Par Moon of Alabama – 18/02/2019.
Assad offre une
certaine autonomie aux Kurdes.
Un double attentat à la voiture piégée (vidéo) a frappé aujourd’hui la
ville d’Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie.
Une voiture carbonisée par un double attentat dans la
ville d'Idleb dans le nord-ouest de la Syrie le 18 février 2019 - © Muhammad
HAJ KADOUR
Entre 20 et 30 personnes ont été tuées et d’autres
blessées.
Le gouvernorat d’Idleb est contrôlé par Hayat Tahrir
al-Sham (HTS), aligné sur Al-Qaida, mais de nombreux autres groupes terroristes
continuent d’exister dans la région.
Photo prise le 18 février 2019 dans le village de
Baghouz, dans l'est de la Syrie, montrant un combattant des Forces
démocratiques syriennes (FDS) - © Delil souleiman
Tous se disputent
les ressources disponibles.
En septembre,
l’accord d’Astana entre la Turquie, la Russie et l’Iran a servi de base à un
cessez-le-feu dans le gouvernorat d’Idleb.
Vue aérienne de la ville d'Idleb en Syrie (image
d'illustration). © Omar Haj Kadour Source: AFP
La Turquie était censée nettoyer la zone et la
débarrasser de HTS – faux-nez d’Al Qaida – et des autres groupes terroristes.
Elle a déployé des soldats dans des postes d’observation
fortifiés dans toute la région, mais n’a guère fait plus pour respecter
l’accord.
Les présidents russe, turc et iranien s'étaient réunis
le 14 février à Sotchi pour évoquer la résolution du conflit syrien. Ils
avaient notamment abordé le sort de la province d'Idleb. Pour Valdimir Poutine,
le maintien du cessez-le-feu «ne veut pas dire que nous devons tolérer la
présence de groupes terroristes à Idleb».
Mais la Turquie ne
fait pas que traîner les pieds à Idleb, elle
permet aussi à de nouveaux combattants étrangers d’y pénétrer :
Selon des sources
locales de la province, citées par Spoutnik, environ 1 500 terroristes ont
franchi la frontière turque pour entrer à Idleb sous le couvert des autorités
turques, soutenus par des agents turcs et directement supervisés par la
gendarmerie turque (Jandarma) qui est affiliée à l'armée turque. ...
Un tireur armé d'une mitraillette à l'arrière d'un
V-22 Osprey du Corps de la marine américain volant près d'une base d'artillerie
française près d'Al Qaim, dans la province d'Anbar, dans l'ouest de l'Irak, en
face de la région syrienne de Deir Ezzor, à quelques kilomètres du dernier
fragment de territoire tenu par ISIS. AFP
Les sources ont indiqué que les terroristes sont de
nationalités occidentales, ainsi que d'autres de nationalités est-asiatiques et
arabes, qui ont été transportés vers la zone de Jisr al-Shughour, qui est sous
le contrôle de terroristes chinois et turcs, tandis que les autres terroristes étrangers
ont été transférés vers les camps de Jabhat al-Nusra et Hurras Eddin dans la
campagne du sud et sud-est de Idleb.
ISIS s'est adapté à une menace secrète malgré la perte
de la majeure partie de son territoire au Moyen-Orient - Un rapport de l'ONU
indique que des insurgés utilisent des paiements mobiles en Afrique de l'Ouest
pour financer leurs opérations.
Il est probable que nombre de ces nouveaux arrivants sont
des terroristes d’État islamique ayant fui l’Est de la Syrie en direction de la
Turquie et ont ensuite été dirigés vers Idleb.
Les terroristes du gouvernorat d’Idleb continuent
d’attaquer les troupes syriennes situées autour d’eux.
Ils utilisent
beaucoup de munitions et doivent avoir des lignes de ravitaillement en
provenance de Turquie pour soutenir de tels combats.
Une autre réunion tenue récemment à Astana entre la
Russie, l’Iran et la Turquie a confirmé l’accord de base, mais n’a pas abouti à
une position commune sur la manière de procéder.
Le journal turc Hurriyet vient de publier une interview
du porte-parole de Poutine, Dmitry Peskov. À propos d’Idleb, il a dit :
Q : Faut-il s'attendre à une opération à court terme sur
Idleb ?
R : Nous devrions laisser cela à nos experts militaires.
Nous avons besoin d'une opération, mais nous devons
décider si cette opération sera menée par la Turquie ou d'autres pays.
Nous ne devrions pas espérer conclure un marché avec les
enfants d'Ahrar al-Sham.
C'est un faux espoir, ce sont des terroristes, ils sont
comme Al-Nusra, ce sont les enfants d'Al-Qaïda.
Lors de la récente conférence sur la sécurité à Munich,
le ministre russe des Affaires étrangères, Sergej Lavrov, a également mentionné
(vidéo)
la situation à Idleb. Il a indiqué qu’il y aurait des patrouilles russes et
turques communes dans certaines zones du gouvernorat d’Idleb, mais n’a fourni
aucun détail.
Pour l’instant, tout le monde attend que les États-Unis
se retirent du nord-est de la Syrie, comme l’a ordonné Trump.
Idleb ne sera attaquée que lorsque cela sera fait.
État islamique en tant qu’entité détentrice d’un
territoire est terminé.
Il continuera d’exister pendant un certain temps en tant
que mouvement terroriste clandestin en Syrie et en Irak et en tant que marque,
que les groupes locaux d’ailleurs utiliseront pour leurs méfaits.
Depuis la fin de
la semaine dernière, la dernière résistance de EI est coincée dans quelques
milliers de mètres carrés.
Les États-Unis
négocient de nouveau avec les terroristes au lieu de les achever :
Plus de 300 militants de État islamique, encerclés dans
une toute petite région de l'est de la Syrie, refusent de se rendre aux forces
soutenues par les États-Unis et tentent de négocier une sortie, ont déclaré
lundi des militants syriens et une personne proche des négociations. ...
Le DeirEzzor 24, un collectif d'activistes de l'Est de la
Syrie, a déclaré que plusieurs camions chargés de denrées alimentaires sont
entrés dans des zones contrôlées par EI à Baghouz, Deir el-Zour, le lundi
matin.
Le groupe a également rapporté qu'EI avait relâché 10
combattants des SDF, dimanche, sans préciser si l'approvisionnement en
nourriture était en échange de cette libération.
DeirEzzor 24 a déclaré que la trêve conclue entre EI et
les SDF, la semaine dernière, a été prolongée de cinq jours à compter de
dimanche.
Un colonel
français à la tête d’un groupe d’artillerie dans la lutte contre EI a critiqué
la manière américaine de mener cette guerre :
Le colonel
François-Regis Legrier, qui est chargé de diriger l'artillerie française de
soutien aux groupes commandés par les Kurdes en Syrie depuis octobre, a déclaré
que la coalition s'était concentrée sur la limitation de ses propres pertes, ce
qui avait considérablement augmenté le nombre de morts parmi les civils et les
niveaux de destruction.
« Oui, la bataille
de Hajin a été gagnée, du moins sur le terrain, mais en refusant l'engagement
sur le terrain, nous avons inutilement
prolongé le conflit et ainsi contribué à augmenter le nombre de victimes dans
la population », a écrit M.
Legrier dans un article de la Revue de défense nationale.
« Nous avons massivement détruit
l'infrastructure et donné à la population une image dégoûtante de ce qui
pourrait être une libération à l'occidentale, laissant derrière elle les germes
pour la résurgence imminente d'un nouvel adversaire », a-t-il dit, dans
de rares critiques publiques d'un officier en service.
Artillerie
française dans le nord-est de la Syrie (source)
A noter le mélange de grenades LU107 à haut pouvoir
explosif et LU214 au phosphore blanc (catalogue
Nexter) qui, ensemble, peuvent être utilisés pour “secouer et rôtir” les
forces ennemies. La
tactique est très controversée.
Plusieurs fois au cours des derniers mois, le mauvais
temps a empêché l’utilisation de bombardements aériens et de tirs d’artillerie
contre EI.
Les terroristes utilisaient toujours ces pauses pour
contre-attaquer.
Les SDF kurdes/arabes, mal armés et mal dirigés, ont subi
de nombreuses pertes à cause de ces attaques.
Le colonel estime qu’une force terrestre professionnelle
bien armée aurait raccourci le conflit avec moins de pertes et beaucoup moins
de dégâts.
L’essai original
de celui qui sera bientôt un ex-colonel a été retiré de la toile. Il est
disponible en français en téléchargement.
On ne sait toujours pas si et quand les forces
américaines quitteront le nord-est de la Syrie.
Le président Trump avait demandé à la Turquie de prendre
le contrôle de la région, mais la Syrie, la Russie, l’Iran et les forces kurdes
utilisées par les États-Unis comme mandataires contre EI sont contre.
Une tentative
américaine de recruter des forces britanniques, allemandes ou françaises pour
occuper la région a échoué.
Le terrain syrien
doit évidemment être redonné au gouvernement syrien.
Les forces kurdes,
contrôlées par le PKK/YPG anarcho-marxiste que la Turquie et d’autres désignent
comme terroristes, utilisent leur position pour exiger l’autonomie politique
dans la zone qu’elles contrôlent actuellement.
Le gouvernement
syrien s’y oppose fermement.
Toute fédéralisation
de la Syrie serait le début de sa fin.
Hier, le président syrien Bachar al-Assad a offert un
compromis aux Kurdes. Dans un discours devant les chefs des
conseils locaux, il a annoncé des élections locales et la décentralisation de
certaines décisions politiques.
La loi 107 requise est déjà en place mais sa mise en
œuvre a été retardée par la guerre :
[Assad] a dit
que l'essence même de la loi sur l'administration locale est de parvenir à un
équilibre en matière de développement, dans tous les domaines, en donnant aux
unités administratives locales le pouvoir de développer leurs domaines en
termes d'économie, de développement urbain, de culture et de services,
améliorant ainsi les conditions de vie des citoyens en lançant des projets, en
créant des emplois et en fournissant des services locaux, notamment dans les
régions isolées.
Le président al-Assad a déclaré qu'il n'est plus utile de
gérer les affaires de la société et de l'État et de parvenir à un développement
équilibré de la même manière centralisée que celle utilisée depuis des
décennies, notant que la population de
la Syrie en 1971 lorsque la loi précédente a été adoptée était d'environ 7
millions, alors que la population en 2011 lorsque la loi 107 fut adoptée avait
atteint environ 22 millions.
Le fait que la mise en place d’administrations locales
élues soit proposée maintenant est un signe clair pour les Kurdes qu’ils
peuvent obtenir une certaine autonomie mais pas celle qu’ils demandent.
S’ils pourront organiser des élections locales, des
conseils et des administrations comme toutes les autres régions, il n’y aura
pas de force armée, de police ou de justice indépendante dans les zones à
majorité kurde.
À plusieurs reprises au cours de la guerre, les Kurdes
ont dépassé les bornes, ont fait des demandes trop importantes et ont perdu à
cause de cela.
La Turquie a pris la région d’Afrin et la population
kurde a dû fuir parce que ses dirigeants ne voulaient pas que l’armée syrienne
en prenne le contrôle.
Dans une partie ultérieure du discours, Assad s’adressa de nouveau aux Kurdes sans
les nommer spécifiquement.
Il a prévenu :
« Les Américains
ne vous protégeront pas... vous serez une monnaie d'échange dans leur poche en
plus de l'argent qu'ils ont, et ils ont déjà commencé à négocier.
Si vous ne vous
préparez pas à défendre votre pays, vous serez de simples esclaves pour les
Ottomans.
Seul votre État
vous protégera et seule l'armée arabe syrienne vous défendra lorsque vous la
rejoindrez et combattrez sous sa bannière.
Lorsque nous nous trouvons dans une même position et dans
la même tranchée, que nous faisons face à un seul ennemi et que nous visons
dans la même direction au lieu de nous viser les uns les autres, nous ne
craignons aucune menace, quelle qu'en soit l'ampleur » a dit Son Excellence.
Le président
al-Assad a déclaré que le temps est venu pour ces groupes de décider comment
l'histoire les jugera, et qu'ils ont le choix : être maîtres sur leur propre
terre, ou esclaves et pions aux mains des occupants.
L’offre est très claire et les conséquences d’un refus
seront sévères.
Les Kurdes et la région qu’ils détiennent doivent revenir
sous le contrôle du gouvernement syrien ou la Turquie s’en emparera et mettra
les Kurdes sous sa botte.
L’entêtement de leurs dirigeants pourrait facilement
mener à cela.
Dans son discours, Assad prédit déjà qu’ils rejetteront
son offre avant – peut-être – de l’accepter.
« Comme vous l'avez remarqué, je ne nommerai pas ces
groupes, mais comme d'habitude, pendant quelques heures ou peut-être quelques
jours, ils feront des déclarations attaquant ce discours, alors vous saurez de
qui je parle » a-t-il ajouté.
Quelques heures après le discours d’Assad, le commandant
kurde des SDF suppliait à nouveau les États-Unis d’y maintenir 1 500 hommes.
Mazloum Kobani, commandant en chef des Forces
démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis, quémandait auprès
des alliés de la coalition internationale de maintenir 1 000 à 1 500 soldats en
Syrie.
« Nous aimerions avoir une couverture
aérienne, un soutien aérien et une force au sol pour assurer la coordination
avec nous », a déclaré M. Kobani aux journalistes dans une base aérienne
non divulguée du nord-est de la Syrie, rapporte Reuters.
Il est très peu
probable que Trump change de position.
Les troupes américaines
vont partir.
Seul le gouvernement syrien peut donner aux Kurdes la
protection dont ils ont besoin.
Combien d’autres Kurdes devront mourir avant que leurs
dirigeants l’acceptent enfin ?
Moon of Alabama
Note du Saker Francophone
L'essai original
du colonel (ou futur ex-colonel) François-Regis Legrier est disponible en
français en téléchargement.
Il est vraiment très intéressant à lire car il raconte
une réalité de la guerre qui dénote totalement de la vision qu'en donne les
médias occidentaux et se rapproche des analyses publiées ici notamment.
Il tape gentiment mais fermement sur les bureaucrates
étoilés de l'OTAN.
Il énonce une vérité largement partagée, les tensions au
sein de la gouvernance militaire des USA entre Trump et le Pentagone, chacun
menant sa guerre et surtout il met le gouvernement français mais aussi tous les
gouvernements occidentaux face à leurs responsabilités.
L'analyse tactique et stratégique est aussi fort
passionnante.
Il en ressort qu'au niveau des colonels d'active au
moins, les gradés n'en pensent pas moins et sûrement aussi les soldats
notamment les fameuses forces spéciales sur le terrain qui sont censées gagner
cette guerre.
Les gars protégez-vous, ce n'est pas notre guerre.
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone
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