Extrait de Wikipédia.
Arégonde
(Arnegonde, Arnegundis), née vers 515 et morte entre 573 et 579, est une reine
des Francs.
Elle est l'une des
sept épouses du roi Clotaire Ier, mort en 561.
C'est un des rares personnages historiques dont l'on ait
pu identifier et étudier la tombe, ce qui explique son importance.
Elle est considérée comme la plus ancienne reine de
France retrouvée à ce jour.
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Photo Cangadoba —Vue générale des bijoux découverts
dans la tombe de la reine Arégonde - Habituellement exposées au Musée
d'Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye.
Histoire d'après
Grégoire de Tours
Si l'on en croit le chroniqueur Grégoire de Tours, la
reine franque Ingonde, épouse du roi mérovingien Clotaire Ier, ayant demandé à
ce dernier de trouver un mari qui soit digne de sa sœur cadette Arégonde, le
roi ne trouva meilleur prétendant que lui-même et décida d'épouser sa propre
belle-sœur.
Photo Peter Potrowl - Sarcophage de la reine Arégonde
(env. 515 - env. 595) dans la basilique de Saint-Denis
Ce mariage, certes proscrit par les canons
ecclésiastiques, était cependant conforme aux principes polygamiques et
endogamiques alors en vigueur dans les familles royales germaniques.
Anneau sigillaire de la reine Arégonde. — Jastrow
(2005
Arégonde accéda donc au rang de reine légitime et
apparaît d'ailleurs en tant que regina (c'est-à-dire reine, ou princesse au
sens large du terme) dans l'œuvre de Grégoire de Tours, à l'instar des autres
femmes de Clotaire.
Plaque-boucle et contre-plaque de ceinture provenant
de la parure de la reine Arnegonde (v. 515-573), femme de Clotaire Ier
(511-561), roi des Francs. Gaule mérovingienne.
De cette union
naquit Chilpéric, futur roi des Francs de Neustrie.
Données issues des recherches sur sa sépulture
Photo Jastrow (2006) - Paire de fibules provenant de
la parure de la reine Arnegonde (v. 515-573), femme de Clotaire Ier (511-561),
roi des Francs. Or et grenats, Gaule mérovingienne, vers 570. Découvert dans
une tombe de Saint-Denis en 1959.
Sa sépulture a été découverte en 1959 dans le sarcophage
numéroté 49 en la basilique Saint-Denis par Michel Fleury, archiviste
paléographe.
Trésor de Gourdon, patène Trésor découvert près de
Gourdon (Saône-et-Loire), en 1845. Or, turquoise et grenats cloisonnés, fin du
Ve-début du VIe siècle. Photo Clio20
Elle contenait des vêtements préservés et des bijoux,
dont son anneau nominatif (bague sigillaire portant le nom ARNEGVNDIS et un
monogramme central lu comme REGINE), aujourd'hui conservés au Musée
d'archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.
Il s'agit de la tombe la mieux documentée d'Europe pour
le Haut Moyen Âge.
Photo Cangadoba — Exposition "Les temps
mérovingiens" - boucles d'oreilles du trésor de la tombe d'Arégonde - VIe
siècle- Or & grenats Habituellement exposées au Musée d'Archéologie
Nationale de Saint-Germain-en-Laye.
La date de sa mort n'étant pas connue par des textes,
l'analyse archéologique du tombeau a d'abord émis deux hypothèses.
Ainsi, selon Michel Fleury, qui se base sur une analyse
de l'état du squelette, elle serait morte entre 565 et 570 (à l'âge d'environ
50 ans donc).
Le baptême de Clovis par saint Remi avec le miracle de
la Sainte Ampoule. Plaque de reliure en ivoire, Reims, dernier quart du ixe
siècle. Amiens, musée de Picardie. Photo Pethrus (talk)
Cependant, des études du mobilier funéraire et
particulièrement des pièces de vêtements ont été menées plus récemment par
Patrick Périn, directeur du musée des Antiquités nationales.
Photo Clio20 - Disque de Limons Applique ornée d'un
chrisme, d'un masque humain et de motifs zoomorphes.Or. Fonte à cire perdue,
Art mérovingien, fin VIe-début VIIe siècle. Trouvé à Limons (Puy-de-Dôme).
Acquis de l'architecte Victor Gay en 1855.
Ces analyses incitent désormais à penser que le décès
doit être daté entre 572 et 583 ; en effet, le style de certaines pièces du
costume de la reine n'apparaît pas dans le monde mérovingien
avant le début du VIIe siècle.
La division de la Gaule en 481. Photo Romain0
Michel Fleury en donne la description suivante :
« une femme de très petite taille, âgée d'environ
quarante-cinq ans, à la chevelure blonde, au crâne assez rond, à la mâchoire
inférieure assez saillante, mais au menton effacé ».
Les dernières recherches et en particulier les analyses
de ses dents donnent son décès vers 60 ans alors qu'elle était très
arthrosique.
Armes franques d'époque mérovingienne : francisque,
spatha, scramasaxe, spangenhelm. Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum. Photo Altaipanther
Elle mesurait 1,55 m, présentait des séquelles de
poliomyélite de l'enfance au niveau de la jambe droite (qu'elle aurait subie
vers l'âge de 4 ans comme le laisse supposer un premier stress dentaire) et des
signes de maladie de Forestier sans doute à cause d'un diabète fort, des stress
dentaires dus à un accouchement difficile (vers l'âge de 18 ans, ce qui est
tard pour l'époque étant donné que le mariage peut se faire à partir de 12
ans).
Elle portait un manteau de soie de Chine teint de pourpre
qui indiquait son rang royal, un voile de soie à motifs jaunes et rouges (un
rouge de murex et de garance), des chaussures de cuir de chevreau rouge ainsi
que des bijoux (plaque-boucle, fibule et épingle) en or et argent ornés de
grenats venus d'Inde, de Ceylan, de Bohême et du Portugal.
Elle portait ainsi un costume inspiré du style byzantin.
Fibules mérovingiennes. Photo Clio20
Les Mérovingiens
sont la dynastie qui régna sur une très grande partie de la France et de la
Belgique actuelles, ainsi que sur une partie de l'Allemagne, de la Suisse et
des Pays-Bas, du ve siècle jusqu'au milieu du VIIIe siècle.
Cette lignée est
issue des peuples de Francs saliens qui étaient établis au Ve siècle dans les régions
de Cambrai et de Tournai, en Belgique (Childéric Ier).
L'histoire des
Mérovingiens est marquée par l'émergence d'une forte culture chrétienne parmi
l'aristocratie, l'implantation progressive de l'Église dans leur territoire et
une certaine reprise économique survenant après l'effondrement de l'Empire
romain.
« Childerici Regis ». Copie, d'après l'anneau
sigillaire trouvé dans la tombe du roi Childéric à Tournai en 1653. Buste du roi,
vu de face, les cheveux longs jusqu'aux épaules, partagés par une raie médiane.
Il est cuirassé, le paludamentum sur l'épaule gauche, et tient une lance de la
main droite. Bibliothèque Nationale de France, Paris. L'original a été volé en
1831.
Le nom mérovingien
provient du roi Mérovée, ancêtre semi-mythique de Clovis.
Sous l'Ancien Régime et au XIXe siècle, certains légistes
et historiens français désignent la lignée comme la « première race » des rois
francs.
Origine
La dynastie
mérovingienne est issue de l'aristocratie franque.
Pierre Révoil, Pharamond élevé sur le pavois.
Les Francs, réunis en ligue depuis le IIIe siècle de
notre ère, se sont progressivement installés dans le Nord-Est de l'Empire
romain, et plus particulièrement en Gaule belgique où les ancêtres des
Mérovingiens ont pris racine.
Dès les premières années de l'Empire, des groupes
migrants plus ou moins homogènes n'ont cessé de se déplacer d'est en ouest,
poussés par l'Empire hunnique d'Attila (395-453), et attirés en Gaule par la
stabilité de la Pax Romana.
Copie manuscrite sur vélin du viiie siècle de la loi
salique. Paris, bibliothèque nationale de France.
Les premiers Francs pénètrent dans l'Empire légalement,
certains sont intégrés dans l'armée romaine et peuvent espérer y faire une
grande carrière, comme Richomer et Arbogast, d'autres s'installent dans
l'Empire comme colons.
Par la suite, les migrations franques dans le Nord de la
Gaule s'intensifient avec le déclin de l'autorité romaine et la chute de
l'Empire d'Occident.
Assassinat de Thibault et Gonthaire (fils de Clodomir
et frères aînés de Clodoald). Manuscrit du xve siècle. Chroniques de France,
bibliothèque nationale, Paris.
Enrichies par leur service auprès de Rome, certaines
grandes familles franques acquièrent un pouvoir local non négligeable.
L'une d'entre
elles, celle de Childéric Ier et de son fils Clovis, va s'imposer et fonder la
première dynastie royale franque.
Histoire générale
et personnalités
Le premier
représentant historique de la dynastie mérovingienne, Childéric Ier, fils de
Mérovée, dominait l'ancienne province romaine de Belgique Seconde au nom de
l'Empire.
Son fils Clovis (466-511), roi en 481, n'est lui-même à
l'origine qu'un des nombreux petits rois sous le gouvernement desquels se
répartissaient les Francs Saliens.
Son royaume, qui devait correspondre à peu près à
l'étendue de l'ancienne cité romaine de Tournai, ne lui fournissant pas les
forces nécessaires pour mener à bien l'attaque qu'il méditait contre Syagrius,
officier romain auquel obéissait encore la région d'entre Loire et Seine, il
associa à son entreprise ses parents, les rois de Thérouanne et de Cambrai.
Mais il profita seul de la victoire.
Syagrius défait, il s'appropria son territoire et employa
la suprématie écrasante dont il jouissait désormais sur ses anciens égaux, pour
se débarrasser d'eux.
Soit par violence, soit par ruse, il les renversa ou les
fit périr, fut reconnu par leurs peuples et en quelques années étendit son
pouvoir à toute la région que le Rhin encercle de Cologne à la mer.
Les Alamans qui, établis en Alsace et en Eifel,
menaçaient le nouveau royaume d'une attaque par l'est, furent battus et annexés
à la fin du Ve siècle.
S'étant ainsi assuré la possession de toute la Gaule
septentrionale du Rhin à la Loire, le roi des Francs put se consacrer à la
conquête de la riche Aquitaine, dominée par les Wisigoths et leur roi Alaric
II.
Éginhard, Vita Caroli magni imperatoris (Vie de
Charlemagne). Lettrine V historiée : Charlemagne assis. Abbaye Saint-Martial de
Limoges, vers 1050 (?). BnF, Manuscrits, Latin 5927 fol. 280v.
Converti au
catholicisme aux alentours de l'an 500, Clovis put éventuellement prétexter de leur hérésie (les Wisigoths
adhéraient à l'arianisme) pour leur faire la guerre : il les battit à Vouillé
en 507 et porta la frontière jusqu'aux Pyrénées.
Le royaume des Burgondes (auxquels il s'était allié en
épousant Clotilde, fille du roi Chilpéric II et nièce de Gondebaud), de même
que la Provence, le séparaient encore de la Méditerranée.
Théodoric, roi des Ostrogoths, n'entendait pas laisser le
royaume des Francs s'étendre jusqu'aux portes de l'Italie : Clovis dut donc
renoncer à la Provence que Théodoric, pour plus de sûreté, annexa à son propre
royaume.
Cette expansion
rapide du royaume des Francs (latin regnum francorum) fut facilitée par sa
conversion au catholicisme qui lui assura l'appui de l'aristocratie
gallo-romaine et de l'Église catholique. Il installera sa capitale à Paris vers
507.
À sa mort en 511, Clovis n'avait pas réglé sa succession
et le royaume fut partagé entre ses quatre fils.
Selon Grégoire de
Tours, la région de Metz revint à Thierry, Orléans à Clodomir, Paris à
Childebert et Soissons à Clotaire.
Pour Bruno Dumézil, mais également pour Geneviève
Bührer-Thierry et Charles Mériaux, il ne faut pas comprendre ce partage comme
une division stricte du royaume.
Les quatre frères sont rois en même temps mais
l'intégrité du regnum francorum est en partie conservée, ce qui explique la
relative facilité avec laquelle certains rois mérovingiens parviennent à
réunifier le royaume à la mort de leurs frères (dont ils sont parfois eux-mêmes
responsables).
Cela n'a rien d'inédit si l'on compare cette succession à
celles de certains empereurs romains comme Constantin Ier.
C'est cette très fragile entente de circonstance entre
les frères qui explique également la conquête de la Burgondie vers 534 par
Childebert et Clotaire (à la demande de leur mère Clotilde selon Grégoire de
Tours) puis de la Provence.
Le royaume fut
réunifié en 558 par Clotaire Ier, puis divisé à nouveau entre les fils de ce
dernier en 561.
Trois grosses
entités territoriales se forment progressivement au sein du royaume : Neustrie,
Austrasie et Bourgogne (l'Aquitaine passant sous l'autorité d'une dynastie de
ducs indépendants).
En 613, Clotaire II, petit-fils de Clotaire Ier, parvient
à réunifier de nouveau le royaume des Francs.
Comme le précise Bruno Dumézil, loin de régresser par
suite de ces partages, « la superficie du monde franc double entre la mort de
Clovis et la fin du VIe siècle ».
Les historiens ont longtemps considéré que le partage du
royaume entre les fils, à la mort du roi, manifestait le fait que les peuples
germaniques, et les Francs en particulier, considéraient le royaume comme un
patrimoine personnel du roi et que la notion d’État leur était inconnue.
Bruno Dumézil explique cependant que la notion romaine de
« fisc » n'avait alors pas disparu et qu'une liste précise des terres «
publiques » était tenue par les rois mérovingiens.
Cette réflexion sur la portée des partages successifs du
royaume ne doit cependant pas masquer la réalité des conflits sanglants qu'a
connus la dynastie mérovingienne à la fin du VIe siècle.
Grégoire de Tours les rapporte longuement dans ses Dix
livres d'histoires :
Une querelle familiale opposa en effet pendant près de
cinquante ans les deux fils de Clotaire Ier, à savoir Chilpéric Ier et Sigebert
Ier, ainsi que leurs conjointes respectives, Frédégonde et Brunehaut.
Selon Grégoire de Tours, Frédégonde, maîtresse de
Chilpéric Ier, fit assassiner la femme de celui-ci, Galswinthe, une princesse
wisigothique.
La sœur de Galswinthe, Brunehaut, également épouse de
Sigebert Ier, demanda alors à son mari de réagir en demandant une compensation
en réparation du meurtre.
Chilpéric Ier parut d'abord se soumettre mais, ne tenant
pas ses engagements, la guerre finit par éclater entre les frères. On analyse
souvent ce conflit comme la manifestation, à l'échelle du royaume, du principe
de la « faide », le droit à la vengeance, comparable à la loi du Talion.
Le bilan de ce
conflit familial est lourd :
- Sigebert Ier est assassiné en 575 ;
- Brunehaut épouse Mérovée (fils de Chilpéric Ier), mais
il est assassiné, peut-être à l'instigation de Frédégonde, en 577 ;
- Clovis, un autre fils de Chilpéric Ier, disparaît
également : Frédégonde est soupçonnée car ne survivent que ses propres fils ;
- Chilpéric Ier est assassiné en 584, peut-être sur l'ordre
de Brunehaut, par vengeance, ou de Frédégonde, à la suite d'une affaire
d'adultère ;
- Childebert II, fils de Sigebert Ier, meurt empoisonné
en 596, peut-être à l'instigation de Frédégonde ;
- Brunehaut se fait supplicier en 613 à la suite de sa
défaite contre Clotaire II, fils de Chilpéric Ier et Frédégonde.
Au terme de ces
cinquante années de conflit, Clotaire II parvient à réunifier le royaume des
Francs, non sans avoir éliminé les gêneurs et les prétendants au trône.
Il rassemble ainsi
:
- l'Austrasie : l'Est de la France actuelle, l'Est de la
Belgique actuelle et les régions rhénanes ;
- la Neustrie : le Nord-Ouest de la France actuelle (sans
la Bretagne) ;
- la Bourgogne : l'ancienne Burgondie, c'est-à-dire
l'actuelle Bourgogne, le Nord de la vallée du Rhône et le Centre (Orléans).
On attribue à Clotaire II (584-629), l'édification d'un
château à Clichy dans les Hauts-de-Seine, site probablement découvert à
l'occasion d'une chasse.
Rien ne permet d'en imaginer la forme ni l'importance.
Cependant Clotaire II, en 626, y réunit un concile des
évêques et princes de Neustrie et de Bourgogne.
Son fils Dagobert Ier, roi des Francs de 629 à 639, s'y
maria avec Gomatrude en 629, ce qui laisse penser que le palais avait quelque
importance.
Parmi les deux
fils de Clotaire II, Charibert et Dagobert, le premier mourut prématurément en
632, et son fils Chilpéric décéda peu de temps après, ce qui permit
l'unification du territoire.
Le court règne de Dagobert Ier marqua alors une période
d'apogée et de relative paix dans le royaume mérovingien.
C'est également
sous son règne que se placent les dernières conquêtes en direction de la
Germanie, permettant d'atteindre le Danube.
Le dernier siècle mérovingien est celui de l'ascension
politique d'une famille aristocratique d'Austrasie appelée à un bel avenir :
les Pippinides.
Dès le règne de Clotaire II, Pépin Ier de Landen s'allie
au roi contre Brunehaut, et obtient la mairie du palais d'Austrasie.
Ses descendants, Grimoald puis Pépin II de Herstal,
parviennent à la conserver par intermittence et s'emparent pour un temps de la
mairie du palais de Neustrie, à la fin du VIIe siècle.
En 717, un fils de
Pépin II, Charles Martel, arrive sur le devant de la scène en devenant à son
tour maire du palais d'Austrasie.
Il doit alors faire face à la résistance de
l'aristocratie neustrienne menée par Raganfred, maire du palais de Neustrie
depuis 715.
Les Neustriens ont fait d'un moine obscur nommé Daniel un
roi mérovingien qui s'impose difficilement sous le nom de Chilpéric II.
À sa mort en 721, ne laissant aucun héritier, c'est au
tour de Charles Martel de sortir un Mérovingien d'un monastère pour en faire un
roi : Thierry IV.
Ce dernier ne possédera jamais la réalité du pouvoir et
s'effacera face à son puissant maire du palais.
À la mort de Thierry IV en 737, Charles Martel est
tellement influent qu'il peut se passer de roi jusqu'à sa propre mort en 741.
Son fils, Pépin III le Bref, lui succède, et même s'il
prend d'abord le parti de placer un dernier Mérovingien sur le trône en 743
(Childéric III), ce sera pour mieux le déposer huit ans plus tard et se faire
élire roi à sa place.
C'est le temps de la dynastie carolingienne.
La royauté
mérovingienne
L'expansion du christianisme grâce à une royauté sacrée ?
Le baptême de Clovis symbolise la conversion des Francs
au christianisme, favorisant la fusion de ce peuple germanique avec le peuple
gallo-romain.
Cet événement
apparaît comme l'origine de la monarchie sacrée des rois de France, et par là,
comme une des origines de la nation française (cf. le titre Fils aîné de
l'Église porté par les rois de France).
Les rois mérovingiens, successeurs de Clovis, restent
détenteurs d'une certaine sacralité, bien qu'ils ne bénéficient pas du rituel
clérical du sacre, à la différence des rois wisigoths ou des rois carolingiens.
Régine Le Jan affirme qu'il ne faut pas réduire cette
sacralité à sa dimension magique et païenne (le heil), mais qu'il existe
encore, au VIe siècle notamment, la possibilité d'une sacralité chrétienne non
contrôlée par le clergé.
Cette sacralité s'exprime dans les fonctions assumées par
le roi mérovingien et se manifeste par de multiples rituels.
Le VIIe siècle est
pour l'Europe comme pour la France une période de pénétration et d'expansion
chrétienne.
L'évangélisation des villes et des milieux
aristocratiques dans laquelle s'impliquent directement les évêques, et celle
des campagnes en pleine croissance démographique, favorise, notamment grâce aux
défrichements menés à partir des fondations monastiques, la multiplication des
lieux de culte (monastères mérovingiens (en)) qui deviennent très vite des
centres de hautes études sacrées, développement du réseau paroissial, les
domaines ruraux de quelque importance ayant au moins au VIIIe siècle leur église
propriétaire).
Les fonctions du
roi mérovingien
Noyau de tradition
Comme chez d'autres peuples germaniques du Ve siècle,
l'institution royale naît chez les Francs par le contact avec Rome.
La nécessité d'un interlocuteur faisant autorité et l'influence
du modèle romain produisent une nouvelle forme d'organisation politique.
Les divers peuples germaniques, éclatés et
pluriethniques, se construisent une cohésion en cristallisant leur identité
autour d'une figure royale qui fait office de « noyau de tradition »
(Traditionskern).
Ainsi les Francs existent-ils dès le moment où un chef se
dit « roi des Francs » (rex francorum) et qu'il propose à ceux qui le suivent
d'accepter sa propre ascendance (remontant jusqu'à un passé mythique) comme
celle du peuple dans son intégralité.
Le roi tire de ses ancêtres, historiques ou mythiques,
une puissance charismatique, le heil, qu'il entretient par ses victoires
guerrières et qui légitime sa position.
L'institution royale se place alors au-dessus des groupes
de parenté et des chefs de lignages, prétendant ainsi assurer leur cohésion et
leur prospérité.
Loi et paix,
conquête et prospérité
Les fonctions de paix et de fécondité sont d'origine
divine : en les canalisant et en les contrôlant, l'institution royale se
façonne une légitimité sacrale.
Le roi tend ainsi
à concentrer dans sa personne la fonction de juridiction, pour garantir la
paix, et la fonction guerrière, pour assurer la prospérité de son peuple.
La concentration en une personne de ces deux fonctions,
souvent assumées dans les sociétés polythéistes par deux dieux distincts, est
facilitée par l'adoption du monothéisme : le christianisme et son dieu unique
et indivisible assoit la sacralité d'une royauté unique et indivisible
La paix est assurée par la création de la loi : c'est une
fonction sacrée, à la fois juridique et religieuse ; l'Ancien Testament est
d'ailleurs souvent appelé « Loi ».
Le roi formule le
droit et le fait respecter.
Ainsi Clovis réunit-il le premier concile d'Orléans en 511
et met la loi salique par écrit, probablement avant 507 selon Régine Le Jan.
De la même façon, « Clotaire II et Dagobert ont affirmé
fortement leur autorité juridico-religieuse en réunissant un concile à Paris et
en promulguant l'édit de 614, puis la loi des Ripuaires et la première loi des
Alamans ».
Clotaire II est
d'ailleurs assimilé par le clergé à David, roi législateur et juge.
La prospérité est assurée par les guerres, que le roi
mène annuellement, à la belle saison, afin d'agrandir le territoire apte à
produire des richesses, tout en amassant du butin qu'il partage avec ses
fidèles.
Domestication de
l'espace
La sacralité du roi s'exprime également par sa
domestication de l'espace.
C'est lui qui définit et contrôle l'accès à certains
espaces sacrés, qui sont retirés à l'usage commun.
Par la fondation de monastères et l'institution de
l'immunité, il fournit des revenus au clergé qui prie pour son salut et celui
de son royaume, tout en limitant le nombre de personnes qui peuvent accéder au
sacré.
De la même façon, l'institution des forestes au VIIe
siècle, circonscrit des espaces sauvages dans lesquels le roi se réserve le
droit de chasse.
« Le roi peut
créer l'interdit et dominer toutes les formes d'espaces sacrés ».
À ces fonctions
sacrées s'ajoutent des rituels qui affirment la légitimité du roi à gouverner.
Rituels et
éléments de légitimité
L'élévation sur le
pavois
La royauté mérovingienne, comme beaucoup d'autres,
nécessite, pour la légitimer, un rituel exprimant et créant le consensus.
Ce rituel, l'élévation sur le pavois par les hommes
libres, a été attribué à tort à une tradition germanique alors qu'il relève de
l'imitation impériale.
Il fut utilisé par les empereurs romains élus par leur
armée et sa transmission s'est faite d'Orient vers l'Occident au IVe siècle,
par le contact entre les peuples germaniques et l'armée romaine.
Ce rituel était encore en usage à Byzance à la fin du VIe
siècle.
Le rituel du pavois relève d'un symbolisme, courant en
Orient comme en Occident, dans lequel l'élévation verticale traduit l'accès à
la sphère divine, au sacré.
L'élévation sur le pavois, qui met en scène un chef
militaire et ses soldats, affirme également le caractère guerrier de la royauté
et, selon Régine Le Jan, lorsque Grégoire de Tours évoque ce rituel dans ses
Dix Livres d'Histoire (fin vie siècle), on comprend à mots couverts qu'il le
désapprouve, car il n'est pas contrôlé par les clercs ; pour l'évêque de Tours,
ce rituel manifeste l'élection du roi par ses guerriers mais pas son élection
par Dieu.
De fait, en Occident comme à Byzance, ce rituel disparaît
à partir du VIIe siècle, lorsque le clergé monopolise le rituel du couronnement
royal.
Le circuit
Traditionnellement, le nouveau roi doit circuler dans son
royaume, monté sur un char à bœufs.
Ce rituel du circuit symbolise la prise de possession du
territoire au sein duquel le roi démultiplie les forces de production et de
fécondité.
Ce rite archaïque est moqué par Éginhard, fidèle et
biographe de Charlemagne : dans son entreprise de décrédibilisation de la
dynastie mérovingienne, il décrit des rois se déplaçant constamment vautrés
dans un char à bœufs et forge l'image des rois fainéants.
Il s'agit cependant d'un très ancien rite de fécondité
dont on trouve déjà un témoignage dans La Germanie de Tacite.
Le nom
Chez les rois francs, l’élection, symbolisée par
l'élévation sur le pavois, se combine avec l'hérédité, manifestée par la
transmission du nom dynastique.
Très vite, les rois mérovingiens transmettent les noms
complets de leurs ancêtres à leurs enfants : le nom est à la fois un outil
identitaire et un programme politique.
Ainsi les fils de Clovis (Clodomir et Clotaire Ier)
donnent-ils un même nom burgonde à leurs propres fils (Gunthar / Gontran) pour
appuyer leur prise en main de la Burgondie.
Ils affirment la
légitimité de leur dynastie sur ce nouveau territoire en la reliant à un
ancêtre des rois burgondes.
De la même façon, en 715, lorsqu'il s'agira de tirer le
clerc Daniel de son monastère pour en faire un roi mérovingien, on le renommera
Chilpéric et on prendra soin de lui laisser pousser les cheveux, autre élément
de légitimité.
Les rois chevelus
La symbolique de la longue chevelure, siège de pouvoir
sacré et de force, est présente dans la tradition biblique.
Dans l'Ancien Testament, on lit que la consécration à
Dieu implique le renoncement à la coupe des cheveux.
C'est cette même symbolique qui s'exprime lorsque le juge
Samson perd sa force surhumaine après s'être fait couper les cheveux par
Dalila.
Si le port des cheveux longs chez les Francs est bien
antérieur à la conversion au christianisme, Régine Le Jan explique que c'est
Grégoire de Tours qui confère tout son poids symbolique à cette longue
chevelure, en créant l'image des rois chevelus (reges criniti) et en inscrivant
les Mérovingiens dans la filiation des rois de l'Ancien Testament.
Pépin le Bref ne négligera pas la force de ce symbole et
lorsqu'il décidera de déposer le dernier Mérovingien, Childéric III, avec
l'aval des papes Zacharie et Étienne, il n'omettra pas de le faire tondre.
Organisation du
pouvoir mérovingien
Clientélisme et concept de mundium
Le regnum francorum mérovingien s'appuyait surtout sur un
réseau de fidélités. Les rois distribuaient terres, revenus et charges «
publiques » (la plus commune étant celle de comte) à partir du trésor royal (le
fisc, concept emprunté à la romanité) pour récompenser les aristocrates fidèles
et s'assurer de leur soutien.
Le trésor royal, à la fois privé et public (car le roi
était émanation du peuple), s'était ainsi substitué aux « biens publics » de
l'époque romaine, évolution qui jeta les bases de la vassalité.
Le régime de la clientèle, hérité de l'empire romain,
encourage le faible à se mettre sous la protection (mundium ou mainbour) d'un
puissant en échange de sa liberté ou de son indépendance.
Ce procédé nommé « recommandation » exige du protégé
qu'il serve son protecteur selon un contrat synallagmatique.
Le père de famille protège ses fils de son mundium
jusqu'à leur entrée dans l'âge adulte.
Les filles restent sous le mundium de leur père jusqu'à
leur mariage, transmettant au mari le devoir de protection.
Contrairement au droit romain, qui impose au père de la
mariée de verser une importante dot, le droit mérovingien prévoit que le plus
gros transfert de biens se fasse du marié vers le père de la future épouse.
Il prévoit également qu'un tiers des biens du marié (la
tertia, un douaire) revienne à sa femme à son décès.
« Il ne s'agit pas d'acheter sa fiancée : cette somme
scelle le lien entre les deux familles et marque le consentement du père ».
Administration du
palais
L'administration du palais royal était confiée à des
officiers palatins, fidèles et compagnons du roi, encore souvent laïques :
- le « référendaire », ou « chancelier », chargé de
superviser la rédaction et la conservation des actes officiels ;
- le « monétaire », chargé de la monnaie et des finances
(saint Éloi assuma cette charge) ;
- le « connétable » (comes stabuli), ou « maréchal »,
chargé des écuries royales ;
- le « comte du palais », chargé du tribunal du palais,
qui traite les causes importantes remontant au roi ;
- mais c'est surtout la charge de « maire du palais »
(major domus), sorte de premier ministre du roi, qui prit de l'importance, en
raison de son rôle central au cœur des relations du pouvoir avec
l'aristocratie.
Cette importance
est assumée par les mérovingiens depuis l'édit de Clotaire II.
Le palais accueille également en son sein la garde
personnelle du roi (la « truste »), formée de ses guerriers les plus fidèles («
antrustions » ou « leudes »), ainsi que les nutriti (littéralement « nourris »)
au temps de Dagobert, c'est-à-dire les enfants de grandes familles
aristocratiques, envoyés à la cour du roi pour y être formés et, souvent, y occuper
à terme une charge importante.
Comtes et évêques
Le pouvoir local était conféré aux comtes (comes ou «
compagnon » du roi), nommés par le roi et installés dans les grandes cités.
Le comte dirigeait une circonscription constituée de
plusieurs pagi (qui a donné « pays »), découpage hérité de l'empire romain, et
constituait un véritable relais du pouvoir.
Ses fonctions étaient diverses :
- il convoquait les hommes libres pour l'armée royale
(l'ost),
- levait certains impôts et présidait le tribunal du
comté (le mallus) au nom du roi.
La charge de comte était promise à un bel avenir : elle
survécut durant tout le Moyen Âge et ses titulaires affirmèrent leur
indépendance chaque fois que le pouvoir central défaillait.
Ainsi, dès l'époque mérovingienne, certains comtes
formèrent de véritables dynasties et devinrent incontrôlables, surtout dans les
régions périphériques du royaume.
Une partie de l'aristocratie du royaume constitua alors
une noblesse héréditaire. À la fin du VIIe siècle, le titre de duc des Francs,
ou dux francorum, pouvait venir officialiser la domination d'un aristocrate sur
un vaste territoire (plusieurs comtés ou une région entière comme l'Austrasie)
; plusieurs Pippinides portèrent le titre de duc.
Dans chaque cité, aux côtés des comtes, se trouvaient
également les évêques, officiellement élus librement par leurs concitoyens,
mais dont l'élection nécessitait, dans les faits, le consentement du roi.
Outre leur compétence totale en matière de confection du
droit de l’Église (au sein de conciles), les évêques se voyaient confier
d'importantes responsabilités civiles dans les cités dont ils avaient la
charge. Ils constituaient un important maillon de l'administration du royaume
mérovingien.
La religion chez
les Mérovingiens
L’Eglise
mérovingienne
Les souverains mérovingiens, lesquels revendiquaient des
origines divines et une parenté avec le Christ, reconnurent très vite le
potentiel de l’Église : en effet Clovis y vit un formidable instrument de
légitimation de son règne au sein d’un monde ou le christianisme tendait à se
substituer à la légalité romaine.
De fait, suite à
son baptême, il affirma son autorité sur les évêques lors du premier concile
des Gaules en 511, rassemblant ainsi les églises sous son autorité.
L’histoire de l’église franque de 600 à la mort de Pépin
(768) se déroule en trois périodes : durant la première, pendant que les rois
mérovingiens perdaient l’un après l’autre la direction de leur royaume, la
forme ancienne de la vie ecclésiale de la Gaule romaine disparut peu à peu, et
des foyers religieux tels que l’abbaye Saint-Denis, proche de Paris, se mirent
à apparaître.
La deuxième période, ou les maires du palais exercèrent
le pouvoir, vit toute vie ecclésiale organisée se dissoudre rapidement ; il ne
fut plus tenu de synode ni de concile, et les abbayes et évêchés furent
sécularisés.
Au cours de la troisième période, sous Carloman et Pépin,
un authentique renouveau de la discipline et un désir de réforme se
manifestèrent clairement : Pépin fut le véritable fondateur du royaume franc ;
il proposa le premier les objectifs, les idéaux et les méthodes de gouvernement
que son fils Charles dut porter au plus haut degré de perfection.
Au terme de cette période de transition, située entre les
dernières années de l’Empire romain et la montée de la monarchie franque,
l’Église de Gaule changea de statut : elle n’avait tout d’abord été qu’un
prolongement du christianisme romain le long des routes et des rivières de la
Gaule méridionale et devint par la suite une Église régionale plus territoriale
dont le gouvernement était directement assuré par le roi.
Organisation
Dans les premiers temps de la période mérovingienne,
Église et État ne sont pas vraiment séparés : l’autorité des évêques est liée à
celle du roi, et inversement.
L’organisation et l’administration de l’Église était
alors régie par les évêques, lesquels résidaient dans les « cités » ou les
grandes villes, avec lesquelles le christianisme avait formé un lien étroit :
la présence d’un évêque en ces lieux en faisait une ville.
Dès le IVe siècle, ces évêques assument non seulement un
pouvoir pastoral au sein de leur diocèse, mais deviennent également de
puissants seigneurs temporels, représentants et protecteurs de leur communauté.
Ces évêques avaient la mainmise sur les finances et le
clergé de leur diocèse ainsi que sur les domaines appartenant à leurs églises
et, au fur et à mesure que le pouvoir central s’affaiblissait, ces évêques
apparurent comme la seule véritable source d’autorité et devinrent les véritables
dirigeants du pays, maintenant ce rôle sous les premiers rois mérovingiens,
lesquels ne disposaient ni des ressources ni de l’organisation propres à une
société civilisée.
Ils gouvernaient les « cités », rendaient la
justice et remédiaient aux calamités publiques.
Au niveau local, on continuait à fonder des églises au
fur et à mesure que s’étendait l’influence chrétienne, à partir des axes
routiers et fluviaux vers les zones rurales.
Dès la fin du VIIe siècle, la Gaule était en majeure
partie chrétienne, l’Église disposant alors d’au moins un quart des terres
cultivées, mais pas entièrement : en effet, en dehors de quelques églises des
grandes « cités » et des monastères, la vie religieuse était d’une grande
simplicité : le prêtre desservait une église privée durant toute son existence,
et n’avait donc besoin que d’un bagage de connaissance limité, comme la
législation religieuse sur le mariage et l’inceste.
Ses attributions étaient principalement de dire la messe
et de baptiser.
À cette époque, les époux n’étaient pas encore forcés de
faire bénir leur mariage par un prêtre, bien que cette pratique fût courante.
Il est probable le prêtre n’entrait en rapport avec
l’autorité supérieure qu’à l’occasion du synode annuel réuni à la cathédrale au
cours de la Semaine Sainte, lors de laquelle il se procurait les huiles saintes
pour l’année.
Les visites épiscopales devaient être chose rare, voire
inconnue.
Lutte contre le
paganisme
Le paganisme persista pendant longtemps, de même que de
nombreuses cérémonies superstitieuses ainsi que de la sorcellerie héritée d’un
passé celte ou romain.
En ce temps-là, tout évêque consciencieux consacrait une
partie de sa vie à la prédication apostolique et, bien que lui seul, selon la
tradition et le droit canon, eût le droit et le devoir d’exposer des articles
de foi, on vit des abbés et des prêtres zélés évangéliser les habitants de
contrées éloignées et non civilisées.
Le roi Childebert, par un décret rendu en 554, interdira
le culte des idoles dans son royaume.
Vers la même époque, Procope de Césarée dira à propos des
Francs :
« Ces Barbares ont une manière d'être chrétiens qui leur
est propre ; ils observent encore plusieurs usages de l'ancienne idolâtrie, et
offrent, pour connaître l'avenir, des sacrifices impies et des victimes
humaines ».
Succession chez
les Mérovingiens
Lors du traité entre l'Empire Romain et les Francs
Saliens, que dirigent des rois qui deviendront les Mérovingiens de
l'historiographie, il est rappelé que la succession à la charge de Général
reste la prérogative du Princeps romain.
Rapidement, celui-ci n'est plus en mesure d'imposer ses
choix ; il ne peut donc que les valider, à la demande du général qui a pris le
commandement après la mort de son prédécesseur.
Dans les faits, le général, roi pour son peuple, est
nommé selon les usages germaniques qui prévalent au sein de son peuple, et ce
choix est validé par le Princeps.
Le royaume franc était considéré d’après la tradition
germanique comme un bien patrimonial, c’est-à-dire que le royaume constituait
le domaine familial du roi. Il n’y avait plus de distinction entre l’État, sa
personne et son bien.
Les victoires militaires aboutissaient donc à
l’accroissement de la propriété familiale du roi.
Ce partage était
issu de la loi salique germanique.
Cette loi excluait
les femmes de la succession tant qu’il restait des héritiers mâles.
Ainsi à la mort du roi, le royaume était divisé entre ses
enfants de sexe masculin même si une femme peut hériter d'un domaine en pleine
possession et non simplement comme usufruitière.
Le titre de roi
des Francs, ou Rex Francorum en latin, est générique.
Il se transmet du
père au fils, d'une génération à l'autre, dans la même famille, celle des
Mérovingiens.
Il faut néanmoins savoir que l'expression loi salique
désigne deux réalités bien différentes.
Dans le haut Moyen Âge, il s'agit d'un code de loi
élaboré, selon les historiens, entre le début du IVe et le VIe siècle pour le
peuple des Francs dits « saliens », dont Clovis fut l'un des premiers rois.
Ce code, rédigé en latin, et comportant de forts emprunts
au droit romain, établissait entre autres les règles à suivre en matière
d'héritage à l'intérieur de ce peuple.
Plusieurs siècles après Clovis, dans le courant du XIVe
siècle, un article de ce code salique fut exhumé, isolé de son contexte,
employé par les juristes de la dynastie royale des Valois pour justifier
l'interdiction faite aux femmes de succéder au royaume de France directement
issu de celui des Francs.
À la fin de l'époque médiévale et à l'époque moderne,
l'expression loi salique désigne donc les règles de succession au trône de
France.
Ces règles ont par ailleurs été imitées dans d'autres
monarchies européennes.
L'éviction des
femmes du pouvoir par cette loi rattachée à une tradition franque mérovingienne
puis carolingienne a été célébrée ou critiquée dès le XIIIe siècle
Difficultés
pratiques
La première difficulté pratique était que le royaume
devait être divisé équitablement.
La mort du roi était suivie de nombreux pourparlers afin
de décider de quelles régions allait hériter chaque fils.
Ensuite, le partage du royaume faisait qu’il n’y avait
plus un seul souverain à la tête d’un grand royaume mais plusieurs souverains à
la tête de plusieurs petits royaumes ce qui affaiblissait considérablement le
pouvoir de la dynastie franque.
Cependant, le partage du royaume n’était pas aussi
anarchique qu’on pourrait le croire.
Bien qu’ayant chacun un bout de territoire franc, ils
souhaitaient tous préserver l’unité du Regnum (royaume) (unification politique
des peuples de la ligue franque (Chattes, Chamaves, Tubantes...), en un seul
peuple, celui des Francs).
Chaque héritier était donc considéré comme Rex Francorum,
c’est-à-dire roi des Francs.
Le roi règne sur
un peuple et non un territoire.
Cette recherche d’unité était telle que les frontières
ont toujours été très défendues contre les différentes tentatives d’invasion.
Ainsi, bien que divisé, le royaume franc était toujours
considéré comme une unité.
Enfin, Paris ancienne capitale sous Clovis, a perdu ce
rôle pour devenir le symbole de l’unité du royaume car elle était exclue des
partages.
Conséquences
politiques
Plusieurs parties de territoires pouvaient être réunies
par la force ou si l’un des frères mourait sans enfants.
Le partage du royaume créa donc des conflits fratricides
dictés par la convoitise qui étaient généralement suivis par des meurtres en
série ou des guerres entre royaumes frères.
Fustel de Coulanges voit dans cette royauté mérovingienne
« un despotisme tempéré par l'assassinat »
Prenons l’exemple de Clovis Ier : sa mort a été suivie du
premier partage du royaume entre ses quatre fils : Théodoric, Clodomir,
Childebert, Clotaire.
Clodomir mourut lors d’une des nombreuses conquêtes
qu’entreprirent les quatre frères.
Les autres massacrèrent alors leurs neveux pour écarter
tout héritier sauf saint Cloud qui se fit tondre (la chevelure des rois
mérovingiens était légendaire, ils tenaient leur force et leur charisme de
leurs cheveux qu’ils laissaient longs).
Théodoric mourut après avoir envahi la Thuringe.
Ses successeurs le suivirent rapidement à la suite des
guerres incessantes.
Clotaire envahit le territoire de son frère aîné.
Childebert mourut peu après sans descendance.
Clotaire réunifia donc entièrement le royaume franc.
Mais ce fut à la mort de ce dernier que les choses se
sont réellement envenimées.
Clotaire mourut avec quatre héritiers : Caribert,
Chilpéric, Gontran, Sigebert.
On procéda donc à un second partage du royaume qui fut suivi
d’une longue « saga familiale » tragique confrontant la famille de Sigebert et
Chilpéric.
Cette querelle familiale, largement alimentée par la
haine entre leurs épouses respectives, Brunehaut et Frédégonde, tourna
rapidement à la guerre civile (connue sous le nom de faide royale).
Lorsque Sigebert épousa Brunehaut (fille réputée belle,
intelligente…), son frère, jaloux, épousera Galswinthe, la sœur de Brunehaut,
qui finira finalement étranglée dans son lit par la maîtresse et future épouse
de Chilpéric, Frédégonde.
La haine s’installera donc entre les deux couples.
Les territoires francs passeront de mains en mains.
Finalement Sigebert et Chilpéric seront tous deux
assassinés par Frédégonde. Les deux reines, toutes deux tutrices s’affronteront
en tuant neveux, cousins et oncles afin de mettre leurs fils respectifs sur le
trône.
La haine que se voueront Frédégonde et Brunehaut
aggravera la division Austrasie – Neustrie.
Elle fera perdre toute unité au royaume et freinera le
développement de la dynastie mérovingienne.
Les conflits familiaux profiteront, par ailleurs, aux
maires du palais.
Ces guerres vont
appauvrir les rois alors que les maires du palais vont s’enrichir et ainsi
bénéficier d'un pouvoir croissant qui vont les amener jusqu’au trône avec
l'avènement de Pépin le Bref.
Économie et
administration sous les Mérovingiens
Jusqu'au règne de Dagobert Ier, l'État mérovingien ne se
distingue pas fondamentalement de la tradition romaine.
Après les troubles profonds dus aux invasions, l'état social
du pays reprend son ancien caractère romain.
Les terres du fisc impérial passent bien dans les mains
du roi mais les grands propriétaires gallo-romains ont, sauf de rares
exceptions, conservé leurs domaines, organisés comme ils l'étaient sous l'Empire.
Le commerce reprend lentement son activité.
Marseille, centre du grand commerce maritime avec
l'Orient, reçoit ces marchands syriens que l'on retrouve d'ailleurs dans les
villes importantes du sud de la Gaule et qui, avec les Juifs, sont les principaux
marchands du pays.
Les villes de l'intérieur conservent une bourgeoisie de
commerçants parmi lesquels il en est qui, en plein VIe siècle, nous sont connus
comme des notables riches et influents.
Grâce à ce
commerce régulier qui maintient dans la population une importante circulation
de marchandises et d'argent, le trésor du roi, alimenté par les tonlieux,
dispose de ressources importantes, au moins aussi considérables que celles
qu'il retire du revenu des domaines royaux et du butin de guerre.
Cette civilisation
tombe dans une certaine décadence mais elle conserve ses traits essentiels.
Les fonctionnaires importants, choisis parmi les grands,
font preuve, à l'égard du pouvoir, d'une singulière indépendance et l'impôt
n'est souvent prélevé par le comte qu'à son profit personnel.
L'affaiblissement de l'ancienne administration romaine,
coupée de Rome, et dont le roi maintient avec peine les derniers vestiges,
permet à l'aristocratie des grands propriétaires de prendre, en face du roi et
dans la société, une position de plus en plus forte.
C'est surtout dans le Nord, en Austrasie, où la
romanisation est presque complètement effacée, qu'elle s'assure, dès le VIIe
siècle, une prépondérance absolue.
Cette aristocratie, dont l'action grandit sans cesse, n'a
rien d'une noblesse.
Elle ne se distingue pas du reste de la nation par sa
condition juridique, mais seulement par sa condition sociale.
Ceux qui la composent sont, pour parler comme leurs
contemporains, des grands (majores), des magnats (magnates), des puissants
(potentes), et leur puissance dérive de leur fortune.
Tous sont de grands propriétaires fonciers : les uns
descendent de riches familles gallo-romaines antérieures à la conquête franque,
les autres sont des favoris que les rois ont largement pourvus de terres, ou
des comtes qui ont profité de leur situation pour se constituer de spacieux
domaines.
Qu'ils soient romains ou germaniques de naissance, les
membres de cette aristocratie forment un groupe lié par la communauté des
intérêts, et chez lequel n'a pas tardé à disparaître et à se fondre dans
l'identité des mœurs, la variété des origines.
À mesure que l’État, auquel ils fournissent les plus
importants de ses agents, se montre plus incapable de garantir la personne et
les biens de ses sujets, leur prépondérance s'affirme davantage.
Leur situation personnelle profite des progrès de
l'anarchie générale et l'insécurité publique augmente sans cesse leur influence
privée.
En tant qu'officiers du roi, les comtes traquent et
rançonnent les populations qu'ils sont censés protéger; mais à partir du moment
où ces personnes leur auront cédé leurs terres et leurs personnes et seront
venus s'annexer à leurs domaines, ces mêmes comtes, en tant que grands
propriétaires, étendront sur eux leur puissante sauvegarde.
Ainsi les fonctionnaires mêmes de l’État travaillent
contre l’État, et en étendant sans cesse sur les hommes et les terres leur
clientèle et leur propriété privée, ils enlèvent au roi ses sujets directs et
ses contribuables.
Le rapport qui s'établit entre les puissants et les
faibles ne relève pas simplement du rapport économique entre un propriétaire et
son tenancier.
Né du besoin d'une protection effective, il crée entre
eux un lien de subordination qui s'étend à la personne tout entière.
Le contrat de recommandation, qui apparaît dès le VIe
siècle, donne au protégé le nom de vassal (vassus) ou de serviteur, au
protecteur le nom d'ancien ou de seigneur (senior).
Le seigneur est tenu non seulement de pourvoir à la
subsistance de son vassal, mais de lui fournir d'une manière permanente secours
et assistance et de le représenter en justice.
L'homme libre qui se recommande conserve les apparences
de la liberté, mais en fait, il est devenu un client, un sperans du senior.
Ce protectorat que le seigneur exerce sur les hommes
libres en vertu de la recommandation, il l'exerce naturellement aussi et avec
plus d'intensité sur les hommes qui appartiennent à son domaine, anciens colons
romains attachés à la glèbe ou serfs descendant d'esclaves romains ou
germaniques dont la personne même, en vertu de la naissance, est sa propriété
privée.
Sur cette population dépendante, il possède une autorité
à la fois patriarcale et patrimoniale qui tient tout ensemble de la justice de
paix et de la justice foncière.
Il n'y a là, au début, qu'une simple situation de fait.
Mais rien n'illustre mieux l'impuissance de l’État que
l'obligation dans laquelle il s'est trouvé de la reconnaître.
À partir du VIe siècle, le roi accorde, en nombre
toujours croissant, des privilèges d'immunité.
Il faut entendre par là des privilèges concédant à un
grand propriétaire (le plus souvent une propriété ecclésiastique) l'exemption
du droit d'intervention des fonctionnaires publics dans son domaine.
L'immuniste est donc substitué sur sa terre à l'agent de
l’État.
Sa compétence, d'origine purement privée, reçoit une
consécration légale. Cependant, il est délicat d'affirmer que l’État capitule
devant l'immuniste, car la compétence de ce dernier émane du roi et s'exerce en
son nom.
Des propriétés du roi lui-même, qui avaient compris à
l'origine tout le domaine foncier de l'État romain, il ne subsiste plus, à la
fin de la période mérovingienne, que d'insignifiants débris.
Lambeau par lambeau, en effet, elles ont été cédées à
l'aristocratie en vue d'acheter sa fidélité.
Les partages continuels de la monarchie entre les
descendants de Clovis, la séparation et la réunion alternatives des royaumes de
Neustrie, d'Austrasie et de Bourgogne, le remaniement continuel des frontières
et les guerres civiles qui en étaient la suite, furent pour les grands une
excellente occasion de marchander leur dévouement aux princes que le hasard des
héritages appelait à régner sur eux et qui, pour s'assurer la couronne, étaient
tout prêts à sacrifier le patrimoine de la dynastie.
Pour la première fois une opposition va se manifester
entre l'aristocratie romanisée de Neustrie, et les grands d'Austrasie, restés
beaucoup plus proches des mœurs et des institutions germaniques.
L'avènement de l'aristocratie amène naturellement les
influences locales à se manifester ; la diversité se substitue ainsi à l'unité
royale.
La conquête de la
Méditerranée par les Musulmans devait précipiter l'évolution politique et
sociale qui s'annonçait.
Jusqu'alors, au milieu d'une société qui glissait vers le
régime de la propriété seigneuriale, les villes s'étaient maintenues vivantes
par le commerce, et avec elles une bourgeoisie libre.
Dans la seconde
moitié du VIIe siècle, tout commerce cesse sur les côtes de la Méditerranée
occidentale.
Marseille, privée de navires, meurt asphyxiée, et toutes
les villes du Midi, en moins d'un demi-siècle, tombent en décadence.
À travers tout le pays, le commerce, que n'alimente plus
la mer, s'éteint ; la bourgeoisie disparaît avec lui ; il n'existe plus de
marchands de profession, plus de circulation commerciale, et, par contrecoup,
les tonlieux cessent d'alimenter le trésor royal, incapable de faire face
désormais aux dépenses du gouvernement.
L'aristocratie représente, dès lors, la seule force
sociale.
En face du roi ruiné, elle possède, avec la terre, la
richesse et l'autorité ; il ne lui reste plus qu'à s'emparer du pouvoir.
Art mérovingien
Lent déclin des
Mérovingiens
À partir de 639 (à la fin du règne de Dagobert Ier) commença
l'époque des souverains que le biographe de Charlemagne, Eginhard, nomma les
rois fainéants, au IXe siècle dans sa Vita Karoli (Vie de Charlemagne), cela
pour légitimer la prise de pouvoir carolingienne.
En réalité, leur inaction s'explique surtout par leur
faiblesse et leur impuissance. Souvent très jeunes, les querelles familiales
pour le pouvoir ne leur laissaient qu'une espérance de vie très faible et les
souverains mérovingiens devinrent les jouets de l'aristocratie.
D'autre part, dans un contexte général de crise
économique en Occident, les richesses acquises par leurs prédécesseurs
s'étaient considérablement amenuisées, à la suite de l'arrêt des campagnes
militaires pour étendre le royaume, aux détournements de l'impôt et aux
dépenses engagées pour venir à bout des révoltes et pour acheter la fidélité
des vassaux.
L'autorité des Mérovingiens s'affaiblit donc pendant
cette période de pauvreté et de déclin de la monarchie, tandis que s'imposaient
peu à peu les maires du palais, appelé major domus ou magister palatii en
latine.
À l'origine simple intendant, le maire du palais devint
avec le temps le réel administrateur du royaume, comparable au premier ministre
au bas Moyen Âge, en raison de son rôle central dans les relations avec
l'aristocratie franque.
Étant issu de celle-ci, en effet, le maire du palais
défendait naturellement les intérêts des nobles, ce qui valut aux détenteurs de
la charge un prestige croissant.
Progressivement, la charge de maire du palais consista
notamment à déclencher les guerres, à négocier les accords avec les pays
voisins, à nommer les évêques, les ducs et les comtes.
Des trois maires du palais, celui de Bourgogne disparut
assez tôt, puis la lutte s'engagea entre les deux autres.
L'aristocratie foncière d'Austrasie, plus puissante que
les grands propriétaires de Neustrie, parce que plus éloignée du roi et de
l'ancienne administration romaine, était avantagée dans un État presque
exclusivement fondé sur la richesse foncière.
Entre le maire d'Austrasie, Pépin de Herstal, qui
représentait les grands, et le maire de Neustrie, Ebroïn, resté fidèle à
l'ancienne conception royale, la lutte était inégale : Pépin triompha.
Dès lors, il n'y eut plus qu'un maire du palais pour
toute la monarchie et ce fut la famille des Pippinides qui la fournit.
Depuis longtemps, elle jouissait dans le nord du Royaume
d'une situation qu'elle devait à sa richesse foncière.
Ses domaines étaient nombreux, surtout dans cette région
mi-romane mi-germanique dont Liège, alors un simple village, forme le centre,
et se répandaient dans la Hesbaye, le Condroz et l'Ardenne ; Andenne et Herstal
étaient ses résidences favorites.
De riches mariages augmentèrent encore son ascendant.
De l'union de la fille de Pépin de Landen et du fils
d'Arnoul de Metz naquit Pépin de Herstal, déjà cité plus haut, qui fut le
premier à exercer véritablement la régence dans toute la monarchie franque.
Lorsque les musulmans envahirent l'Aquitaine, le
successeur de Pépin de Herstal, Charles Martel vint leur offrir le combat dans
les plaines de Poitiers et l'élan de la cavalerie musulmane se brisa contre les
lignes de son infanterie lourde.
L'invasion arrêtée reflua ; les Musulmans ne conservèrent
en Gaule que les environs de Narbonne, d'où Pépin le Bref devait les expulser
en 759.
Le triomphe de Poitiers acheva de faire de Charles Martel
le maître du royaume. Il en profita pour lui donner une solide organisation
militaire.
Jusqu'à lui, l'armée ne s'était composée que des hommes
libres, levés dans les comtés en temps de guerre.
C'était une simple milice de fantassins, s'équipant à
leurs frais, difficile à réunir, lente dans ses mouvements.
Après Poitiers, Charles résolut de créer, à l'exemple des
Arabes, une cavalerie qui pût se porter rapidement au-devant de l'ennemi et
remplacer l'avantage du nombre par celui de la mobilité.
Une telle nouveauté supposait une transformation radicale
des usages antérieurs.
On ne pouvait imposer aux hommes libres ni l'entretien
d'un cheval de guerre, ni l'acquisition du coûteux équipement de cavalier, ni
le long et difficile apprentissage du combat à cheval.
Pour atteindre ce but, il fallait donc créer une classe
de guerriers possédant les ressources correspondant au rôle qu'on attendait
d'eux.
Une large distribution des terres fut faite aux vassaux
les plus robustes du maire du palais, qui n'hésita pas à séculariser, à cette
fin, bon nombre de biens d’Église.
Chaque homme d'armes gratifié d'une tenure ou, pour
employer le terme technique, d'un bénéfice, fut tenu d'y élever un cheval de
guerre et de fournir le service militaire à toute réquisition.
Un serment de fidélité renforça encore ces obligations.
Le vassal qui n'était au départ qu'un serviteur devint
ainsi un soldat dont l'existence fut assurée par la possession d'un lopin de
terre.
L'institution se répandit très rapidement dans tout le
royaume.
Les immenses domaines de l'aristocratie permettaient à
chacun de ses membres de se constituer une troupe de cavaliers, et ils n'y
manquèrent pas.
Le nom primitif de bénéfice disparut un peu plus tard,
remplacé par celui de fief. Mais l'organisation féodale elle-même, pour
l'essentiel, se trouve dans les mesures prises par Charles Martel.
Ce fut la plus grande réforme militaire que l'Europe ait
connue avant l'apparition des armées permanentes.
Elle devait d'ailleurs exercer une répercussion profonde
sur la société et sur l’État.
Dans son fond, elle n'était qu'une adaptation de l'armée
à une époque où le grand domaine dominait toute la vie économique et elle eut
pour conséquence de donner à l'aristocratie foncière la puissance militaire
avec la puissance politique. La vieille armée des hommes libres ne disparut
pas, mais elle ne constitua plus qu'une réserve à laquelle on recourut de moins
en moins.
Les rapports de Charles Martel avec l’Église n'avaient
pas été harmonieux.
Celle-ci lui reprocha ses sécularisations et lui tint
rancune qu'il ait refusé de venir au secours de la papauté pressée par les
Lombards alors que le pape Grégoire III lui avait fait l'honneur d'une ambassade
spéciale chargée de lui remettre solennellement les clefs du tombeau des
apôtres.
Charles Martel à la Bataille de Poitiers, en octobre
732, représentation par Charles de Steuben, musée d'histoire de France de
Versailles.
Moins absorbé par la guerre, son fils Pépin le Bref, qui
lui succéda en 741 à la mairie du palais et au gouvernement du royaume,
entretint très rapidement des relations suivies avec Rome.
Au moment où il prit le pouvoir, les missions
anglo-saxonnes chez les Germains païens d'au-delà du Rhin venaient de commencer
sous la direction de saint Boniface.
Pépin lui montra tout de suite un zèle et une
bienveillance auxquels les apôtres du christianisme n'étaient pas habitués.
Les motifs lui en étaient d'ailleurs inspirés par
l'intérêt politique.
Il comprenait que le moyen le plus efficace de pacifier
les Frisons, les Thuringiens, les Bavarois et les Saxons et de préparer l'annexion
future, était de commencer par les convertir.
D'où l'intérêt qu'il prit aux projets de Boniface,
l'appui qu'il lui accorda, ses faveurs à l'égard du siège de Mayence qui, érigé
en métropole de la nouvelle Église germanique, rattachait celle-ci, dès sa
naissance, à l’Église franque.
Boniface cependant, fils soumis de la papauté en sa
qualité d'Anglo-Saxon, ne s'était mis à l’œuvre qu'après avoir demandé et reçu
l'assentiment et les instructions de Rome.
Il se trouva ainsi, grâce aux relations qu'il entretenait
avec le maire du palais, l'intermédiaire naturel entre celui-ci et le pape.
Or, chacun d'eux, ayant besoin de l'autre, ne demandait
qu'à se rapprocher de lui.
Pépin, déjà roi de fait, aspirait à l'être en droit.
Mais il hésitait à enlever sa couronne à son possesseur
légitime, en qui vivait encore une longue tradition dynastique.
Afin d'accomplir le coup d'État, il fallait pouvoir
s'abriter sous la plus haute autorité morale qui fût, en obtenant l'approbation
du pontife romain.
Le pape confronté à une situation intenable avait
également besoin de Pépin.
En effet, le moment était venu de rompre avec l'empereur
byzantin, dont le césarisme hérétique devenait de plus en plus arrogant, et qui
laissait, par impuissance ou mauvaise volonté, les Lombards s'avancer jusqu'aux
portes de Rome (Le roi lombard Aistulf s'emparera d'ailleurs de l'Exarchat de
Ravenne en 751).
L'alliance se conclut facilement.
En 751, des députés de Pépin allèrent gravement demander
au pape Zacharie s'il ne convenait pas que le titre royal appartînt plutôt à
celui qui exerçait l'autorité suprême qu'à celui qui n'en possédait que
l'apparence.
Non moins gravement, le pape corrobora leur opinion sur
ce point de morale politique.
Quelques semaines plus tard, Pépin se faisait proclamer
roi par une assemblée de grands.
Le dernier descendant de Clovis, Childéric III, fut tondu
et envoyé dans un monastère où il finit ses jours.
On ignore la date de sa mort. Jamais peut-être aucune
dynastie ne disparut au milieu d'une telle indifférence et à la suite d'un coup
d’État plus aisé.
Pour assurer sa légitimité, Pépin fut sacré roi en 754, à
Saint-Denis par le pape Étienne II.
Son couronnement
marqua, par la suite, l'avènement de la dynastie des Carolingiens.
Les Mérovingiens
et l'historiographie
À partir du règne de Charlemagne commença une véritable
entreprise de dénigrement de la dynastie mérovingienne dont le principal
responsable est Eginhard.
Afin de justifier le coup d'État carolingien de 751,
celui-ci laissa à la postérité une image bien terne des Mérovingiens que
certains historiens du XIXe siècle reprirent, image qui a été diffusée par
l'école, et qui est encore dans l'esprit de beaucoup.
Ainsi, il présenta les Mérovingiens comme des rois
n'ayant rien fait, n'ayant fait néant, c'est-à-dire sans acte remarquable ; ce
que les historiens du XIXe siècle traduisirent par fainéants et que l'image
véhiculée, et raillée, par Eginhard des rois se déplaçant en char tiré par des
bœufs n'arrangea pas.
Or, chez les Francs, c'était une vieille coutume pour le
nouveau roi que de passer à travers ses terres sur une charrette tirée par des
bœufs, pour prendre d'une part connaissance de son royaume, mais aussi pour
favoriser par son pouvoir mythique, le rendement agricole des terres.
De même, à une époque carolingienne où la mode est aux
cheveux courts, présenter les Mérovingiens comme des rois ne se coupant pas les
cheveux a également véhiculé cette idée de fainéantise.
Or, là aussi, les cheveux longs sont, chez les peuples
germaniques, un signe de pouvoir et lorsque Pépin le Bref dépose le dernier roi
mérovingien, il prend bien soin de le tondre, plus pour lui retirer un dernier
attribut de sa puissance quasi-divine et montrer ainsi qu'il est incapable de
régner que pour lui appliquer la tonsure monastique.
Au IXe siècle, à une époque où toute cette mystique
païenne du roi germanique est un peu oubliée, Eginhard peut la retourner dans
une entreprise de propagande qui a bien fonctionné puisque, encore aujourd'hui,
on a une image peu glorieuse de ces rois.
Les nécropoles
mérovingiennes
Les tombes mérovingiennes étaient des sarcophages de
plâtre, des cercueils en bois ou parfois des individus en pleine terre.
Celles-ci contiennent usuellement de nombreux bijoux de
verre, des armes, des restes de vêtements et diverses offrandes.
Ce n'est qu'à l'époque carolingienne que les offrandes
furent interdites par l'Église, en tant que pratique païenne.
De façon générale,
les études montrent que les gens étaient durant ces périodes en bonne santé et
robustes, et n'avaient que rarement des carences alimentaires.
Les tombes d'enfants étaient relativement courantes et au
même titre que les adultes, contenaient différents types de mobilier.
À cette époque, les enfants n'étaient baptisés qu'à l'âge
de trois ou quatre ans, lorsqu'on était certain que l'enfant était en bonne
santé et allait vivre, car un baptême coûtait fort cher.
Les enfants décédés sans être baptisés étaient donc
enterrés en tant que non-chrétiens, hors de l'enclos sacré.
A la table des
mérovingiens
Nous pouvons constater une certaine continuité dans la
façon de manger et les « manières de table » des mérovingiens par rapport au
monde romain.
On peut donc dire que les premiers Mérovingiens ont gardé
cet art de table « à la romaine ».
En effet, on y trouve les mêmes caractéristiques que les
salles à manger de l’élite qui étaient richement décorées, sur les murs et les
sols.
Cependant les mérovingiens ont des différences dans ce
domaine.
La table et le
couvert
Les tables étaient dressées avec soin et surtout selon
des règles précises qui pouvaient varier.
Couverte d'une nappe blanche la table avait une forme
carrée, ovale rectangulaire, celle-ci se dressait à l'aide de tréteaux ou l'on
posait une planche (parfois plus) ; différence avec les romains qui avaient
leur table fixe.
Il y avait autour de cette table « volante » beaucoup de
convives.
Ces personnes étaient assises sur des bancs et des
tabourets autour de la table.
Chaque personne à table avait une cuillère et un couteau,
pas de fourchette, celle-ci apparaît plus tard.
La matière du service était variée, nous pouvions y
retrouver des services en bois, marbre, or, argent, et en terre sigillée ; une
céramique de vernis rouge caractéristique du service de l’antiquité romaine.
Un autre aspect de la table mérovingienne ; il n’y a pas
d’assiette individuelle mais un « tranchoir », c’est-à-dire un morceau de pain
utilisé comme assiette.
Le service à table
Les repas des Mérovingiens étaient servis de deux façons
différentes ; soit un seul plat est apporté à table pour tous les convives.
C’est donc un immense plat commun dont le plus beau côté
était tourné vers les hôtes les plus importants.
Il y avait donc des inégalités entre convives.
Soit des serviteurs apportaient plusieurs repas en même
temps.
D’après le Decem Libri Historiarum de Grégoire de Tours,
nous pouvons en conclure qu’il existait quatre services.
L’ordre de ces services était le suivant :
- Services dans des grands plats de marbre pour les
légumes au miel.
- Un ensemble de viande (porc ou bœuf) avec des potages
et fruit.
- Le troisième service est le plus important, les plats
se multiplient avec des légumes, poissons, volailles, etc.
- Le quatrième est principalement fait de fruits de la
maison.
Pendant que les serviteurs débarrassaient la table, les
hôtes mangeaient des aliments salés de sorte à pousser la soif.
Le repas tournait donc en beuverie qui pouvait parfois
durer jusqu’au lendemain.
Les traditions
Avant de se mettre à table les convives se lavaient les
mains et une personne d’église bénissait le repas et ce, à chaque service.
À l’extérieur de la table, des « entremets » jouaient de
la musique et occupaient les invités car le repas pouvait prendre plusieurs
heures.
Les Mérovingiens
avait une certaine tenue à table.
Postérité des
Mérovingiens
La dynastie des Mérovingiens s'éteint avec Childéric III
et son fils Thierry.
Les généalogistes ont longtemps cherché à en trouver des
descendants ignorés mais aucune certitude n'a pu être mise au jour.
Les prétentions des Carolingiens à descendre des
Mérovingiens par une fille de Clotaire Ier sont reconnues comme fictives.
Plusieurs pistes ont été néanmoins mises en avant par les
historiens.
Selon Christian Settipani, la meilleure probabilité
concerne l'origine de Berthe, épouse de Pépin le Bref, dont la famille se
transmettait les noms de Bertrade, Charibert et Thierry tous mérovingiens même
si ce rattachement ne peut être démontré.
Selon David H. Kelley, le roi Egbert de Wessex (802-839)
pourrait se rattacher à ses deux homonymes rois de Kent, Egbert Ier (664-673)
et Egbert II (796-798), le premier ayant pour grand-mère et arrière-grand-mère
deux princesses mérovingiennes.
Plusieurs princesses mérovingiennes ont eu une destinée
qui nous est inconnue et certaines d'entre elles ont pu être mariées dans
l'aristocratie et faire souche comme par ailleurs des bâtards royaux ; on
retrouverait là l'origine de certains saints que leur biographie présente comme
d'origine royale ou de certains nobles dont les noms laissent conjecturer la
même origine.
On peut citer les cas de :
- Lanthilde, la sœur de Clovis Ier ;
- Chrodlindis, épouse de l'Agilolfide Chrodoald ;
- Saint Rupert (Robert) de Salzbourg, probable robertien
et évêque de Worms, apôtre de la Bavière, regali progenie francorum ;
- la femme de saint Rieul, évêque de Reims, fille d'un
roi et d'une sœur de saint Nivard, prédécesseur de Rieul à Reims ;
- l'évêque Mérovée de Poitiers ;
- l'évêque Genebaud de Laon ;
- les évêques Arbogast et Cararic de Chartres;
- l'évêque Sunnon de Cologne
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