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Mégalithe rituel indonésien
(photographie prise vers 1915)
Tropenmuseum,
part of the National Museum of World Cultures
Si le terme de «
mégalithe » peut être utilisé pour décrire des monuments érigés partout sur la
planète à différentes époques, l'attention des chercheurs se concentre sur les
monuments les plus anciens correspondant au Mésolithique,
au Néolithique, au Chalcolithique ou
même à l'âge du bronze,
suivant les régions.
la priante, mègalithes
Argimusco, Montalbano Elicona, Sicile Ruigeroeland — Travail personnel
Dans l'architecture
néolithique, un mégalithe (du grec mégas (μέγας), « grand », et líthos
(λίθος), « pierre ») désigne un monument lié au mégalithisme et constitué d’une
ou plusieurs pierres de grandes dimensions, érigées (ou levées) par les hommes,
sans l’aide de mortier ou de ciment pour fixer la structure.
Dolmen de Monte Bubbonía
(tombeau chambre), Sicile Spiccolo sur Wikipédia italien
On distingue
généralement les principaux types de mégalithes suivants :
- les menhirs, pierres dressées
plantées verticalement en terre ;
Un des menhirs de la Cham des
Bondons (Lozère, France). © Myrabella / Wikimedia Commons
- les statues-menhir,
constituées d'un seul bloc sculpté ou en bas-relief représentant une figure
humaine.
Dolmen du djebel Gorra,
Tunisie Vagavaga — Travail personnel
- les dolmens, tombeaux
constitués de dalles souvent monumentales, et les allées couvertes, formées de
plusieurs pierres dressées (ou orthostates) recouvertes par une ou plusieurs
dalles (ou tables) ;
Dolmen de Kercadoret,
Locmariaquer (Morbihan, France) Jean-Charles GUILLO — Travail personnel
- les coffres mégalithiques, de taille
beaucoup plus importante que les simples coffres funéraires mais ne permettant
pas des inhumations successives ;
- les alignements,
une ou plusieurs lignes de menhirs, de même direction approximative ;
Site mégalithique près de
Mörön (Mongolie) Aloxe — Travail personnel
- les cercles de pierres, plus ou moins
complets (improprement appelés cromlechs) ;
- des hypogées
préhistoriques à l'aménagement sommaire ;
- les polissoirs
classés par convention parmi les mégalithes bien qu'ils n'en possèdent au sens
strict aucune des caractéristiques.
Men-an-Tol
(Cornouailles, Royaume-Uni) waterborough — photo shooting
Il existe également
des types de monuments mégalithiques préhistoriques spécifiques à une région
donnée du monde (taulas des îles Baléares, bateau de pierre
du sud de la Scandinavie, nuraghes de Sardaigne, torres de
Corse) ou d'un genre unique en soi (Stonehenge).
Stonehenge (Wiltshire,
Royaume-Uni) Frédéric Vincent — Travail personnel
Pour certains
chercheurs, il existe au Néolithique à côté de ces mégalithes, leurs
équivalents en bois appelés, faute de terme créé pour les désigner, dolmens et
menhirs en bois.
Détail d’un des monuments du
champ de stèle de Tiya, Éthiopie, Patrimoine mondial de l'UNESCO [lire en ligne
[archive]] Philip Kromer from Austin, TX — 20-022_20 - Tiya Stele Field
Dans l'usage
courant, le terme peut être employé pour désigner diverses constructions
édifiées avec de grandes pierres mais à des périodes plus récentes (cercles
mégalithiques de Sénégambie en Afrique de l'Ouest, statues de l’île de
Pâques, cercle
mégalithe de Calçoene au Brésil).
Signification
L'image d'Épinal
des dolmens ou des pierres levées isolées est aujourd'hui contredite par la
recherche archéologique qui montre que les monuments mégalithiques font
généralement partie de dispositifs architecturaux plus vastes.
Dolmen du djebel Gorra Vagavaga
— Travail personnel
Si l'on considère
le grand nombre de monuments mégalithiques que l'on peut observer à travers le
monde, et qui ont survécu aux multiples facteurs de destruction (notamment ceux
de l'homme lui-même) auxquels ils ont été confrontés au cours des siècles, il
semble bien que l'on puisse considérer que les motifs qui ont abouti à leur
construction aient eu une importance considérable pour l'humanité, tant aux
premières époques de son développement qu'à l'heure actuelle.
La plupart des
chercheurs concernés s'accordent aujourd'hui à leur reconnaître un rôle
multiple, soit, par ordre d'importance, social, culturel (religieux et
funéraire, les archéologues ne pouvant plus toujours mettre en évidence ce
dernier rôle en raison de l'absence totale d'ossements disparus dans les
régions de roches anciennes, aux sols trop acides), astronomique, astrologique,
artistique, agricole, etc.
Si toutes ces
constructions ne possédaient pas toutes ces fonctions, elles révèlent une
société organisée « sous la direction d'élites dirigeantes, princes ou prêtres,
sachant organiser et inciter de gré ou de force des populations importantes,
peut-être renforcées à l'occasion des cérémonies et des travaux religieux par
des éléments exogènes ».
Ces constructions
créent ou maintiennent la cohésion du groupe, en indiquant aux nouveaux arrivés
et aux gens de passage une capacité technique et humaine importante.
À l'époque moderne,
on assiste à un renouveau inattendu du mégalithisme dans les pays développés
consistant à dresser un nombre considérable de grosses pierres dans les
ronds-points, dans les parcs, et dans les jardins.
Il n'y a là aucune
volonté explicitement religieuse.
Il s'agit de poser
des signes forts dans l'espace public ou dans l'espace privé.
La référence au
mégalithisme ancien peut être évidente (comme en Bretagne, en Irlande, et en
bien d'autres lieux) pour autant une étude sociologique de ce retour au
mégalithisme reste à faire.
Distribution géographique dans le monde
Des mégalithes
furent érigés à de nombreux endroits de la planète aux différentes ères
préhistoriques puis historiques :
Europe de l'Ouest
En Europe de
l'Ouest, la néolithisation des régions côtières atlantiques coïncide avec les
premières constructions de la côte de l’Atlantique et le début du mouvement
mégalithique.
En Angleterre, on
ne peut ignorer le site exceptionnel par son état de conservation de
Stonehenge.
Sur le territoire
français, on peut citer le tumulus de Bougon
ou le cairn de Barnenez
qui peuvent être datés du Ve millénaire av. J.-C., soit plus de 2 000 ans avant
la première pyramide égyptienne.
Ces constructions
extrêmement nombreuses datent généralement du Néolithique ou du Chalcolithique
(4700 à 1500 av. J.-C.), tel Stonehenge en Angleterre.
Mais le tumulus F
de Bougon a fourni la date de 4785 av. J.-C. dans sa partie Fo6. Les alignements de
Carnac datent d'environ 4000 av. J.-C.
En Belgique, plus
de cent vingt sites de mégalithes, dolmens et menhirs sont relevés, dont les
alignements de Weris avec les dolmens et cromlechs qui leur font cortège, les
pierres de Mousny-lez-Ortho, Gozée, Sart-lez-Spa, Neerwinden, Manderfeld, la
tombelle de Tourinnes-Saint-Lambert8,9,10 et jusque dans Bruxelles où des
toponymes (Tomberg, Plattesteen, etc.) témoignent de l'existence d'anciens
monuments mégalithiques.
L'important groupe
mégalithique méditerranéen de Corse et Sardaigne se prolonge jusqu'en Syrie.
Le mégalithisme de
Malte (Ggantija, 3500 av. J.-C.)
constitue un cas particulier et culturellement assez indépendant.
En Sicile se trouve
le plateau de l'Argimusco près de la ville de Montalbano Elicona où sont situés
plusieurs mégalithes qui ont une forme très singulière encore d'incertaines
sources
Asie
En Inde, les
monuments mégalithiques datent du IIe millénaire av. J.-C. jusqu'au milieu du
Ier millénaire av. J.-C..
Les dolmens les
plus à l'est, en Corée, sont du Ier millénaire, et au Japon du VIIe siècle av.
J.-C. au IIe siècle av. J.-C..
En Asie centrale,
en Sibérie et en Mongolie, les pierres de cerf
sont datées de la fin du IIe millénaire av. J.-C. et du Ier millénaire av.
J.-C., elles sont attribuées à des cultures indo-européennes comme la culture d'Andronovo
et ses annexes et descendants comme les Scythes qui élèveront
également de nombreux menhirs anthropomorphes.
En Indonésie, la
production à partir de carrières de mégalithes, parfois très décorées, faisait
encore partie des traditions culturelles de l'île de Nias au siècle dernier.
Il y avait des
statues de pierre, des bancs de pierre pour les chefs et des tables en pierre
pour exercer la justice.
Des mégalithes
étaient aussi nécessaires à la commémoration de défunts de la noblesse afin
qu'ils puissent rejoindre leurs pieux ancêtres dans l'au-delà. L'érection d'une
telle pierre préludait à un festin rituel.
La photo présente
une de ces pierres rituelles, tirée (vers 1915) sur une pente. L'histoire
locale veut que 525 personnes aient, en trois jours, érigé cette pierre dans le
village de Bawemataloeo.
Afrique
C'est dans la
région du sud de l'Éthiopie que se trouve encore aujourd'hui la plus grande
concentration de mégalithes de tout le continent africain.
ils se divisent en
deux ensembles distincts: des cistes dolmeniques datant du IIe millénaire av.
J.-C. pour l'ensemble le plus ancien, et d'autres, plus récents (Ier millénaire
de notre ère), se comptent par milliers (un chiffre de 10 000 est avancé) dans
le Shoa et le Sidamo éthiopien.
L'une des régions
les plus marquées par ce mégalithisme est le district (wereda) du Soddo, au sud
d'Addis-Abeba, où quelque cent soixante sites archéologiques ont été découverts
jusqu'à présent ; celui de Tiya, l'un des plus
importants, est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Les dolmens et
menhirs de Haute-Égypte (Abou-Simbel, Nabta Playa, etc.)
seraient datés du Ve millénaire av. J.-C. (– 4500).
Les mégalithes
d'Afrique du Nord n'apparaissent qu’à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. (–
2200).
En Tunisie, la
nécropole à dolmens du djebel Gorra, située
près de la petite ville de Thibar, sur la route qui mène à Téboursouk, présente
deux à trois cents sépultures mégalithiques bien reconnaissables.
Des nécropoles à
dolmens existent également en Algérie dans la région frontalière Cheffia,
jusqu’à la Calle, ils datent de la période libyco-bèrbère.
En Mauritanie, au
Mali (dans la région de Niafunké, le site de Tundidaro comprend plus de 150
pierres dressées).
Au Niger, au Togo
et au Tchad, les pierres dressées protègent les sépultures ; en Sénégambie,
près de 29 000 cercles
mégalithiques de latérite ont déjà été identifiés, dans un espace
limité entre les fleuves Gambie au sud et Saloum au nord.
Ils sont datés d'une période qui s'étend du IIIe
siècle av. J.-C. au XIVe voire peut-être au XVIe siècle de notre ère.
En République
centrafricaine, à Bouar, les constructions mégalithiques datent du VIe siècle
av. J.-C..
Amérique
La Colombie possède
des dolmens :
San Augustin et
Alto de los Idolos, les deux sites principaux ne sont distants que de quelques
kilomètres.
Ils s’étagent du VIe
siècle av. J.-C. jusqu'au XVe siècle.
Au Brésil : Une
équipe d'archéologues brésiliens a découvert sur le site de Calçoene
(État amazonien d'Amapá) près de la Guyane française, un observatoire
astronomique datant de l’époque antique, remontant probablement à 2000 ans
(étude des céramiques trouvées sur les lieux).
Selon l’archéologue
Mariana Petry Cabral, de l’Institut de Recherche Scientifique et Technologique
d’Amapá (IEPA), seule une société organisée a pu être en mesure d’ériger un tel
monument.
L’observatoire est
constitué de 127 blocs de granite, chacun d’une hauteur de 3 mètres, disposés
en cercles réguliers dans une clairière de la forêt amazonienne. La disposition
du monument rappelle celle de Stonehenge.
Parmi les meilleurs
exemples d’architecture mégalithique néolithique au Pérou, à Cuzco, il faut
mentionner Sacsayhuaman
(forteresse faite de pierres découpées de plus de 100 tonnes, soigneusement
ajustées vers le 15ème siècle) et le KoriCancha qui, selon la légende inca,
étaient là bien avant l'arrivée des Incas (1320-1533).
En Bolivie, Puma Punku (près de
Tihuahuanaco) demeure encore un mystère, par ses pierres découpées précisément
et qui s'imbriquent.
Extraction, transport, érection des mégalithes
L'hypothèse selon laquelle les
tumulus auraient servi de rampe pour la mise en place de la table d'un dolmen
est controversée. Ecemaml
Au niveau géologique,
le refroidissement et la cristallisation d'intrusions de roche plutonique crée
un réseau de failles de retrait à l'origine de chaos mais aussi de fissures
tectoniques qui peuvent former, sous l'effet de l'érosion qui fait affleurer la
roche, un débit de cette roche en forme de lames plus ou moins arrondies
donnant un mégalithe.
« Sauf pour
l'exploitation des roches en carrières, la fouille apporte peu d'indication sur
la façon dont furent jadis construits les monuments mégalithiques.
On est réduit à des
démarches indirectes qui sont d'ailleurs suggestives, ne serait-ce que sur le
plan des structures sociales concernées ».
Au niveau de
l'extraction, des bois de cerf aménagés en pics ont pu permettre l'extraction
des blocs en élargissant les fissures naturelles ou les plans de
stratification.
Des percuteurs en
silex ou en chaille ont pu servir à enfoncer les pics dans la roche ou à la
mettre en forme par bouchardage, tandis que les omoplates de bovidés ont pu
être utilisées comme pelle.
L'emploi de coins
en bois, mouillés, permettait de gonfler et déliter le banc rocheux.
Au niveau du
transport et de l'érection, les techniques sont diverses : transport par voie
d'eau pour les grandes distances.
Le transport sur le
continent peut se faire par roulage sur des chemins de ripage en rondins, par
glissement sur sol gelé, par des traîneaux ou des sortes de rails en troncs de
chêne, par la technique du panglong en Asie du Sud-Est.
Des coins, perches
et cordages (cordes en fibre végétale tressée, en racines souples de sapin, de
lierre et de viorne, qui sont trempées, martelées puis tressées) permettent de
manipuler et d'élever ces blocs.
La mise en place
des dalles de couverture sur des piliers verticaux peut se réaliser à l'aide de
rampes ou plans inclinés, voire des échafaudages.
Après basculement
du menhir dans sa fosse, ce mégalithe peut être relevé à l'aide d'un portique,
puis solidement maintenu par des « blocs de calage ».
Il ne semble pas
que les bœufs aient été employés pour tracter, bien que le joug ait été connu
au néolithique.
Les chercheurs
pensaient que le transport et l'érection des mégalithes nécessitaient une
main-d'œuvre importante réunie au cours de festivités ou cérémonies.
Mais l'expérience,
largement médiatisée en 1979, réalisée par Jean-Pierre Mohen à Bougon dans les
Deux-Sèvres, a bousculé plusieurs idées reçues sur les investissements en temps
et en main-d'œuvre, sur l'usure, ou sur la densité des populations qui auraient
participé aux travaux.
Poussé par vingt
hommes et tiré par cent soixante-dix autres à l'aide de cordes en lin sur un
train de rondins, eux-mêmes installés sur des rails de bois, un bloc de 32
tonnes a parcouru une quarantaine de mètres avant d'être élevé d'un mètre au
moyen de trois leviers.
Des expériences
similaires ont montré que des effets importants peuvent aussi être accomplis
avec peu de personne, bien que lentement.
Destruction et conservation
Si la dégradation
des édifices mégalithiques est en partie imputable aux outrages du temps, les
destructions résultent le plus souvent d'une action humaine volontaire, parfois
très ancienne.
Dès le Néolithique,
dès lors qu'un site n'avait plus d'usage funéraire, ses blocs de pierre
pouvaient être récupérés ou détruits symboliquement.
Beaucoup de tombes
furent pillées dès l'Antiquité.
Émile Cartailhac
évoque un passage de Cassiodore qui attribue aux Goths l'habitude de faire
ouvrir les tombeaux anciens, pour en voler les trésors supposés y être cachés
tout en veillant à respecter la cendre des morts.
Dans sa volonté de
faire disparaître toute trace de paganisme, l'Église catholique fut l'une des
plus grandes destructrices de monuments mégalithiques.
Dès 452, le concile
d'Arles condamne comme sacrilège toute personne allumant des flambeaux ou rendant
un culte quelconque près de ces pierres.
En 567, le concile
de Tours renouvelle cette condamnation.
En 658, le concile
de Nantes ordonne aux évêques de faire démolir les édifices qui font encore
l'objet d'un culte et d'en faire transporter les pierres dans des endroits
perdus où nul ne les retrouvera.
En 789, un décret
de Charlemagne exècre devant Dieu ceux qui leur rendent un culte.
Par la suite,
l'Église adoptera des méthodes moins violentes, comme la christianisation des
menhirs.
En-dehors d'une
volonté délibérée de destruction, diverses actions humaines contribuent à une
dégradation inexorable, notamment dans le cas des dolmens : destruction des tumulus qui protègent les
édifices mais gênent les cultures, récupération des pierres (dalles de
couverture, orthostates, pierres du cairn dolménique) pour la construction, la
taille de pavés, les travaux de voiries...
Ces destructions
s'accroissent considérablement avec le développement du machinisme agricole à
partir du milieu du XXe siècle.
Dès la fin du XIXe
siècle, l'établissement de cartes archéologiques et d'inventaires permettent de
recenser le patrimoine mégalithique et conduisent les autorités administratives
à protéger certains édifices au titre des monuments historiques.
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