Par Oihana Gabriel – 06/05/2019.
Alors que plusieurs pays alertent sur des épidémies liés
à un champignon tueur et très résistant, un spécialiste de la question nous
éclaire sur les risques réels liés au Candida auris
Le champignon "Candida auris" modélisé par
un ordinateur.
Crédit : KATERYNA KON/SCIENCE PHOTO LIBRARY/AFP
Le Candida auris, un nouveau champignon découvert en 2009
dans l’oreille d’un Japonais, s’est invité dans les hôpitaux d’au moins 16 pays
dans le monde, notamment en Grande-Bretagne et en Espagne.
Ce champignon peut provoquer une infection parfois
mortelle, notamment chez des patients très fragilisés, dans les services de
réanimation.
llustration d'un hôpital. — Pixabay
Si la France ne compte, selon les informations de Santé
publique France, que trois cas isolés, la Société française d’hygiène
hospitalière invite les autorités publiques à redoubler de vigilance pour
éviter toute épidémie.
Un microscopique
champignon pour un maxi-problème ?
Alors que plusieurs pays ont dévoilé ces dernières années
des épidémies de candidoses, cette infection parfois mortelle due à un
champignon, le Candida auris, résistant à la fois aux médicaments et aux
désinfectants, la France devrait se préparer à faire face également à ce
nouveau type de risque.
C’est en tout cas l’avis de Pierre Parneix, président de
la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), qui alerte dans Le Parisien
sur ce champignon nouveau qui pourrait coloniser nos hôpitaux.
20 Minutes tente d’en savoir un peu plus sur ce fameux
champignon tueur…
Qu’est-ce que le
champignon Candida auris ?
Les humains sont souvent porteurs du champignon Candida
dans leur tube digestif, dans le vagin, sur la peau.
Mais ce Candida auris est particulier pour plusieurs
raisons.
Pour le moment, on
le trouve uniquement à l’hôpital.
Un champignon pas
évident à chasser : « Il n’est pas
facile à identifier si on n’a pas des moyens de diagnostics pointus, car on
peut le confondre avec d’autres champignons », souligne Jean-Christophe
Lucet, médecin en hygiène hospitalière à l’hôpital Bichat-Claude Bernard
(AP-HP).
Comment se
transmet-il ?
Par les mains, lors des soins :
- il peut passer par les sondes urinaires,
- les cathéters,
- lors d’une incision…
L’infection va alors se manifester par de la fièvre et
des signes locaux au niveau de la porte d’entrée : du pus sur une cicatrice,
des brûlures s’il s’agit d’une infection urinaire, des rougeurs au niveau du
cathéter.
Pourquoi faut-il
se méfier ?
Pour trois raisons :
« Il est plus dangereux que d’autres champignons, a une
plus grande persistance dans l’environnement et une plus grande résistance aux
traitements », résume le spécialiste.
En effet, il peut vite dégrader l’état de santé d’un
patient.
Quand l’infection grave se déclenche, cela veut dire que
le champignon est présent dans le sang.
« De 30 à 60 % des patients qui développent cette
infection risquent de mourir, précise Jean-Christophe Lucet.
Tout en rappelant que ces patients, en réanimation, sont
déjà extrêmement fragiles.
Difficile donc de dire avec certitude que le champignon
est seul responsable…
Deuxième challenge :
« Il est beaucoup plus résistant que les autres
champignons aux médicaments qu’on appelle les antifongiques, reprend le chef de
service de bactériologie. Quand une épidémie arrive, c’est-à-dire plusieurs
cas, on a beaucoup de mal à s’en débarrasser, y compris dans des pays avec un
système de santé très performant. »
Troisième souci :
« C’est un champignon qui résiste très bien dans
l’environnement et qui n’est pas sensible aux désinfectants habituels.
On est obligés d’utiliser des produits plus agressifs,
par exemple de l’eau de Javel. »
Une substance qui attaque la peau des soignants et le
matériel… et qui a eu tendance à disparaître de nos hôpitaux, pointe Pierre
Parneix dans Le Parisien.
Mais, bonne
nouvelle, les solutions hydroalcooliques, très connues des soignants, sont
efficaces pour supprimer ce champignon.
« On n’est donc
pas sans solution ! », rassure Jean-Christophe Lucet.
Quels sont les
pays touchés ?
Des épidémies liées à ce champignon ont été identifiées
ces dernières années aux Etats-Unis, sachant que c’est une enquête du New York
Times qui a levé le voile début avril sur ce champignon tueur… et l’omerta qui
l’entoure.
Mais le champignon
est présent aussi en Europe.
Notamment en Grande-Bretagne, où, en 2016, 72 personnes
ont été contaminées dans un hôpital de Londres.
En Espagne, 95 cas d’infections ont été relevés dans un
hôpital de Valence.
Selon un article de
la Société française d’hygiène hospitalière, paru à l’été 2018, 16 pays étaient
alors touchés.
« Mais le risque est surtout important en Asie du Sud-Est
», précise l’auteur de ce travail, Jean-Christophe Lucet, coauteur de cet
article qui révélait le péril à venir.
Quel est le risque
réel en France ?
En France, la Société française d’hygiène hospitalière a
donné l’alerte dès 2018, à la suite des publications notamment en
Grande-Bretagne.
Aujourd’hui, on compte trois cas d’infection en France
avec ce fameux champignon : un cas à La Réunion, un second dans un CHU de Tours
et un troisième dans un hôpital de l’est de la France. Mais aucune épidémie.
Il n’empêche, le risque existe : ce lundi, dans Le
Parisien, le président de cette société en a remis une couche :
« C’est justement parce que son éradication est
difficile, chez le patient contaminé comme dans l’environnement de soins, qu’il
est primordial de le maîtriser en amont et d’appliquer de strictes mesures
d’hygiène. »
« Il faut être
très rassurant, nuance Jean-Christophe Lucet.
En France, on est très en amont et surtout, les mesures
qu’on met en œuvre sont efficaces.
Pour l’instant, ce champignon n’est pas présent dans nos
hôpitaux, puisque les trois patients contaminés avaient été hospitalisés à
l’étranger, puis rapatriés. »
Ce spécialiste se
félicite toutefois que la presse s’empare de ce sujet méconnu.
Et rappelle que la
prévention est la meilleure des solutions.
« La première chose à faire : c’est de rester en alerte,
quand un patient arrive de l’étranger en réanimation, il faut rechercher ce
champignon.
D’autant qu’il peut être porteur sans infection, avec
aucun signe de la maladie.
Il faut donc une politique active de dépistage.
On prélève des tissus sur la peau, la gorge, le tube
digestif, pour rechercher un éventuel portage.
Et il faut qu’on prenne les mesures d’hygiène nécessaires
jusqu’à ce que le résultat du prélèvement revienne du laboratoire. »
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