La proposition de loi a été adoptée en première lecture
par l’Assemblée nationale, et doit être discutée par le sénat le 12 mars
prochain.
Si le sénat l’adopte en l’état – ce qui est probable –
alors la loi sera définitivement adoptée, et entrera en vigueur dans la foulée.
Cette loi est dangereuse.
LA CASSE DU DROIT
DE MANIFESTER -
Le 30 janvier 2019, les députés ont adopté les 4 premiers
articles de la proposition de loi dite « anti-casseurs. », une loi qui
restreint surtout arbitrairement le droit de manifester pacifiquement.
Loin d’avoir dissipé nos craintes, les amendements votés
les ont renforcées. Explications.
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Une majorité de députés a voté pour l’article 2 de la
loi, qui donne au préfet, c’est-à-dire à l’autorité administrative, le pouvoir
d’interdire à une personne de manifester, sur la base de motifs toujours aussi
flous et dangereux, loin du regard de la justice.
Vidéo
L’INTERDICTION ADMINISTRATIVE DE MANIFESTER ENTÉRINÉE
Les députés ont bien abrogé les motifs d’interdiction
scandaleux liés à « l’appartenance à un groupe ou aux relations régulières »
avec des personnes jugées indésirables par les autorités.
Néanmoins, ils ont étendu la possibilité d'interdire
administrativement de manifester toute personne, qui "par ses agissements à l’occasion de manifestations sur la voie publique
ayant donné lieu à des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ainsi
que des dommages importants aux biens ou par la commission d’un acte violent à
l’occasion de l’une de ces manifestations, une personne constitue une menace
d’une particulière gravité pour l’ordre public ".
Nul besoin donc
d’avoir été condamné en justice préalablement.
Nul besoin non
plus de démontrer que les agissements en question ont causé des violences ou
des dégradations.
Le préfet devra
seulement penser, mais pas démontrer par des faits tangibles, que cette
personne constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public,
pour interdire à une personne de manifester.
Cette rédaction laisse donc encore plus de place à une
appréciation subjective et potentiellement arbitraire, en tout cas non
vérifiable en fait.
Nouveauté encore,
l’arrêté d’interdiction pourra être pris pour une durée d’un mois, et pas sur
une manifestation spécifique, ce qui revient concrètement à une peine
d'interdiction sans infraction.
Rien dans
l’article voté ne garantit que ces interdictions d'un mois ne seront pas renouvelées
mois après mois.
Comprendre : Tout
savoir sur le droit de manifester
ABSENCE DE RECOURS
EFFECTIF POUR LES INTERDITS DE MANIFESTATION
Il est désormais prévu que la notification ne soit plus
réellement impérative dans les 48h, puisqu’en pratique, si le préfet n'a
"pas réussi" en raison de ses "contraintes" à notifier à la
personne dans les 48h, l’arrêté reste valide.
Il doit seulement être notifié au plus vite, et même
pendant la manifestation. Cela rend illusoire la possibilité d'un recours efficace
contre ces arrêtés, compte tenu des contraintes de temps pour saisir un juge
administratif devant le tribunal.
PROTÉGER SON
VISAGE SERA DÉSORMAIS UN DÉLIT
Une majorité de députés a aussi voté l’article 4 de la
proposition de loi, faisant de la dissimulation de tout ou partie du visage un
délit pénal.
Nous avions alerté sur le fait qu’avec un tel article,
des personnes portant un foulard, une écharpe, un casque, des lunettes de
plongée pour protéger leur intégrité physique pourraient être interpellés,
placées en garde à vue et poursuivies si la personne ne peut fournir de « motif
légitime ».
Cela risque
d’aboutir à des arrestations arbitraires et de dissuader fortement des citoyens
d’exercer leur droit de manifester pacifiquement.
Cet article était à peine encadré par le fait que les
policiers devaient démontrer, s’ils souhaitaient déférer en justice une
personne, son « intention d’éviter d’être
reconnu pour pouvoir commettre impunément des violences ».
Cet encadrement a été supprimé par un amendement qui fait
seulement référence à la dissimulation du visage « sans motif légitime ». Une notion vague, qui laisse toute latitude
à des interprétations abusives.
Selon les propres termes de la députée ayant déposé
l’amendement, cette nouvelle rédaction de l’article viserait ainsi à « renverser la charge de la preuve », ce
qui serait contraire à la présomption d’innocence et au droit international.
Dans cette optique, ce ne serait plus aux policiers de
démontrer l’intention, mais au manifestant interpellé de démontrer qu’il avait
un motif légitime.
Le retrait de l’élément - déjà contestable – d’intention
ne fait qu’aggraver le risque d’arbitraire en transformant chaque manifestant
qui protégerait son visage de l’usage de la force par la police en délinquant
potentiel.
Pendant la
campagne présidentielle, Emmanuel Macron s'était publiquement engagé auprès de
notre organisation à garantir le droit de manifester pacifiquement.
Si une telle loi venait à être adoptée par le parlement,
non seulement cela irait à l’encontre de ces engagements, mais cela
signifierait un grave recul en France d’une liberté fondamentale.
Depuis novembre
2015 et les terribles attentats qui ont touché la France, l’état d’urgence a
été instauré et renouvelé à cinq reprises.
Alors que son
objet est de prévenir de nouvelles attaques, les mesures de l’état d’urgence
ont été utilisées pour interdire 155 manifestations.
Tous les 3 jours environ, une manifestation est interdite
en France sous ce prétexte.
Par ailleurs, 595 interdictions individuelles de
manifester ont été ordonnées par les préfectures en France, sous l’argument de
prévenir les violences lors des manifestations, alors que le plus souvent il
n’existait que peu ou pas d’éléments démontrant que ces personnes auraient
participé à des violences.
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