Par Adrien de
Tricornot, Xerfi - 17/01/2019.
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des
analyses diffusées sur Xerfi Canal.
Aujourd'hui, grosse
colère allemande contre la situation française
La France est « menacée de rejoindre l'Italie en
troisième classe ».
La France est « menacée de rejoindre l’Italie en troisième classe ». Emmanuel Macron n’est « plus un partenaire pour sauver l’Europe et la zone euro mais un facteur de risque ». Epidermique, pavlovienne, la colère exprimée outre-Rhin après les mesures sociales destinées à répondre, en décembre...
Emmanuel Macron n'est « plus un partenaire pour sauver
l'Europe et la zone euro mais un facteur de risque ».
Epidermique, pavlovienne, la colère exprimée outre-Rhin
après les mesures sociales destinées à répondre, en décembre, à la crise des
gilets jaunes se lit dans cet éditorial publié à chaud par Die Welt.
Sans surprise, la perte de crédibilité budgétaire
française est jugée très sévèrement outre-Rhin.
Respect de la rigueur budgétaire
Les dirigeants allemands, comme l'opinion publique, sont
majoritairement acquis au respect de la rigueur budgétaire.
Les raisons sont nombreuses. Symboliquement, le mot qui
désigne la dette, « Schuld », signifie également la culpabilité.
La Banque centrale est en Allemagne une autorité morale
et le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a critiqué le dérapage
budgétaire français.
Il souhaite que la limite des 3% de déficit public en
pourcentage du PIB ne soit finalement pas dépassée par la France en 2019, alors
que le chiffre de 3,2% est évoqué.
Il n'y a là rien de nouveau : Jens Weidmann avait estimé
que les réformes annoncées par Emmanuel Macron lors de son élection ne
justifiaient en rien qu'un cadeau soit fait aux Français.
Il y a aussi le tabloïd Bild, premier tirage du pays,
dont la force de frappe est redoutée des politiques allemands.
Ce gros tirage aux accents populistes a salué d'un
roulement de grosse caisse le passage des vœux télévisés d'Emmanuel Macron où
ce dernier déclare:
« On ne peut pas travailler moins et gagner plus.
Baisser nos impôts et accroître nos dépenses ». Bild
s'est félicité que le président « passe un savon à la Grande Nation ».
Mais là aussi, rien de nouveau : ce même quotidien avait
exigé que la Grèce paye avec ses îles les financements allemands liés à la
crise.
Et la critique ne se limite pas à ces cercles attendus.
« Gilets jaunes - Caisses vides », dénonce
l'éditorialiste Henrik Müller dans une contribution au magazine Der Spiegel
avant de se demander « Combien d'Etat social peut se permettre la France ?».
Et la question est
bien sûr la mère de la réponse.
L'éditorialiste rappelle que l'indemnité chômage est
plafonnée à seulement 2.500 euros outre-Rhin, que les Français partent à la
retraite plus tôt qu'ailleurs, ou que le SMIC français à plein temps,
atteignant 60% du revenu médian, est l'un des plus élevé du monde.
Mais ce niveau de 60% étant fréquemment utilisé pour
définir le seuil de pauvreté, un tel discours n'est pas forcément aussi
fédérateur en Allemagne qu'il n'y paraît.
Inégalités et
précarité
D'autant qu'outre-Rhin, des voix s'inquiètent de la
montée des inégalités et de la persistance de la précarité dans une société de
plein emploi.
Le débat sur les gilets jaunes a aussi rouvert le débat
sur le malaise et le déclassement des classes moyennes, qui touche également
l'Allemagne dépit de sa bonne santé économique.
Une étude de la Hans Boeckler Stiftung soulignait en
septembre 2018 qu'environ 4 millions d'actifs, soit 12,3% d'entre eux,
vivent dans la précarité des petits boulots depuis plusieurs années et manquent
de protection sociale.
« Le
mécontentement en France et en Allemagne est similaire », écrit
l'économiste Marcel Fratzscher, président de l'institut DIW, dans une tribune à
Die Zeit, où il liste ces points communs comme des coûts du logement élevés,
beaucoup de bas salaires — et même plus, en proportion, en Allemagne
qu'en France —, ainsi qu'une charge fiscale qui pèse lourd sur les bas
revenus.
Au début du
mouvement des gilets jaunes, la correspondante à Paris de Die Welt, Martina Meister, prévenait aussi ses
compatriotes que ces nouvelles manifestations « sont différentes du folklore
protestataire habituel du pays. Pour la première fois, la classe moyenne est
dans la rue ».
De son côté, Angela Merkel a fait preuve de mansuétude
vis-à-vis du dérapage budgétaire français : mi-décembre, la chancelière a
déclaré comprendre les mesures sociales prises par Emmanuel Macron, tout en
attendant la poursuite des réformes qu'il a entreprises.
Peut-être la chancelière en sursis a-t-elle conscience
que les mêmes fragilités sont présentes dans la société allemande.
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