dimanche 31 mars 2019

Les barrages français

cèdent face aux intérêts privés
26/03/2019  par Arjuna Andrade

Le gouvernement a annoncé sa volonté de privatiser 150 barrages hydroélectriques en France, en dépit de leur caractère hautement stratégique.

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Barrage de Villerest en 2010. MOSSOT

Il répond ainsi à la volonté de la Commission qui s'était juré de faire chuter ce monopole d’État contraire au dogme de la concurrence libre et non faussée.

Barrage de Roselend, dans le Beaufortain. Versgui

Vous avez aimé les Aéroports de Paris, les autoroutes et Engie, vous allez adorer ce nouvel épisode de la grande série de privatisations, pour le moins étonnantes, menée par le gouvernement français.



Cette annonce fait suite à près de dix ans de pression de la part de la Commission européenne pour démanteler la gestion publique de l’énergie hydro-électrique.

Panorama du lac de Serre Ponçon pris depuis Savines-le-lac. Xiou

Il faut dire que Bruxelles enrage contre la position ultra-dominante d’EDF qui, en sa qualité d’acteur public de l’énergie, détient et gère 85% du parc hydraulique français, soit près de 2300 barrages en France.

Barrage de Grand'Maison, entre les massifs de Belledonne et des Grandes Rousses dans le département de l'Isère. Douchet Quentin

Des années que la Commission aimerait voir tomber ce monopole d’État aux allures insupportables de vestige socio-marxiste en plein cœur de l’Europe de marché.

Profil du Rhône avec ses différents aménagements
Couvert — travail personnel (pour IRS - Sogreah 2000, mise en forme Hydratec/MINEA)

Puisqu’il était impossible d’exiger la privatisation des centrales nucléaires, relevant des activités d’importances vitales de la nation, la Commission s’est donc reportée sur la deuxième source française de production d’énergie, à savoir les barrages.

Barrage de Génissiat en 2009. Хрюша

Or, justement, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer ce projet de privatisation, arguant du caractère également stratégique des barrages hydrauliques.

Centrale hydroélectrique de Brégnier-Cordon en 2009. Stéphane Batigne

Il faut dire que le réseau hydroélectrique français, en parallèle du réseau nucléaire, a été construit au lendemain de la guerre pour bâtir l’indépendance énergétique de la France et reste, aujourd’hui encore, un élément fondamental dans l’équilibre du mix français.

Barrage de Donzère-Mondragon en 2010. Iguanebobo

Ainsi, cette énergie est la seule à être véritablement propre et renouvelable. Elle est aussi mobilisable à tout instant pour s’adapter aux évolutions de la consommation d’énergie.

Le lac du Boréon et son barrage, près de Saint-Martin-Vésubie, 2009. Photo: Myrabella

Ainsi, rien de plus simple pour réguler la production d’électricité que d’ouvrir ou de fermer les vannes d’un barrage.

Centrale de Kembs en 2014. Hansueli Krapf

Se défaire de leur gestion serait donc renoncer à cette capacité de lissage de la production électrique en cas de pic ou de pénurie.

Centrale hydroélectrique de Fessenheim en 2009. Rauenstein

On peut ainsi se demander ce que feraient des acteurs privés s’ils venaient à détenir et à contrôler de telles infrastructures.

Lac d'Orédon, dans les Pyrénées, en aval du lac de Cap-de-Long.
Paternel 1

D’autant que l’électricité produite par les centrales hydroélectriques est aujourd’hui la moins chère de France : 20 à 30 €/MWh contre 35 à 46 pour le nucléaire.

Centrale hydroélectrique de Vogelgrun en 2004. Luftfahrer

Or, comme le relève le média en ligne Le vent se lève, « un opérateur privé pourrait facilement maintenir les vannes du barrage fermées et attendre qu’un pic de consommation fasse frôler la pénurie d’électricité pour faire monter les prix.
Sur le plan juridique, rien ne les en empêcherait ». 

Barrage de Tignes, sur l'Isère, avec la fresque du géant. Philipendula

Pour se donner une idée du type de chantage financier que peuvent exercer des acteurs privés dans de telles conditions, il suffit de se rappeler l’épisode qui avait opposé General Electric à EDF il y a quelques années.

Lac de Roselend depuis le col du pré, en 2008. Bicounet —  (Beaufortain, Savoie)

Après  avoir racheté Alstom énergie en 2016, l’entreprise américaine avait organisé une grève de maintenance pour obtenir d’EDF des conditions de gestion plus avantageuses.
Après une centaine d’incidents, la direction d’EDF avait fini céder et donner gain de cause aux Américains.

Barrage du Mont Cenis en 2009. Francofranco56

On ose à peine imaginer le pouvoir que donnerait le contrôle de ces infrastructures, quand on sait que les barrages hydrauliques servent aussi de réserve d’eau pour refroidir les centrales nucléaires...

Barrage de Bissorte (hiver 2014). Florian Pépellin — Vue, depuis la cime de Caron, du barrage de Bissorte, en Savoie.

Au-delà de ces aspects économiques et stratégiques, les barrages remplissent également un certain nombre de fonctions utiles pour la société.
Ils servent ainsi de base de loisirs, comme sur le lac de Serre-Ponçon, de réserve d'eau potable pour les villes ou de retenue d’eau pour l’agriculture.

Retenue du barrage de Grandval en 2011. Adbar

On peut néanmoins se demander si un opérateur privé serait aussi enclin à libérer de l’eau gratuitement pour satisfaire aux besoins de la communauté sans contrepartie.

Lac de Grand Maison en 2010. Flo73 — (1698m), Isère, France

Que Bruxelles pousse à la privatisation du secteur hydro-électrique n’est guère étonnant : elle est dans son rôle d’aiguillon des politiques néolibérales et de héraut des vertus de la concurrence, prétendument libre et non faussée.

Centrale des Vernes à Livet-et-Gavet en 2013. Édouard Hue

Ce qui pose plutôt question, c’est l’empressement du gouvernement à satisfaire à cette exigence de Bruxelles. Incompréhensible a priori tant elle semble aller contre l’intérêt général…
A moins qu’il ne s’agisse d’un énième cadeau sans contrepartie de la communauté aux intérêts privés.

Barrage du Chambon en 2005. Thbz
…………….
Hydroélectricité en France

Le secteur de l'hydroélectricité en France bénéficie d'un potentiel important grâce à la présence de massifs montagneux : Alpes, Pyrénées, Massif central.
Ce potentiel est déjà exploité en très grande partie, mais il subsiste un potentiel non négligeable à exploiter en petite hydraulique.

Barrage du Sautet en 2008. David.Monniaux — Isère

La production hydroélectrique en France représentait 12,5 % de la production électrique totale en 2018 contre 10,1 % en 2017, année beaucoup moins pluvieuse.

Organisation du barrage de Serre-Ponçon, 2013. Etienne Baudon — barrage, lac de Serre-Ponçon, lac d'Espinasses...

Le taux de couverture de la consommation par la production hydraulique atteignait 13,7 % en France en 2017-18.

Barrage de Sainte-Croix en 2006. Rikly

La France était en 2017 le 3e pays européen pour sa production hydroélectrique avec 10,1 % de la production européenne, derrière la Norvège et la Suède ; au niveau mondial, elle figurait au 15e rang avec 1,3 % du total mondial.

Centrale de Jouques en 2012. Derlin — Cet édifice est inscrit au titre des Monuments historiques. Il est répertorié dans la base Mérimée, base de données sur le patrimoine architectural français du ministère de la Culture,

En termes de puissance installée, elle était fin 2017 au 2e rang européen avec 12,2 % du total européen, après la Norvège et au 10e rang mondial avec 2,0 % du total mondial.

Centrale de Mallemort en 2008. Vi..Cult...





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