dimanche 10 mars 2019

Loi « anti-casseurs »

Le 12 mars prochain, la loi dite « anti-casseurs », qui casse en réalité le droit de manifester en France, pourrait être adoptée définitivement par le Sénat.

La proposition de loi a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, et doit être discutée par le sénat le 12 mars prochain.

Si le sénat l’adopte en l’état – ce qui est probable – alors la loi sera définitivement adoptée, et entrera en vigueur dans la foulée.

Cette loi est dangereuse.

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LA CASSE DU DROIT DE MANIFESTER -  

Le 30 janvier 2019, les députés ont adopté les 4 premiers articles de la proposition de loi dite « anti-casseurs. », une loi qui restreint surtout arbitrairement le droit de manifester pacifiquement.
Loin d’avoir dissipé nos craintes, les amendements votés les ont renforcées. Explications.

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Une majorité de députés a voté pour l’article 2 de la loi, qui donne au préfet, c’est-à-dire à l’autorité administrative, le pouvoir d’interdire à une personne de manifester, sur la base de motifs toujours aussi flous et dangereux, loin du regard de la justice.

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L’INTERDICTION ADMINISTRATIVE DE MANIFESTER ENTÉRINÉE

Les députés ont bien abrogé les motifs d’interdiction scandaleux liés à « l’appartenance à un groupe ou aux relations régulières » avec des personnes jugées indésirables par les autorités.

Néanmoins, ils ont étendu la possibilité d'interdire administrativement de manifester toute personne, qui "par ses agissements à l’occasion de manifestations sur la voie publique ayant donné lieu à des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ainsi que des dommages importants aux biens ou par la commission d’un acte violent à l’occasion de l’une de ces manifestations, une personne constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ".

Nul besoin donc d’avoir été condamné en justice préalablement.

Nul besoin non plus de démontrer que les agissements en question ont causé des violences ou des dégradations.

Le préfet devra seulement penser, mais pas démontrer par des faits tangibles, que cette personne constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, pour interdire à une personne de manifester.
Cette rédaction laisse donc encore plus de place à une appréciation subjective et potentiellement arbitraire, en tout cas non vérifiable en fait.

Nouveauté encore, l’arrêté d’interdiction pourra être pris pour une durée d’un mois, et pas sur une manifestation spécifique, ce qui revient concrètement à une peine d'interdiction sans infraction.

Rien dans l’article voté ne garantit que ces interdictions d'un mois ne seront pas renouvelées mois après mois.

Comprendre : Tout savoir sur le droit de manifester

ABSENCE DE RECOURS EFFECTIF POUR LES INTERDITS DE MANIFESTATION

Il est désormais prévu que la notification ne soit plus réellement impérative dans les 48h, puisqu’en pratique, si le préfet n'a "pas réussi" en raison de ses "contraintes" à notifier à la personne dans les 48h, l’arrêté reste valide.

Il doit seulement être notifié au plus vite, et même pendant la manifestation. Cela rend illusoire la possibilité d'un recours efficace contre ces arrêtés, compte tenu des contraintes de temps pour saisir un juge administratif devant le tribunal.

PROTÉGER SON VISAGE SERA DÉSORMAIS UN DÉLIT

Une majorité de députés a aussi voté l’article 4 de la proposition de loi, faisant de la dissimulation de tout ou partie du visage un délit pénal.

Nous avions alerté sur le fait qu’avec un tel article, des personnes portant un foulard, une écharpe, un casque, des lunettes de plongée pour protéger leur intégrité physique pourraient être interpellés, placées en garde à vue et poursuivies si la personne ne peut fournir de « motif légitime ».

Cela risque d’aboutir à des arrestations arbitraires et de dissuader fortement des citoyens d’exercer leur droit de manifester pacifiquement.

Cet article était à peine encadré par le fait que les policiers devaient démontrer, s’ils souhaitaient déférer en justice une personne, son « intention d’éviter d’être reconnu pour pouvoir commettre impunément des violences ».

Cet encadrement a été supprimé par un amendement qui fait seulement référence à la dissimulation du visage « sans motif légitime ». Une notion vague, qui laisse toute latitude à des interprétations abusives.

Selon les propres termes de la députée ayant déposé l’amendement, cette nouvelle rédaction de l’article viserait ainsi à « renverser la charge de la preuve », ce qui serait contraire à la présomption d’innocence et au droit international.

Dans cette optique, ce ne serait plus aux policiers de démontrer l’intention, mais au manifestant interpellé de démontrer qu’il avait un motif légitime.

Le retrait de l’élément - déjà contestable – d’intention ne fait qu’aggraver le risque d’arbitraire en transformant chaque manifestant qui protégerait son visage de l’usage de la force par la police en délinquant potentiel.

Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron s'était publiquement engagé auprès de notre organisation à garantir le droit de manifester pacifiquement.

Si une telle loi venait à être adoptée par le parlement, non seulement cela irait à l’encontre de ces engagements, mais cela signifierait un grave recul en France d’une liberté fondamentale.

Depuis novembre 2015 et les terribles attentats qui ont touché la France, l’état d’urgence a été instauré et renouvelé à cinq reprises.

Alors que son objet est de prévenir de nouvelles attaques, les mesures de l’état d’urgence ont été utilisées pour interdire 155 manifestations.
Tous les 3 jours environ, une manifestation est interdite en France sous ce prétexte.

Par ailleurs, 595 interdictions individuelles de manifester ont été ordonnées par les préfectures en France, sous l’argument de prévenir les violences lors des manifestations, alors que le plus souvent il n’existait que peu ou pas d’éléments démontrant que ces personnes auraient participé à des violences.




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