mercredi 6 mars 2019

La vigne aux âges des Métaux

La vigne cultivée en Méditerranée aux âges des Métaux.

Les plus anciens vestiges de vigne cultivée, datés de l’âge du Bronze, sont attestés à Tell esh-Shuma, en Israël (Chalcolithique), et à Jéricho, en Palestine (Bronze moyen).

Pour le IIIe millénaire, sa présence est repérée en Égypte, puis en Grèce et en Crête.

Tasse à vin en or, art mycénien vers 1500 av. notre ère. The British Museum, Londres. © Jastrow

Dans la péninsule italienne, elle est établie à partir du début Ier millénaire avant notre ère, vers les XIe-VIIIe siècles, dans les environs de Bologne, précisément sur le site de la nécropole de San Vitale à Casteldebole (Bologne), puis à Rome dans la période des VIIIe-VIIe siècles.

Bien que les témoignages soient rares pour le sud de l’Italie, il est probable que les Grecs installés en colonies y aient aussi cultivé la vigne dès cette époque.

Cratère-rafraîchissoir à figures noires, représentant Dionysos et son thiase, céramique attribuée à l'atelier du peintre d'Antiménès, Grèce, vers 520-510 av. notre ère. Ce vase est accompagné d'une louche en bronze.
Musée du Louvre, Paris. © RMN/Hervé Lewandowski

En Espagne du Sud, où les Phéniciens avaient établi des comptoirs, des sites de production viticole semblent avoir été actifs dès le début du VIe siècle, tel l’Alt de Benimaquia, dans la région d’Alicante, qui a fourni plus de 7 000 pépins aux archéologues !

Au nord-ouest, la viticulture aurait été introduite, à la même époque ou un peu plus tardivement, par les Grecs installés à Ampurias (Catalogne).

Lot d'amphores massaliètes datant du Ve siècle av. notre ère, découvert lors d'une fouille dans le quartier de la Bourse à Marseille (ancienne cité grecque). © CCJ-CNRS Aix-Marseille Université/Ph. Foliot

En France méditerranéenne, les sites archéologiques qui ont livré les plus anciens restes archéobotaniques de vigne cultivée sont ceux du Mourre de Sève à Sorgues (Vaucluse), de Lattara à Lattes (Hérault), du Marduel à Saint-Bonnet-du-Gard (Gard) et de l’oppidum du Plan de la Tour à Gailhan (Gard).

La vigne était donc présente dans cette région à l’âge du Fer, du VIe au Ier siècle avant notre ère.

Le saviez-vous ? Chalcolithique

Période caractérisée par l'apparition de l'industrie du cuivre, qui prend place, au début du IIIe millénaire, entre le Néolithique et l'âge du Bronze.

L'âge du Fer : premiers signes de mise en culture et de vinification
En Gaule méridionale, l'âge du Fer correspond à une période de profondes mutations en ce qui concerne l'exploitation de la vigne.

Histoire et archéologie montrent que les Grecs débutent une viticulture intensive, à but commercial, peu après leur installation à Marseille, en 600 avant notre ère.
À la même période, les populations autochtones développent également la culture de la vigne. 

Vue générale de la plantation de vigne de Port Ariane. © C. Jung, Inrap

L'anthracologie (étude des charbons de bois) met en évidence la présence de plus en plus fréquente des résidus de bois de vigne : dès le Bronze final (-1400 à -800) ils représentent ainsi entre 3 à 10 % de la masse totale de charbons de bois identifiée sur le site de Port Ariane (Hérault), et un taux semblable  pour celui de Lattara (Hérault) du IVe siècle avant notre ère et jusqu'à la période romaine.

Cette relative abondance, qui n'est pas observée pour la période précédente, pourrait indiquer qu'il s'agit de restes issus d'une pratique de taille.

Le vignoble de Lattara Lattes (Hérault, IIe siècle av. notre ère) est l'un des plus anciens attestés. Des fosses alignées y dessinent des rangées - elles accueillaient les ceps de vigne -, les traces perpendiculaires sont liés au marcottage. Fouille Inrap/Isabelle Daveau et Cécile Jung.©

Grâce à la carpologie (étude des graines), on perçoit également une brusque augmentation de la proportion des pépins issus de variété de vigne cultivée dans les échantillons analysés correspondant au Ve siècle avant notre ère, ce qui prouve indéniablement un développement de l'exploitation de la vigne à cette époque.

On découvre des quantités considérables de pépins parfois carbonisés, comme dans le site de Lattara, ou gorgés d'eau, comme ceux extraits d'un puits de l'âge du Fer au Mas de Vignoles IV à Nîmes.

Vue partielle des dépôts dans l'une des tombes du Mas de Vignoles IV à Nîmes (premier quart Ier siècle avant notre ère). © V. Bel, Inrap

La culture de la vigne est alors attestée dans près de 60 % des sites du sud-est de la France, où elle perdurera jusqu'au Moyen Âge.

La mesure de taille des pépins a permis de discerner la présence systématique de pépins issus de la vigne domestique aux côtés d'un type correspondant à la vigne sauvage ancestrale.
Il semble dès lors probable que la viticulture se soit rapidement répandue dans le Midi à la période charnière entre le premier et le second âge du Fer.

Elle présentait le plus souvent un caractère extensif, c'est-à-dire avec des plantations plutôt espacées, à la différence du modèle plus intensif (aux plantations plus concentrées) de la viticulture grecque ou de celle qui laissera de nombreuses traces sur le site de Lattara au cours du second âge du Fer (-450 à -50).

La vocation de cette viticulture indigène ne laisse guère de doutes.

Son utilisation pour la production de vin a été établie dans quelques sites, notamment à l'île de [page|13257|Martigues] pour le IVe siècle avant notre ère, où l'on a retrouvé ensemble pépins, pédicelles (petites tiges rattachant les grains de raisin à la rafle), rafles et fragments de peaux déchirés, qui constituaient de véritables résidus de vinification carbonisés.

Le saviez-vous ? L’anthracologie

L'anthracologie consiste à étudier les charbons de bois découverts soit en contexte archéologique soit dans les sédimentations naturelles.

Qu'ils proviennent de foyers de combustion domestiques, de la crémation volontaire ou non d'objets ou de structures en bois, ou de l'incendie de forêts, ces restes carbonisés, sont examinés au microscope.

Leur analyse et leur interprétation permettent à la fois de déterminer quelle était la végétation d'un lieu ou d'une région à l'époque où ils ont été brûlés, et l'usage qu'en faisaient les humains.

Pour les périodes de la Préhistoire et de la Protohistoire, les fragments de bois de vigne sont souvent mélangés avec d'autres types de bois, ce qui rend plus difficile leur identification.

La viticulture gauloise de l'âge du Fer

En -600, les Phocéens (Grecs d'Asie Mineure) débarquent sur le côte méditerranéenne au sud des Alpes et fondent Massalia. Installés pour faire du commerce, ils commencent par importer leur vin d'Étrurie.

Ce n'est qu'à partir du milieu du VIe siècle avant notre ère, avec l'arrivée de nouveaux colons, que les Massaliètes procèdent à l'installation d'un vignoble.
Il s'agit d'abord de satisfaire leurs propres besoins ; par la suite, une partie de leur production sera destinée à la vente.

Les découvertes réalisées sur le site de Saint-Jean du Désert (un quartier de Marseille) témoignent directement de la culture de la vigne et de la production de vin.
Le vignoble s'étendra ensuite progressivement dans la région.

Les nombreux pépins de raisin de Vitis vinifera mis au jour indiquent qu'une culture indigène s'est mise en place sur le littoral méditerranéen de la Gaule, en région de Provence et dans le Languedoc, et attestent la présence de vigne cultivée à partir de -500.
Enfin, les amas de pépins trouvés au cours des sondages sur le site de Lattes (Hérault), interprétés comme étant des résidus de pressage du raisin, ont confirmé que l'activité vinicole était particulièrement florissante entre -225 et +25.


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