par Guy Millière - 22 mars 2020
Traduction du texte
original: Coronavirus
Comes for Europe
Le système de santé italien est en très mauvais état. Il
n'y a pas suffisamment d'unités de soins intensifs dans le pays et, comme
ailleurs sur le continent, la possibilité d'une crise majeure n'était pas
anticipée.
Il y a en Italie
2,62 lits de soins intensifs pour 1 000 habitants (par comparaison, le nombre
en Allemagne est de 6,06 lits de soins intensifs pour 1 000 habitants).
Le système de santé italien est entièrement régi par le
gouvernement ...
Les hôpitaux publics doivent gérer la pénurie, et
lorsqu'une situation exceptionnelle survient, le rationnement des soins conduit
à des choix horribles.
Le système de santé italien est dans un état
d'effondrement presque total. À ce jour, 59.138 personnes en Italie ont été
infectées par le coronavirus; 5.476 personnes sont décédées. Et les chiffres
continuent à croître. Les hôpitaux sont débordés. Les médecins doivent choisir
quel malade sauver et quel malade ne pas sauver. Sur la photo: le personnel
soignant s'occupe d'un patient dans une structure d'urgence temporaire
installée à l'extérieur de l'hôpital de Brescia, en Italie, le 13 mars 2020.
(Photo de Miguel Medina / AFP via Getty Images)
Le gouvernement
italien espérait l'aide de l'Union européenne, mais ni les autres États membres
ni l'Union européenne elle-même n'ont accordé quoi que ce soit ... L'attitude
méprisante de l'UE et des autres États membres semble avoir été dictée par la
peur de glisser dans une situation aussi calamiteuse que celle de l'Italie.
Aucun pays de
l'Union Européenne n'a posé un regard lucide et sérieux sur le danger auquel
l'Europe est confrontée.
Le système de
santé italien est dans un état d'effondrement presque total.
À ce jour, 59.138
personnes en Italie ont été infectées par le coronavirus;
5.476 personnes
sont décédées.
Et les chiffres
continuent à croître.
Les hôpitaux sont
débordés.
Les médecins
doivent choisir quel malade sauver et quel malade renoncer à sauver.
Le pays est
presque complètement à l'arrêt.
De nombreuses
entreprises fonctionnent au ralenti ou pas du tout.
Les détenus
organisent des soulèvements dans les prisons.
Des millions de
personnes ont reçu l'ordre de rester chez elles et ne sont autorisées à sortir
que brièvement, pour acheter de la nourriture.
La plupart des
magasins sont fermés.
Tous les
rassemblements publics sont interdits, même pour les funérailles.
Les grandes villes
ressemblent à des villes fantômes.
Aucun autre pays occidental n'a été aussi
gravement touché par la pandémie que l'Italie. Pourquoi?
D'abord, l'Italie
a une population vieillissante.
L'âge médian des
Italiens est de 47,3 ans; un Italien sur quatre a plus de 65 ans. En
supplément, le taux de natalité dans le pays est extrêmement bas: 1,29 enfant
par femme.
Avant la
pandémie, l'Italie était un pays agonisant.
Le virus a
accéléré le processus.
Ensuite, le
personnel medical italien semble avoir sous-estimé le danger.
Si le
gouvernement italien a suspendu les vols depuis la Chine et Hong Kong dès le 31
janvier, les médecins italiens ont persisté à dire que la maladie n'était
qu'une "mauvaise grippe".
Le 9 mars, une épidémiologiste, Silvia
Stringhini, a écrit:
"Les médias sont rassurants, les
politiciens sont rassurants, alors qu'il n'y a pas de raison d'être
rassuré".
En outre, le
système de santé italien est en très mauvais état.
Il n'y a pas
suffisamment d'unités de soins intensifs dans le pays et, comme ailleurs sur le
continent, la possibilité d'une crise majeure n'était pas anticipée.
Le système de
santé italien est entièrement régi par le gouvernement.
Un service public
(le SSN, Servizio Sanitario Nazionale) paie directement les médecins, limite
leur nombre, et fixe le nombre maximum de patients qu'ils peuvent traiter
chaque année (1500).
Les systèmes de
santé gérés par un gouvernement finissent toujours par celui-ci à réduire ses
coûts plutôt qu'à aider ses citoyens.
Les cliniques
privées existent en Italie, mais ne représentent qu'une petite partie de
l'offre de soins (Le système public italien représente 77% des dépenses totales
de santé.
Le seul pays en
Europe où le chiffre est plus élevé est le Royaume-Uni, où le pourcentage est
79 %).
Les hôpitaux
publics doivent gérer la pénurie, et lorsqu'une situation exceptionnelle
survient, le rationnement des soins conduit à des choix horribles.
Un rapport récent
de la Siaarti (Società Italiana di Anestesia Analgesia Rianimazione e Terapia
Intensiva) propose des "recommandations éthiques pour l'hospitalisation et
le traitement intensif dans des conditions de déséquilibre exceptionnel",
et parle de "critères consensuels de justice distributive" permettant
de justifier de ne pas soigner certains patients et de les laisser mourir.
Enfin, dimension
rarement mentionnée, l'Italie inclut aujourd'hui une importante communauté
chinoise (plus de 300.000 personnes), composée de gens arrivés au cours des
deux dernières décennies et travaillant dans le secteur du textile et du cuir.
Beaucoup de Chinois vivant en Italie viennent
de Wuhan et de Wenzhou, et certains s'étaient rendus Wuhan et Wenzhou pour le
Nouvel an chinois le 25 janvier, en un moment où les autorités chinoises n'ont
plus pu continuer à cacher l'épidémie.
Ces Chinois sont
rentrés de Chine en Italie juste avant que le gouvernement italien ne suspende
les vols venant de Chine.
L'épidémie est
apparue en Lombardie, et Bergame, l'une des capitales de l'industrie textile
italienne, a été l'une des premières villes touchées.
Avant la
pandémie, l'économie italienne était déjà dans un état de stagnation;
maintenant que les Italiens doivent rester chez eux et que les entreprises ne
tournent plus, le pays va probablement plonger dans la récession.
Depuis la
mi-février, les banques italiennes ont perdu 40% de leur valeur.
Des
bouleversements financiers majeurs semblent imminents.
Le gouvernement italien espérait l'aide de
l'Union européenne, mais ni les autres États membres ni l'Union européenne
elle-même n'ont accordé quoi que ce soit.
Maurizio Massari,
ambassadeur d'Italie auprès de l'Union européenne, a déclaré lors d'un récent
sommet européen sur la pandémie que Bruxelles devait aller au-delà des
"engagements et des consultations" et que l'Italie avait besoin
"d'actions rapides, concrètes et efficaces". Il n'a rien obtenu.
Christine
Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a refusé de baisser les
taux d'intérêt pour aider l'Italie; les dirigeants italiens ont ressenti sa
décision comme une marque de mépris.
Le président
italien Sergio Mattarella a dit que l'Italie attendait " des gestes de
solidarité des institutions européennes" et non "des décisions venant
entraver les actions de l'Italie". Matteo Salvini, chef de la Ligue, a dit:"L'Italie
a reçu une gifle".
L'attitude méprisante de l'UE et des autres
États membres semble avoir été dictée par leur peur de glisser dans une
situation aussi calamiteuse que celle de l'Italie.
Tous les pays
européens ont une population vieillissante, même si c'est à un degré moindre
que l'Italie (l'âge médian en Allemagne est 46,8 ans; en France 41,2 ans; en
Espagne 42,3 ans).
Aucun pays de
l'Union européenne n'a posé un regard lucide et sérieux sur le danger auquel
l'Europe est confrontée.
"Le coronavirus est très
contagieux", a déclaré le 26 janvier la Ministre française de la Santé,
Agnès Buzyn, "mais beaucoup moins grave que nous ne le pensions".
Les frontières
entre la France et l'Italie n'ont pas été fermées (seules l'Autriche et la
Slovénie ont fermé leurs frontières avec l'Italie), et les Italiens qui
souhaitaient se rendre en France ont pu le faire jusque voici peu.
Les systèmes de
santé des autres pays européens ne sont pas plus performants que celui de
l'Italie.
En Espagne,
l'Insalud (Instituto Nacional de Gestion Sanitaria), est organisé sur le même
mode que le système italien, et les pénuries et les soins rationnés sont la
règle dans le pays.
Les régimes
d'assurance maladie allemands (Krankenkassen) et français (Sécurité Sociale)
fonctionnent eux-mêmes sur des principes semblables, et produisent des
résultats similaires.
Les économies des
principaux pays de l'Union européenne étaient, comme celle de l'Italie, dans un
état de stagnation avant la pandémie et vont sans doute, comme l'économie
italienne, plonger prochainement dans la récession.
Au moment de la
rédaction de ces lignes,
- 28.603
personnes étaient infectées en Espagne,
- 14.485 en
France et
- 23.974 en
Allemagne.
- En Espagne,
1.756 personnes étaient décédées;
- 562 personnes
en France,
- 92 seulement en
Allemagne.
Comme en Italie,
les chiffres augmentent rapidement.
Le 11 mars, la
chancelière allemande Angela Merkel a déclaré aux
journalistes qui l'accusaient de ne rien faire, "60 à 70% des Allemands
seront infectés par le coronavirus".
Lothar Wieler,
président de l'Institut Robert Koch, l'agence gouvernementale allemande chargée
de la prévention et du contrôle des maladies, a ajouté qu'il fallait
"éviter de surcharger les hôpitaux" et laisser l'épidémie gagner du
terrain lentement.
Un conseiller du
président français Emmanuel Macron a
dit à un journaliste du Figaro que la stratégie de la France était la même
que celle de l'Allemagne: la décision a été prise de "laisser l'épidémie
suivre son cours et ne pas essayer brutalement de l'arrêter".
Il suggérait que
la volonté officielle était de créer une "immunité
de groupe", une expression utilisée un peu plus tôt au Royaume-Uni par
Sir Patrick Vallance, conseiller scientifique du gouvernement britannique.
Patrick Vallance
avait déclaré que le gouvernement britannique entendait qu'un nombre important
de citoyens du pays soient infectés, se rétablissent et soient immunisés.
Les autorités françaises et allemandes se sont
apparemment inspirées de ces propos.
Confronté aux
critiques de l'Organisation mondiale de la santé, le gouvernement britannique a
répondu que "l'immunité de groupe" n'était pas sa politique
déclarée, mais aucune déclaration des gouvernements allemand ou français n'est
allée dans le même sens.
Umair Haque,
directeur du Havas Media Lab au Royaume-Uni, a écrit:
"L'immunité
de groupe consiste à considérer qu'une population est protégée contre une
maladie après que la vaccination ait empêché le microbe responsable de la
maladie de se transmettre entre les gens.
Laisser toute une population être contaminée
par un virus mortel pour lequel il n'y a pas de vaccin?
A combien de morts cela conduirait-il?
Quelle situation de chaos résulterait?"
"L'Europe
est maintenant devenue l'épicentre de la pandémie, et compte plus de cas et de
décès signalés que le reste du monde réuni, à l'exception de la Chine", a
noté Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale
de la santé.
"Aujourd'hui,
davantage de cas sont signalés chaque jour en Europe qu'en Chine au plus fort
de l'épidémie qu'elle a connu." Malheureusement, toutes les données
disponibles montrent qu'il a raison.
Le 11 mars, le
président Donald Trump a
annoncé que les États-Unis suspendaient tous les vols entre les États-Unis
et l'Europe, une décision pleinement justifiée et qui a sauvé des vies
américaines. Le lendemain, les dirigeants de l'Union européenne n'ont pas pu
résister à a leur désir de s'en prendre au Président des Etats-Unis:
"L'UE
désapprouve le fait que la décision américaine d'imposer une interdiction de
voyager ait été prise unilatéralement et sans consultation", ont-ils
déclaré dans un communiqué.
Il faut espérer
que la notion d'"immunité collective" est ou sera abandonée en
Europe, et que les pays de l'UE chercheront à sauver l'Europe, s'ils le peuvent.
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