Par Aline Métais - 21/06/2019
Des molécules de
médicaments non traitées par les stations d'épuration se retrouvent dans les
milieux aquatiques.
A Cannes, le Conseil scientifique des îles de Lérins a
mené des expériences sur le littoral : des poissons ont des taux
d'anti-inflammatoires supérieurs aux normes.
Des expériences ont été menées en baie de Cannes sur
une espèce de poissons non-migratoire. / © Eric Dulière - MAXPPP
Ils n'ont pas choisi de prendre des anti-inflammatoires
pour nager dans la mer Méditerranée.
Pourtant, des
molécules de diclofénac, des résidus d'anti-inflammatoires, s'accumulent dans
la chair des poissons.
C'est le résultat des expériences menées par le Conseil
scientifique des îles de Lérins (CSIL) sur le littoral méditerranéen depuis
plusieurs mois.
Les serrans, une
espèce de poissons qui ne migrent pas, ont été retrouvés avec des taux de 0,025
grammes/kg.
Des taux bien au-dessus de la norme.
Les expériences ont été menées sur un poisson qui ne
migre pas : le serran. / © Parc national de Porc-Cros
Les expériences ont été menées à proximité des stations
d'épuration qui rejettent ces molécules non traitées actuellement par
l'assainissement.
Sur
cette carte, les deux stations d'épuration en baie de Cannes et de
Golfe Juan où les plongeurs ont laissé des cages avec des moules calibrées.
Le 3ème point (en gris) correspond au lieu témoin où il
n'y a pas de rejet de station d'épuration.
- la station d'épuration Acquaviva en baie de Cannes,
située à 87 mètres de profondeur et 11 000 mètres du rivage
- la station d'épuration Nobilis à Golfe-Juan, située à
37 mètres de profondeur et à 1750 mètres du littoral un site témoin, loin d'une
station d'épuration situé à l'Esquillon dans l'Estérel
Les pouvoirs publics se sont emparés du problème à
travers un plan sur les micro-polluants
Objectif :
préserver la qualité des eaux et de la biodiversité.
Sur la Côte d'Azur, le Conseil scientifique des îles de
Lérins a choisi d'expertiser la baie de Cannes.
Françoise Loquès, la directrice du CSIL et docteur en
biologie marine, est à l'initative de ces recherches.
Après en avoir discuté avec les médecins du CHU de Nice,
elle a sélectionné 4 molécules de médicaments parmi les plus consommées en
France.
- Ibuprophène (anti-inflammatoire)
- Diclofénac (anti-inflammatoire)
- Sulfaméthoxazole (antibiotique)
- Carbamazépine (anti-convulsant)
Moules comme
bio-indicateur
Pour analyser la qualité des eaux plus finement, les
moules ont aussi servi de bio-indicateur.
Car ces organismes filtreurs beaucoup d'eau.
Ils peuvent ainsi accumuler les contaminants chimiques.
Concrètement, des moules sont immergées dans des cages
pendant plusieurs semaines au large de Cannes et de Golfe-Juan.
Elles sont par la suite récupérées et leur chair est
analysée en laboratoire.
Le site témoin de l'Esquillon où il n'y a pas de station
d'épuration, sert de référence. Les plongeurs du CSIL ont partagé le
retrait des cages sur leur compte Facebook.
Le laboratoire niçois Ecomers travaille en collaboration
avec l'Université Côte d'Azur sur ce sujet. L'expérience s’appelle « Mussel
Watch ».
Cette technique permet de déterminer la présence et la
quantité de composés chimiques. Pour cette première phase de tests, les
quantités retrouvées dans les moules étaient inférieures aux normes.
Mais les 4
molécules ont bien été détectées dans les analyses. Françoise Loquès n'est pas
très étonnée de ces résultats :
Avec l'eau, on a
un énorme phénomène de dilution.
Les molécules
testées sur les 3 sites montrent des résultats inférieurs à 50 ng / litre.
Les molécules de contraceptifs hormonaux se
retrouveraient aussi dans les mérous, ici dans le parc régional de Port-Cros. /
© Boris Horvat – AFP
Ce n'est pas une si bonne nouvelle car on détecte aussi
les 4 molécules.
Et elle conclut, "il faut qu'on voit les effets de
ces molécules sur les organismes vivants".
Dans l'avenir, elle envisage d'étudier les molécules
métabolisées, c'est-à-dire analyser les toutes petites molécules. Prochaine
étape, la sensibilisation du public :
Il faut que chacun sache que lorsqu'on prend un
médicament, c'est un poison, il peut y avoir des effets secondaires dans notre
écosystème.
Pollution
invisible
La contamination de l’environnement par des résidus
pharmaceutiques est devenue une préoccupation majeure des pays industrialisés
gros consommateurs de médicaments.
En 2016, avait eu à Paris un colloque consacré à
l’évaluation des risques des résidus de médicament dans l’environnement :
ICRAPHE.
Un colloque organisé par l'Académie nationale de
pharmacie elle-même.
Les scientifiques avaient étudié l'impact des différentes
molécules sur les milieux aquatiques.
Une pollution qui
touche, d'après ce rapport de 86 pages, tous les littoraux des pays industrialisés.
Parmi les plus
gros consommateurs de médicaments : les USA, l'Allemagne et la France.
Troubles hormonaux
►
Vidéo : dans cette vidéo publiée par le média d'info "Brut", 70 à 80%
des résidus de médicaments se retrouveraient dans les eaux naturelles de la
planète. Principalement, des antibiotiques et des anti-inflammatoires non
filtrés par les stations d'épuration.
Autres molécules
retrouvées : celles des contraceptifs hormonaux. Ces résidus ingérés par les
mérous provoqueraient des troubles hormonaux importants sur ces poissons.
Surveillance
Face à ces micro-polluants invisibles, la surveillance
s'organise pour préserver la qualité des eaux.
Le CSIL s'appuie notamment sur l'Ifremer pour étudier les
niveaux de contamination chimique du littoral.
En amont, les autorités veulent aussi sensibiliser les
consommateurs de médicaments et faire prendre conscience que ces molécules ne
disparaissent pas aussi facilement.
Stations
d'épuration
Avec la surpopulation estivale, les rejets des maisons de
retraite et ceux des hôpitaux, pas étonnant de retrouver des résidus de
médicaments.
Une pollution beaucoup moins visible que les déchets.
Toutes les
molécules ne peuvent pas être traitées par les stations d'épuration.
Elles se retrouvent donc rejetées dans les eaux naturelles,
les cours d'eau, les rivières, l'océan.
La mer Méditerranée n'échappe donc pas à la règle.
Traiter ces
molécules
Car les stations d'épuration ne sont pas encore capables
de traiter ces molécules.
Pourtant, l'Europe demande qu'il n'y ait plus de traces
de ces micro-polluants à travers la loi cadre sur l'eau d'ici 2027.
Côté recyclage, ça progresse.
D'après une étude BVA de 2016, relayée par Cyclamed, 74 %
des Français apportent leurs boîtes de médicaments dans les pharmacies.
Cette vidéo montre, de façon simple et rapide, les gestes
éco-citoyen à développer :
Rapporter ces médicaments périmés à la pharmacie, ne pas
surconsommer ces molécules toxiques pour la faune maritime, améliorer
l'assainissement des eaux usées...
Un chantier important à mener pour éviter que ces
molécules toxiques ne se retrouvent dans les eaux usées puis dans les estomacs
des poissons.
Une application dédiée au recyclage des médicaments
Cyclamed a lancé "Mon armoire à pharmacie", une
application mobile destinée au grand public et disponible sur l'App Store et
Google Play.
Elle permet de fournir aux patients et à leurs aidants
toutes les informations utiles sur l’organisation, la gestion et le tri de
leurs Médicaments Non Utilisés (MNU).
(Source : Cyclamed)
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