j’en oublie, les appels à de nouvelles lois sécuritaires, allant jusqu’au « renoncement à certaines libertés », l’expression est de Guéant, se multiplient.

J’ignore évidemment quelle forme textuelle prendra le résultat de cette bouillie intellectuelle de politicien démagogue habitué à surfer sur la vague des peurs populaires, mais je n’en attends rien de bon.

Dans le cortège de la manifestation à Paris le 11 janvier. Poulpy

Toutefois, on peut se demander si, avant d’instaurer de nouvelles lois émotionnelles d’exception, plaçant doucement la France sur la voie de la tyrannie de fait, il ne serait pas plus productif d’examiner d’autres alternatives.

À commencer par une interrogation sur le fonctionnement de notre État de droit.

San Francisco, aux États-Unis, le 7 janvier 2015. Eloquence

Considérons le parcours judiciaire d’Amédy Coulibaly, qui avait 32 ans au moment des faits, né en février 1982. Avertissement : je précise que l’ensemble des éléments qui suivent proviennent de la fiche Wikipedia d’A. Coulibaly ou du premier article du journal Le Monde qui a relaté son parcours judiciaire.

J’ai vérifié dans les liens fournis par la fiche WP qu’il n’y avait pas d’erreur de report, mais si ces media ont commis des erreurs, je ne suis pas à l’abri de les avoir répercutées.
N’hésitez pas à faire part de toute correction à la rédaction de Contrepoints.

Ambassade de France à Moscou, en Russie. Ilya Schurov from Moscow, Russia

Nous pouvons lire dans Le Monde ceci : « Le 17 septembre 2000, alors qu’il mène un cursus scolaire moyen en 1ère bac pro, il participe au braquage d’un garage de la résidence de la Closerie à Combs-la-Ville, en Seine-et-Marne.
Son complice et meilleur ami, Ali Rezgui, 19 ans, meurt sur le coup, d’une balle de la police.
Deux semaines plus tard, l’affaire est classée ».

Photographie officielle de la Maison-Blanche montrant Barack Obama signant devant Gérard Araud le registre de condoléances à l'ambassade de France aux États-Unis. White House

Première stupéfaction du simple citoyen que je suis : contrairement à ce qu’on lit souvent, Coulibaly est déjà majeur, participe à un braquage, et l’affaire est « classée », pour des raisons que le non juriste ne peut comprendre.

Comment un braquage effectué par un délinquant majeur peut-il être classé, surtout quand on sait qu’il avait déjà des antécédents en tant que mineur, et que le braquage s’est soldé par une mort d’homme, fut-ce un des braqueurs ?

Dès le 7 janvier au soir le logo est utilisé dans les manifestations de soutien, ici à Strasbourg. Claude Truong-Ngoc

Après plusieurs autres braquages, il est condamné en 2004 pour braquage d’une BNP à six ans de prison.
 Le braquage a eu lieu le 7 septembre 2002, Coulibaly a alors 20 ans.
Or, il comparait devant… la Cour d’assises des mineurs.

Je n’ai pas trouvé d’explication logique à cette comparution qui apparaît curieuse vue d’un non spécialiste du droit.
Il semble qu’un des participants au braquage était mineur, mais si cela justifie la comparution de toute la bande devant une justice pour mineurs, voilà qui va inciter les délinquants majeurs à embringuer des mineurs dans leurs aventures !

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan faisant le signe R4bia. R4BIA.com

La condamnation à six ans mentionne « Trafic de stup, recel et braquage ». Il sort en 2006, je ne sais pas à quelle date, on peut donc supposer qu’en comptant la préventive, il a purgé entre trois et quatre ans sur six.

Logo des frères musulmans

S’agissant d’une première condamnation en tant que majeur (l’affaire précédente, classée, ne peut être retenue contre lui), admettons que cette remise de peine puisse ne pas être anormale.

Mais la même année, Coulibaly est condamné à dix-huit mois pour trafic de stups.


À la suite de violents affrontements avec l'armée égyptienne sur le square Rabia al Adawiyya au Caire, le signe R4bia (4 en arabe) est devenu le symbole de ralliement des Frères musulmans. R4BIA.com

Nouvelle incompréhension :

- comment un récidiviste ayant bénéficié d’une remise de peine peut-il bénéficier d’une condamnation plus faible que sa première remise de peine, pour des faits commis pendant sa remise de peine ?
- Une remise de peine ne devrait-elle pas systématiquement avoir valeur probatoire ?
Et être annulée en cas de récidive pendant cette période ?

D’autre part, s’agissant d’un récidiviste, les peines ne devraient-elles pas se rapprocher du plafond légal de condamnation ?

Mohammed Badie, le leader actuel. Mohamedhph

M. Coulibaly semble à sa sortie entrer dans un projet de réinsertion.
Certains articles mentionnent que cette réinsertion aurait été liée à ses remises de peine, autrement dit que sa mauvaise exécution aurait pu annuler les remises de peine qui avaient été obtenues de ce fait.
Mais je n’ai pas suffisamment de recoupements de sources pour être sûr de ce point.

Mais pendant cette « réinsertion », M. Coulibaly est arrêté en 2010 pour préparation de tentative d’évasion d’un terroriste dangereux, impliquant des armes.
La peine maximale prévue par le Code pénal dans ces circonstances est de sept ans, et Coulibaly est condamné à cinq.

La détention ayant commencé le 23 mai 2010, Coulibaly bénéficie de plusieurs remises de peine pour bonne conduite en prison, et sa peine prend fin le 15 mai 2014, soit au bout de quatre ans.

Notons que ses deux derniers mois de peine sont purgés sous bracelet électronique. L’emprisonnement effectif a donc été de trois ans et dix mois.

Nous apprenons également, par le Canard Enchaîné, que des photos à caractère pédopornographiques ont été retrouvées sur l’ordinateur de Coulibaly en 2010, ajoutant à la répugnance qu’inspire le personnage.

Or, ce volet de l’affaire aurait été classé par le parquet de Nanterre, pour des raisons que je n’ai pas retrouvées. Je soupçonne un banal problème de surcharge, mais c’est purement spéculatif.

La lecture de la fin de ce parcours chargé pose tout de même quelques questions graves :

Un criminel multi-récidiviste ayant prouvé qu’il n’était visiblement pas ré-insérable, ne devrait-il pas pouvoir de ce fait voir ses plafonds de condamnation potentielle aggravés ?

Sans aller jusqu’aux excès de certains États US, une troisième condamnation pour faits graves ne devrait-elle pas ajouter, au plafond légal associé à son acte, un « forfait pour double récidive » ?

Un criminel multirécidiviste avec tous les antécédents que nous venons de découvrir ne doit-il pas se voir supprimer toute possibilité de remise de peine ?

Lorsqu’un criminel multirécidiviste encourt jusqu’à sept ans de prison, et que l’affaire pour laquelle il est jugé concerne la tentative d’évasion d’un terroriste condamné pour des faits d’homicide, la justice peut-elle décemment ne prononcer « que » cinq ans sans que la question de son laxisme ne soit posée ?

La question des photos n’aurait-elle pas dû faire l’objet d’une instruction obligatoire, compte tenu du caractère criminel récidiviste de l’intéressé ?
Et conjointe avec les faits d’évasion, ce qui aurait permis un cumul au moins partiel de peines ?

Et il est possible que l’étude approfondie de son dossier mette à jour d’autres questions interrogeant la qualité du fonctionnement de l’institution judiciaire en France.

Bref, en tant que citoyen, je me demande s’il était normal que quelqu’un comme Coulibaly soit dehors à la date des faits, cela aurait-il été possible si les lois étaient soit mieux écrites, soit mieux appliquées ?

Une troisième condamnation à seulement cinq ans, convertie en trois ans et dix mois de peine effective, était-elle suffisante pour un tel individu avec un tel parcours ?

Sachant que de nombreux apprentis djihadistes ont un passé de délinquant récidiviste, ne serait-il pas déjà intéressant de réduire le vivier de djihadistes potentiellement très dangereux en renforçant les peines et les règles d’application effectives de ces peines de tous les criminels violents récidivistes ?

Si la police avait moins d’individus dangereux comme Coulibaly en liberté à surveiller, ne serait-elle pas plus efficace pour détecter les agissements de gangs intégristes tels que celui des Kouachi ?

Bref, et si au lieu de voter des lois et règles d’exception prises sous le coup de l’émotion, qui rendront périlleuses la libre expression des honnêtes gens et renforceront leur insécurité juridique, on remettait l’État régalien en position de mettre réellement hors d’état de nuire pour de longues périodes des criminels ayant largement prouvé qu’ils étaient irrécupérables ?

 Si on commençait par faire fonctionner l’État de droit normal au lieu de rêver d’une police politique et des opinions omniprésentes ?
……………….

Amedy Coulibaly, né le 27 février 1982 à Juvisy-sur-Orge dans l'Essonne et mort le 9 janvier 2015 à Paris, est un délinquant multirécidiviste français, passé au terrorisme islamiste.
Il est l'un des auteurs des attentats de janvier 2015 en France.

Amedy Coulibaly passe de la petite délinquance à la grande criminalité puis se convertit à l'islam radical.

Il devient, avec Chérif Kouachi, l'un des deux principaux disciples de Djamel Beghal, selon les rapports de la sous-direction anti-terroriste.
Il est incarcéré en 2010 avec Beghal pour son implication dans une tentative d'évasion du terroriste islamiste Smaïn Aït Ali Belkacem.

Le 8 janvier 2015, au lendemain de l'attentat contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo commis par les frères Kouachi, il tue Clarissa Jean-Philippe, une policière de 26 ans à Montrouge et blesse grièvement un agent de voirie.

Le jour suivant, il commet une prise d'otages dans une supérette casher située porte de Vincennes à Paris, en se revendiquant de l'État islamique, assassinant quatre personnes de confession juive, dont trois clients et un employé.

Il est finalement tué à 17 h 12 lors de l'assaut donné par le RAID et la BRI.

Né en France dans une famille originaire du Mali, Amedy Coulibaly est le septième enfant, et seul garçon, d’une fratrie de dix.
Il passe sa jeunesse dans le quartier de la Grande-Borne à Grigny.
Ses proches parlent d'une « enfance heureuse et d'une scolarité moyenne ».

Alors qu'il est lycéen en classe de première « bac pro », Coulibaly devient
coutumier du braquage (vol de garage, de commerce).

 Ses proches expliquent son attitude par ses mauvaises fréquentations.

Sa haine de la police pourrait provenir (ou être aggravée) par un sentiment d'injustice à la suite du décès de son complice et meilleur ami Ali Rezgui tué par un policier au cours d'un vol.
Le fait se produit le 17 septembre 2000 à Combs-la-Ville alors qu'il s'enfuit à bord d'une camionnette chargée de motos volées et se dirige à vive allure vers un véhicule de police.

Un policier stagiaire tire sur le camion, crève un pneu, puis tire vers l'intérieur du camion, tue le chauffeur et blesse Amedy Coulibaly.
Le policier qui a tiré n'a pas été poursuivi par le parquet (non-lieu pour légitime défense).

Il est plusieurs fois jugé et emprisonné pour vols aggravés à partir de 2001.

Un vol à main armée dans une agence BNP Paribas d'Orléans le 7 septembre 2002, le mène devant la cour d'assises des mineurs du Loiret, où il est condamné, le 15 décembre 2004, à six ans de prison pour trafic de stupéfiants, recel, et pour le braquage de la banque.

 Alors qu'il est interpellé le lendemain à la suite du braquage de deux discothèques parisiennes vers 5 h du matin, Amedy Coulibaly est retrouvé porteur de billets de 5 € provenant d'une liasse piégée, volée durant le braquage de la banque.

C'est en 2005, durant son incarcération à la prison de Fleury-Mérogis, qu'il fait la connaissance de Chérif Kouachi, emprisonné pour sa participation à la filière djihadiste des Buttes-Chaumont et de Djamel Beghal, qui est devenu en prison le « mentor » de ce dernier.

Amedy Coulibaly se lie d'amitié avec Djamel Beghal qui se trouve pourtant à l'isolement, mais dans la cellule juste au-dessus de la sienne avec laquelle il communique.

Après sa sortie, Coulibaly devient dealer, ce qui lui vaut une nouvelle peine de prison d'un an et demi en 2006.

En 2008, pendant son incarcération, il organise et participe au tournage clandestin d'un documentaire dénonçant les conditions de vie dans la prison de Fleury-Mérogis, documentaire dont il signe la dédicace sous son pseudonyme de « Hugo la masse » : « à ceux qui feront tout pour ne jamais aller en prison et ceux qui feront tout pour ne jamais y retourner ».

 Après sa remise en liberté, des extraits de ce documentaire font l'objet d'un reportage de l’émission Envoyé spécial en 2009 où il est interviewé.

Un livre inspiré de ce documentaire intitulé « Reality Taule, au-delà des barreaux » (éditions Grignywood / icetream) met en vedette Amedy Coulibaly avec sa photo de dos en couverture.

Mariage religieux

À sa sortie de prison, la religion a éloigné Amedy Coulibaly de sa famille, ces « kouffars » (« mécréants » en arabe), comme il dit.

Il se marie religieusement mais pas civilement le 5 juillet 2009, avec la femme qu'il connaît depuis deux ans, Hayat Boumeddiene.
À partir de 2010, le couple vit à Bagneux.

En 2014, ils résident à Fontenay-aux-Roses.
Le couple avait l'intention de déménager prochainement, rapporte un témoin, qui les avait vus « sortir des cartons, des caisses, des livres ».

La compagne Hayat Boumeddiene

Hayat Boumeddiene est issue d'une fratrie de six enfants de Villiers-sur-Marne (Val-de-Marne).
Elle grandit ballotée entre foyers et familles d'accueil après la mort de sa mère en 1994, alors qu'elle est âgée de 6 ans.

Elle rompt durant des années avec son père, avant de renouer peu avant un voyage à La Mecque à l'automne 2014.

Elle pratique le port du voile intégral depuis mai 2009, ce qui l'oblige à abandonner son emploi de caissière.

Elle porte un temps la burqa, mais y renonce car la loi française l'interdit dans l'espace public puis se couvre du niqab.

Six mois avant les attentats, elle a cessé de posséder un téléphone portable.
Fin décembre 2014, elle vide ses comptes en banque.

Réinsertion professionnelle

Une fois sa peine purgée, il est embauché en contrat de professionnalisation par Coca-Cola à Grigny.
Il semble avoir tiré un trait sur son passé de délinquant; en réalité, il s'est converti en prison à l'islam radical.
Il continue de fréquenter Kouachi et Beghal.

Par deux fois, Hayat Boumeddienne accompagne son mari à Murat dans le Cantal où Beghal est assigné à résidence et où ils manient les armes et s'entraînent au tir.

En juillet 2009, il est reçu avec neuf autres personnes, comme lui en formation en alternance, au palais de l'Élysée par Nicolas Sarkozy.

Le président de la République souhaitait rencontrer des jeunes choisis par leurs employeurs, parce que les entreprises sont engagées en faveur de la formation en alternance.
Il joue au poker sur Internet et voyage avec son épouse en Crète, en République dominicaine et en Malaisie.

Coach sportif

Une ancienne cliente l'atteste, elle côtoie Amedy Coulibaly en 2009, alors qu'elle fréquente une salle de fitness de Grigny, près de la cité de la Grande Borne.

 Il est alors coach sportif, et son physique de body-builder ne lui inspire alors aucune crainte.
C'est un homme « tchatcheur et volontiers séducteur ».
Il n'a jamais abordé de sujets en lien avec la religion, encore moins sur le djihad ou ses passages en prison.

Nouvelle incarcération

Il est arrêté le 18 mai 2010, mis en examen et placé en détention provisoire quatre jours plus tard.
Il est en effet soupçonné par les services antiterroristes d'avoir participé à la tentative d'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l'un des principaux auteurs de la vague d'attentats commis en France en 1995, alors emprisonné à la maison centrale de Clairvaux.

La fouille de son domicile permet de découvrir 240 munitions 7,62 de kalachnikov.
Pour ces faits, il est condamné à 5 ans de prison ferme le 20 décembre 2013.

 En détention, il affiche à nouveau sa volonté de se réinsérer en suivant des formations de vendeur et de secouriste.

En raison des quatre ans de détention provisoire qu'il accomplit (du 22 mai 2010 au 4 mars 2014) et d'une remise de peine d'un an, Amedy Coulibaly, qui selon la chancellerie manifeste une conduite « quasi exemplaire » durant sa détention, sort de prison le 4 mars 2014 avec un bracelet électronique.
Il le garde jusqu'au 15 mai 2014, date de la fin de sa peine.

Durant l'interpellation préalable à sa condamnation, il se décrit ainsi aux policiers : « J'essaie de pratiquer le minimum obligatoire comme la prière, le ramadan, etc. J'essaie d'avancer avec la religion mais je vais doucement ».

Il peut s'agir d'une pratique de la dissimulation, la taqiya, comme le prône le mouvement radical takfir, enseigné par Djamel Beghal.

Pourtant, depuis sa cellule, avant la tentative d'évasion, Smaïn Aït Ali Belkacem passe un appel téléphonique.
Et alors qu'il ignore qu'il est placé sur écoute, il décrit Amedy Coulibaly comme  « fiable, déterminé » et « en possession de tout ce dont ils [ont] besoin » pour perpétrer le projet.

Après la sortie de prison, le couple réalise un pèlerinage à La Mecque en octobre 2014.

Contrôlé à Montrouge en août 2014

Le 30 août 2014, il est contrôlé par une patrouille de police à Montrouge en présence des frères Belhoucine et d'un quatrième homme.
Rien d'anormal, même si Amedy Coulibaly et Mohamed Belhoucine sont fichés à l'anti-terrorisme.
Ils repartent peu après.

Mohamed Belhoucine est connu des services de renseignement français, pour appartenance à une filière qui envoie des djihadistes dans la zone pakistano-afghane au milieu des années 2000.

Il sera particulièrement présent près du tueur durant les semaines de préparation des attentats des 7 et 9 janvier.

Les enquêteurs s'interrogent après les attentats sur le rôle des deux frères dans la préparation des actes terroristes.

Contrôlé à Paris en décembre 2014

Le 30 décembre 2014, Hayat Boumeddiene loue une Seat Ibiza. Le même jour vers midi, le véhicule est arrêté par deux motards de la direction de l'ordre public et de la circulation, pour un contrôle de routine dans le 19e arrondissement de Paris.

Amedy Coulibaly conduit le véhicule avec Hayat Boumeddiene à ses côtés.
Il vient d'avoir son permis de conduire le 10 décembre ; il présente ses papiers aux policiers, dont une attestation de réussite à l'examen.
Les papiers du véhicule et du conducteur sont en règle.

Les policiers respectent la procédure à la lettre et consultent le fichier des personnes recherchées (FPR).
Ladite fiche d'Amedy Coulibaly est bien signée du service demandeur « AT » pour « Anti-terrorisme » avec la mention « PJ02 ».

La mention précise que l'individu est considéré comme dangereux et appartient à la mouvance islamiste.
Le policier doit alors récolter le maximum d'informations sans éveiller les soupçons : la marque de la voiture, la plaque d'immatriculation, l'identité des passagers.

Les policiers auraient informé leur hiérarchie et les services antiterroristes.
Sans réaction de leur part, « la consigne était de ne pas l'interpeller » précise Le Canard enchaîné, selon qui « les motards n'ont donc commis aucune faute ».

Amedy Coulibaly repart de nouveau sans être interrogé, bien que le plan Vigipirate soit déjà renforcé.
Après les événements du 7 au 9 janvier 2015, Vigipirate est relevé au niveau « attentat ».

Aux États-Unis, il est référencé sur la liste Terrorist Identities Datamart Environment (TIDE) qui enregistre tout « terroriste » soupçonné ou connu.

Déplacement à Madrid

Amedy Coulibaly utilise la Seat pour se rendre à Madrid.
Il y conduit sa compagne Hayat Boumeddiene.
Dans la nuit du 1er au 2 janvier 2015, le couple traverse la frontière espagnole en voiture.

Les frères Belhoucine, Mehdi Sabry et Mohamed, la femme et le fils de ce dernier, regagnent Madrid dans deux bus Eurolines différents le même jour.

Tous à l'exception d'Amedy Coulibaly prennent l'avion de l'aéroport de Madrid Barajas pour la Turquie le lendemain, 2 janvier 2015.

Amedy Coulibaly rentre rapidement vers Paris le jour même, à tel point qu'il est flashé à trois reprises sur la route. Il restitue le véhicule le 6 janvier 2015.

De retour en France, rencontre avec Chérif Kouachi

Le 5 janvier 2015, il donne une rapide visite à sa famille à Grigny.

Il se rend en Belgique dans la nuit du 5 au 6 janvier 2015, pour récupérer l'argent de la vente du Mini Cooper d'Hayat Boumeddiene auprès du trafiquant d'armes Metim K44. Puis il revient en région parisienne pour croiser Chérif Kouachi.
Vingt-quatre heures avant le début des tueries, Amedy Coulibaly et les frères Kouachi activent une ligne téléphonique qui leur permet d'échanger discrètement.
Au total, ils échangent six SMS sur la ligne.

Dans la soirée du 6 janvier, la veille de l'attentat de Charlie Hebdo, Chérif Kouachi s'éclipse de chez lui à Gennevilliers entre minuit et 1 h du matin.
Il rencontre Amedy Coulibaly.
Les enquêteurs pensent que c'est pour synchroniser les derniers détails des attaques.

Le 7 janvier au matin, une des lignes téléphoniques d'Amedy Coulibaly reçoit encore un appel de Chérif Kouachi, depuis son domicile de Gennevilliers.
Le SMS est envoyé à peine une heure avant l'attentat de Charlie Hebdo.

Les enquêteurs ont la certitude que les attentats des frères Kouachi et de Coulibaly sont concertés.

Attentats de janvier 2015 en France

Fusillade à Fontenay-aux-Roses

Il est soupçonné durant quelques jours d'avoir tiré, le 7 janvier 2015 à 20 h 30, sur un joggeur à Fontenay-aux-Roses, Romain D., ville où il réside.
L'agressé est grièvement blessé par cinq coups de feu à l'arme automatique, dont deux tirés alors qu'il est au sol, sans aucun motif apparent.

Gravement blessé, le joggeur décrit un assaillant de type européen, mais il est flou sur la description de son agresseur. « L'exploitation balistique permettait dans la nuit du 10 au 11 janvier 2015 de faire un rapprochement entre les étuis (douilles) percutés découverts à Fontenay-aux-Roses et le pistolet automatique Tokarev découvert sur les lieux de l'hypermarché casher » précise le parquet de Paris ; les tirs de Fontenay-aux-Roses ont lieu le soir de l'attentat à Charlie Hebdo.

Rien ne permet d'attribuer formellement les tirs à Amedy Coulibaly. Le sportif qui chemine sur la coulée verte du sud parisien, ne fait que croiser l'homme armé. Il signale un tireur capuché de type européen avant de devoir être plongé dans un coma artificiel.

L'existence d'un complice est envisageable. Mais de source judiciaire, « il faut rester prudent par rapport à ces déclarations », car le témoignage du joggeur peut être fragile. La tentative de meurtre s'est déroulée à quelques centaines de mètres seulement du domicile du tueur de Montrouge et de Vincennes.
Et Amedy Coulibaly a lui-même l'habitude d'aller courir sur la coulée verte.

Après plusieurs jours d'hospitalisation, le joggeur pense se souvenir que l'homme pouvait avoir la peau noire et porter une doudoune noire avec un col en fourrure.

La PJ parisienne dispose d'un autre témoin, une joggeuse qui le 6 janvier, a elle aussi été menacée par un individu armé.
Elle a pourtant rapporté à la police avoir aperçu un homme suspect, à « la peau claire », la veille de l'attaque.

Selon le procureur de Paris, François Molins : « On peut tout imaginer. Certains enquêteurs ont émis l'hypothèse là-dessus d'un possible tir d'entraînement».

Le joggeur reconnaitra par la suite un autre complice présumé de l'affaire, arrêté en mars 2015 (voir plus loin le chapitre :
« Un cinquième complice présumé »).
En janvier 2016, le joggeur toujours lourdement handicapé répète « Pour moi, ce n'était pas Coulibaly ».

Fusillade à Montrouge

Le 8 janvier 2015 à Montrouge, vers 8 h57, il s'approche de deux policiers et de deux agents de voirie qui interviennent sur un banal accident de la circulation entre Montrouge et Malakoff, avec un fusil d'assaut et une arme de poing.

Vêtu de noir, d'un gilet pare-balles et d'une cagoule, il tue à la Kalachnikov une agent de police municipale (Clarissa Jean-Philippe) de plusieurs balles dans le dos, et blesse grièvement un agent de voirie qui aurait tenté de s'interposer, d'une balle qui lui traverse la joue.

Amedy Coulibaly abandonne sur place sa moto Suzuki de grosse cylindrée, modèle GSX-R et cherche à s'emparer d'un véhicule sans succès, puis il réussit à s'enfuir à bord d'une Clio blanche qu'il laisse à Arcueil, près d'une station de RER.

Une trace ADN, retrouvée sur la cagoule qui lui a été arrachée sur place et analysée dès minuit ce soir-là – soit un délai extrêmement court –, identifie formellement Amedy Coulibaly.

Le conducteur du premier véhicule, que n'a pas réussi à voler le meurtrier, le reconnaît également.
Les enquêteurs, connaissant sa relation avec Chérif Kouachi, puisqu'ils s'étaient rencontrés en prison dès 2005, font le lien entre les deux hommes. Dans la nuit, les forces de l'ordre perquisitionnent son domicile de Fontenay-aux-Roses.

À la suite de cette fusillade, la préfecture de police lance un appel à témoins pour retrouver Coulibaly et sa compagne.

Après la prise d'otages de la porte de Vincennes, son ADN est prélevé et comparé à celui prélevé sur la cagoule abandonnée sur les lieux de la fusillade de Montrouge.
Les analyses correspondent. Amedy Coulibaly est formellement identifié comme le meurtrier de Clarissa Jean-Philippe.

Le procureur de Paris indique que la question de la cible exacte se pose ce jour-là, car l'école juive se situe à proximité quasi immédiate du lieu où il tue Clarissa Jean-Philippe.
Le 9 janvier, lors de la prise d'otages de l'Hyper Casher de Vincennes, certains membres de la communauté juive évoquaient déjà cette hypothèse.

Voiture piégée à Villejuif

Le 8 janvier au soir, il est suspecté d'être l'auteur de l'explosion d'une Renault Kangoo à Villejuif.
Une revendication vidéo publiée sur internet au surlendemain de sa mort semble attester des faits, qui au moment de l'enquête, n'avaient pas été rapprochés à un acte terroriste.

Prise d'otages de la porte de Vincennes

Article détaillé : Prise d'otages du magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Le 9 janvier 2015, vers 13 heures, il prend en otage les clients et les employés d'une supérette Hypercacher, porte de Vincennes et tue quatre d'entre eux.
Il affirme au téléphone vers 15 heures à BFM TV s'être « synchronisé » avec les tueurs de Charlie Hebdo, et se réclame de l'État islamique.
Il meurt au cours des échanges de tirs avec les policiers du RAID et de la BRI lorsqu'ils lancent l'assaut. Trois policiers et un otage sont blessés.

Enterrement

À la date du 16 janvier 2015, aucune décision n'a été prise pour la disposition du corps d'Amedy Coulibaly, conservé à la morgue.
Sa famille n'a pas exprimé d'opinion en public, à ce sujet.

Un maire de France peut refuser l'inhumation d'une personne, sauf si elle résidait dans sa commune, si elle y est morte, ou si le caveau familial s'y trouve déjà.
En revanche, il peut requérir que la tombe reste anonyme, notamment pour éviter qu'elle devienne un lieu de pèlerinage pour d'autres fanatiques.

Au 16 janvier, la mairie de Grigny, où réside une partie de la famille d'Amedy Coulibaly n'a pas reçu de demande d'inhumation, ni celle de Viry-Châtillon où il était inscrit sur les listes électorales.

Même chose à Fontenay-aux-Roses, où il résidait.
La mairie de Fontenay-aux-Roses précise par ailleurs que son cimetière ne dispose pas de carré musulman. Ou encore à Paris où il a été abattu.

Reste une dernière possibilité, le Mali, où sont nés les parents de Coulibaly.

Un transfert du corps vers Bamako est programmé pour le 21 janvier.
Mais après « un refus de dernière minute des autorités maliennes », le corps de Coulibaly est de retour à l'institut médico-légal où il était conservé.

Les autorités maliennes ne fournissent pas d'explication.
Cette situation s'apparente à celle qu'a connue Mohammed Merah, avec le refus d'inhumation en Algérie, mais il est fait mention que Coulibaly n'avait pas la citoyenneté malienne.

Le maire de Fontenay-aux-Roses demande une incinération obligatoire des terroristes.
Cette proposition polémique ne prend pas en compte la religion des défunts et de leur famille.
Or l'islam bannit l'incinération de ses rites funéraires.
Selon Mohammed Henniche, secrétaire général de l'union des associations musulmanes de la Seine-Saint-Denis :

« Ce serait répondre à une injustice par une autre injustice qui ne ferait que le glorifier ».
Finalement, le 23 janvier, Amedy Coulibaly est enterré dans la discrétion, à l'aube vers 6 heures du matin, au carré musulman du cimetière parisien de Thiais. Sa tombe est anonyme.

La mère et les sœurs d'Amedy Coulibaly condamnent les attentats de Paris et Montrouge et présentent leurs « sincères condoléances » aux proches des victimes.

Vidéo de revendication - Diffusion posthume

Dans la soirée du 10 janvier, une vidéo posthume est diffusée sur des forums djihadistes, hébergée sur le site saoudien Gulfup, dans laquelle il dévoile son nom de guerre :
« Abou Bassir Abdallah al-Ifrisi, soldat du califat » et revendique ses actes.
Il les justifie par les diverses attaques de la coalition occidentale contre l'État islamique et, selon lui, l'Islam en général.

Les enquêteurs y voient la confirmation que le terroriste était membre d'un réseau structuré.
Pourtant, si Coulibaly revendique avoir agi au nom de l'État islamique dans sa vidéo, l'organisation elle-même n'a pas revendiqué son acte.

Selon le procureur de Paris, « une partie de sa vidéo de revendication » a selon toute vraisemblance été tournée dans l'appartement de Gentilly (Val-de-Marne).
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Pour Anne-Clémentine Larroque, maître de conférences à Sciences Po en Questions internationales, le djihadisme n'est pas « consubstantiel à la religion ». Bien que le Coran mentionne textuellement le jihad, « le djihadisme est un mouvement contemporain qui puise ses racines dans les thèses de deux grands idéologues » :

 « la pensée de Sayyid Qutb (1906-1966), militant des Frères musulmans qui lutta activement contre l'État de Nasser jugé « mécréant » car ne respectant pas la loi coranique et théorisa dans les années 1960 le retour à un islam politique où le jihad prend une place centrale » et « la pensée de Abul Ala Maududi (1903-1979) théologien fondamentaliste pakistanais qui à la même époque pense et encourage la lutte pour la création d'un État islamique pakistanais.

Ses thèses seront suivies par les Talibans: il prône un retour au jihad global »

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