mardi 12 février 2019

Mégalithe

Au sens strict et archéologique du terme, un mégalithe est un monument lié au mégalithisme, constitué d’une ou plusieurs pierres de grandes dimensions, érigées sans l’aide de mortier ou de ciment pour fixer la structure.


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Mégalithe rituel indonésien (photographie prise vers 1915)
Tropenmuseum, part of the National Museum of World Cultures

Si le terme de « mégalithe » peut être utilisé pour décrire des monuments érigés partout sur la planète à différentes époques, l'attention des chercheurs se concentre sur les monuments les plus anciens correspondant au Mésolithique, au Néolithique, au Chalcolithique ou même à l'âge du bronze, suivant les régions.

la priante, mègalithes Argimusco, Montalbano Elicona, Sicile Ruigeroeland — Travail personnel

Dans l'architecture néolithique, un mégalithe (du grec mégas (μέγας), « grand », et líthos (λίθος), « pierre ») désigne un monument lié au mégalithisme et constitué d’une ou plusieurs pierres de grandes dimensions, érigées (ou levées) par les hommes, sans l’aide de mortier ou de ciment pour fixer la structure.

Dolmen de Monte Bubbonía (tombeau chambre), Sicile Spiccolo sur Wikipédia italien

On distingue généralement les principaux types de mégalithes suivants :

- les menhirs, pierres dressées plantées verticalement en terre ;

Un des menhirs de la Cham des Bondons (Lozère, France). © Myrabella / Wikimedia Commons

- les statues-menhir, constituées d'un seul bloc sculpté ou en bas-relief représentant une figure humaine.

Dolmen du djebel Gorra, Tunisie Vagavaga — Travail personnel

- les dolmens, tombeaux constitués de dalles souvent monumentales, et les allées couvertes, formées de plusieurs pierres dressées (ou orthostates) recouvertes par une ou plusieurs dalles (ou tables) ;

Dolmen de Kercadoret, Locmariaquer (Morbihan, France) Jean-Charles GUILLO — Travail personnel

- les coffres mégalithiques, de taille beaucoup plus importante que les simples coffres funéraires mais ne permettant pas des inhumations successives ;
- les alignements, une ou plusieurs lignes de menhirs, de même direction approximative ;

Site mégalithique près de Mörön (Mongolie) Aloxe — Travail personnel

- les cercles de pierres, plus ou moins complets (improprement appelés cromlechs) ;
- des hypogées préhistoriques à l'aménagement sommaire ;
- les polissoirs classés par convention parmi les mégalithes bien qu'ils n'en possèdent au sens strict aucune des caractéristiques.

Men-an-Tol (Cornouailles, Royaume-Uni) waterborough — photo shooting

Il existe également des types de monuments mégalithiques préhistoriques spécifiques à une région donnée du monde (taulas des îles Baléares, bateau de pierre du sud de la Scandinavie, nuraghes de Sardaigne, torres de Corse) ou d'un genre unique en soi (Stonehenge).

Stonehenge (Wiltshire, Royaume-Uni) Frédéric Vincent — Travail personnel

Pour certains chercheurs, il existe au Néolithique à côté de ces mégalithes, leurs équivalents en bois appelés, faute de terme créé pour les désigner, dolmens et menhirs en bois.

Détail d’un des monuments du champ de stèle de Tiya, Éthiopie, Patrimoine mondial de l'UNESCO [lire en ligne [archive]] Philip Kromer from Austin, TX — 20-022_20 - Tiya Stele Field

Dans l'usage courant, le terme peut être employé pour désigner diverses constructions édifiées avec de grandes pierres mais à des périodes plus récentes (cercles mégalithiques de Sénégambie en Afrique de l'Ouest, statues de l’île de Pâques, cercle mégalithe de Calçoene au Brésil).

Signification

L'image d'Épinal des dolmens ou des pierres levées isolées est aujourd'hui contredite par la recherche archéologique qui montre que les monuments mégalithiques font généralement partie de dispositifs architecturaux plus vastes.

Dolmen du djebel Gorra Vagavaga — Travail personnel

Si l'on considère le grand nombre de monuments mégalithiques que l'on peut observer à travers le monde, et qui ont survécu aux multiples facteurs de destruction (notamment ceux de l'homme lui-même) auxquels ils ont été confrontés au cours des siècles, il semble bien que l'on puisse considérer que les motifs qui ont abouti à leur construction aient eu une importance considérable pour l'humanité, tant aux premières époques de son développement qu'à l'heure actuelle.


La plupart des chercheurs concernés s'accordent aujourd'hui à leur reconnaître un rôle multiple, soit, par ordre d'importance, social, culturel (religieux et funéraire, les archéologues ne pouvant plus toujours mettre en évidence ce dernier rôle en raison de l'absence totale d'ossements disparus dans les régions de roches anciennes, aux sols trop acides), astronomique, astrologique, artistique, agricole, etc.


Si toutes ces constructions ne possédaient pas toutes ces fonctions, elles révèlent une société organisée « sous la direction d'élites dirigeantes, princes ou prêtres, sachant organiser et inciter de gré ou de force des populations importantes, peut-être renforcées à l'occasion des cérémonies et des travaux religieux par des éléments exogènes ».


Ces constructions créent ou maintiennent la cohésion du groupe, en indiquant aux nouveaux arrivés et aux gens de passage une capacité technique et humaine importante.


À l'époque moderne, on assiste à un renouveau inattendu du mégalithisme dans les pays développés consistant à dresser un nombre considérable de grosses pierres dans les ronds-points, dans les parcs, et dans les jardins.


Il n'y a là aucune volonté explicitement religieuse.
Il s'agit de poser des signes forts dans l'espace public ou dans l'espace privé.

La référence au mégalithisme ancien peut être évidente (comme en Bretagne, en Irlande, et en bien d'autres lieux) pour autant une étude sociologique de ce retour au mégalithisme reste à faire.

Distribution géographique dans le monde

Des mégalithes furent érigés à de nombreux endroits de la planète aux différentes ères préhistoriques puis historiques :

Europe de l'Ouest

En Europe de l'Ouest, la néolithisation des régions côtières atlantiques coïncide avec les premières constructions de la côte de l’Atlantique et le début du mouvement mégalithique.

En Angleterre, on ne peut ignorer le site exceptionnel par son état de conservation de Stonehenge.

Sur le territoire français, on peut citer le tumulus de Bougon ou le cairn de Barnenez qui peuvent être datés du Ve millénaire av. J.-C., soit plus de 2 000 ans avant la première pyramide égyptienne.

Ces constructions extrêmement nombreuses datent généralement du Néolithique ou du Chalcolithique (4700 à 1500 av. J.-C.), tel Stonehenge en Angleterre.

Mais le tumulus F de Bougon a fourni la date de 4785 av. J.-C. dans sa partie Fo6. Les alignements de Carnac datent d'environ 4000 av. J.-C.

En Belgique, plus de cent vingt sites de mégalithes, dolmens et menhirs sont relevés, dont les alignements de Weris avec les dolmens et cromlechs qui leur font cortège, les pierres de Mousny-lez-Ortho, Gozée, Sart-lez-Spa, Neerwinden, Manderfeld, la tombelle de Tourinnes-Saint-Lambert8,9,10 et jusque dans Bruxelles où des toponymes (Tomberg, Plattesteen, etc.) témoignent de l'existence d'anciens monuments mégalithiques.

L'important groupe mégalithique méditerranéen de Corse et Sardaigne se prolonge jusqu'en Syrie.

Le mégalithisme de Malte (Ggantija, 3500 av. J.-C.) constitue un cas particulier et culturellement assez indépendant.

En Sicile se trouve le plateau de l'Argimusco près de la ville de Montalbano Elicona où sont situés plusieurs mégalithes qui ont une forme très singulière encore d'incertaines sources

Asie

En Inde, les monuments mégalithiques datent du IIe millénaire av. J.-C. jusqu'au milieu du Ier millénaire av. J.-C..

Les dolmens les plus à l'est, en Corée, sont du Ier millénaire, et au Japon du VIIe siècle av. J.-C. au IIe siècle av. J.-C..

En Asie centrale, en Sibérie et en Mongolie, les pierres de cerf sont datées de la fin du IIe millénaire av. J.-C. et du Ier millénaire av. J.-C., elles sont attribuées à des cultures indo-européennes comme la culture d'Andronovo et ses annexes et descendants comme les Scythes qui élèveront également de nombreux menhirs anthropomorphes.

En Indonésie, la production à partir de carrières de mégalithes, parfois très décorées, faisait encore partie des traditions culturelles de l'île de Nias au siècle dernier.
Il y avait des statues de pierre, des bancs de pierre pour les chefs et des tables en pierre pour exercer la justice.

Des mégalithes étaient aussi nécessaires à la commémoration de défunts de la noblesse afin qu'ils puissent rejoindre leurs pieux ancêtres dans l'au-delà. L'érection d'une telle pierre préludait à un festin rituel.

La photo présente une de ces pierres rituelles, tirée (vers 1915) sur une pente. L'histoire locale veut que 525 personnes aient, en trois jours, érigé cette pierre dans le village de Bawemataloeo.

Afrique

C'est dans la région du sud de l'Éthiopie que se trouve encore aujourd'hui la plus grande concentration de mégalithes de tout le continent africain.

ils se divisent en deux ensembles distincts: des cistes dolmeniques datant du IIe millénaire av. J.-C. pour l'ensemble le plus ancien, et d'autres, plus récents (Ier millénaire de notre ère), se comptent par milliers (un chiffre de 10 000 est avancé) dans le Shoa et le Sidamo éthiopien.

L'une des régions les plus marquées par ce mégalithisme est le district (wereda) du Soddo, au sud d'Addis-Abeba, où quelque cent soixante sites archéologiques ont été découverts jusqu'à présent ; celui de Tiya, l'un des plus importants, est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Les dolmens et menhirs de Haute-Égypte (Abou-Simbel, Nabta Playa, etc.) seraient datés du Ve millénaire av. J.-C. (– 4500).

Les mégalithes d'Afrique du Nord n'apparaissent qu’à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. (– 2200).

En Tunisie, la nécropole à dolmens du djebel Gorra, située près de la petite ville de Thibar, sur la route qui mène à Téboursouk, présente deux à trois cents sépultures mégalithiques bien reconnaissables.

Des nécropoles à dolmens existent également en Algérie dans la région frontalière Cheffia, jusqu’à la Calle, ils datent de la période libyco-bèrbère.

En Mauritanie, au Mali (dans la région de Niafunké, le site de Tundidaro comprend plus de 150 pierres dressées).

Au Niger, au Togo et au Tchad, les pierres dressées protègent les sépultures ; en Sénégambie, près de 29 000 cercles mégalithiques de latérite ont déjà été identifiés, dans un espace limité entre les fleuves Gambie au sud et Saloum au nord.
 Ils sont datés d'une période qui s'étend du IIIe siècle av. J.-C. au XIVe voire peut-être au XVIe siècle de notre ère.

En République centrafricaine, à Bouar, les constructions mégalithiques datent du VIe siècle av. J.-C..

Amérique

La Colombie possède des dolmens :
San Augustin et Alto de los Idolos, les deux sites principaux ne sont distants que de quelques kilomètres.

Ils s’étagent du VIe siècle av. J.-C. jusqu'au XVe siècle.

Au Brésil : Une équipe d'archéologues brésiliens a découvert sur le site de Calçoene (État amazonien d'Amapá) près de la Guyane française, un observatoire astronomique datant de l’époque antique, remontant probablement à 2000 ans (étude des céramiques trouvées sur les lieux).

Selon l’archéologue Mariana Petry Cabral, de l’Institut de Recherche Scientifique et Technologique d’Amapá (IEPA), seule une société organisée a pu être en mesure d’ériger un tel monument.

L’observatoire est constitué de 127 blocs de granite, chacun d’une hauteur de 3 mètres, disposés en cercles réguliers dans une clairière de la forêt amazonienne. La disposition du monument rappelle celle de Stonehenge.

Parmi les meilleurs exemples d’architecture mégalithique néolithique au Pérou, à Cuzco, il faut mentionner Sacsayhuaman (forteresse faite de pierres découpées de plus de 100 tonnes, soigneusement ajustées vers le 15ème siècle) et le KoriCancha qui, selon la légende inca, étaient là bien avant l'arrivée des Incas (1320-1533).

En Bolivie, Puma Punku (près de Tihuahuanaco) demeure encore un mystère, par ses pierres découpées précisément et qui s'imbriquent.

Extraction, transport, érection des mégalithes

L'hypothèse selon laquelle les tumulus auraient servi de rampe pour la mise en place de la table d'un dolmen est controversée. Ecemaml

Au niveau géologique, le refroidissement et la cristallisation d'intrusions de roche plutonique crée un réseau de failles de retrait à l'origine de chaos mais aussi de fissures tectoniques qui peuvent former, sous l'effet de l'érosion qui fait affleurer la roche, un débit de cette roche en forme de lames plus ou moins arrondies donnant un mégalithe.


« Sauf pour l'exploitation des roches en carrières, la fouille apporte peu d'indication sur la façon dont furent jadis construits les monuments mégalithiques.
On est réduit à des démarches indirectes qui sont d'ailleurs suggestives, ne serait-ce que sur le plan des structures sociales concernées ».

Au niveau de l'extraction, des bois de cerf aménagés en pics ont pu permettre l'extraction des blocs en élargissant les fissures naturelles ou les plans de stratification.

Des percuteurs en silex ou en chaille ont pu servir à enfoncer les pics dans la roche ou à la mettre en forme par bouchardage, tandis que les omoplates de bovidés ont pu être utilisées comme pelle.
L'emploi de coins en bois, mouillés, permettait de gonfler et déliter le banc rocheux.

Au niveau du transport et de l'érection, les techniques sont diverses : transport par voie d'eau pour les grandes distances.

Le transport sur le continent peut se faire par roulage sur des chemins de ripage en rondins, par glissement sur sol gelé, par des traîneaux ou des sortes de rails en troncs de chêne, par la technique du panglong en Asie du Sud-Est.

Des coins, perches et cordages (cordes en fibre végétale tressée, en racines souples de sapin, de lierre et de viorne, qui sont trempées, martelées puis tressées) permettent de manipuler et d'élever ces blocs.

La mise en place des dalles de couverture sur des piliers verticaux peut se réaliser à l'aide de rampes ou plans inclinés, voire des échafaudages.
Après basculement du menhir dans sa fosse, ce mégalithe peut être relevé à l'aide d'un portique, puis solidement maintenu par des « blocs de calage ».

Il ne semble pas que les bœufs aient été employés pour tracter, bien que le joug ait été connu au néolithique.
Les chercheurs pensaient que le transport et l'érection des mégalithes nécessitaient une main-d'œuvre importante réunie au cours de festivités ou cérémonies.

Mais l'expérience, largement médiatisée en 1979, réalisée par Jean-Pierre Mohen à Bougon dans les Deux-Sèvres, a bousculé plusieurs idées reçues sur les investissements en temps et en main-d'œuvre, sur l'usure, ou sur la densité des populations qui auraient participé aux travaux.

Poussé par vingt hommes et tiré par cent soixante-dix autres à l'aide de cordes en lin sur un train de rondins, eux-mêmes installés sur des rails de bois, un bloc de 32 tonnes a parcouru une quarantaine de mètres avant d'être élevé d'un mètre au moyen de trois leviers.

Des expériences similaires ont montré que des effets importants peuvent aussi être accomplis avec peu de personne, bien que lentement.

Destruction et conservation

Si la dégradation des édifices mégalithiques est en partie imputable aux outrages du temps, les destructions résultent le plus souvent d'une action humaine volontaire, parfois très ancienne.

Dès le Néolithique, dès lors qu'un site n'avait plus d'usage funéraire, ses blocs de pierre pouvaient être récupérés ou détruits symboliquement.

Beaucoup de tombes furent pillées dès l'Antiquité.
Émile Cartailhac évoque un passage de Cassiodore qui attribue aux Goths l'habitude de faire ouvrir les tombeaux anciens, pour en voler les trésors supposés y être cachés tout en veillant à respecter la cendre des morts.

Dans sa volonté de faire disparaître toute trace de paganisme, l'Église catholique fut l'une des plus grandes destructrices de monuments mégalithiques.

Dès 452, le concile d'Arles condamne comme sacrilège toute personne allumant des flambeaux ou rendant un culte quelconque près de ces pierres.

En 567, le concile de Tours renouvelle cette condamnation.

En 658, le concile de Nantes ordonne aux évêques de faire démolir les édifices qui font encore l'objet d'un culte et d'en faire transporter les pierres dans des endroits perdus où nul ne les retrouvera.

En 789, un décret de Charlemagne exècre devant Dieu ceux qui leur rendent un culte.
Par la suite, l'Église adoptera des méthodes moins violentes, comme la christianisation des menhirs.

En-dehors d'une volonté délibérée de destruction, diverses actions humaines contribuent à une dégradation inexorable, notamment dans le cas des dolmens : destruction des tumulus qui protègent les édifices mais gênent les cultures, récupération des pierres (dalles de couverture, orthostates, pierres du cairn dolménique) pour la construction, la taille de pavés, les travaux de voiries...

Ces destructions s'accroissent considérablement avec le développement du machinisme agricole à partir du milieu du XXe siècle.

Dès la fin du XIXe siècle, l'établissement de cartes archéologiques et d'inventaires permettent de recenser le patrimoine mégalithique et conduisent les autorités administratives à protéger certains édifices au titre des monuments historiques.
  




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