mercredi 13 février 2019

Grand débat

Et si on limitait le salaire des élus à cinq fois le montant du smic ?
Par Robin Korda – 13/02/2019.

En marge du grand débat national organisé par le gouvernement en réponse au mouvement des Gilets jaunes, Le Parisien invite ses lecteurs à lui envoyer les propositions de lois citoyennes qu’ils souhaiteraient voir émerger.

Chaque jour, une partie d’entre elles seront passées au banc d’essai par la rédaction.

Un plafonnement encadre déjà la rémunération des élus. Parlementaires et élus locaux peuvent toucher jusqu’à 8434 euros bruts par mois. LP/Jean-Baptiste Quentin

Ce mercredi, nous nous penchons sur le plafonnement des indemnités des élus et des hauts fonctionnaires.

De quoi parle-t-on ?

Un plafonnement encadre déjà la rémunération des 15 000 élus rémunérés du pays.

Parlementaires et élus locaux peuvent toucher jusqu’à 8 434 € bruts par mois.
Un montant uniquement atteignable en cas de cumul de mandats. Sans cela, un parlementaire perçoit 7 200 € bruts mensuels, soit environ 5 700 € nets, somme légèrement inférieure à cinq fois le montant du smic (1 520 € bruts mensuels, soit 1 200 € nets)


Les sénateurs et les députés disposent aussi de plusieurs enveloppes supplémentaires, dédiées par exemple à leurs frais de bureautique ou à la rémunération de leurs collaborateurs.

Ces 5 400 € mensuels peuvent aussi être affectés à des vêtements ou à un véhicule.
Depuis 2017, toute dépense doit être justifiée et chaque parlementaire est contrôlé au cours de son mandat.

La rémunération des élus locaux dépend de l’importance de leur collectivité territoriale.

Le maire d’une commune de plus de 100 000 habitants peut percevoir jusqu’à 5 630 € bruts par mois, sans compter d’éventuels frais de représentation.

 Enfin, le président de la République perçoit 15 140 € bruts, soit environ 13 000 € nets, par mois.

La situation des hauts fonctionnaires, dont on ignore le nombre précis, est plus opaque.
Une certitude : leur salaire dépasse parfois largement celui du chef de l’Etat et est calculé selon un système de primes critiqué par la Cour des comptes.

Selon le journaliste Vincent Jaubert, auteur du livre « Les Intouchables d’État », 600 d’entre eux percevraient plus de 150 000 € nets par an.

« Ces hauts fonctionnaires se trouvent principalement à Bercy, au Quai d’Orsay ou dans les ambassades », détaille Béatrice Guillemont, responsable de la chaire « Probités des responsables publics » de l’Observatoire.


Enfin, les autorités administratives indépendantes, elles, ne répondent à aucune grille.
La rémunération des fonctionnaires y est fixée par décret ou pas arrêté.

C’est par exemple le cas du salaire polémique de Chantal Jouanno, à la tête de la Commission nationale du débat public.

Combien ça rapporterait ?

« Pour 1 000 € de dépense publique, la rémunération des élus locaux coûte 1,20 € au contribuable.

Celle des élus nationaux, 30 centimes », remet en perspective l’ex-député socialiste René Dosière, qui a fondé l’Observatoire de l’éthique publique.

En comparaison, à cette échelle, les dépenses sociales (retraites, assurance-maladie, chômage) représentent 575 €.

Dans le détail, 246 parlementaires cumulent et sont rémunérés à hauteur du plafonnement légal, soit 8 434 € bruts.

Ramener ce plafond à cinq fois le montant du smic permettrait d’économiser environ 2,5 millions d’euros par an.

On l’a vu, les situations des élus locaux sont très variées.

En globalité, leur rémunération pèse 1,7 milliard d’euros par an, sur un budget dédié aux collectivités territoriales de 250 milliards d’euros.

Selon Matthieu Caron, directeur général de l’Observatoire de l’éthique publique, plafonner les revenus des cumulards à 7 600 € mensuels permettrait d’économiser au bas mot 170 millions d’euros chaque année.

La grande opacité des rémunérations des hauts fonctionnaires ne permet pas de se risquer à une estimation chiffrée d’une telle mesure.

Seule certitude : ramener le salaire des 600 hauts fonctionnaires les mieux payés à 6 000 € nets permettrait d’économiser, au minimum, près de 4 millions d’euros par mois.

Est-ce que ça a déjà été testé ?

Non.

Plafonner le salaire des élus et des hauts fonctionnaires en fonction du salaire minimum constituerait, d’après nos connaissances, une première.

En termes de rémunération, la France ne semble pas gâter plus qu’ailleurs ses parlementaires.
Elle se situe au neuvième rang au sein de l’Union européenne, derrière la Belgique, l’Italie ou l’Allemagne.

Notre pays pourrait en revanche s’inspirer de modèles étrangers en matière de transparence.
« Au Royaume-Uni, un site Internet permet de consulter le détail de la rémunération de chaque député avec le détail de ses dépenses », met par exemple en avant Sofia Wickberg, responsable de la chaire « Etudes européennes comparées » de l’Observatoire.

Les élus britanniques doivent avancer leurs frais avant d’être remboursés.

En Suède, les rémunérations sont fixées par une autorité indépendante.

« En France, les institutions ont le quasi-monopole sur la rémunération de leurs propres acteurs », souligne l’universitaire.

Qu’en disent les différentes familles politiques ?

Lors de l’élection présidentielle de 2017, seuls deux candidats s’étaient frontalement attaqués à la rémunération des élus.

Nathalie Arthaud, de Lutte Ouvrière, souhaitait limiter ces indemnités au « montant du salaire moyen net », soit « 1 700 - 1 800 € nets » par mois.

Dans son programme, le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste, Philippe Poutou, disait vouloir ramener l’indemnité des députés au montant du « salaire moyen d’un ouvrier ou d’un employé ».

A l’inverse, Jacques Cheminade (Solidarité et Progrès) estimait que chaque député devait disposer de « moyens beaucoup plus importants » pour « exercer sérieusement ses compétences et disposer des capacités techniques pour rédiger des propositions de loi importantes ».

Les autres formations politiques ne se prononçaient pas sur le sujet.
La plupart d’entre elles souhaitaient néanmoins réduire le nombre d’élus.

 Depuis, la France insoumise appelle à « moraliser » ces salaires.

Alors, jouable ou pas ?

En théorie, c’est faisable.
« Mais est-ce souhaitable ? », s’interroge Matthieu Caron.

Une rémunération importante sert notamment à lutter contre la corruption en garantissant une plus grande indépendance.

Théoriquement, elle permet à toutes les catégories sociales de se risquer à un mandat politique, en mettant à l’abri les plus modestes et en ne bridant pas les velléités des plus aisés.

Enfin, de hauts salaires limitent la fuite des talents en direction du secteur privé, où les rémunérations sont déjà bien plus élevées que dans le public.
A titre de comparaison, un patron du CAC 40 touche en moyenne l’équivalent de 300 fois le smic.

Pour nous envoyer vos propositions, plusieurs possibilités :

Nous écrire par courrier électronique à l’adresse legranddebat@leparisien.fr

Compléter le formulaire disponible en cliquant ici




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