lundi 25 mars 2019

Qui gouvernera le monde ?

Par Achille Weinberg - Janvier 2012

Le XXIe siècle verra-t-il apparaître le premier gouvernement mondial ?

S’achemine-t-on au contraire vers un monde multipolaire où coexisteront de multiples centres.
Les spéculations convergent vers quelques scénarios probables.

Une première image vient à l’esprit : notre planète accouchera d’un gouvernement mondial, pacifiquement ou suite à de graves convulsions.


Ce sera la seule façon de contrôler un système financier incontrôlable, d’affronter les défis écologiques planétaires, de gérer les flux économiques et mondiaux.
Un pouvoir unique, central et supranational finira par s’imposer.

Schéma d'une possible organisation territorial d'un État mondial. Kantekh sur Wikipédia français 

Dans sa version « soft », ce pouvoir mondial ressemblera à la « communauté internationale » dont avait rêvé Kant (dans son Projet de paix perpétuelle) : une fédération de nations rassemblées dans un grand parlement mondial.

Affiche américaine des années 1950 contre la fluoration de l'eau et la santé publique imposée, y distinguant les prémices d'un gouvernement mondial totalitaire de type communiste. Keep America Committee

Nombreux sont ceux à l’appeler de leurs vœux comme Edgar Morin (La Voie, 2011) ou Jacques Attali (Qui gouvernera le monde demain ?, 2011).


Ou bien ce sera un « nouvel ordre mondial » réalisé sous l’égide d’une superpuissance, comme on l’a cru dans les années 1990 quand ce nouvel ordre mondial était la doctrine officielle des États-Unis.

 La fin de l’hégémonie occidentale

Dans sa version la plus sombre, le gouvernement mondial sera peut-être celui d’un empire universel omnipotent qui étendra sa toile sur le monde, s’affranchissant des frontières nationales, mais aussi des frontières entre ordre politique, économique, culturel.
Cette sorte de Big Brother tentaculaire a déjà largement établi son emprise sur le monde, pense même Toni Negri, l’un des auteurs d’Empire (2000).


Et si l’avènement d’un tel gouvernement mondial n’était qu’une douce utopie – ou un cauchemar ?

C’est ce que pensent tous ceux que l’on appelle les « réalistes » dans la théorie des relations internationales.
Ceux-là croient à la permanence des rivalités entre États, des conflits entre blocs, des rapports de force.

Vidéo

Ces unités géopolitiques sont loin d’avoir dit leur dernier mot.
Il se pourrait même que le monde actuel, après une certaine homogénéité depuis vingt ans sous l’égide de « l’hyperpuissance américaine », s’achemine au contraire vers un monde multipolaire où coexistent de multiples centres qui s’allient et s’affrontent.

Telle est l’idée notamment de Parag Khanna, l’étoile montante de la géopolitique, dans How to Run the World (2011).

Un plan Rothschild pour un gouvernement mondial,
Publié par wikistrike.com sur 30 Juillet 2016, 12:08pm

À quoi pourrait ressembler ce monde multipolaire ?

Nul ne prétend en détenir les clés – l’histoire nous a trop surpris pour se risquer à des prévisions, mais rien n’interdit d’imaginer des scénarios possibles.
Une évidence s’impose d’abord à tous : celle d’une immense redistribution des cartes de la puissance.

Les dynamiques principales sont bien connues.
D’un côté, le déclin inexorable de l’Occident, États-Unis et Europe compris.

George Soros: «Je dirigerai un gouvernement mondial pour le nouvel ordre mondial»

De l’autre, la montée de l’Asie, Chine en tête.
On a beaucoup débattu ces vingt dernières années pour savoir si l’Amérique dominait le monde par le « hard power » (la force et l’argent), par le « soft power » (la diplomatie et la culture) ou, plus récemment, par le « smart power » (le verbe et la séduction).
La question semble réglée : le temps de l’hyperpuissance est révolu.

Businesspeople grabbing money

L’Amérique a perdu son « triple A », tout un symbole.
Les États de la zone euro, par leur endettement massif, se sont mis eux-mêmes sous la surveillance des marchés et de la Chine, nouveaux gendarmes du monde. À partir de là, les scénarios divergent.

La montée en puissance de l’Asie est inexorable, compte tenu de son poids économique et démographique.

La géopolitique suivra : mais jusqu’où ?

Les uns prédisent une « asiatisation du monde » (1).
La marche conquérante de la Chine est bien avancée dans ce que l’on nomme désormais la Chinafrique (implantation de la Chine en Afrique).

Parallèlement, une « nouvelle route de la Soie » relie désormais la Chine et le monde arabe : la Chine s’implante dans les États pétroliers, domaine réservé des diplomaties européenne ou américaine (2).
Moins connues mais tout aussi dynamiques sont les nouvelles routes commerciales entre l’Amérique latine et la Chine (3).

Une Chinamérique ?

D’autres analyses invitent pourtant à la prudence.

Le dynamisme actuel de la Chine est celui d’un pays encore en développement.

Dans les années 1980, on pensait que le Japon allait croître sans fin et dépasser l’Occident… avant qu’il sombre dans un marasme.
Il n’est pas impossible qu’arrivée à un certain stade de croissance, la Chine connaisse aussi le même sort.
De plus, cet État n’a pas de tradition impériale. Il n’a que des produits à offrir au monde et des matières premières à obtenir. Il n’a ni tradition religieuse à promouvoir, ni idéologie universelle à imposer, ni tradition militaire de conquête (4).

Un autre scénario possible consiste à imaginer une longue coexistence de deux blocs de force équivalents : les États-Unis et la Chine.

Soit comme des rivaux se disputant l’accès aux ressources et aux positions géopolitiques.
Soit, hypothèse étrange, une « Chinamérique » fondée sur la coopération au plan monétaire et commercial, chacun ayant besoin de l’autre pour survivre (5).

Reste qu’il ne faut pas oublier qu’à la périphérie de ces deux blocs, d’autres puissances existent, les unes montantes (l’Inde, le Brésil, la Russie), d’autres déclinantes (l’Europe)…

Le monde de demain sera-t-il unipolaire, bipolaire ou multipolaire ?

Même les réalistes qui raisonnent en termes de blocs et puissances admettent que d’autres logiques transversales sont à l’œuvre : l’évolution instable et largement autonome des marchés financiers, celle aussi des flux d’idées, de mouvements culturels et politiques, qui se diffusent par Internet.

Aux États et aux flux transnationaux s’ajoutent également les instances supranationales qui se sont constituées au fil du temps.
Elles sont militaires (Otan), politiques (Onu), juridiques (TPI), financières (FMI, Banque mondiale), économiques (G20), continentales (Europe).

Dans La Puissance au XXIe siècle (CNRS, 2011), le diplomate Pierre Buhler passe en revue les dynamiques qui agissent à l’échelle de la planète.

Il rappelle que la puissance du XXIe siècle échappera largement aux emprises étatiques et devra tenir compte de la logique du droit, de la démographie, des ressources du sol et des flux transnationaux d’argent et d’information.

NOTES
(1) Nayan Chanda, « Mondialisation ou asiatisation ? », Sciences Humaines, n° 231, novembre 2011.
(2) Ben Simpfendorfer, La Nouvelle Route de la Soie, Autrement, 2011.
(3) Javier Santiso, The Visible Hand of China in Latin America, OECD Publishing, 2007.
(4) Voir Hubert Védrine, « La redistribution de la puissance », Le Débat, n° 160, mai-août 2010.
(5) Jean-Louis Chambon (dir.), La Chinamérique. Un couple contre-nature ?, Eyrolles, 2011.











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