Défigurée après une
coloration pour cheveux, Estelle, 19 ans, a frôlé la mort
Par Elsa Mari – 27/11/2018.
Elle a failli mourir parce
qu’elle s’est teint les cheveux.
Une substance hautement
allergène est présente dans pratiquement toutes les colorations.
La jeune femme lance une
alerte à tous ceux qui utilisent ces produits.
Le souvenir de ses jours
douloureux se lit encore sur ses traits, légèrement gonflés.
« Vous voyez les contours
de mon visage, lance Estelle, 19 ans, en soulevant sa chevelure ébène.
J’ai presque plus rien,
c’est vraiment moi là », savoure-t-elle, l’index pointé vers son joli minois
retrouvé.
Il y a encore quelques
jours, la jeune étudiante en anglais était méconnaissable, gravement défigurée
après… une simple coloration pour cheveux d’une célèbre marque, achetée en
supermarché.
« Regardez, là, je voyais
encore, et là, je ne pouvais plus respirer », montre-t-elle sur son téléphone,
en faisant défiler les clichés de sa métamorphose cauchemardesque, dans la
cuisine de sa maison à Vitry, sa maman Sygrid, à ses côtés.
Des photos qu’elles ont
publiées sur Facebook pour alerter l’opinion contre la PPD, un produit
hautement allergisant que l’on trouve dans 90 % des teintures disponibles
partout dans le commerce.
Pourtant, Estelle, qui
avait déjà fait une petite réaction instantanée à une précédente coloration,
avait, cette fois-ci, bien fait un test sur sa peau auparavant.
Mais elle n’a attendu que
30 minutes contre 48 heures comme le préconise la notice.
« J’ai fait une bêtise et
j’ai envie de dire aux autres, ne faites pas comme moi ! » lance-t-elle, d’un
ton engagé.
« Il faudrait aussi que
les mises en garde soient plus claires et alarmistes, poursuit sa maman.
Qui parvient à lire ça ?
s’exclame-t-elle, en montrant l’écriture minuscule de l’emballage.
Le résultat peut être
dramatique. » Sa fille s’en est vite aperçue.
«J’avais une tête
d’ampoule»
Il y a dix jours, un
vendredi, quelques heures après avoir « changé de tête », de blonde à brune,
son cuir chevelu commence à gratter, le haut de son crâne à enfler.
Un tour chez le pharmacien
et elle repart avec des antihistaminiques et une crème contre les
démangeaisons.
Le dimanche matin, la
jeune femme croise son reflet dans le miroir :
« J’avais une tête
d’ampoule. »
VIDÉO. «J’ai été défigurée
à cause d’une teinture pour cheveux»
Sygrid fonce avec sa fille
aux urgences, où Estelle est immédiatement prise en charge.
Les soignants connaissent bien les allergies
au PPD. Abréviation de paraphénylènediamine, de la famille des benzènes, la PPD
permet de faire tenir les colorations foncées sur les cheveux.
Mais ce produit n’est pas
autorisé dans d’autres cosmétiques (maquillages, poudres…).
« Ils nous ont dit qu’ils
étaient habitués », poursuit Estelle.
Son tour de tête fait
alors 63 cm contre 56, en moyenne !
Après une perfusion aux
corticoïdes et aux antihistaminiques, l’étudiante peut rentrer chez elle.
Mais l’œdème continue de
monter vers ses tempes, son front : « J’avais l’impression d’être dans un
bocal. »
Retour aux urgences.
« On nous a dit, ça va
partir, raconte la maman, sidérée.
Je ne le sentais pas, on a
filé à l’hôpital Mondor, à Créteil.
» Heureusement.
Dans la voiture, Estelle
s’étouffe. Sa langue gonfle, son cœur s’accélère, elle respire mal. Son état se
dégrade.
« Les médecins m’ont fait
une piqûre d’adrénaline, m’ont gardé toute la nuit. » Le lendemain, elle est
hors de danger.
Un produit désormais
limité
Depuis leur alerte sur les
réseaux sociaux, elles ont reçu beaucoup de messages, même de coiffeurs.
« Ils nous disent, voilà
pourquoi il faut faire une coloration chez un professionnel et non à domicile,
reprend Estelle, d’un sang-froid étonnant.
Mais la PPD est dans
toutes les teintures. » D’autres ont affiché les photos de sa figure
boursouflée dans leur salon pour informer les clients.
Joint, l’Agence du
médicament ne constate pas d’augmentation des cas d’allergies.
Mais précise que « la
réglementation européenne a été revue », en limitant la concentration en PPD
dans les colorations depuis 2013.
Désormais pour Estelle,
hautement allergique, les colorations, c’est fini.
« J’ai failli mourir, je
ne veux pas que ça arrive à d’autres. »
L’avis des dermatologues
« On connaît la PPD depuis
bien longtemps, explique le docteur Catherine Oliveres-Ghouti, membre du
Syndicat national des dermatologues.
2 à 3 % de la population y
est allergique alors qu’aujourd’hui, une personne sur deux se teint les
cheveux. »
Dans son cabinet, la
spécialiste en voit une quinzaine par an débarquer avec de « l’eczéma, des yeux
comme un lapin, la tête enflée ».
« J’ai vu des patients
défigurés. » Mais des cas aussi extrêmes qu’Estelle demeurent rares.
Les principaux touchés ?
Les coiffeurs. « Quand ils
deviennent allergiques, il n’y a pas de solution, ils n’ont plus qu’à changer
de métier. C’est une maladie professionnelle. »
On trouve aussi de la PPD
dans les vêtements sombres comme les jeans ainsi que dans les tatouages au
henné noir, que l’on fait sur les plages.
« On a fait beaucoup
d’alertes à ce sujet », prévient la dermatologue.
Selon elle, interdire ce
produit reviendrait à supprimer toutes les teintures foncées.
« Il faut mieux informer
les consommateurs, ne faites jamais de teinture sans l’avoir testée sur votre
peau 48 heures auparavant. »
Pour tout signalement
d’effets indésirables : https://signalement.social-sante.gouv.fr/psig_ihm_utilisateurs/index.html#/accueil
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