Par Gordon G.
Chang – 11/04/2019
Traduction du texte original: China Rising in the Caribbean
Traduction du texte original: China Rising in the Caribbean
Sur l'île de Grand Bahama située à environ 55 miles (85
kilomètres) à l'est de Palm Beach, en Floride, une entreprise de Hong Kong
investit environ 3 milliards de dollars pour aménager le Freeport Container
Port, un port en eau profonde adapté aux navires porte-conteneurs.
Grand Bahama - Photo
credit: cvconnell
L'inquiétude monte sur le risque de surendettement, comme
à Hambantota au Sri Lanka. Il est à craindre que le port de Hambantota devienne
une base navale chinoise.
Le Pentagone va-t-il devoir faire face à des navires de
guerre chinois à Freeport ?
Carte de Cuba - Original téléversé par Sting
L'armée chinoise est déjà présente dans les Caraïbes,
notamment à Cuba, ou elle a installé un système d'écoutes électroniques des
Etats-Unis.
Che Guevara et Fidel Castro, photographiés par Alberto
Korda en 1961.
Washington dépense beaucoup d'argent au Moyen-Orient,
mais les responsables américains devraient se préoccuper en urgence de
certaines situations à proximité de leur territoire.
Les rencontre du président des États-Unis, Donald Trump,
avec plusieurs dirigeants des Caraïbes avaient pour but de bien marquer
l'engagement de Washington dans cette région. Mais les projets américains
mériteraient d'être mieux financés car ils ne sont pas à la hauteur des défis
que pose la Chine. Dans les Caraïbes, le commerce et les investissements ont
donné à Pékin une réelle puissance. Photo : le président Trump et Mélania Trump
accueillent les dirigeants des Caraïbes à Mar-a-Lago à Palm Beach, en Floride,
le 22 mars 2019. (Photo officielle de la Maison Blanche par Tia Dufour)
Un avis de «
Tempête Rouge » (du nom d'un roman à succès de Tom Clancy) a surgi à quelques
kilomètres des côtes américaines.
« En fait, tout l'hémisphère est en feu », a
affirmé Lou Dobbs, le 4 avril, sur le plateau de son émission très regardée sur
Fox Business Network.
« La Chine et la
Russie nous posent un problème presque chaque trimestre dans cet hémisphère.
La Russie et la
Chine au Venezuela, mais la Chine dans la totalité de l'hémisphère et dans les
Caraïbes ».
Carte de localisation des Caraïbes dans une acception
minimaliste excluant golfe du Mexique et péninsule du Yucatan.
De fait, l'influence de la Chine grandit
rapidement dans tout l'espace Caraïbes.
Par le commerce
et les investissements Pékin s'érige en nouveau pouvoir.
Les motivations
chinoises n'ont rien d'anodin et ne se bornent pas au commerce.
L'île de New
Providence, aux Bahamas est une bonne illustration du phénomène.
En 2011, la
Banque d'import-export de Chine a accordé un prêt de 2,45 milliards de dollars
(2,1 milliards d'euros) pour la construction d'une station balnéaire à Baha
Mar, près de Nassau, la capitale.
Le projet qui
cumule les problèmes depuis le début, est le plus grand et le plus coûteux de
toutes les Caraïbes.
La taille du
projet surprend et l'immense intérêt économique que la Chine porte à la région
Caraïbe a de quoi intriguer.
Comme le souligne
Evan Ellis du collège de guerre de l'armée américaine, l'investissement de la
Chine dans les Caraïbes est plus important par habitant que dans le reste de
l'Amérique latine.
La région Caraïbe
a peu de ressources naturelles et le marché pour les produits chinois est
minuscule.
Ainsi que Ellis
l'a déclaré à Roll Call, « Au regard des montants investis, il est clair que ce
n'est pas vraiment le marché ou les ressources qui les intéressent. »
Quelle peut bien être la motivation de la
Chine ?
Un autre investissement important aux Bahamas
apporte un indice.
À environ 55
miles à l'est de Palm Beach, sur l'île de Grand Bahama, une entreprise de Hong
Kong est en train d'investir près de 3 milliards de dollars dans l'aménagement
d'un port en eau profonde capable d'accueillir des porte-conteneurs, le
Freeport Container Port.
Freeport passe
pour être en mesure de tirer parti du trafic accru que devrait générer
l'élargissement du canal de Panama.
Il est toutefois
à craindre que le projet ne succombe au surendettement comme à Hambantota au
Sri Lanka.
Une maison d'Hambatota après le tsunami de 2004
En décembre 2017,
le port de Hambantota s'est retrouvé incapable de régler les intérêts des
crédits importants et à taux élevés que le gouvernement avait contracté auprès
d'établissements financiers chinois.
Résultat, la
Chine est aujourd'hui propriétaire à 70% de Hambantota, contrôle assorti d'un
bail de 99 ans.
La prise de
contrôle était inévitable tant le projet a été mal conçu au départ.
Hambantota finira-t-il en base navale
chinoise ?
Les amiraux
chinois considèrent depuis longtemps le Sri Lanka comme un emplacement
stratégique.
En septembre et
en octobre 2014, le gouvernement sri-lankais a déjà autorisé un sous-marin
chinois à accoster au Port international de porte- conteneurs de Colombo lui
aussi financé par la Chine.
Le Pentagone devra-t-il faire face à des
navires de guerre chinois à Freeport ?
L'armée chinoise
est déjà présente dans les Caraïbes, à Cuba.
Selon un rapport
d'octobre 2018 de la Commission chargée des questions liées au commerce et à la
sécurité entre la Chine et les Etats-Unis, du personnel chinois occupe à
Lourdes, Bejucal et Santiago de Cuba d'anciennes installations de
renseignements datant de l'époque soviétique.
Tout comme les
Russes à l'époque, les Chinois mènent une mission permanente d'information sur
les États-Unis.
La présence
chinoise à Bejucal, au sud de La Havane, apparait particulièrement
préoccupante.
Les images
satellites montrent qu'un nouveau radôme (dôme en plastique) a été installé
pour protéger le radar, et cet équipement pourrait bien être d'origine chinoise.
La détection
d'une présence chinoise à Bejucal n'est pas récente.
En 2016, Marco
Rubio, sénateur républicain de Floride, a évoqué publiquement « la station
d'écoute chinoise de Bejucal ».
Evan Ellis, dans
un podcast avec Bonnie Glaser du Centre d'études stratégiques et
internationales (CESI), a déclaré que Beijing accordait à la mer des Caraïbes
la même importance stratégique qu'à la mer de Chine méridionale.
Ce qui
expliquerait l'intérêt à priori surprenant de la Chine envers les 13 États
insulaires et les 17 « territoires dépendants » - autrefois appelés « colonies
» - de la région.
Cet intérêt des
Chinois pour les Caraïbes éclaire la déclaration publique acerbe du chargé
d'affaires chinois aux Bahamas, Haigang Yin, le mois dernier.
Quelques jours avant
que le président américain, Donald Trump, ne se réunisse le 22 mars à Mar-a
Lago, avec cinq dirigeants de la zone Caraïbes, y compris les Bahamas, Yin a
accusé les États-Unis de « torpiller les liens de solidarité et de coopération
qui existent entre la Chine et les pays en développement ».
L'arrogance
chinoise coupe aujourd'hui le souffle.
Contre la volonté
de Beijing, Trump a rencontré les dirigeants des Caraïbes.
Washington porte
un intérêt accru au dossier, mais son investissement dans la région n'est pas à
la hauteur des défis de la Chine.
Trish Regan,
présentatrice de Fox Business, a déclaré lors de son émission en prime-time le
5 avril :
« Il faut
remonter à la crise des missiles de Cuba en 1962, pour se retrouver avec un tel
ennemi dans notre propre hémisphère. »
Jusqu'à présent,
l'Amérique avait quasiment abandonné la zone Caraïbes. Selon l'expression
convenue, les Caraïbes étaient tout à la fois « trop démocratiques et pas
assez pauvres » pour attirer l'attention des États-Unis.
Mais au plan
stratégique, cette zone est toujours considérée comme la « troisième frontière
» et le « ventre mou » des Etats Unis.
Un ventre mou qui
est en passe d'être restructuré par la manne des capitaux chinois.
Ainsi, cinq pays
de la région - Trinité-et-Tobago, la Grenade, la Dominique, Antigua-et-Barbuda
et la République dominicaine - ont adhéré à l'ambitieuse initiative de Beijing
« Belt and Road », un plan d'infrastructure destiné à mieux connecter entre
elles les routes commerciales mondiales de la Chine.
Mais plus Beijing
lance d'initiatives dans la région, plus les craintes grandissent de voir ces
pays « piégés par la dette », comme au Sri Lanka.
L'administrateur
de l'USAID, Mark Green, a raison de qualifier les crédits de Beijing de «
financements prédateurs ».
Mais les mises en
garde américaines risquent d'avoir peu d'écho si les États-Unis n'offrent pas
d'alternatives, a souligné Margaret Myers de l'Inter-Américan Dialogue à Roll
Call.
Après la réunion
de Trump et des dirigeants des Caraïbes à Mar-a-Lago, les États-Unis ont promis
d'envoyer une délégation dans la région.
Par ailleurs, le
département d'État a concocté son propre plan, intitulé « Caraïbes 2020 ».
Mais les noms ont
beau être accrocheurs, les programmes américains n'auront pas d'existence sans
beaucoup d'argent.
Aujourd'hui, Washington dépense beaucoup au
Moyen-Orient, mais les responsables politiques américains devraient de toute
urgence se préoccuper des besoins de certaines zones stratégiques situées à
leurs portes.
Gordon G. Chang
est l'auteur de The Coming Collapse of China et Distinguished Fellow du
Gatestone Institute.
………………
Grand Bahama
est la quatrième île des Bahamas par sa taille. L'île mesure 154 km de long
pour une largeur maximale de 27 km.
Elle se situe à 88 km à l'est de la Floride.
Cuba, en forme
longue la république de Cuba (en espagnol : República de Cuba), est un État
insulaire des Caraïbes formé de l'île de Cuba (la plus grande île des
Antilles), de l'île de la Jeunesse (appelée île aux Pins jusqu'en 1976) et de 4
095 cayes et ilots. Il est situé à l'ouest des grandes Antilles, à la
confluence de la mer des Caraïbes, du golfe du Mexique et de l'océan Atlantique
; au nord-est des Îles Caïmans ; au nord-nord-ouest de la Jamaïque ; à l'est du
Mexique (Yucatán) ; au sud-sud-est de la péninsule de Floride ; au sud-ouest
des Bahamas ; à l'ouest d'Haïti et des îles Turques-et-Caïques.
Les Caraïbes
(également nommées la Caraïbe, l'espace caraïbe, ou encore l'espace des
Caraïbes) sont une région du globe correspondant au bassin versant de la mer
des Caraïbes.
On les qualifie parfois de « Méditerranée du Nouveau Monde
», les Caraïbes sont un sous-ensemble du continent américain.
Par abus de langage, les Caraïbes sont souvent confondues
avec les Antilles.
Hambantota est
une ville du Sri Lanka située sur la côte sud de l'île (province du Sud,
district d'Hambantota).
Elle accueillit pendant la Seconde Guerre des Boers un
camp de concentration de l'Empire britannique.
Depuis 2007, la Chine y construit un port en eaux
profondes, afin de permettre à ses pétroliers d'y faire escale sur la route
stratégique depuis le golfe Persique.
La ville est aussi connue pour la présence d'éléphants
sauvages. La population, de 300 à 400 individus, représenterait 10 % du nombre
d'éléphants du Sri-Lanka.
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