samedi 20 avril 2019

L'incendie

de Notre-Dame a fait naître parfois bien plus que des larmes
Par Sandra Lorenzo – 16/04/2019

Voir la cathédrale en feu, un symbole qui peut ébranler.

PSYCHOLOGIE - Le spectacle était aussi effroyable que fascinant.

Malgré tous les efforts des pompiers, les flammes ont longtemps illuminé le cœur de Notre-Dame de Paris alors que la nuit tombait.
De tous les points de vue de la Capitale, les Parisiens et ceux qui étaient de passage se sont pressés pour regarder.

Derrière nos écrans de télévision, de smartphones, la flèche s’effondrant, dévorée par les flammes, est passée en boucle.
Nombre d’entre nous, à Paris ou ailleurs, se sont arrêtés dans leur quotidien.

Un brasier géant qui consume en direct plus de 850 années d’histoire, une forêt de poutres que même les bombardements de la Seconde Guerre mondiale n’avaient pas détruite.


 Et pour beaucoup de témoins, croyants ou non, une émotion vive et intense. Des larmes, des prières, des chants et de dessins d’hommages. Ils se disent “déboussolés”, n’ont plus les mots comme certains dans la vidéo ci-dessous.

Pour Barbara Attia, psychologue urbaniste interrogée par Le HuffPost, avec cet incendie, “c’est une partie de soi” qui est partie en fumée. “
Un deuil va devoir se faire, peu importe la symbolique qu’on donne à ce monument”.


Notre-Dame de Paris est un point de repère.

Géographique bien sûr, elle est le point zéro des routes de France.

Spirituel, aussi.
Et également temporel.

“Lorsque nous regardons un objet matériel, qu’il s’agisse d’une cathédrale, d’un immeuble, d’une pierre, d’une vieille montre, explique le philosophe Etienne Klein, le seul fait d’y prêter attention nous porte [...] à nous enfoncer dans son histoire, à nous décaler, par l’imagination, de la surface de son présent.”

“Un morceau de notre passé projeté dans notre présent”

Admirer cette cathédrale ou même juste lui jeter un regard en passant, c’était voyager dans le temps, comme l’explique le philosophe, “ce bâtiment somptueux n’était pas une chose statique dans l’espace, mais une suite d’événements dans l’espace-temps. [...]

Notre-Dame : Les photos inédites de l'intérieur de la cathédrale


La persistance de cette grande chose immobile cachait une dynamique invisible, profonde, celle de la succession ininterrompue des instants qui ont transporté sa présence depuis sa première apparition.

Notre-Dame était un morceau de notre passé projeté dans notre présent”.

La regarder, vivre à ses côtés, c’est aussi s’assurer de la permanence des choses.

Ce monument qui a vu tant de générations naître doit nous survivre, faire partie de la génération qui la voit “mourir” en direct peut provoquer beaucoup d’inquiétudes.
“Il s’agit d’un lieu très symbolique en termes de sécurité personnelle”, confirme Barbara Attia.

“L’heure est à l’écoute”

Cette spécialiste qui accompagne des habitants et des mairies comme celle de Calais dans la rénovation de quartiers et la destruction de grands ensembles regarde de près les réactions depuis l’annonce de l’incendie.
“Après soixante-douze heures, il sera temps de faire ce que l’on appelle un ‘debriefing’, c’est pour l’instant trop tôt, explique-t-elle.

“L’heure est à l’écoute. Quand on traverse un événement traumatique, on a besoin de ne pas se sentir isolé, de se rassembler et de partager.”

La spécialiste espère ainsi que des cellules d’écoute seront mises en place par la mairie et surtout que le projet de reconstruction pourra laisser de la place à tous.
“Il faudra que tout le monde ait voix au chapitre pour permettre l’apaisement.”
…………………….
L'incendie de Notre-Dame nous montre que notre surpuissance n’est qu’un leurre

Battons-nous aujourd’hui pour que notre patrimoine, culturel et naturel, ne parte pas en fumée... demain.
Par Muriel Douru Illustratrice

Muriel Douru Illustratrice - Comment l'étude de la collapsologie apprend à relativiser.

Hier soir, en regardant les images de Notre-Dame de Paris en feu, je ressentais de la tristesse mais pas cette émotion énorme, largement partagée, et cela n’a rien à voir avec le cynisme ou mon rejet des religions car je suis très sensible à la créativité humaine, quelle que soit sa motivation.

Non. C’est juste que je suis ... anesthésiée.

Car hier, j’ai entendu le journaliste scientifique Laurent Testot dire, dans une interview, que si rien n’est fait pour changer le cours du dérèglement climatique, Venise et New-York, ces merveilles de la culture humaine, si différentes, seront sous les eaux à la fin du siècle.

Disparues, anéanties, par la faute de ceux qui en sont à l’origine parce que nous sommes entrés dans l’ère de l’Anthropocène, “l’époque de l’histoire de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont eu un impact global significatif sur l’écosystème terrestre” (Wikipédia).

Notre Dame date de 1163.

856 ans pour l’histoire des humains, c’est considérable.
856 ans pour l’histoire de la Terre (qui a 4,5 milliards d’années), c’est... rien.

Il y a des symboles de notre civilisation que nous pensons éternels, parce que nous nous pensons éternels et nous refusons obstinément de croire à ce que les scientifiques ne cessent de nous répéter: si nous ne faisons rien, notre Civilisation va s’effondrer parce qu’à cause d’elle, le monde du vivant s’effondre et le climat se transforme, à toute vitesse.

À ce rythme, nos gamins assisteront, de leur vivant, à la disparition inéluctable, non seulement des joyaux nés de l’ingéniosité des humains (réparables), mais aussi de cet autre joyau qui n’est pas de notre fait et qui, du coup, semble moins nous toucher: la perte de l’incroyable diversité du vivant (perdue à jamais).

Ce drame de Paris devrait être l’occasion de comprendre que notre surpuissance n’est qu’un leurre et que nous ne sommes pas invulnérables.

Alors, battons-nous aujourd’hui pour que notre patrimoine, culturel et naturel, ne parte pas en fumée... demain.

Ce billet est également publié sur la page Facebook de Muriel Douru.






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