Les Scythes étaient un ensemble de peuples indo-européens
d'Eurasie en grande partie nomades et parlant des langues iraniennes.
Le collier-pectoral gréco-scythe en or du Kourgane
royal de Ordjonikidzé, Ukraine - seconde moitié du ive siècle av. J.-C..Д.Колосов
— фото (сайт А-фото)
Originaires d'Asie centrale ils ont vécu leur apogée
entre le VIIe siècle av. J.-C. et la fin de l'Antiquité, notamment dans les
steppes de l'Eurasie centrale, une vaste zone allant de l'Ukraine à l'Altaï, en
passant par la Russie et le Kazakhstan.
Tailles comparées de la Scythie et du territoire des
Parthes en 100 av. J.-C..
Dbachmann
Les Perses désignaient ces peuples par le nom de Sakas,
francisé en Saces.
De nombreuses sources antiques attestent des peuples
scythes, les Assyriens mentionnent les Saces dès −640.
Un négociant sogdien sur un chameau de Bactriane.
Figurine chinoise, période Tang, viie siècle.
Connaissance des
Scythes
Le peuple et la culture scythes nous sont essentiellement
connus grâce aux textes des géographes grecs et romains.
Ainsi, pour les géographes grecs, le monde scythe, situé
au Nord de la Grèce, constitue l'un des quatre mondes barbares répartis
géographiquement selon les points cardinaux.
Carte des royaumes Indo-Scythes en Inde à leur apogée
au ier siècle av. J.-C.
L'antique culture du cavalier scythe est principalement
connue grâce aux récits de l'historien grec Hérodote qui séjourna auprès des
Scythes de la mer Noire.
Ses récits constituent une source d'information très
riche, mais ce « coup de projecteur » jeté sur les Scythes d'Ukraine pourrait
faire penser que le phénomène scythe était essentiellement européen.
Paysage de la steppe pâturée au Kazakhstan en été - Togzhan
Ibrayeva —
Les Scythes ont en
réalité joué un rôle encore plus important en Asie qu'en Europe.
Pour les étudier, nombreux sont les vestiges
archéologiques et de l'art des steppes : les nomades scythes ont laissé leurs
tombes, appelées « kourganes », très richement pourvues de matériel parfois
très bien conservé, ainsi que des stèles anthropomorphes et des roches gravées
de motifs animaliers.
Applique en or représentant des guerriers scythes avec
des arcs, Panticapeum, Crimée. ive siècle av. J.-C., Musée du Louvre. PHGCOM
Par extension, le terme « Scythe » a parfois été utilisé
pour désigner d'autres peuples nomades d'Eurasie ethniquement proches ou
culturellement influencés par les Scythes, mais le consensus scientifique
actuel est que les Scythes proprement dits sont les peuples indo-européens
antiques d'Eurasie centrale qui parlaient au niveau véhiculaire et religieux
une langue iranienne, et qui avaient en partie un mode de vie de cavaliers
nomades.
Une épingle à cheveux en or, kourgane d'Arjan, viiie
siècle av. J.-C., de la Touva dans le sud de la Sibérie russe. Derzsi Elekes Andor
Origines de la
culture scythe
Durant le IIe millénaire av. J.-C., la culture
d'Andronovo, du nom d'une nécropole située sur l'Ienisseï, se développe au
Kazakhstan et en Sibérie méridionale, allant de l'Oural à l'ouest, au lac
Baïkal à l'est, et jusqu'au Syr-Daria au sud.
Mouflon (urial).(ovis orientalis blandford)
Afghanistan, kourgan de Tillyan tepe, ier siècle avant notre ère. Or, 5,2 × 4
cm. Musée National d'Afghanistan
Robert Kluijver
La culture d'Andronovo dispose du char de guerre à deux
roues, tiré par deux chevaux, ce qui a sûrement beaucoup contribué à
l'expansion de ses porteurs. Ses membres vivaient en partie de façon sédentaire
dans des villages, cultivaient la terre et élevaient des animaux.
Ils fabriquaient des armes et des outils en bronze.
Une plaque ornementale en or, représentant un animal
composite, représentatif de l'art animalier scythe, provenant d'un kourgane du
Kazakhstan, ve siècle av. J.-C. Derzsi Elekes Andor
Au cours des XIIIe et XIIe siècles av. J.-C., afin de
faciliter la transhumance, les éleveurs construisirent des habitations coniques
démontables aux murs en claie, dont le toit comportait une ouverture centrale.
Ce fut le prototype de la yourte, toujours utilisée par
tous les nomades de l'Asie centrale.
Un griffon en or et argent, provenant d'un kourgane du
Kazakhstan, ive siècle av. J.-C. Derzsi Elekes Andor
Pour l'origine des
Scythes, l'école russe privilégie la culture d'Andronovo, adoptant quelques
changements importants.
Le plus marquant est l'abandon de l'agriculture au profit
du nomadisme pastoral au cours ou avant le VIIIe siècle av. J.-C.
Le cerf d'or, Musée national hongrois. Cette parure en
or, forgée vers le vie siècle av. J.-C., ornait le bouclier d'un prince scythe
de Hongrie.- Yelkrokoyade
Les hommes d'Andronovo étaient de type europoïde et de
langue probablement iranienne et à l'origine de toutes les langues et cultures
iraniennes qui suivront (Mèdes, Perses et Scythes), ils descendaient eux-mêmes
théoriquement et indirectement de la culture de Yamna des rives nord de la mer
Noire dans le cadre de l'expansion des peuples indo-européens.
Reconstitution de la tunique d'or d'un chef scythe à
partir d'artefacts du kourgane d'Issyk, Kazakhstan. Derzsi Elekes Andor
En 2015, une vaste étude fondée sur l'ADN autosomal des
anciennes populations eurasiennes a montré que la culture d'Andronovo et celle
des Scythes sont essentiellement descendantes de la culture de Sintashta qui
provient elle-même essentiellement de la culture de la céramique cordée en
Europe du centre-nord (et non directement de Yamna), dans le cadre d'une
seconde vague de migrations indo-européennes durant l'âge du bronze depuis
l'Europe vers l'Asie qui est hypothétiquement à l'origine du rameau des langues
indo-iraniennes.
Peigne gréco-scythe en or. Kourgane de Soloha. (près
Nikopol Ukraine). ive siècle av. J.-C. Musée de l'Ermitage.
Il y avait durant
l'âge du bronze un continuum génétique et ethnoculturel depuis l'Europe
centrale jusqu'à l'Altaï.
Il y a un stade intermédiaire entre la culture
d'Andronovo et celle des Scythes : la culture de Karassouk.
Collier-pectoral en or du Kourgane royal
d'Ordjonikidzé (Ukraine). Art gréco-scythe, seconde moitié du ive siècle av.
J.-C. Musée des trésors historiques de l'Ukraine, Kiev. Terminator
Elle est datée du XIIIe au VIIIe siècle av. J.-C. et
s'étendait sur la Sibérie méridionale, à l'ouest de l'Ienisseï, et sur une
large partie du Kazakhstan et de la Mongolie.
C'est dans le
cadre de cette culture, durant sa phase finale, que les mutations se sont
produites : le passage au nomadisme, mais aussi l'introduction de la
métallurgie du fer.
Les selles de chevaux, ainsi qu'un harnachement
permettant le développement de la cavalerie montée, font leur apparition.
Les hommes de Karassouk ont surtout laissé des tombes.
Vase en or gréco-scythe du kourgane de Kul-Oba,
Ukraine, représentant des guerriers scythes. Joanbanjo
Leurs techniques de construction des sépultures et leur
poterie étaient issues de celles d'Andronovo, ainsi que certains de leurs
bijoux, comme leurs pendentifs tubulaires ou en forme de palme.
Ensemble de pierres à cerf près de Mörön, dans la
province mongole de Hövsgöl. Aloxe
Les kourganes
Les tombeaux des Scythes sont des tumulus, encore appelés
kourganes par les archéologues de l'école russe, ils peuvent atteindre une
taille monumentale.
La tombe proprement dite est constituée d'une ou
plusieurs chambres funéraires enterrées construites en bois ou en pierre, dans
laquelle sont parfois accumulées de nombreuses richesses que le défunt doit
emporter dans l’au-delà.
Stèles anthropomorphes scythes en Ukraine - Boris
Rybakov
Ce type de tombe est aussi le fruit d'un important culte
des ancêtres dont le souvenir est ainsi pérennisé pour les générations suivantes
dans le paysage des grandes prairies, ainsi de nos jours les steppes d'Europe
et d'Asie sont encore marquées par ces nombreuses collines artificielles
parfois organisées en vastes groupes ou en lignes de plusieurs kilomètres.
Le nationalisme romantique : Bataille entre Scythes et
Slaves (Viktor Vasnetsov, 1881). Viktor Vasnetsov
Ce type d’inhumation était caractéristique des
différentes populations indo-européennes semi-nomades des steppes d'Eurasie qui
se sont succédé depuis la culture de Yamna.
Les différences de taille reflètent des différences de
statut social : les plus grands tumulus sont ceux des rois.
Le kourgane d'Arzhan, par exemple, dans la Touva en
Sibérie méridionale, daté du VIIIe siècle av. J.-C. c'est-à-dire des débuts de
la culture scythe proprement dit, est constitué d'un remblai en pierres de 120
m de diamètre et de 3 à 4 m de haut qui recouvre une structure constituée de 70
cages en rondins rayonnant autour d'un double noyau central.
On y a retrouvé
les restes de 300 chevaux qui devaient provenir d'un festin funéraire.
L'archéologue M. P. Griaznov a estimé que 1 500 hommes
ont dû travailler durant une semaine pour édifier cette structure.
Un homme et une femme vêtus de fourrures richement ornées
sont enterrés au centre, dans des sarcophages.
Ils sont accompagnés par quinze hommes et par 160 chevaux
entièrement harnachés.
On y a retrouvé
des tapis, les plus anciens du monde, rehaussés d'or et d'argent, ainsi que des
armes et des sculptures, et des milliers d'objets en or finement ouvragés.
Ils fournissent des exemples de l'art animalier
caractéristique des Scythes.
De grands kourganes, de 100 à 200 m de diamètre et d'une
hauteur atteignant les 17 m, parsèment également l'Altaï, ainsi que, plus à
l'ouest, le Kazakhstan.
Les kourganes de Pazyryk, en Sibérie méridionale, à
environ 500 km au sud-ouest du site d'Arjan, sont d'un intérêt exceptionnel.
Ils sont datés du
vie au IVe siècle av. J.-C..
Les plafonds de leurs chambres funéraires s'étant
effondrés, elles se sont remplies d'une eau qui a ensuite gelé, permettant une
excellente préservation de leur contenu.
On y a trouvé des objets en cuir et en bois, des tentures
de feutre, des tapis et des coussins rembourrés de poils d'animaux ou d'herbe,
qui contribuaient au confort des nomades.
Ils dormaient, semble-t-il, sur des tapis, la tête posée
sur un oreiller en bois recouvert de cuir.
Ils possédaient des tables basses ou des plateaux.
L'une de ces tables avait des pieds démontables.
Le seul animal fantastique connu des gens de Pazyryk
était le griffon.
On le retrouve chez les Scythes d'Europe, ainsi que chez
les Perses.
L'archéologie
révèle certaines différences entre Scythes d'Europe et d'Asie.
Ainsi, les
premiers avaient un bestiaire fantastique beaucoup plus développé que les
seconds.
Les chaudrons avaient un pied en Europe et trois en Asie.
Les Scythes avaient de lourds plateaux surélevés en
bronze qui servaient peut-être d'autels portatifs.
Aspect physique
Les Scythes sont
généralement décrits comme étant d'aspect europoïde par les auteurs anciens et
les anthropologues.
L'historien grec Hérodote du Ve siècle av. J.-C., qui a
lui-même séjourné chez les Scythes, les décrit comme roux avec des yeux gris.
Au IIIe siècle av. J.-C., le poète grec Callimaque décrit
les Arimaspes de Scythie comme blonds.
Au IIe siècle av. J.-C., Zhang Qian, un envoyé et
explorateur chinois de la dynastie des Han, décrit les Sai (Scythes) comme
étant blonds avec les yeux bleus.
Dans l'Histoire Naturelle, du Ier siècle, l'auteur romain
Pline l'Ancien caractérise les Serres, identifié comme Iraniens (Scythes) ou
Tokhariens, aux cheveux roux et aux yeux bleus.
À la fin du IIe siècle, le théologien chrétien Clément
d'Alexandrie écrit que les Scythes sont blonds.
Toujours au IIe siècle le philosophe grec Polemon
comprend les Scythes parmi les peuples nordiques caractérisés par les cheveux
blonds ou roux et les yeux bleu-gris.
À la fin du IIe siècle ou début du IIIe siècle de notre
ère, le médecin grec Galien déclare que les Sarmates, les Scythes et les autres
peuples du Nord ont les cheveux roux.
L'historien romain du IVe siècle Ammien Marcellin a écrit
que les Alains, un peuple étroitement lié aux Scythes, étaient grands, blonds et
aux yeux clairs.
Au IVe siècle l'évêque Grégoire de Nysse écrit que les
Scythes avaient le teint clair et les cheveux blonds.
Au Ve siècle le médecin Adamantios, qui suit Polémon,
écrit que les Scythes sont blonds.
Cependant il est possible que les descriptions physiques
tardives de Adamantios et de Grégoire de Nysse se réfèrent à des tribus
germaniques orientales présentes dans les mêmes zones, celles-ci ont souvent
été confondues avec les Scythes dans les sources romaines les plus tardives,
car ces populations se ressemblaient.
Une étude génétique a montré en 2008 que les populations
du sud de la Sibérie, de l'âge du bronze (culture d'Andronovo et de Karassouk,
qui sont ancêtres des Scythes), et de l'âge du fer (cultures scythes proprement
dit), avaient très majoritairement un phénotype européen du nord avec une peau
claire, et en majorité des yeux et cheveux clairs, ces populations sont
également porteuses de l'haplogroupe Y R1a1 originaire d'Europe du nord et de
l'est.
La culture scythe de Pazyryk localisée dans l'Altaï, qui
se différencie culturellement des autres cultures scythes et en représente une
des branches les plus orientales, est la seule qui est mélangée en proportion
significative, bien que minoritaire, avec le type mongoloïde.
Histoire des
Scythes
En Europe
Selon Hérodote, les Scythes habitaient originellement de
l'autre côté de l'Araxe. Ce fleuve serait la Volga.
Ils délogent les Cimmériens, peuple proto-scythe qui a
laissé son nom à la Crimée, du nord de la mer Noire, les forçant à se diriger
vers l'Anatolie et les Balkans.
Les ayant poursuivis, les Scythes atteignent l'Assyrie,
où ils s'allient au roi Assurbanipal contre les Mèdes (-669 à -626).
Les textes assyriens donnent les noms de deux chefs
scythes : Iskpakāy et Partatûa.
Changeant ensuite d'alliance, les Scythes contribuent à
la chute des Assyriens, puis ils dominent et pillent la Mésopotamie et la Judée
pendant 28 ans, laissant des traces archéologiques de leur présence tel le
trésor mannéen de Ziwiyé.
Ils envahissent également une partie de l’Égypte, où leur
départ est acheté par le pharaon Psammétique Ier venu à leur rencontre.
Puis ils retournent dans les steppes de la mer Noire.
L'archéologie montre que les Scythes étaient établis en
Ukraine au début du VIIe siècle av. J.-C.
Les Scythes pénètrent également à plusieurs reprises en
Europe centrale, où de nombreuses traces archéologiques de leur présence sont
attestées, notamment en Transylvanie et la plaine hongroise.
Les habitats fortifiés de la culture proto-celte de
Hallstatt en Slovaquie sont attaqués par les Scythes dans la seconde moitié du VIIe
siècle av. J.-C.
Leur présence est également attestée en Pologne et en
Tchéquie (kourganes avec trésors scythes).
Ils sont suspectés d'être à l'origine de la chute de la
culture de la Lusace.
À cette époque, les Grecs fondent des colonies au nord de
la mer Noire, comme la cité d'Olbia du Pont où séjourne Hérodote.
Cette présence grecque au Nord de la Mer Noire met les
Grecs en contact direct avec les Scythes.
Leurs relations commerciales, culturelles et artistiques
ont été très intenses, une véritable culture gréco-scythe riche en productions
a fleuri sur le territoire de l'actuelle Ukraine et de la Crimée, en dépit des
inévitables conflits entre les Grecs sédentaires et les Scythes nomades.
Le terme « Scythe » désigne parfois au sens strict
seulement ces Scythes de la mer Noire qui forment alors un sous-groupe distinct
parmi les peuples scythiques, mais les Grecs utilisent le terme également pour
nommer tout l'ensemble des populations scythiques d'Asie.
Souvent, les deux populations n'entretiennent pas de
relations continues, mais se rencontrent au gré de la remontée des fleuves par
les marchands grecs.
L'armée perse compte de nombreux Scythes d'Asie centrale
(Saces), durant les guerres médiques contre les Grecs, où ils se distinguent
aux batailles de Marathon et de Platées.
Au IVe siècle av. J.-C., un roi scythe, Ateas, rassemble
sous son autorité de vastes territoires scythes d'Europe entre le Danube et la
mer d'Azov, et effectue une tentative d'expansion vers l'ouest, peut-être liée
à une pression exercée à l'est par les Sarmates, autre peuple scythe du
Kazakhstan occidental.
En 339 av. J.-C., à l'âge de 90 ans, il est tué par les
Macédoniens, sous Philippe II de Macédoine, lors d'une bataille sur le Danube.
Au IIIe siècle av. J.-C., les Sarmates, un peuple
scythique donc, repoussent les Scythes de la mer Noire en Crimée et les
remplacent dans la majeure partie des steppes européennes.
Sédentarisés et hellénisés, les anciens Scythes de la mer
Noire constituent sous l'autorité du roi Scilurus un royaume réduit entre le
bas Dniepr et le nord de la Crimée.
La cité grecque d'Olbia du Pont, l'un des plus importants
ports d'échange de la Scythie vers la Méditerranée, est intégrée comme vassale
de ce royaume mixte gréco-scythe dont la capitale était Neapolis.
Les Scythes de la mer Noire ont constitué une ethnie
distincte jusqu'au IIIe siècle de l'ère chrétienne.
D'autres peuples scythiques plus tardifs, et notamment
dérivés des Sarmates, ont joué un rôle dans l'histoire européenne durant
l'Antiquité tardive et jusqu'aux grandes invasions, comme les Iazyges, les
Taïfales, les Roxolans et enfin les Alains.
Les Scythes et la
Perse achéménide
Les Scythes, appelés « Sakas » par les Perses, francisé
en « Saces », ont des liens de parenté culturels avec les anciens Perses, car
ils partagent probablement, au moins partiellement, des origines
ethno-culturelles et linguistiques communes en Eurasie centrale, ces deux
populations parlent notamment des langues iraniennes encore assez proches.
De plus les peuples nomades Scythes sont les voisins de
la Perse Achéménide au nord.
Mais alors que la Perse est un grand empire agricole et
sédentaire très puissant et centralisé, les Scythes sont des peuples de
cavaliers pastoraux nomades farouchementS indépendants et politiquement
éclatés. De ce fait les relations entre les deux blocs sont intenses et complexes,
faites de nombreux conflits de pouvoir, d'invasions réciproques, et d’alliances
militaires.
Hérodote relate de manière très prolixe une très
importante campagne militaire Perse en Scythie d'Europe, en mer Noire, menée
par Darius Ier vers 513 av. J.-C.
Les motivations de Darius sont mal connues et on ne sait
s'il voulait seulement châtier les Scythes à la suite d'une éventuelle invasion
de ces derniers en Perse en soutien aux Saces d'Asie centrale, ou s'il avait
pour projet d'intégrer toute la Scythie à un vaste empire pan-iranien qui
rassemblerait tous les peuples de culture iranienne sous son autorité, comme
cela a été supposé par plusieurs auteurs.
Mais une autre hypothèse est que cela s’inscrit dans le
cadre d'une stratégie plus globale de conquête de l'Europe, Darius ayant
préalablement soumis une partie de la Thrace en alliance avec les Ioniens au
sud du Danube.
Selon Hérodote, Darius mena la plus grande armée jamais
vue (plus de 700 000 hommes, ce qui est probablement exagéré) arrivée dans une
immense flotte que les Grecs virent passer stupéfaits, pour envahir la Scythie.
Les Scythes ont tenu un grand conseil entre les rois des
peuples scythes et des peuples voisins.
Ils ont obtenu l'alliance des Gélons, des Boudines et des
Sauromates (ancêtres des Sarmates), mais beaucoup d'autres ont décidé de ne
défendre que leur propre territoire.
Les Scythes alliés se divisèrent en trois groupes
commandés par trois rois :
- Idanthyrsos (neveu du philosophe Anacharsis),
- Skôpasis et
- Taxakis.
Ils firent évacuer les non combattants (femmes et
enfants) en zone protégée vers le nord dans une immense cohorte de chariots,
puis ils attirèrent Darius et son armée pour les perdre dans des territoires
inconnus d'eux, en particulier dans les lieux les plus arides.
Les Perses s’épuisèrent dans un périple extravagant à
travers la Scythie d'Europe et le pays des Sauromates à l'est du Don.
Une fois les Perses revenus à l'ouest du Don, un célèbre
dialogue eu lieu, Darius réclama selon la coutume iranienne « la terre et l'eau
» en signe de soumission des Scythes.
Idanthyrsos répliqua « je te ferai pleurer pour avoir osé
t'intituler mon maître ! ».
Les Scythes en sous-nombre se mirent à harceler jours et
nuit l'armée perse (qui est très majoritairement faite de fantassins) par des
raids de cavalerie et à couper le plus possible leurs ravitaillements.
Ils ont essayé de convaincre les Ioniens de trahir leurs
alliés Perses en coupant la retraite de ces derniers sur le Danube faite de
ponts de bateaux reliés, ce qui échoua.
Au lieu de « la terre et l'eau » réclamées par Darius les
Scythes envoyèrent un oiseau, un rat, une grenouille et cinq flèches,
invitation à s’enfuir et signe d'un sort funeste.
Enfin les Scythes ont fait semblant d'accepter une
bataille rangée, normalement suicidaire pour eux.
Mais quand les deux camps se trouvèrent face à face, les
Scythes se sont mis à la chasse au lièvre à cheval dans la steppe devant les
Perses.
Darius impuissant et dégoûté avec son immense armée de
fantassins assoiffés ordonna la retraite.
Les Perses purent retraverser le Danube sur les ponts
gardés par les Ioniens.
Cette campagne qui dura 60 jours est fort probablement
exagérée sur de nombreux points par la légende dans le récit d'Hérodote,
Strabon en fait un récit plus modéré.
Toujours est-il qu'à la suite de ces événements les
Scythes ont gagné durablement une réputation d'invincibilité auprès des Grecs.
Pour se venger des Perses, toujours selon Hérodote, les
Scythes d'Europe se seraient alliés à Sparte.
Le roi de Sparte
Cléomène serait même devenu fou à force de boire « à la scythe » (vin non coupé
d'eau) lors des nombreuses rencontres diplomatiques festives avec les rois
Scythes.
Mais cette alliance fut semble-t-il sans suite militaire
effective.
Les Scythes prirent cependant aux dépens des Perses la «
Chérsonèse de Thrace » au sud du Danube selon Hérodote.
Le scythe Arsace
Ier fonde l'Empire parthe
Arsace Ier est le chef des Parni, une tribu scythe de la
confédération des Dahéens qui vivait approximativement entre la mer Caspienne
et la mer d'Aral, quand cette tribu fait la conquête de la province perse de
Parthie qui était alors en rébellion contre l'empire gréco-perse des
Séleucides.
Il y fonde la
dynastie des Arsacides.
Un de ses successeurs, Mithridate Ier, fait la conquête
d'une grande partie de l'empire des Séleucides au iie siècle av. J.-C. et fonde
ainsi le puissant Empire parthe qui prend la place de l'ancien empire Perse.
Sous les Arsacides l'utilisation plus généralisée des
techniques militaires propres aux Scythes, tel que l'importance première
accordée à la cavalerie lourde aristocratique, les cataphractaires, les archers
montés et le célèbre tir parthe, feront la puissance de cet empire et sa
résistance face aux Romains.
En Asie centrale
et orientale
L'histoire des Scythes d'Asie centrale et orientale est
beaucoup plus mal connue, de même leur extension maximale vers l'est et le nord
fait débat.
Les Scythes commerçaient sans doute directement avec les
Chinois, ou par l’intermédiaire des Tokhariens, un autre peuple indo-européen
établi plus à l'est encore.
Mais il est certain qu'ils ont joué un rôle important
dans l'établissement du commerce transcontinental, notamment la Route de la
Soie qui se développa surtout à l'époque où les Scythes régnaient sur la plus
grande partie de l'Asie centrale, et qui sera un atout majeur de l'Empire
parthe.
Un peuple scythe a fondé au IIe siècle av. J.-C. le
royaume de Khotan, au sud-ouest du bassin du Tarim, passage obligé de la Route
de la Soie où étaient établis également les Tokhariens.
Il a laissé de nombreux documents écrits bouddhiques, les
seuls qui permettent de bien connaître une langue scythe.
Ces documents ne remontent pas plus loin que le VIIe
siècle de l'ère chrétienne, mais le vocabulaire des Tokhariens, leurs voisins
indo-européens orientaux, comprend des mots qui ont dû être empruntés aux
Khotanais depuis le début de l'ère chrétienne.
En vérité, tout l'ouest du bassin du Tarim était scythe,
en particulier l'oasis de Kashgar.
L'archéologie indique que les Scythes étaient présents
dans cette région depuis le début du Ier millénaire av. J.-C.
Ces Scythes étaient appelés Sakaraukai par les Grecs et
Sai-wang par les Chinois. Il y a une étonnante correspondance, puisque wang
signifie « roi » et que raukai s'interprète par le khotanais rūkya-, prononcé
*raukya- à un stade antérieur, qui signifie « commandant, chef ».
Le terme Sai, prononcé *Sek durant l'Antiquité, est la
désignation chinoise des Scythes.
Ainsi, ces gens étaient les « Saces-Rois ».
Ils évoquent les « Scythes royaux » dont parle Hérodote.
L'art et la culture scythe semble avoir eu une influence,
directe ou indirecte, sur les cultures d’Extrême Orient.
Un autre peuple scythe de l'actuel Ouzbékistan, les
Sogdiens, fondent plusieurs cités dont Samarcande, toujours sur la Route de la
Soie, vers le IVe siècle av. J.-C. et se sédentarisent.
Ils connurent un apogée culturel et commercial très
important à la fin de l'Antiquité et le début du Moyen Âge, en dominant le
commerce d'Asie centrale et sur la Route de la Soie.
Ils ont exercé une importante influence culturelle dans
la Chine des Tang.
Au IIe siècle av. J.-C., des Yuezhi, un peuple tokharien
originaire de la province actuellement chinoise du Gansu, sont contraints
d'émigrer vers l'ouest chassés par les Xiongnu de Mongolie.
Les Yuezhi poussent devant eux des tribus scythes, qui
arrivent en Bactriane, au nord de l'Afghanistan.
Les Yuezhi les y ayant rejoints, ces scythes doivent se
déplacer plus au sud, au Cachemire puis au sud de l'Afghanistan, où ils
donneront leur nom à la province du Séistan ou Sistan : ce nom était autrefois
prononcé Sakastan « Pays des Sakas ».
De là, ils se dirigent vers la plaine de l'Indus et y
fondent des royaumes.
Les Indo-Scythes
Les Scythes descendus depuis l'Asie centrale, poussés par
les Yuezhi, fondent donc un royaume au Sakastan au IIe siècle av. J.-C..
Puis, au Ier siècle av. J.-C., le roi scythe Mauès (en)
(-120 ? - -85 ?), agrandit leur royaume dans une grande partie du Nord de
l'Inde : sur la totalité du bassin de l'Indus et l'Ouest de la plaine du Gange,
en remplaçant en grande partie les Indo-Grecs qui y étaient précédemment
établis dans les suites indirectes des conquêtes d'Alexandre le Grand.
Les rois
indo-scythes conservent en grande partie leur culture scythe avec des apports
helléniques (gréco-bactriens et indo-grecs).
Ils ont laissé du vocabulaire qui s'interprète
principalement grâce au khotanais. Par exemple, le terme maja « ravissant »
correspond au khotanais māja « ravissant ».
Le nom de Maues s'explique sans doute par le khotanais
mauya ou muyi, qui signifie « tigre ».
Les Indo-Scythes durent le temps d'une dynastie, et sont
ensuite supplantés par les Indo-Parthes ainsi que les Kouchans, une tribu des
Tokhariens Yuezhi qui y fondent un empire.
Les Scythes émigrent alors vers le Gujarât et le Mâlwâ.
Ces Scythes d'Inde, indianisés et hellénisés, subsistent
en principautés jusqu'au IVe siècle apr. J.-C. : principalement les Satrapes
occidentaux, mais aussi dans la plaine du Gange.
Une dynastie installée à Ujjain règne sur une partie du
Râjasthân jusque dans les années 380.
On doit à l'un de ses plus célèbres rois, Rudradâman,
mort en 150, la plus ancienne inscription dans la forme classique du sanskrit,
trouvée à Gimar.
Les dernières principautés scythes d'Inde sont détruites
par la dynastie Gupta sous Chandragupta II (376-415).
La culture scythe
Mode de vie
Les Scythes étaient surtout des éleveurs nomades, mais
aussi semi-nomades ou des agriculteurs sédentaires, selon les conditions
locales et les opportunités.
Nomadisme
Le nomadisme scythe était « territorial », il n'a pas de
rapport avec un nomadisme errant ou sous-développé, mais était le fruit d'un
long développement de techniques complexes et très rodées, après avoir
longtemps expérimenté l'agriculture et l'élevage sédentaire qui a peu à peu
évolué vers le nomadisme.
Les tribus scythes connaissaient, possédaient et
défendaient chacune leur propre territoire qu'elles parcouraient.
Le nomadisme a pris son essor notamment grâce au
développement de la cavalerie montée, qui a permis de mieux tirer parti de
toutes les ressources du territoire très particulier qu'est la steppe, cet
océan d'herbe qui demandait à être conquis par des techniques novatrices,
aboutissant ainsi à une véritable civilisation du cheval et de la steppe très
sophistiquée.
Le nomadisme errant n'a existé que lorsqu'une tribu
perdait le territoire de ses ancêtres et devait alors en rechercher un autre.
Dans les grandes steppes et prairies eurasiatiques, le
nomadisme consistait en une transhumance des troupeaux afin de suivre les zones
de pâturage abondant en fonction des saisons, selon un cycle régulier.
Les distances parcourues surtout nord-sud pouvaient être
de 400 à 1 500 km.
Ainsi les prairies et steppes boisées plus
septentrionales au climat plus frais et humide étaient pâturées en été
lorsqu'elles n'étaient pas couvertes de neige, tandis que les steppes plus
maigres et surtout les vallées alluviales marécageuses des régions plus
méridionales au climat plus aride étaient pâturées en hiver et au printemps.
Dans les régions plus montagneuses les déplacements, plus
courts, se faisaient entre pâturages d'été en altitude et pâturages d'hiver
dans la plaine.
La topographie et les climats locaux étant très variés en
Asie centrale, différents types de transhumance existaient.
Dans le même temps, grâce à une métallurgie très
sophistiquée, les Scythes ont pu développer des techniques d'attelage et de
harnachement des chevaux de plus en plus élaborées et devenant un des supports
les plus importants de l'art scythe.
Le bétail était varié, il était essentiellement constitué
de bovins ou de moutons suivant les zones, mais l'animal le plus précieux était
le cheval (qui était à la fois objet de légendes, monture du cavalier, animal
de trait indispensable au nomadisme, fournisseur de lait de jument ainsi qu'un
animal de guerre).
Le lait et surtout ses produits dérivés était l'aliment
de base des nomades, plus encore que la viande dont la productivité était
moindre en comparaison mais celle-ci était aussi un des aliments les plus
importants.
Le lait de jument fermenté était le plus apprécié et
était bu dans des rhytons en corne de vache décorée pour les plus modestes, en
bronze, ou en or massif ornée d'une tête d'animal (mouflon, félin, bouquetin)
pour les nobles.
De plus le territoire parcouru par les Scythes étant
riche en cours d'eau, marais, lacs et mers intérieures poissonneuses, le
poisson était donc aussi une ressource non négligeable.
De nombreux animaux étaient également chassés (une grande
faune sauvage existait encore à cette époque dans les steppes) mais cela
constituait plus une activité de prestige qu'une ressource importante comparé à
l'élevage.
A cela s'ajoutaient les produits végétaux et les céréales
localement cultivés et échangés.
Selon Hérodote, les Scythes d'Europe étaient également de
grands buveurs de vin, qu'ils buvaient « à la scythe » c'est-à-dire pur et non
coupé d'eau contrairement aux Grecs.
Les nomades vivaient principalement dans de grands
chariots à quatre roues à rayons, couverts d'une tonnelle en feutre.
Ils étaient souvent tirés par des bœufs, plus endurants
que les chevaux à l'époque pour le trait.
D’après les sources grecques, lors des déplacements les
femmes et les enfants conduisaient les chariots tandis que les hommes étaient à
cheval pour conduire les troupeaux et mener la garde.
Les chariots des personnes de haut rang pouvaient être
richement meublés à l'intérieur et confortablement aménagés à l'aide de tapis
peut-être importés de Perse (les plus anciens connus proviennent des kourganes
scythes), des étoffes de feutre aux couleurs vives, et du mobilier à base de
bois, d'os, de métaux, de dorures, de fourrure et de cuir travaillé et décoré.
Les kourganes gelés de l'Altaï ont permis d'avoir un rare
aperçu sur le confort et le luxe que pouvait atteindre ce type d'habitat.
Les nobles et les rois pouvaient posséder plusieurs
dizaines de chariots conduits par des serviteurs, constituant des sortes de
palais roulants, et de nombreux chevaux aux harnachements riches et pompeux.
Il était fréquent que la tête des chevaux soit surmontée
de longues cornes de bouquetin ou de bois de cerf ou d'élan, leur donnant
l'aspect d'animaux fantastiques.
Toutes ces richesses étaient enterrées dans les kourganes
avec leurs propriétaires défunts pour être emportées dans l'au-delà.
Des tentes (ancêtres des yourtes) aménagées en camps
temporaires sont aussi mentionnées mais le peu de vestiges ne permet pas d'en
comprendre l'aspect exact.
Agriculture,
sédentarité, urbanisation
Le nomadisme généralisé concernait surtout la steppe
herbeuse et les régions montagneuses d'Asie centrale, mais il existait aussi
divers modes de vie mixtes, semi-nomades ou semi-sédentaires agricoles dans
laquelle seule une partie de la population se déplaçait pour la transhumance.
Dans la zone plus favorable de la steppe boisée
européenne, des franges plus septentrionales, une agriculture était pratiquée
par des groupes sédentarisés dans de nombreux villages bien organisés,
cultivant blé, orge, millet, lentilles, pois, oignons et ail sur les riches
terres noires.
De nombreux fruitiers étaient également plantés
(pruniers, pommiers, cerisiers).
Des animaux plus sédentaires y étaient élevés comme les
porcs et les volailles (oies, canards, poules).
Les bovins y étaient plus prépondérants que les chevaux,
signe de sédentarité.
On y a retrouvé des faucilles, des meules de pierre, des
silos, des grands fours complexes de séchage de grain et de fruits, qui
caractérisent une économie agricole sédentaire.
Une partie de la production de ces régions, notamment des
céréales, était exportée par les fleuves vers les Scythes nomades de la steppe
herbeuse (qui probablement dominaient les tribus sédentaires), mais aussi vers
les cités grecques de la mer Noire puis exportée en Méditerranée, en échange de
vin et de céramiques grecs importés en grande quantité en Scythie.
Ce commerce a fait la richesse des cités grecques de la
mer Noire et des Scythes nomades d'Ukraine.
Une agriculture sédentaire scythe était également
développée en Crimée avec des apports grecs.
Sous l'influence de la civilisation hellénique, mais
aussi sous l'influence de cultures sédentaires plus anciennes, les Scythes
d'Europe ont été assez prompts à se sédentariser partiellement, y compris dans
certaines zones de la steppe herbeuse.
Des établissements urbains importants se développèrent
alors dès le VIIe siècle av. J.-C. et se multiplièrent au IVe siècle et IIIe
siècle av. J.-C.
Ils sont fréquemment associés à des exploitations
minières et à l'activité métallurgique.
D'autres fois ils semblent être des « capitales » de
tribus scythes (à l'image des oppidums gaulois).
Ces villes sont fortifiées et généralement construites en
des lieux stratégiques, notamment aux confluences des grands cours d'eau.
Elles comportent généralement une « acropole » légèrement
surélevée et fortifiée.
La ville la plus importante connue dans la steppe boisée
est de loin Bil's'ké Horodychtché près de Kiev au bord du Dniepr, construite
aux VIIe siècle et VIe siècle av. J.-C.
Elle couvrait 4 000 hectares, avec une enceinte en bois
(soutenant un terre plein en terre) de 33 kilomètres de long qui devait
atteindre 9 mètres de haut et doublée de fossés de 5 mètres de profondeur.
Elle était entourée de trois forts importants.
La population urbaine permanente y est estimée à 40 000
ou 50 000 habitants. Hérodote parle aussi d'une mystérieuse grande ville
appelée Gélônos chez les Boudines dans une région de forêts et de marais au Nord
des Sauromates au bord d'un grand et profond lac.
On y chassait la loutre et le castor.
Non localisée par les historiographes (parmi les
nombreuses villes connues archéologiquement), elle est décrite fortifiée et
construite entièrement en bois, les maisons comme les temples, mais avec des
formes grecques, la population y vivait à la grecque, s’habillait comme des
grecs et rendait un culte à Dionysos.
La ville aurait été fondée par les Gelons
(semi-légendaires) qui sont d'origine grecque et qui se sont mélangés aux
Boudines, leur langue était composé de scythe et de grec, et selon Hérodote ce
serait une population d'agriculteurs.
Artisanat
La métallurgie était très développée chez les nomades
scythes qui travaillaient tous les métaux connus de l’époque et exploitaient
des gisements, pour la fabrication d'armes, d'objets usuels comme les attelages
et harnachements, mais aussi d'objets d'art. L'artisanat pouvait être pratiqué
dans des camps saisonniers.
Les nomades travaillaient aussi tous les produits dérivés
de leurs cheptels : cuir, laine, os, corne, à des fins autant utilitaires
(tentes, courroies, vêtements, outillage...) que décoratives et pour le
commerce, ils excellaient notamment dans le travail du cuir et de la fourrure.
La céramique scythe quant à elle est assez grossière et a
beaucoup régressé, comparée aux cultures proto-scythes plus anciennes, et les
Scythes d'Europe préféraient importer de la céramique grecque trouvée en
quantité dans certaines tombes.
L'ébénisterie semble avoir été développée chez les
Scythes et des meubles démontables en bois sophistiqués à motifs animaliers
sculptés typiquement scythes furent découverts dans les kourganes gelés de
l'Altaï, souvent incrustés d'or.
Commerce
Le commerce est un élément très important des cultures
scythes qui commerçaient avec tous les peuples qui les entouraient et entre
eux.
Les Grecs furent les principaux partenaires commerciaux
en Scythie européenne, en Asie centrale ce furent les Perses et les Chinois,
notamment avec le développement de la Route de la Soie.
Une grande culture
guerrière
Selon Hérodote, les Scythes étaient des guerriers qui
espéraient être tués au combat.
Mourir de vieillesse était pour eux une honte, ce qui
explique qu'un roi comme Atéas ait guerroyé jusqu'à 90 ans et soit mort au
combat contre les Macédoniens.
Ce comportement se confirme encore chez les Sarmates et
les Alains.
En tant qu'éleveurs nomades dans les grandes steppes
eurasiennes, les Scythes étaient les grands maîtres de la cavalerie dans
l'Antiquité.
On attribue aux Scythes les principaux développements de
la cavalerie montée. Développant dans un premier temps la cavalerie légère, les
Scythes sélectionneront ensuite des races de chevaux plus fortes, qui leur
permettront de développer la cavalerie lourde aristocratique et les premiers
cataphractaires entièrement en armure.
Déjà engagés par les Achéménides ils constituent plus
tard la force de l'Empire parthe.
Dans le même temps, les Scythes exploitent leur mode de
vie nomade pour utiliser massivement le char de combat, face auquel les
civilisations sédentaires sont démunies.
Au gré des alliances opportunistes les cavaliers scythes
servirent de mercenaires dans les armées des empires pour lesquels ils
constituaient un atout majeur.
Ils s'engagèrent en particulier auprès des Assyriens et
des Perses achéménides, et plus sporadiquement auprès des cités grecques.
Ainsi au Ve siècle av. J.-C., Athènes utilisa une police
mercenaire d'archers scythes.
Par la suite, ils formèrent des contingents de
mercenaires au service des Séleucides, puis des Romains (Sarmates, Alains) et
peut être aussi les Chinois.
L'arme principale des Scythes était l'arc et les archers
montés à cheval étaient la grande spécialité scythe.
Les Scythes, ou du moins leurs ancêtres directs
(Sintashta, Andronovo) sont les inventeurs de l'arc composite, c'est-à-dire
formé de plusieurs matériaux différents, ce qui lui donnait une souplesse et
une résistance supérieures à celles des arcs simples en bois, privilégiant une
grande puissance de tir.
L'arc scythe avait un profil très reconnaissable, il
était d'une taille modérée, à double courbure prononcée et des extrémités
recourbées. Ils utilisaient également la lance et l'épée, les épées étaient de
deux types, une longue et surtout une courte du type akinakès (akināka- en
sogdien).
La religion scythe
Les Scythes sont d'origine indo-européenne, leur religion
complexe et polythéiste entretient donc de nombreuses similitudes avec les
religions grecque, thrace, celte, germanique, iranienne (perse) et hindoue.
Les récents travaux montrent que les Scythes baignaient
dans une atmosphère religieuse.
Pourtant, ils n'avaient pas de classe de prêtres,
contrairement à leurs cousins indo-européens.
Hérodote (IV, 67) mentionne des devins qui manipulaient
des faisceaux de baguettes de saule et d'autres, les Enarées « hommes-femmes »
(d'un composé iranien *a-narya « non-mâle »), qui se servaient de morceaux
d'écorce de tilleul. Ces personnages n'avaient rien de sacré.
Quand un roi tombait malade, ils pensaient généralement
que quelqu'un avait juré un faux serment sur le feu royal.
Ce que les Scythes avaient de plus sacré était sûrement
leurs sépultures : symbolisant la pérennité des ancêtres dans le paysage, ils
les construisaient aussi loin que possible de leurs ennemis et étaient prêts à
mourir pour les défendre.
Les dieux scythes
Hérodote donne une liste de divinités scythes avec leurs
équivalents grecs.
Pour certaines d'entre elles, il précise leur nom scythe,
mais prononcé à la manière grecque :
- Tabiti, déesse équivalente à Hestia, la déesse grecque
du feu et du foyer ;
- Papaios, dieu équivalent à Zeus ;
- Apia, la Terre, épouse de Papaios ;
- Thagimasadas, dieu équivalent à Poséidon ;
- Oitosuros, dieu équivalent à Apollon ;
- Argimpasa, déesse considérée comme « Aphrodite céleste
» ;
- un dieu équivalent à Héraclès et un dieu équivalent à
Arès, le dieu de la guerre des Grecs.
L'Héraclès scythique devait être très proche de son
homologue grec, puisque les Grecs de la mer Noire ont mélangé leurs mythes :
ils lui ont attribué le dixième travail de leur propre héros, celui où il vole
les bœufs de Géryon (lesquels se transforment en juments dans la suite de leur
récit).
L'identification de ces dieux est problématique, mais ce
travail a bénéficié de l'avancée des études indo-européennes.
Les Indo-européens mettaient le dieu du feu en tête de
leur panthéon, ce qui est le cas ici.
Tabiti correspond à une ancienne déesse indienne[réf.
nécessaire] dont le nom est lié au sanskrit tapati « brûler ».
Georges Dumézil a retrouvé ses traces dans les légendes
des Ossètes, peuple iranien du Caucase.
Il a également reconnu en l'Arès scythique un héros
ossète, Batraz.
Ces deux personnages s'identifient notamment tous les
deux à une épée.
Dans le nom d'Apia, les spécialistes s'accordent à
reconnaître l'iranien āp- « eau ».
Selon Hérodote, c'est la Terre, mais l'analyse de la
mythologie indo-européenne montre que la Terre était représentée sous la forme
d'une montagne « sécrétant » une rivière, c'est-à-dire d'une montagne-source.
Les Indo-Iraniens ont accentué son aspect humide.
Dans les textes grecs, le dieu iranien Mithra est
identifié à Apollon, ce qui permet de considérer qu'Oitosuros est Mithra.
Ce nom devait être un composé Oito-suros dont le deuxième
membre provenait du vieil iranien sūra- « fort ».
Dans l'Avesta, ce qualificatif est attribué à Mithra.
Quant au terme oito, selon l'analyse de François
Cornillot, il était la graphie grecque de *witāw, de *hwatāwah « souverain ».
Ainsi, les Scythes surnommaient Mithra le « Souverain
Fort ».
Ce même auteur a proposé une autre lecture du nom des
Sakā haumavargā (une confédération de Saces nommée ainsi par les Perses) : il
fait dériver son deuxième membre de hauma warāgan, où le terme warāgan signifie
« vainqueur de *Wāra » et aboutit à l'ossète Wœrgon.
De la sorte, les Sakā haumavargā sont les « Saces adeptes
du culte du Haoma vainqueur de *Wāra ».
Pour comprendre la signification de cet ethnonyme, le
Haoma est une plante divinisée et son ennemi *Wāra, appelé Vritra dans les
textes indiens, est un démon qui cherche à faire disparaître le soleil et à
obstruer la rivière qui descend de la montagne-source.
Comme *Wāra représente la mort, la victoire du Haoma
(plante d'immortalité) est celle de la vie sur la mort.
Les Sogdiens, fondateurs de la cité de Samarcande,
étaient d'anciens Sakā haumavargā, car le nom de cette cité pourrait
s'expliquer comme Saka-Haumawarga-kantha « ville des Saces Haumawarga »
Enfin, le hauma-wāragan est aussi connu sous le nom de
xwarnah (ou khvarnah).
C'est une entité multiforme, lumineuse, assimilée à un
feu mais qui séjourne sous les eaux.
Selon un texte iranien, le Bundahishn, il est gardé par
la déesse Aredvi Sūrā Anāhitā.
Celle-ci est donc la xwarnah-pāthrā, « [déesse] assurant
la garde du hauma-wāragan » (ou th se prononce comme « thank you » en anglais).
En inversant les termes hauma et wāragan, puis par
transformations successives, on obtient : wārag[an]-hauma-pāthrā → *wārgumpāsā
→ argempāsā.
On reconnaît le nom de la déesse Argimpasa.
L'art scythe
L'art animalier
Les Scythes sont connus pour leur art animalier.
Il s'agit d'un trait de culture original : les hommes
d'Andronovo ne décoraient leurs céramiques qu'avec des motifs géométriques
abstraits.
Les Scythes qui leur ont succédé couvraient leurs objets
de représentations de cerfs stylisés à très longs bois en « galop volant », de
bouquetins, de félins enroulés ou de rapaces, dans une stylisation bien
particulière et des conventions de représentation constantes depuis l'Ukraine
jusqu'à la Mongolie sur plusieurs siècles.
Le loup était présent surtout en Sibérie méridionale.
Le cerf semble être un animal important et symbolique de
cette culture.
Il y a aussi le griffon, commun à tous les Iraniens, et
des animaux imaginaires et composites.
Il y a des représentations très réalistes de combats d'animaux.
On ignore ce que tous ces symboles animaliers
signifiaient, mais il semble certain qu'ils renvoient à des idées mythologiques
complexes.
Les momies scythes de l'Altaï qui ont une peau bien
conservée ont de nombreux tatouages virtuoses de motifs animaliers complexes,
ce sont les plus anciens tatouages parvenus jusqu'à nos jours avec ceux des
momies du Tarim.
Les représentations humaines sont aussi importantes, le
guerrier scythe et les chevaux sont très souvent représentés ainsi que des
scènes pastorales, mais essentiellement en Ukraine par suite de l’influence
hellénique.
L'art scythe présente d'évidents liens de parenté avec
l'art grec, l'art perse et l'art thrace, ainsi que l'art celte, surtout dans
les zones où des groupes scythes ont été en contact avec ces cultures, mais
cela s'est greffé sur un fond d'art scythe constant et plus ancien que ces
influences.
L’orfèvrerie
scythe
Les Scythes étaient des métallurgistes réputés, ils
fabriquaient beaucoup d'objets légers de bronze et d'argent, en particulier des
plaques ornementales ajourées représentant des scènes animalières en mouvement,
ces plaques étaient cousues sur les vêtements et accessoires des personnes et
des chevaux qui pouvaient être très richement ornés.
Mais l'art majeur et le plus connu des Scythes était
l'orfèvrerie, les Scythes sont considérés comme parmi les meilleurs orfèvres de
l'Antiquité.
De nombreuses tombes (kourganes), richement meublées,
dans toute l'aire de répartition des Scythes, ont livré de très grandes
quantités d'objets en or, jusqu'à plusieurs milliers d'objets d'or massifs pour
les tombes princières, particulièrement remarquables par la finesse de leur
travail, la diversité des techniques utilisées, le réalisme des
représentations, l'équilibre des proportions et un grand sens de la
représentation du mouvement.
Le style de l’orfèvrerie scythique montre quelques liens
évidents de parenté avec l'art celte, grec, thrace, perse et même assyrien,
mais possède aussi son style propre.
De nombreux objets en or étaient des ornements cousus sur
les vêtements d'apparat et les accessoires des hommes et des chevaux.
En Scythie européenne, au nord de la mer Noire, l'art
scythe a fusionné avec l'art grec, donnant naissance à une riche orfèvrerie gréco-scythe.
Influences scythes
sur l'Asie orientale
Une influence artistique antique provenant de l'Asie
centrale nomade est identifiable en Chine à partir du VIIIe siècle av. J.-C., à
la suite de contacts avec les Scythes frontaliers de l'ouest et du nord-ouest
de la Chine antique.
Par ailleurs, la présence d'une culture de type
scythique, ou du moins d’influence scythique, est également connue
archéologiquement dans la grande boucle du Fleuve jaune, au cœur de la Chine
antique : la culture de l'Ordos.
Après leur expulsion du Tarim par les Yuezhi au iie
siècle av. J.-C., certains Scythes pourraient aussi avoir migré vers le Yunnan
en Chine du sud, où leurs talents de métallurgistes auraient été mis à profit.
Des guerriers scythes pourraient également avoir servi
comme mercenaires pour les différents royaumes de la Chine ancienne.
Les objets d'art anciens du royaume de Dian dans le Yunnan
ont révélé des scènes de chasse de cavaliers europoïdes et des représentations
animalières dans un style typique des Scythes d'Asie centrale.
Des influences
scythes ont également été identifiées en Corée et au Japon.
Divers artefacts coréens, comme les couronnes royales en
or du royaume de Silla, sont peut-être de conception scythe.
Des couronnes similaires, apportées par des contacts avec
le continent, peuvent également être trouvées durant la période Kofun au Japon.
Via les steppes d'Asie du nord-est des groupes scythes
auraient facilement pu atteindre la Corée où le savoir-faire des orfèvres
aurait pu être mis à profit, les Coréens adoptent également à cette époque le
principe des kourganes pour les inhumations nobles.
Les stèles
anthropomorphes et les pierres à cerf
Une manifestation archaïque de l'art animalier des
Scythes se trouve sur les « pierres à cerfs ».
Elles ont une répartition très orientale : on les trouve
à l'est du lac Baïkal et surtout en Mongolie.
Plus à l'ouest, dans la Touva, elles sont placées près
des sépultures, parfois au sommet des kourganes, le kourgane d'Arjan contient
un fragment de pierre à cerfs.
Il y en a aussi, mais en faible nombre, au Kazakhstan,
jusqu'au sud de l'Oural.
La plupart sont considérées comme très précoces et datant
de la culture proto-scythe de Karassouk.
Sur les pierres sibériennes ou mongoles des animaux très
stylisés sont gravés, surtout des cerfs en « galop volant » selon un prototype
qui sera omniprésent dans l'art scythe durant des siècles sur tout le
territoire des peuples scythes, on trouve aussi des représentations de
bouquetins, de sangliers, de chevaux ou de félins.
Les stèles anthropomorphes, plus nombreuses, sont des
pierres dressées représentant de manière très schématique un homme en armes,
elles marquent l'emplacement des tombes et sont-elles aussi parfois placées au
sommet de certains kourganes.
On reconnaît un collier de perles et une ceinture où sont
accrochés des objets (poignard, pic, arc, hache de combat, couteau et pierre à
aiguiser).
En Mongolie orientale, dans l'Altaï et la Touva, ces
pierres apparaissent dès le IXe ou le VIIIe siècle av. J.-C., mais les stèles
anthropomorphes ont des origines bien plus anciennes, selon un prototype
presque inchangé, dans les steppes du nord de la mer Noire où elles étaient
dressées dès les premières cultures indo-européennes de l'âge du bronze ancien
et s'étaient déjà répandues en Europe occidentale et en Asie avec les invasions
indo-européennes.
Les Scythes dans
la mythologie
Le mythe
greco-romain de Scythès
Lorsque le héros Héraclès se fut accouplé avec le monstre
Échidna, cette dernière mit au monde trois garçons.
Puis vint le moment pour Héraclès de continuer sa route.
Mais le jour du départ, Échidna demanda à son amant ce
qu’elle devrait faire de leurs enfants, une fois parvenus à l’âge d’homme.
Héraclès prit l’un de ses deux arcs et son baudrier qu’il
donna à Échidna.
Il ajouta que celui des trois qui parviendrait à
positionner le baudrier et à bander l’arc comme lui-même le faisait,
deviendrait le roi du pays.
Les deux autres frères devraient alors s’exiler.
Arrivés à l'âge d'homme, Échidna rassembla ses trois
enfants, Agathyrsos, Gélonos et Scythès.
Le test pouvait alors commencer.
Seul Scythès parvint à réussir les deux épreuves.
Comme l’avait exigé Héraclès, Échidna donna le pouvoir
suprême au vainqueur, tandis que ses deux autres enfants s’exilèrent.
À ce moment, Scythès donna son nom à cette région et à
son peuple.
Vision
gréco-romaines
Pour les Grecs et les Romains, le monde dans lequel
évoluent les tribus scythes est marqué par le froid et la neige : Homère parle
d'une terre froide, Hérodote du ciel neigeux; Ovide d'un monde de glaces
éternelles et de mer gelée.
Ce contact avec le climat continental déstabilise les
auteurs méditerranéens, peu habitués aux vents.
Lucien signale que les invocations des Scythes se font
souvent « par le fer et par le vent ».
Les Amazones
Les Amazones sont un peuple semi-mythique uniquement
constitué de femmes guerrières, elles peuplaient les steppes du nord de la mer
Noire et l'Asie centrale.
Leurs attributs sont typiques des peuples scythiques :
cheval monté, lance, hache, et surtout arc et flèches, elles vont même jusqu'à
se couper le sein droit pour faciliter le tir à l'arc.
Or si les Amazones proprement dit n'ont probablement pas
existé, le fait que les femmes scythes et sarmates, appartenant à un peuple de
cavaliers nomades aux mœurs différentes des sédentaires puissent chevaucher
comme les hommes, et même de guerroyer quand la tribu était en danger, a pu
frapper l'imaginaire des grecs.
Des fouilles archéologiques à la frontière entre la
Russie et le Kazakhstan ont permis de mettre au jour des tombes de femmes
guerrières, enterrées avec leurs armes entre 600 et 200 av. J.-C., probablement
cavalières comme le révèle l'analyse ostéologique.
L'une des tombes était richement garnie de nombreux
objets et bijoux féminins et également de 100 pointes de flèches.
Une enquête approfondie menée dans la même région a
démontré l'existence d'une tradition vivace de la femme archer et cavalière
émérite, leur arc est identique à celui qui est représenté sur des céramiques
antiques.
Dans l'Avesta
Selon les Yasht, la partie mythologique de l'Avesta, le
texte sacré du zoroastrisme, un héros nommé Thraetaona (le Fereydoun du Shâh
Nâmâ de Ferdowsi) partagea son royaume entre ses trois fils, Iradj, Salm et
Tour.
- Iradj reçut la
Perse,
- Salm la partie occidentale de son royaume et
- Tour la partie orientale.
Le Yasht XVII (prière à la déesse Ashi,) parle des «
Tours aux chevaux rapides ».
Selon les écrivains de l'Antiquité et du Moyen Âge, le
Touran s'étendait dans les steppes du nord de la Perse et du Turkestan
occidental (domaine des Sogdiens). Ceci permet de les identifier aux Scythes.
Le roi Fraransyan du Touran agressa les Perses mais fut
vaincu.
Cette lutte est relatée dans le Yasht XIX. Si Thraetaona
est purement mythique, il n'y a pas de raison de douter de la confrontation
entre les Perses et les nomades touraniens.
Après l'arrivée des tribus turques au Turkestan, les
Touraniens (et par conséquent les Scythes) furent considérés à tort comme
Turcs.
Le nom de Tour vient d'un terme indo-iranien, tura, qui
signifie « puissant ».
D'après les travaux de François Cornillot, spécialiste du
Rig-Veda et de l'Avesta, on le retrouve dans le nom de Targitaos, l'ancêtre des
Scythes selon une légende racontée par Hérodote, avec une transformation du u
et un a propre aux Scythes septentrionaux : ce nom était auparavant prononcé
*Tar-γwitaw, titre provenant lui-même de *Tur-hwatawah « Souverain Puissant ».
Hérodote (IV, 5-6) rapporte que Targitaos eut trois fils,
Lipoxaïs, Arpoxaïs et Coloxaïs.
Sous leur règne, trois objets en or tombèrent du ciel,
une charrue et un joug, une hache-sagaris et une coupe. Les deux premiers
frères voulurent prendre ces objets, mais ils s'enflammèrent.
Ils revinrent à Coloxaïs, qui eut alors le titre de roi.
Ces trois objets représentent les trois fonctions
reconnues par Georges Dumézil chez tous les peuples indo-européens : la
fonction cléricale (le bol), la fonction guerrière (la hache) et la fonction de
production (la charrue et le joug).
Étant entré en possession de ces trois objets, Coloxaïs
acquit un caractère trifonctionnel, comme tous les rois indo-européens.
Par ailleurs, les linguistes considèrent unanimement que
le suffixe -xaïs reproduit le nom iranien du roi, qui était xshaya- en
avestique.
Le souvenir des
Scythes à l'époque moderne
Plusieurs groupes ethniques se sont plus ou moins
réclamés d'une ascendance scythe, moyen d'établir une connexion prestigieuse
entre identité nationale et Antiquité classique.
Les traditions des peuples turcophones kazakhs et
iakoutes (dont l'endonyme est Sakha), ainsi que celles des Pachtounes
d'Afghanistan les connectent également aux Scythes.
Plusieurs légendes pictes, gaéliques, hongroises, serbes
et croates (entre autres) mentionnent également des origines scythes.
La déclaration d'Arbroath de 1320 revendique la Scythie
comme ancienne patrie des Écossais.
Les Scythes sont
également intégrés dans des récits post-médiévaux sur l'origine supposée des
Celtes.
L'historien britannique Sharon Turner les décrit, dans
son Histoire des Anglo-Saxons, comme ayant investi l'Europe autour du VIe
siècle av. J.-C. et, se basant sur plusieurs sources anciennes, ils les
identifie aux ancêtres des Anglo-Saxons. De même William Jones les rapproche
des populations européennes.
À la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle se
répandit l'intuition que la plupart des langues européennes et la langue
persane, qui sont très proches entre elles (faisant partie d'une même famille
de langues que l'on n'appelait pas encore les langues indo-européennes) ont une
origine commune que l'on se figure alors chez les anciens peuples cavaliers des
steppes de la mer Noire, identifiés aux Scythes dont parle Hérodote, du fait
entre autres de l'importance du vocabulaire commun propre au cheval qui
caractérise ces langues.
Cette intuition, la « théorie scythique », notamment
défendue par le philosophe et mathématicien Leibniz qui était passionné par la
question, est la préfiguration de l'hypothèse kourgane qui est aujourd'hui
largement admise par la majorité des archéologues, linguistes et généticiens
pour expliquer l'origine des langues et cultures indo-européennes, et selon
laquelle c'est la domestication du cheval et l'invention du char par les
peuples des steppes de la fin du néolithique et de l'âge du bronze, ancêtres
des Scythes, qui leur ont permis leur vaste expansion en Europe et en Asie.
« On peut conjecturer que cela vient de l'origine commune
de tous ces peuples descendus des Scythes, venus de la mer Noire, qui ont passé
le Danube et la Vistule, dont une partie pourrait être allée en Grèce, et
l'autre aura rempli la Germanie et les Gaules » (Leibniz, Essais sur
l'entendement humain, 1703).
Mais il faudra attendre la fin du XVIIIe siècle pour que
la découverte du sanscrit, lui aussi très proche des langues européennes, lance
le début des études indo-européennes.
Aux XVIIe et XVIIIe
siècle, il est commun de considérer les Russes, les Polonais, les Lituaniens,
les Russes blancs comme descendants des Scythes.
AInsi, en 1704, Leibniz situe la région d'origine des
Scythes dans la Steppe pontique, en faisant les ancêtres des Slaves.
Au cours du XIXe siècle, les Scythes sont perçus, dans le
contexte de conquête russe de l'Asie centrale, comme les ancêtres communs des
populations non turques de la région.
Souvent, les lettrés polonais de l'époque humaniste ou du
siècle des lumières, tel Stanislas Leszczynski, assimilent le qualificatif «
scythe » avec l'identité primitive des ancêtres, adoptant spécifiquement le
terme « sarmate » pour dénommer leurs compatriotes anciens ou vivants en
république chrétienne.
Les Sarmates étant les successeurs et héritiers des
Scythes, à l'époque historique et surtout chrétienne.
Mais nous savons
désormais, par les études linguistiques, que les Russes et les Polonais sont
des Slaves, les Lituaniens sont des Baltes... et non pas des Scythes,
appellation conventionnellement utilisée dans la poésie du XVIIIe siècle :
Alexandre Blok l'évoque d'ailleurs de manière sarcastique dans son dernier
grand poème Les Scythes (1920).
Le romantisme du XIXe siècle en Occident exalte les «
barbares » scythes de la littérature en ancêtres libres et démocratiques des
Indo-Européens blonds, tandis que des écrivains nationalistes romantiques ont
reconnu la présence de Scythes dans la formation de l'Empire mède et de
l'Aghbanie, précurseur de l'Azerbaïdjan moderne.
De nos jours, la revendication d'origines scythes joue
même un rôle important dans les théories panturque et sarmatiste, en réalité,
si les Scythes ont effectivement eu une influence culturelle importante sur les
populations turco-mongoles d'Asie centrale qui ont progressivement remplacé les
populations scythes au cours du Moyen Âge, l'ascendance scythe dans ces
populations est assez faible.
L'ethnie des Jats dans le Penjab du Pakistan et d'Inde,
se réclame d'une ascendance indo-scythe.
Actuellement, sur le plan uniquement linguistique, les
Ossètes dans le Caucase sont les derniers à parler une langue scythique
proprement dite, mais il existe aussi quelques villages prés de Samarcande en
Ouzbékistan qui parlent encore un dialecte descendant du sogdien.
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