Par Sandra Lorenzo – 16/04/2019
Voir la cathédrale en feu, un symbole qui peut ébranler.
PSYCHOLOGIE - Le
spectacle était aussi effroyable que fascinant.
Malgré tous les efforts des pompiers, les flammes ont
longtemps illuminé le cœur de Notre-Dame de Paris alors que la nuit tombait.
De tous les points de vue de la Capitale, les Parisiens
et ceux qui étaient de passage se sont pressés pour regarder.
Derrière nos écrans de télévision, de smartphones, la
flèche s’effondrant, dévorée par les flammes, est passée en boucle.
Nombre d’entre nous, à Paris ou ailleurs, se sont arrêtés
dans leur quotidien.
Un brasier géant
qui consume en direct plus de 850 années d’histoire, une forêt de poutres que
même les bombardements de la Seconde Guerre mondiale n’avaient pas détruite.
Pour Barbara Attia, psychologue urbaniste interrogée par
Le HuffPost, avec cet incendie, “c’est
une partie de soi” qui est partie en fumée. “
Un deuil va devoir se faire, peu importe la symbolique
qu’on donne à ce monument”.
Notre-Dame de
Paris est un point de repère.
Géographique bien sûr, elle est le point zéro des routes
de France.
Spirituel, aussi.
Et également temporel.
“Lorsque nous regardons un objet matériel, qu’il s’agisse
d’une cathédrale, d’un immeuble, d’une pierre, d’une vieille montre, explique
le philosophe Etienne Klein, le seul fait d’y prêter attention nous porte [...]
à nous enfoncer dans son histoire, à nous décaler, par l’imagination, de la
surface de son présent.”
“Un morceau de
notre passé projeté dans notre présent”
Admirer cette cathédrale ou même juste lui jeter un
regard en passant, c’était voyager dans le temps, comme l’explique le
philosophe, “ce bâtiment somptueux n’était pas une chose statique dans
l’espace, mais une suite d’événements dans l’espace-temps. [...]
Notre-Dame : Les photos inédites de l'intérieur de la cathédrale
La persistance de cette grande chose immobile cachait une
dynamique invisible, profonde, celle de la succession ininterrompue des
instants qui ont transporté sa présence depuis sa première apparition.
Notre-Dame était
un morceau de notre passé projeté dans notre présent”.
La regarder, vivre à ses côtés, c’est aussi s’assurer de
la permanence des choses.
Ce monument qui a vu tant de générations naître doit nous
survivre, faire partie de la génération qui la voit “mourir” en direct peut
provoquer beaucoup d’inquiétudes.
“Il s’agit d’un lieu très symbolique en termes de
sécurité personnelle”, confirme Barbara Attia.
“L’heure est à
l’écoute”
Cette spécialiste qui accompagne des habitants et des
mairies comme celle de Calais dans la rénovation de quartiers et la destruction
de grands ensembles regarde de près les réactions depuis l’annonce de
l’incendie.
“Après soixante-douze heures, il sera temps de faire ce
que l’on appelle un ‘debriefing’, c’est pour l’instant trop tôt,
explique-t-elle.
“L’heure est à l’écoute. Quand on traverse un événement
traumatique, on a besoin de ne pas se sentir isolé, de se rassembler et de
partager.”
La spécialiste espère ainsi que des cellules d’écoute
seront mises en place par la mairie et surtout que le projet de reconstruction
pourra laisser de la place à tous.
“Il faudra que tout le monde ait voix au chapitre pour
permettre l’apaisement.”
…………………….
L'incendie de
Notre-Dame nous montre que notre surpuissance n’est qu’un leurre
Battons-nous aujourd’hui pour que notre patrimoine,
culturel et naturel, ne parte pas en fumée... demain.
Par Muriel Douru
Illustratrice
Muriel Douru Illustratrice - Comment l'étude de la
collapsologie apprend à relativiser.
Hier soir, en regardant les images de Notre-Dame de Paris
en feu, je ressentais de la tristesse mais pas cette émotion énorme, largement
partagée, et cela n’a rien à voir avec le cynisme ou mon rejet des religions
car je suis très sensible à la créativité humaine, quelle que soit sa
motivation.
Non. C’est juste
que je suis ... anesthésiée.
Car hier, j’ai entendu le journaliste scientifique
Laurent Testot dire, dans une interview, que si rien n’est fait pour changer le
cours du dérèglement climatique, Venise et New-York, ces merveilles de la
culture humaine, si différentes, seront sous les eaux à la fin du siècle.
Disparues, anéanties, par la faute de ceux qui en sont à
l’origine parce que nous sommes entrés dans l’ère de l’Anthropocène, “l’époque
de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un
impact global significatif sur l’écosystème terrestre” (Wikipédia).
Notre Dame date de 1163.
856 ans pour l’histoire des humains, c’est considérable.
856 ans pour l’histoire de la Terre (qui a 4,5 milliards
d’années), c’est... rien.
Il y a des symboles de notre civilisation que nous
pensons éternels, parce que nous nous pensons éternels et nous refusons
obstinément de croire à ce que les scientifiques ne cessent de nous répéter: si
nous ne faisons rien, notre Civilisation va s’effondrer parce qu’à cause
d’elle, le monde du vivant s’effondre et le climat se transforme, à toute
vitesse.
À ce rythme, nos gamins assisteront, de leur vivant, à la
disparition inéluctable, non seulement des joyaux nés de l’ingéniosité des
humains (réparables), mais aussi de cet autre joyau qui n’est pas de notre fait
et qui, du coup, semble moins nous toucher: la perte de l’incroyable diversité
du vivant (perdue à jamais).
Ce drame de Paris devrait être l’occasion de comprendre
que notre surpuissance n’est qu’un leurre et que nous ne sommes pas
invulnérables.
Alors, battons-nous aujourd’hui pour que notre patrimoine,
culturel et naturel, ne parte pas en fumée... demain.
Ce billet est également
publié sur la page Facebook de Muriel Douru.
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