Par La France pittoresque.
La suppression de
la question préalable, torture infligée aux individus reconnus coupables afin
d’obtenir le nom d’éventuels complices, a lieu huit ans après celle de la
question préparatoire, supplice appliqué à des personnes potentiellement
innocentes au cours de l’instruction.
Portrait de Louis XVI, 1775 - Marie-Louise-Adélaïde
Boizot
Jadis, chaque
parlement de France avait un genre de question plus habituellement employé.
Médaille commémorative du Sacre à Reims de Louis XVI
le 11 juin 1775
A lire : (cliquez sur le lien)
Au parlement de Paris, on donnait la question en faisant
souffrir aux membres une extension douloureuse, ou en froissant les jambes avec
des brodequins : l’estrapade n’avait été défendue qu’en 1697.
Couronnement du roi Louis XVI. gravure Patas.
G.Garitan pour les modif & le versement. — BM Reims
Au parlement de Bretagne, on attachait le patient sur une
chaise de fer ; on lui faisait présenter les jambes au feu, et on les en
approchait par degrés.
Illustration issue du Codex theresianus (Autriche,
1768).
Au parlement de Rouen, on administrait la question à
l’eau et aux brodequins ; on serrait le pouce, ou un autre doigt, ou une jambe,
avec une machine de fer, pour la question ordinaire.
Roues utilisées pour divers supplices (1589)
On comprimait les deux pouces pour la question
extraordinaire.
Les menottes, en sont le dernier souvenir, comme les
aiguillettes de la cavalerie ne sont que les anciennes cordes que la
maréchaussée portait toujours dans ses expéditions contre les malfaiteurs.
Lit de justice au Parlement de Paris, Pierre-Louis
Dumesnil, 1715.
Au parlement de Besançon, on donnait la question à
l’estrapade.
On liait les bras du patient dans le dos, et on relevait
en l’air avec une corde attachée à ses bras, qu’on tirait par le moyen d’une
poulie de tour.
Louis XVI visitant le port de Cherbourg le 23 juin
1786 (gravure sur bois du xviiie siècle)
Lortsche — Gallica.bnf.fr
Pour la question extraordinaire, on lui attachait de plus
un gros poids de fer à chaque pied, et les poids demeuraient suspendus en l’air
lorsqu’on élevait l’accusé.
Cahier de doléances d'Angers (1789).
« O hommes ! s’écrie l’auteur qui donne ces
tristes détails, il n’y avait donc pas assez de souffrance attachée à votre
malheureuse condition ?
Vous avez mis plus d’art et de recherche
pour créer des maux étrangers à votre existence que pour la soulager de ceux
qui en sont inséparables.
Vous avez calculé le degré de la sensibilité
humaine avec un sang-froid barbare.
Vous
avez recueilli les cris, vous les avez comparés, afin de pouvoir marquer
précisément le terme où votre fermeté devait s’arrêter pour ne pas perdre la
victime. »
Débarquement de l'armée française à Newport (Rhode
Island) le 11 juillet 1780, sous le commandement du comte de Rochambeau
On voit, par le commentaire de Ségla sur le procès de
Gairaud, Burdéus et autres, que la question préparatoire se nommait, à
Toulouse, bouton de gehenne (gêne), ce qui semble indiquer une pression
douloureuse imprimée sur l’un des membres.
Vue générale de la capitulation de Yorktown le 19
octobre 1781, avec le blocus de la flotte française. Le rôle de Grasse a été
essentiel dans cette victoire.
On y revenait jusqu’à trois fois, et on y joignait aussi
celle de l’eau.
On voit aussi que l’on faisait jeûner un malheureux
pendant vingt-quatre heures, et qu’on le menaçait de ne pas lui donner à manger
s’il ne confessait la vérité.
Mais les deux genres de question le plus généralement
employés au moment de la suppression de tous les supplices préalables étaient
la question à l’eau et les brodequins.
Poire d'angoisse - Klaus D. Peter, Wiehl, Germany —
Travail personnel
Toutes deux se divisaient en ordinaire et extraordinaire.
Après avoir mis le corps du malheureux dans un état de
tension extrême au moyen de cordes attachées à ses poignets et à ses pieds et
retenues par des anneaux de fer, on lui passait sous les reins un tréteau qui
empêchait le corps de retomber.
Chevalet de la tour de Londres - David Bjorgen —
Travail personnel
Alors le questionnaire (c’était l’homme destiné à ce
triste ministère) faisait avaler au patient, au moyen d’une corne creuse de
bœuf qu’on lui mettait dans la bouche, quatre pintes d’eau pour la question
ordinaire et huit pour l’extraordinaire.
Il s’arrêtait, sur l’avis du chirurgien présent, si la
victime faiblissait, et, dans ces intervalles, le juge interrogeait l’accusé
pour obtenir l’aveu de son crime et la révélation de ses complices.
Le patient ressemblait à un cétacé, rendant l’eau par
toutes les ouvertures de son corps, nous dit un vieux procès-verbal de torture.
La question ordinaire par l’eau s’employait avant la
condamnation.
Cure par l'eau. J. Damhoudère (from Praxis Rerum
Criminalium)
Celle des brodequins et des coins était réservée aux
condamnés avant de leur faire subir le dernier supplice.
Elle était usitée en Angleterre comme en France.
On faisait asseoir le patient, on lui plaçait chaque
jambe entre deux planches, que l’on serrait sous le genou et au-dessus de la
cheville.
Les jambes étaient rapprochées et liées ensemble avec des
courroies ; alors des coins étaient placés entre les deux planches intérieures,
à l’endroit des genoux et des pieds, et enfoncés à coups de maillet au point de
faire craquer les os.
La question ordinaire était de quatre coins ;
l’extraordinaire, de huit.
Plus d’un condamné était ainsi estropié et brisé avant
d’être livré à l’exécuteur des hautes œuvres.
La question des coins fut appliquée à Ravaillac et à
Damiens, avant leur exécution.
D’autres fois, dit Merlin, on suspendait le patient par
des cordes placées entre ses doigts, avec des poids à ses pieds : c’est ce que
l’on nommait l’estrapade.
On plaçait des mèches allumées entre les doigts du
patient, et on les laissait brûler pendant un temps déterminé, à moins que
l’aveu ne vînt interrompre le supplice.
Ce mode de question n’était plus employé à la fin du
XVIIe siècle.
On avait réduit en principe et en axiome les cas où l’on
pouvait donner la question préparatoire.
Ainsi on trouve dans un ancien auteur du parlement de
Toulouse :
« Il est véritable
qu’ès choses anciennes la renommée est une preuve certaine (...) et suffit pour
donner la question. »
Il y eut longtemps à Paris deux chambres de question,
l’une au Châtelet, l’autre au grand Palais de Justice ; celle-ci était placée
au rez-de-chaussée de l’une des tours donnant sur la rivière.
Elle était en communication directe avec la tournelle.
Au XVe siècle, cette chambre sans fenêtre s’éclairait
(selon un auteur quelquefois cité pour l’étude qu’il a faite du vieux Paris)
par le brasier qui servait à chauffer les instruments de la torture.
On posait le patient sur un matelas, ou lit de cuir, qui
était presque au niveau du sol, et on l’attachait au milieu du corps par une
courroie à boucle, munie d’un anneau de cuivre, lequel était retenu par un
crochet encastré dans la clef de voûte.
Dès le début de
son règne, Louis XVI s’occupa d’améliorations publiques.
En parcourant le recueil des arrêts du conseil, les
registres du parlement pour l’enregistrement des édits, on doit se faire une
idée étendue de toutes les mesures d’administration durant cette période.
Ce serait à tort qu’on attribuerait aux ministres du roi
l’initiative des mesures de bienfaisance et de réforme ; la plupart des préambules des ordonnances ou des édits sont écrits de
la main de Louis XVI, et l’un des plus beaux monuments de ce règne, la
déclaration, en date du 24 août 1780, qui abolit la question préparatoire —
employée au cours de l’instruction dans le but de provoquer des aveux, elle
s’appliquait donc à des prévenus, peut-être innocents, à la différence de la
question préalable, imposée seulement aux individus reconnus coupables —, est entièrement rédigée par le roi, avec des
vues admirables de raison, d’humanité et de bien public.
On trouve des
édits sur le régime des prisons, sur les hôpitaux, sur l’amélioration des
procédures, sur les dépôts de mendicité, sur le sort du pauvre et de l’ouvrier.
La question préalable, torture infligée aux condamnés à
mort peu de temps avant l’exécution dans le but de leur faire dénoncer leurs
complices, fut abolie par déclaration de
Louis XVI en date du 15 février 1788.
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