Par Richard Labévière - 04/03/2019.
Toujours trop
pressée, bardée de certitudes idéologiques et ne travaillant pas suffisamment
les dossiers, la presse occidentale a aussitôt qualifié d’« échec » le sommet
d’Hanoï…
Trop contents d’annoncer un revers pour Donald Trump –
honni de la bien-pensance médiatique -, les journalistes en ont aussi profité
pour ressortir quelques poncifs sur la Corée du Nord, la Chine et les autres
forces du mal.
Cliquez sur l’image, pour lire la suite et
voir le diaporama
Kim Jong Un et Donald Trump, le 28 février à Hanoï. /
Saul Loeb/AFP
En « Editorient », Guillaume Berlat nous rappelle
quelques fondamentaux basiques de la diplomatie, notamment la gestion du temps,
d’un temps diplomatique qui s’inscrit souvent dans la longue durée comme ce fut
le cas notamment pour les guerres des Balkans ou le dossier nucléaire iranien…
Charge des soldats bulgares contre les Turcs, tableau
de Jaroslav Vešin (en) (1912). Jaroslav Věšín
Cet épisode asiatique intervient dans une actualité assez
révélatrice du délitement de notre temps.
Le point d'ébullition », caricature britannique posant
les Puissances en gardiennes des « troubles des Balkans », alors que ce sont
elles qui, au Congrès de Berlin (1878) avaient émietté la péninsule en états
rivaux.
Leonard Raven-Hill —
Celui-ci se caractérise par une succession de « moments
géopolitiques déliés », n’étant dominé par aucun événement réellement
structurant.
Les changements territoriaux à l'issue de la deuxième
guerre balkanique
en:User:Jackanapes —
L’actualité
nourrit une « tendance dominante » qui finit par tout lisser et recouvrir les
choses d’une anomie commune, générale et persistante.
En s’agrégeant, les troubles sociaux, les nuisances
environnementales et les conflits armés paraissent annoncer des guerres
porteuses de ruptures fondamentales.
Or, rien ne se passe et tout finit par se transformer en
autant de postures d’évitement dans une confusion qui n’en demeure pas moins
des plus morbides.
Ainsi, en va-t-il aujourd’hui de la dernière escalade survenue
entre l’Inde et le Pakistan, des menaces et des sanctions qui s’accumulent
contre l’Iran, d’un nouvel embargo commercial qui frappe la Syrie ou des
manifestations qui se sont emparées du Venezuela et de l’Algérie.
Le nouveau directeur de campagne, Abdelghani Zaâlane,
fait une déclaration après avoir déposé le dossier de candidature du president
Abdelaziz Bouteflika au Conseil constitutionnel, à Alger le 3 mars 2019. RAMZI
BOUDINA / REUTERS
Une candidature à des élections « doit être déposée
par le candidat lui-même », la « loi est claire »
CACHEMIRE EN
APESANTEUR DEPUIS 1947
Ali Jinnah et Gandhi, considérés comme pères
fondateurs des nations pakistanaise et indienne, en 1944. - Kulwant Roy
Vendredi dernier, cliquetis et déploiements de forces
spéciales dans un Cachemire qu’Inde et Pakistan se disputent depuis leur
indépendance en 1947.
Carte des territoires administrés et réclamés par la
Chine, l'Inde et le Pakistan dans les frontières de l'ancien État princier du
Cachemire.
Séquelle théologico-politique héritée de l’empire
britannique, les deux ex-colonisés revendiquent chacun cette zone montagneuse à
majorité musulmane, déjà à l’origine de deux guerres conventionnelles passées.
Monument bengali représentant la signature de la fin
des hostilités entre les forces pakistanaises, bengalis et indiennes. Engr Read
Hossain
D’intenses tirs d’obus y ont été signalés des deux côtés
de la ligne de démarcation.
Onze personnes ont été tuées ce même vendredi dernier
dans la seule partie indienne du Cachemire.
Quatre civils avaient trouvé la mort plus tôt dans la
semaine côté pakistanais, des milliers d’autres ayant fui leurs villages, selon
les autorités locales.
L'Inde se prépare à signer un accord pour louer à la
Russie un deuxième submersible nucléaire du projet 971, affirme le journal The
Economic Times.
Le 27 février dernier, le Pakistan a annoncé avoir abattu
deux avions de chasse indiens et fait prisonnier l’un des pilotes, qu’il s’est
empressé d’exposer devant les caméras de télévision.
En représailles, l’Inde affirme avoir abattu un avion de
chasse pakistanais.
Selon le journaliste britannique Robert Fisk, l’Inde
et Israël ont en commun d’avoir été construits sur une partition coloniale et
d’être menacés par des voisins musulmans. Et ce n’est pas un hasard si Delhi
est aujourd’hui le premier acheteur mondial d’armement israélien.
Les chancelleries s’agitent forcément lorsque deux puissances
nucléaires en viennent ainsi aux mains.
Les télégrammes diplomatiques ont relaté que cette
bataille aérienne n’est que la dernière étape en date d’une escalade militaire
qui couve depuis le 14 février, lorsqu’un attentat suicide a tué au moins 42
soldats indiens au Cachemire.
L’Inde a aussitôt pointé du doigt des militants
cachemiris armés par les services spéciaux de l’armée pakistanaise.
Des pakistanais du Cachemire portent le cercueil d'un
civil tué dans un échange de tirs entre les soldats indiens et pakistanais le
long de la frontière du Cachemire dans la banlieue de Muzaffarabad, le 2 mars
2019. Sajjad Qayyum, AFP
Ce vendredi 1er mars, le Pakistan a fini par remettre le
pilote à l’Inde.
Vendredi dernier, le lieutenant-colonel Abhinandan
Varthaman, vêtu en civil, a traversé à pied le poste-frontière de Wagah, avec
ce qui ressemblait à un oeil au beurre noir.
Le lieutenant-colonel Abhinandan Varthaman avait été
capturé après la destruction de deux avions indiens par le Pakistan
Accompagné d’une femme et de plusieurs militaires armés,
il s’est arrêté quelques instants le temps que la haute grille séparant les
deux pays s’ouvre devant lui.
Une fois passé en territoire indien, il a serré la main
d’un militaire, tandis qu’un autre lui a donné une accolade.
Des milliers de personnes avaient attendu toute la
journée côté indien, agitant des drapeaux et chantant des slogans pour
accueillir celui qui est devenu un héros dans son pays.
Le ministère pakistanais des affaires étrangères a
souligné que cette libération « avait pour objectif de faire baisser les
tensions croissantes avec l’Inde ».
Son arrivée a été saluée par le Premier ministre indien,
Narendra Modi :
« bienvenue à la maison, lieutenant-colonel Abhinandan !
La nation est fière de votre courage exemplaire », a
écrit le dirigeant sur un réseau numérique.
Doit-on cette soudaine désescalade aux bienfaits de la
dissuasion nucléaire ?
La question reste posée…
Le Pakistan compte
moins de 200 millions d’habitants face à son voisin indien qui en dénombre plus
d’un milliard trois cent mille.
L’armée indienne
est presque quatre fois supérieure en nombre à celle du Pakistan.
Ce dernier n’aurait donc que peu de chances de repousser
une invasion indienne en bonne et due forme sans l’usage d’armements nucléaires
tactiques. « Voilà ce que je demande à
l’Inde », a proclamé le premier ministre pakistanais Imran Khan : « étant donné leurs armes et les nôtres,
pouvons-nous nous permettre la moindre erreur de calcul ? Toute escalade serait
incontrôlable, pour moi comme pour Modi ».
Narendra Modi n’a pas immédiatement répondu, mais dans
les jours qui ont suivi l’attentat-suicide visant les troupes indiennes, Modi
et Khan avaient tous deux affirmé qu’il était préférable de mettre en valeur
tout ce que leurs pays avaient en commun.
Montage photographique représentant le Premier
ministre indien Narendra Modi (g), le 29 octobre 2018, et son désormais
homologue pakistanais Imran Khan, le 3 novembre 2016 - ©Toshifumi KITAMURA, ASIF
HASSAN, AFP
Même les hauts gradés de l’armée pakistanaise s’étaient
montrés conciliants. Un porte-parole de l’armée avait affirmé que les
bombardements ciblant le territoire contrôlé par l’Inde étaient effectués pour
éviter des pertes militaires et civiles plus lourdes :
« le seul but de
cette opération était de faire la démonstration de notre droit à l’autodéfense,
et de notre détermination – et de notre capacité – à l’assurer. Nous ne voulons
pas d’escalade de la violence, mais nous sommes parfaitement préparés à cette
éventualité si l’on nous y force ».
Dans cette logique du « retenez-moi, sinon je fais un malheur », si Donald Trump n’a pas
pipé mot alors qu’il se trouvait à Hanoï, la Chine quant à elle est très vite
intervenue auprès de son client et obligé pakistanais.
Le silence du premier et la diplomatie silencieuse du
second sont symptomatiques d’un monde dans lequel les Etats-Unis comptent
moins…
Dette publique des États-Unis entre 1940 et 2014.
SColombo based on style &
updated datasource of previous version by Ninjatacoshell.
Très engagée commercialement dans le « Pays des purs »,
Pékin s’est aussitôt félicité de la désescalade guerrière en promettant à
Islamabad de nouveaux investissements portuaires !
L’IRAN ENCERCLE
DEPUIS 40 ANS
Plus à l’ouest, la situation est encore plus paradoxale,
hyperréaliste, proprement ubuesque : la Perse millénaire, îlot de paix, de
culture et de stabilité, encerclée de pays instables ou en guerre est déclarée
menace mondiale numéro une par des Etats-Unis dont on vient pourtant de
souligner le déclin.
Statue de Saddam Hussein abattue à Bagdad, en avril
2003.
C’est en effet à y perdre son latin stratégique : qu’on
aime ou pas le régime iranien (et ce n’est pas le point), force est de
reconnaître – à l’occasion de la commémoration de ses quarante années
d’existence – que la République islamique a su reconstruire une certaine
stabilité après avoir dû faire face à huit années d’une guerre extrêmement
meurtrière avec l’Irak de Saddam Hussein, initiée par les Etats-Unis, la grande
Bretagne et la France avec le soutien de l’ensemble des pays occidentaux !
Saddam Hussein lors d'une retransmission télévisée.
Saddam Hussein arrêté par des Special Forces le 14
décembre 2003.
Ces mêmes pays soutiennent aujourd’hui encore la folle
idée agitée en janvier dernier par le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo
de créer une « OTAN arabe » contre l’Iran, permettant ainsi à Washington de
dépenser moins d’argent dans la région…
JONATHAN ERNST / REUTERS
Dans son obsession
à traquer les niches fiscales stratégiques, la Maison blanche veut aller
jusqu’au bout de son obsession qui confine au délire : déconstruire brique par
brique tout – disons bien tout – ce que Barack Obama a tenté de mettre en
œuvre, tant sur les dossiers internationaux que domestiques.
Barack Obama en 2013. Official
White House Photo by Pete Souza
Au nom de la lutte contre le terrorisme, voilà que le FBI
vient d’élever Hamza (le fils d’Oussama Ben Laden) à la dignité d’ennemi
planétaire numéro un, laissant entendre qu’il pourrait se cacher en Iran.
Dans cet acharnement contre ce pays pourtant en paix les
Occidentaux sont, en outre amenés à soutenir inconditionnellement Israël qui,
selon Mike Pompeo, combat militairement l’Iran en Syrie.
Le chef de la diplomatie américaine a même promis que
Washington continuerait à « faire en
sorte qu’Israël conserve la capacité militaire de se défendre contre
l’aventurisme agressif du régime iranien ».
Comment mieux
confondre l’effet avec la cause ?
Quant aux alliés sunnites de Washington, déjà fort
mobilisés contre l’Iran, ils sont appelés à se coordonner et à « dépasser les
vieilles rivalités » pour s’engager dans le combat commun contre l’Iran…
L’allusion vise la
rupture qui persiste entre l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis (EAU),
Bahreïn et l’Egypte d’une part, et le Qatar d’autre part, où se trouve la plus
grande base militaire américaine au Moyen-Orient et de grandes réserves
gazières.
Mais comme si cela ne suffisait pas, les Etats-Unis –
appuyés par l’Union européenne – ont édicté en début d’année de nouvelles
sanctions économiques contre l’Iran.
De fait les
Etats-Unis poussent clairement leurs alliés à faire la guerre à l’Iran.
Là-encore la guerre n’aura pas lieu, parce que l’Iran est
une puissance régionale qui dispose d’un important stock de missiles de croisière
pouvant cibler très rapidement l’ensemble du dispositif saoudien de production
et de raffinage pétrolier et gazier.
Qui plus est, les
vedettes rapides des Gardiens de la révolution peuvent miner et bloquer en
quelques heures le détroit d’Ormuz, si vitale pour l’approvisionnement
énergétique du monde.
Dans tous les cas de figures, et malgré cette convergence
américano-européenne avec les pays du Golfe et Israël, la guerre contre l’Iran
n’aura pas lieu parce qu’elle ne peut pas avoir lieu…
Comme ils l’ont
fait et continuent à le faire en Amérique latine et ailleurs, les Américains
multiplieront les coups bas avec leurs drones, mercenaires, révolutions de
couleurs et autres aides humanitaires contre un Iran décrété ennemi
international numéro un !
LA SYRIE ASSIEGEE
DEPUIS 2011
En Syrie les Etats-Unis et leurs alliés ont clairement
perdu la partie et continuent à entretenir le mythe de la caverne et son
théâtre d’ombres.
Avec le soutien des forces russes, iraniennes et du
Hezbollah libanais, l’armée gouvernementale syrienne a pu reconquérir la
quasi-totalité de son territoire national.
Le dernier réduit jihadiste de la poche d’Idlib (au
nord-ouest du pays, en lisière du gouvernorat d’Alep) est en passe d’être
maitrisé, de même que les dernières poches de Dae’ch (organisation « Etat
islamique ») à l’est, sur la frontière avec l’Irak.
Mais là tenez-vous bien, il s’agit d’entretenir une
fiction dont le jeu ne fera pas illusion très longtemps : l’éradication des
groupes terroristes par les seules forces kurdes alliées à la coalition
américaine.
Ainsi assiste-t-on à un déferlement de reportages sur
l’assaut mené contre le dernier réduit de l’« Etat islamique ».
« Je peux encore
sortir ?
Un missile a explosé à trois mètres de nous.
Ils ont bombardé une maison avec des femmes françaises et
des enfants.
Ils sont sous les décombres, des gens crient d’en
dessous.
On a dû sortir de la maison car trop proche des combats.
Avec moi, on est une dizaine », écrit, affolée, au Monde
sur WhatsApp, vendredi 1er mars au soir, Elise (le nom a été modifié), une
jihadiste francophone toujours présente à Baghouz avec son mari.
Il s’agit aussi
d’accréditer que la présence illégale de forces occidentales en Syrie – qui
contrairement à la Russie et l’Iran n’ont pas été invitées par les autorités
syriennes, intervenant donc en toute illégalité internationale – est justifiée
afin de poursuivre la lutte contre le terrorisme et notamment contre des
jihadistes européens et français.
Avec le feuilleton
quotidien de la dernière bataille menée aux abords de la localité de Baghouz,
le message est parfaitement clair : les jihadistes européens qui ne seront pas
neutralisés en Syrie finiront par rentrer chez eux, c’est à dire chez nous,
pour commettre de nouveaux attentats.
Certes, les
factions kurdes ont lutté contre Dae’ch.
Elles ont aussi
attaqué les forces syriennes et nombre de villages chrétiens, certaines de
leurs factions se ralliant directement à Jabhat al-Nosra, c’est-à-dire Al-Qaïda
en Syrie.
Actuellement, les Kurdes de Syrie reprennent les
négociations avec Damas qu’elles avaient interrompues en 2013.
A terme, les dernières forces américaines et françaises
auront quitté la Syrie pour se replier en Irak.
C’est là, toujours selon Mike Pompeo, que se déploie
désormais le nouveau « cordon sanitaire » destiné à endiguer la « menace
iranienne ».
Même si la bataille de Syrie est perdue, les Etats-Unis
cherchent encore à persuader le monde qu’ils n’ont pas perdu la guerre, en
inventant de nouvelles sanctions économiques contre Damas (comme pour l’Iran)
soutenues par l’Union européenne et la France.
Dans plusieurs villes de Syrie, les pauvres gens doivent
se battre pour acquérir quelques bouteilles de gaz.
L’hiver est rude, les températures pouvant descendre à
moins dix ou quinze degrés pendant que les marines américaines et israéliennes
bloquent des bateaux qui devaient accoster à Tartous ou Lattaquié…
Pour les
Etats-Unis et leurs alliés, la guerre conventionnelle est perdue en Syrie, mais
elle reste en passe de ressurgir dans l’Irak voisin, tandis que comme en Iran,
Washington cherche à affamer les pauvres gens.
A défaut de poursuivre principalement la lutte contre le
terrorisme – alibi facile -, le maintien de forces militaires occidentales dans
la région est surtout destiné à ménager quelques strapontins dans le processus
à venir des reconstructions économique et politique de la Syrie.
Les affaires doivent continuer !
DU YEMEN AU
VENEZUELA
Le découpage à la scie à métaux du « journaliste » Jamal
Khashoggi dans les locaux du consulat saoudien d’Istanbul aura au moins servi à
quelque chose : affaiblir l’arrogant prince héritier Mohammed Ben Salman et
obliger son père le Roi à lâcher du lest sur le Yémen, l’un des pays les plus
pauvres du monde que Riyad s’obstine à bombarder depuis 2015.
Ainsi, après plusieurs discussions tenues en Suède, le
représentant spécial des Nations unies, Martin Griffiths, a pu mettre en œuvre
un cessez-le-feu et faire rouvrir le port stratégique d’Hodeïda sur la mer
rouge.
Au Venezuela, malgré l’infiltration de ses commandos
Delta depuis Panama et la Colombie, Washington pourra difficilement refaire le
coup du débarquement de la Grenade (25 octobre 1983) ou de Golpe type Chili en
septembre 1973.
Après le coup d’Etat constitutionnel fomenté contre Dilma
Roussef et l’emprisonnement de Lula à la veille de la dernière élection
présidentielle, qui a porté le fasciste Bolsonaro au palais du Planalto,
Washington a mis en œuvre un nouveau plan Condor1 destiné à ce que l’Amérique
Latine redevienne l’arrière-cour des Etats-Unis.
De nouveau sont
actionnés tous les moyens possibles de déstabilisation économique, la
démultiplication de mercenaires et de toutes sortes de sociétés militaires
privées, ainsi que les aides « humanitaires » de USAID dans le sillage
desquelles fleurissent la propagande, les sabotages et les ingérences
politiques.
PHENOMENOLOGIE ET
CRISES DES SCIENCES EUROPEENNES
Aux ingérences
humanitaires de ce cher docteur Kouchner – l’ami de Tzipi Livni, barbouze
israélienne et ex-députée du Likoud -, correspond une « anomie domestique » qui
participe, elle aussi, au triomphe de la « guerre de tous contre tous ».
C’est un même processus
: on prétend exporter des valeurs démocratiques qu’on ne respecte pas chez soi.
Tout au contraire,
l’anomie domestique favorise une régression continue à l’état de nature.
La guerre au coin de la rue, ce sont ces adolescentes
chaussées de rangers aux semelles renforcées, ou d’autres zombis qui ont troqué
leurs habits d’étudiants pour des uniformes kakis ou des tenues camouflages.
Ce sont aussi des gens des beaux quartiers qui sillonnent
nos centres villes à bord de 4X4 tout terrain et surélevés, consommant trois
fois plus qu’un véhicule normal.
D’autres prédateurs roulent fièrement sur différentes
machines dont des trottinettes électriques repoussant les idiots à pied, sûrs
d’une impunité conquérante, des bidules dans les oreilles les isolant des choses
de la vie comme des bombardiers en piquée.
Et lorsque la machine s’arrête, elle est aussitôt
abandonnée, en rase campagne au beau milieu de trottoirs fréquentés – pour bien
narguer les autres et les forcer à admettre la privatisation de l’espace public
; une privatisation où la machine doit dominer sans partage.
Dans les années
trente, Edmund Husserl nous a appris à déchiffrer la signification des objets,
dans leur matérialité brute, sinon brutale.
The photograph of German
philosopher Edmund Husserl (1859—1938)
La phénoménologie (du grec : phainómenon, « ce qui
apparaît » ; et lógos, « étude ») est un courant philosophique qui se concentre
sur l'étude des phénomènes, de l’expérience vécue et des contenus de
conscience. Edmund Husserl (1859 -1938) est considéré comme le fondateur de ce
courant, dans sa volonté de systématiser l'étude et l'analyse des structures
des faits de conscience1.
Appliquées à notre monde, ses techniques de compréhension
d’une phénoménologie à l’usage de la vie quotidienne rendent compte aujourd’hui
d’une généralisation de l’imaginaire de la guerre, d’une multiplication
marchande de ses symboles, de ses techniques et de son esthétique.
Au milieu des
années 1930, le père de la phénoménologie décrit une espèce de basculement du
monde qui annule le sens et les repères patiemment élaborés par les sciences
exactes et humaines ; un basculement dans une espèce de « naufrage sceptique ».
Dans la La Crise des sciences européennes et la
phénoménologie transcendantale2, Edmund Husserl se propose d’analyser les
causes de cette crise (qui est en réalité une crise de la raison) en remontant
aux origines de l’Europe dont il va chercher à montrer qu’elles déterminent son
destin à la façon d’une « entéléchie » – c’est-à-dire en parvenant à l’état
complet de l’affirmation de son être.
Et ce que Husserl
reproche alors aux nouvelles orientations des sciences de son temps, c’est
d’avoir creusé un fossé infranchissable entre elles (le monde de la science) et
le monde de la vie, celui de l’environnement quotidien (Lebenswelt).
Son appel en pleine montée du fascisme italien et du
nazisme allemand : réveiller sous la forme de la « philosophie transcendantale » l’immanence de la raison dans l’individu,
qui définit son humanité.
Edmund Husserl : « la
science est incapable de guérir la conscience européenne, elle n’a rien à nous
dire concernant les problèmes fondamentaux de l’existence et loin d’être
neutre, elle peut être, dans ses applications techniques, un puissant
auxiliaire de la barbarie ».
Aujourd’hui, on
ferait bien à y regarder deux fois avant de s’émerveiller devant les voitures
sans chauffeur et les manipulations des docteurs Folamour qui veulent réparer
le monde, augmenter l’homme et le soldat au-delà de leurs capacités naturelles
limitées.
On l’a vue à travers nos exemples asiatiques,
proche-orientaux et latino-américains : à défaut d’assumer et de mener des «
vraies guerres ouvertes », les puissances actuelles imposent et généralisent
des procédures d’une guerre hors limites dans à peu près tous les secteurs de
l’activité humaine.
Comme l’écrivaient deux officiers de l’armée de l’air
chinoise dans les années 1990 : « la
guerre classique est morte, vive la guerre hors limites ».
La Guerre hors limites est un document exceptionnel
sur la réflexion stratégique chinoise actuelle. Les auteurs, deux colonels de
l'armée de l'air chinoise, nous éclairent sur la perception chinoise des
nouveaux conflits et tensions dans le monde. Ils puisent l'essentiel de leurs
déductions des opérations menées pendant la guerre du Golfe (1991),
En conclusion de leur manuel, les colonels Qio Liang et
Wang Xiangsui ont l’avantage d’annoncer la couleur : « pour la guerre hors limites, la distinction entre champ de bataille
et non-champ de bataille n’existe pas.
Les espaces
naturels que sont la terre, la mer, l’air et l’espace sont des champs de
bataille ; le
s espaces sociaux
que sont les domaines militaire, politique, économique, culturel et
psychologique sont des champs de bataille ; et l’espace technique qui relie ces
deux grands espaces est plus encore le champ de bataille où l’affrontement
entre les forces antagoniques est le plus acharné.
La guerre peut être
militaire, paramilitaire ou non militaire ; elle peut recourir à la violence et
peut être aussi non-violente ; elle peut être un affrontement entre militaires
professionnels ainsi qu’un affrontement entre les forces émergentes
principalement constituées de civils ou de spécialistes.
Ces
caractéristiques marquent la ligne de partage entre la guerre hors limites et
la guerre traditionnelle, et elles tracent la ligne de départ des nouvelles
formes de guerre ».
Ils ajoutent : « en
outre, il est urgent que nous élargissions notre champ de vision concernant les
forces mobilisables, en particulier les forces non militaires. A part diriger
l’attention comme par le passé sur les forces conventionnelles, nous devrions
porter une attention spéciale à l’emploi des ‘ressources stratégiques’
intangibles comme les facteurs géographiques, le rôle historique, les
traditions culturelles, le sentiment d’identité ethnique ainsi que le contrôle
et l’utilisation de l’influence des organisations internationales ».
Nous y sommes.
Richard Labévière
4 mars 2019
1 Le plan Condor (en espagnol : Operación Cóndor) est le
nom donné à une campagne d’assassinats et de lutte anti-guérilla conduite
conjointement par les services secrets du Chili, de l’Argentine, de la Bolivie,
du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay, avec le soutien tacite des États-Unis
au milieu des années 1970.
Les dictatures militaires alors en place en Amérique
latine — dirigées à Santiago du Chili par Augusto Pinochet, à Asuncion par
Alfredo Stroessner, à Buenos Aires par Jorge Rafael Videla, à Montevideo par
Juan Bordaberry, à Sucre par Hugo Banzer et à Brasilia par Ernesto Geisel — ont
envoyé des agents secrets poursuivre et assassiner les dissidents politiques
jusqu’en Europe (France1, Italie, Portugal, Espagne…) et aux États-Unis (phase
3 de l’opération Condor, qui culmina avec l’assassinat d’Orlando Letelier,
ancien ministre de Salvador Allende, en septembre 1976 à Washington.
2 Edmund Husserl : La crise des sciences européennes et
la phénoménologie transcendantale. Editions gallimard, 1989.
3 Qio Liang et Wang Xiangsu : La Guerre hors limites.
Editions Payot&Rivages, 2003.
La première guerre
balkanique qui dura d'octobre 1912 à mai 1913 opposa la Ligue balkanique
(la Serbie, la Bulgarie, la Grèce et le Monténégro) à l'Empire ottoman. Les
armées des États des Balkans en supériorité numérique furent rapidement
victorieuses. À la fin de cette guerre, les membres de la Ligue balkanique se
partagèrent la quasi-totalité des anciens territoires européens de l'Empire
ottoman, mais en Macédoine, la Bulgarie s'estima lésée par ce partage, ce qui
provoqua la deuxième guerre balkanique.
La deuxième guerre balkanique (du 16 juin au 18 juillet
1913) eut pour objet le partage des gains de la première guerre balkanique,
non-conforme aux accords initiaux ; elle opposa la Bulgarie à ses anciens
alliés, la Serbie et la Grèce, qui, mis en difficulté, appelèrent à la
rescousse la Roumanie.
Lorsque les troupes roumaines approchèrent de la capitale
Sofia, la Bulgarie demanda un armistice qui déboucha sur le traité de Bucarest,
dans lequel la Bulgarie dut renoncer à ses revendications, céder une partie de
ses gains de la première guerre balkanique à la Serbie, à la Grèce et à
l'Empire ottoman et en plus céder une partie de son territoire initial à la
Roumanie, ce qui créa des différends territoriaux avec ses voisins.
« Le point d'ébullition », caricature britannique posant
les Puissances en gardiennes des « troubles des Balkans », alors que ce sont
elles qui, au Congrès de Berlin (1878) avaient émietté la péninsule en états
rivaux.
La guerre provoqua la rupture de l'alliance
russo-bulgare, laissant la Serbie comme seule alliée de la Russie dans cette
région importante.
C'est pour cela que la Serbie reçut le soutien total de
la Russie lors de la crise de juillet 1914 qui mena à la Première Guerre
mondiale, et c'est aussi pour cela qu'en 1915 la Bulgarie s'allia aux Empires
centraux dans l'espoir de réunir à elle les territoires (à majorité
bulgarophone) qu'elle n'avait pu gagner lors des deux guerres balkaniques.
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