Et si on taxait les fraudeurs plutôt que les familles ?
Par Charles Prats -
03/10/2014.
FIGAROVOX/TRIBUNE - La ministre des Affaires Sociales,
Marisol Touraine, a annoncé lundi une baisse des prestations familiales. Pour
Charles Prats, l'Etat se trompe de cible, et devrait plutôt concentrer ses
efforts sur la fraude sociale et fiscale.
Pourquoi donc
prendre 2,2 milliards d'euros aux familles quand les fraudeurs coûtent au moins
cinquante fois plus à la France ?
Rappelons que la
fraude fiscale représente de 60 à 80 Md€ par an selon le principal syndicat des
agents du fisc.
L'Union
Européenne évalue le manque à gagner sur la seule TVA à 32 Md€ pour la France.
En matière de
fraude sociale, la Cour des comptes vient opportunément de rappeler que la
fraude aux cotisations se montait à 25 Md€ par an.
Quant à la fraude
aux prestations sociales, grand tabou en France, officiellement considérée
comme très faible, elle représenterait en réalité plus de 35 Md€ par an si l'on
applique les taux de fraude moyens relevés par ailleurs (6 à 7 %).
La lecture du
rapport européen EHFCN qui chiffre la seule fraude à l'assurance maladie à 14 Md€,
ou encore le fait que 1,8 million de numéros de sécurité sociale pourraient
avoir été attribués sur la base de faux documents, accréditent malheureusement
ce très fort niveau de fraude aux prestations sociales.
Au final lorsque
les spécialistes de la lutte contre la fraude tiraient la sonnette d'alarme en
expliquant que la France perdait 100 milliards d'euros par an, ils étaient
peut-être en deçà d'une triste réalité plus proche des 140 milliards de pertes
pour les finances publiques.
Pourquoi donc
prendre 2,2 milliards d'euros aux familles quand les fraudeurs coûtent au moins
cinquante fois plus à la France?
Face à ce fléau
qui déstabilise notre pays et qui mine insidieusement le pacte républicain en
détruisant le consentement à l'impôt, il existe pourtant des solutions
politiques et techniques qui ont été proposées, voire même déjà votées, loin de
tout populisme.
Mais
malheureusement des mesures efficaces ont été écartées ou n'ont jamais été
mises en oeuvre.
Ainsi fut mise en
lumière l'absence de volonté de s'attaquer au point faible de la fraude fiscale
et sociale: l'argent liquide. Le maintien du «verrou de Bercy», c'est-à dire
l'impossibilité pour la justice de s'autosaisir des dossiers de fraude fiscale,
est également très révélateur.
L'absence durant
très longtemps de mise en place d'un dispositif ultra réactif de lutte contre
les escroqueries à la TVA, ce qu'ont fait nos voisins belges il y a de
nombreuses années, est peut-être le symptôme le plus significatif.
En matière de
lutte contre le travail dissimulé, les agents des corps de contrôle ne peuvent
faire qu'à la hauteur des moyens mis à leur disposition. Et il est évident que
les fraudeurs ne se sentent guère dissuadés de mal agir eu égard à la faiblesse
des sanctions réelles pour les employeurs et à l'impunité des salariés employés
«au noir».
Le Sénat a adopté un amendement prévoyant que le gouvernement remette au Parlement « un rapport d'information sur l'étendue » de cette fraude relative à l'attribution des numéros de Sécurité sociale. | PHILIPPE HUGUEN / AFP
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Fraude : il existerait 1,8 million de numéros de sécurité
sociale attribués à partir de faux documents
Par La Revue du Digital – 15/12/2018
A l’heure où les
gilets jaunes manifestent dans les rues contre la pression fiscale, Charles
Prats, un magistrat spécialiste de la fraude, travaillant au ministère des
finances sous la présidence de Nicolas Sarkozy, affirme qu’il existe en France
1,8 million de numéros de sécurité sociale attribués probablement sur la base
de faux documents.
Une fraude de 14
milliards d’euros ?
Charles Prats, magistrat, sur Europe1 le 14 décembre
« Si on coupe ce
robinet, c’est de l’argent économisé immédiatement » dit-il. Son chiffrage
aboutit même à la somme de 14 milliards d’euros.
Il s’est exprimé
le 14 décembre sur Europe 1.
La sénatrice
Nathalie Goulet, membre du groupe Union Centriste, secrétaire de la commission
des Finances, a réagi à ses propos en
indiquant qu’elle venait de faire voter un amendement demandant au gouvernement
de rendre un rapport dans les 6 mois sur cette situation.
La fraude
proviendrait de la création des numéros de sécurité sociale pour les personnes
nées à l’étranger.
Pour les Français
nés à l’étranger et les étrangers venant travailler en France, il est créé un
numéro de sécurité sociale appelé NIRPP, numéro d’identification au répertoire
des personnes physiques, en simplifiant le NIR.
La clé d’identité
pour entrer dans le système de protection sociale
« C’est la clé
d’identité pour entrer dans le système de protection sociale pour percevoir les
prestations, la sécurité sociale maladie, la retraite, les allocations
familiales, le RSA » explique Charles Prats.
« On a alors
attiré notre attention, sur le fait qu’il y avait un problème à la suite d’un
décret de simplification qui autorisait l’usage de photocopies » dit-il.
En 2010-2011, il
déclare que lorsqu’il travaillait au ministère des Finances, une étude a été
menée avec la police de l’air et des frontières, des spécialistes des faux
documents et des gens de l’INSEE.
« Nous nous
sommes rendus compte que nous avions un taux de fraude supérieur à 10% sur 18
millions de numéros de sécurité sociale attribués.
Donc, cela
représente 1,8 million de numéros attribués sur la base de faux documents tels
que de faux extraits d’acte de naissance » ajoute-t-il.
Il pointe qu’une
loi a alors été passée afin de palier aux risques liés à ces faux documents et
à la nécessité de passer en revue les 18 millions de numéros de sécurité
sociale attribués.
« Mais le décret
d’application n’a jamais été publié, et il y a eu l’alternance politique en
2012.
Tout cela est
tombé aux oubliettes.
La sénatrice
Nathalie Goulet, il y a 1 an et demi a interrogé le gouvernement sur cette
question.
Il lui a été
répondu que 500 dossiers avaient été examinés sur 18 millions » raconte le
magistrat.
18 millions de
dossiers à regarder au cas par cas
« Est-ce que ces
1,8 million perçoivent des prestations ou pas, il faut regarder au cas par cas.
Il y a des gens
qui connaissant le système, ont pu se créer 20 identités différentes pour
percevoir des prestations.
On peut tout
imaginer. Des réseaux très organisés où les gens se créent de multiples
identités » conclut-il.
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