Par Patrick Aulnas.
La gestion
électoraliste à court terme a consisté, depuis une cinquantaine d’années, à
satisfaire les électeurs en négligeant totalement la situation des générations
futures.
Baby Eve by Sarah Stewart (CC
BY 2.0) https://www.flickr.com/photos/sarahmstewart/4784420060/
Depuis un
demi-siècle, la France a fait un choix implicite : le chômage de masse et
l’endettement public.
Les deux éléments
sont liés car le poids de l’État pèse lourdement sur l’économie et nuit à son
dynamisme.
Hyper-réglementation et prélèvements obligatoires massifs
entravent le fonctionnement des entreprises.
Leur compétitivité s’en ressent et elles n’embauchent
pas.
Il en résulte que la population active, intégrant les
chômeurs, ne peut plus financer l’État-providence et celui-ci s’endette.
Comment expliquer cette évolution ?
Dette publique de la France, en milliards d'euros
courants et en % du PIB, fin 1978 à fin septembre 2017.
Touchatou — Travail personnel
TRAVAIL, DÉMAGOGIE
DE GAUCHE ET DÉMAGOGIE DE DROITE
Lorsque la réglementation du contrat de travail à durée
indéterminée (CDI) a été légèrement assouplie en 2017 (loi d’habilitation du 15
septembre 2017, dite loi Travail), les partis de gauche ont crié au scandale.
Quant aux partis de droite, ils ont considéré cette
évolution législative comme une mesurette sans portée réelle.
Ces réactions sont principalement politiciennes.
Dette publique au sens de Maastricht en pourcentage du
PIB : répartition par sous-secteurs des administrations publiques, France,
1978-2016 - Touchatou — Travail personnel
La base
sociologique de la gauche comprenant une proportion très importante de
salariés, il est nécessaire électoralement de sembler les défendre.
Pour la droite,
dont l’électorat est plus composite, il peut paraître habile de ne mécontenter
personne en feignant de penser que tout cela n’est pas vraiment sérieux.
Il ne s’agit là
que d’une comédie politicienne.
LA DETTE DE LA FRANCE ATTEINT PRESQUE 100% DU PIB ! DETTE
- PUBLIÉ LE 27/09/2019 À 9H06
La dette publique de la France ressortait à 99,5% du
produit intérieur brut à fin juin.
La France continue de s'endetter. La dette publique de
l'Etat s'est accrue de 16,6 milliards d'euros au deuxième trimestre, pour
s'établir à 2.375,4 milliards d'euros. Elle représente actuellement 99,5% du
PIB, a annoncé vendredi l'Insee dans un communiqué. Les mesures de soutien du
gouvernement ont contribué à alourdir le fardeau des déficits budgétaires et de
la dette publique. "Moins ambitieux que le précédent, le programme de
stabilité d'avril 2019 a revu à la baisse les objectifs de réduction du déficit
et de la dette publics", relevait dernièrement, la Cour des comptes.
La gauche trompe
ses électeurs en les faisant rêver à une société du tout État, protectrice des
individus, d’où le risque serait quasiment exclu.
Cette société n’existe pas et les tentatives pour
l’établir ont toujours débouché sur la dictature et le totalitarisme.
La droite feint de
croire qu’il est possible de revenir au CDI des années 1950 ou 1960.
Le contrat de travail comportait vraiment à cette époque,
comme tout contrat à durée indéterminée (bail par exemple), une clause de
résiliation unilatérale au profit de chaque partie.
L’employeur pouvait licencier très librement pour des
motifs économiques et le salarié pouvait démissionner.
ÇA Y EST, LA DETTE PUBLIQUE DÉPASSE 100% DU PIB – IVRE
6MEDIAS PUBLIÉ LE 20/12/2019 À 10H46
Seules des obligations de forme étaient prévues (délai de
préavis en particulier). Le CDD n’était d’ailleurs utilisé qu’exceptionnellement
pour des travaux d’appoint ou des remplacements.
Il n’est pas surprenant que la gauche fasse rêver à un
avenir chimérique et la droite à un passé révolu.
Cela correspond à la sensibilité des électorats
respectifs.
LE POIDS POLITIQUE
DES SALARIÉS
Pourquoi
sommes-nous passés en un peu plus d’un demi-siècle de la liberté à
l’hyper-réglementation du travail ?
La cause immédiate (hors géopolitique : mondialisation)
est la salarisation massive de l’économie.
Selon l’INSEE, 91
% des personnes qui travaillent sont aujourd’hui salariées contre 64 % en 1949.
Il en résulte que le poids politique des salariés a
considérablement augmenté. Les politiciens ont donc accepté leurs demandes,
relayées par les syndicats, qui consistaient principalement à stabiliser les
emplois.
Réforme après réforme, la faculté de résiliation du CDI
du fait de l’employeur s’est réduite comme peau de chagrin.
Procédures complexes, coût prohibitifs ont amené les
employeurs à contourner le problème en utilisant le CDD ou l’intérim, ou tout
simplement en n’embauchant pas pour les entreprises de très petite taille.
UNE ABSURDITÉ
JURIDIQUE ET ÉCONOMIQUE
Cette évolution est juridiquement et économiquement une
absurdité, mais elle a eu lieu.
Le monde politique
a préféré l’emploi stable à l’emploi dynamique pour de mauvaises raisons,
principalement électorales.
Une entreprise privée étant une structure fragile,
soumise aux aléas du marché, il y a une contradiction flagrante entre la
rigidification des emplois par le droit et la liberté d’entreprendre.
Dans une économie
de marché, un employeur doit pouvoir s’adapter au marché en permanence et donc
ajuster le facteur travail aux besoins de l’exploitation.
Mais les mentalités ont tellement évolué depuis un
demi-siècle que les phrases précédentes sont considérées comme une pure
provocation par n’importe quel salarié du XXIe siècle.
L’évolution du droit et le discours politique dominant
sur ce sujet ont induit peu à peu un tropisme étatiste.
Pour le salarié d’aujourd’hui, c’est l’État qui doit gérer
l’emploi en renforçant les garanties juridiques des salariés.
S’il ne le fait pas, il manque à tous ses devoirs et il
convient de remplacer ses dirigeants par des politiciens plus compréhensifs.
LE COURT TERME
D’ABORD
L’horizon électoral n’est pas un horizon lointain.
Il est même anormalement rapproché puisque les mandats
électoraux se limitent à quelques années.
Le politicien doit
donc satisfaire rapidement son électorat s’il vise la réélection.
Alors qu’un choix
politique de long terme aurait été souhaitable en matière de relations de
travail, c’est le court terme qui a prévalu.
Le législateur, c’est-à-dire les politiciens, a
constamment protégé l’emploi existant au détriment de l’emploi futur.
Du fait de la salarisation croissante des économies développées,
ce choix était électoralement – démagogiquement – rationnel.
À l’issue de
plusieurs décennies de gestion politicienne à court terme, la situation est
claire : chômage de masse, allocations coûteuses, cotisations élevées et
endettement public.
Politiquement, un tel choix revient à protéger ses
électeurs au détriment de leurs enfants.
Les actifs d’aujourd’hui payent les choix politiques de
plusieurs décennies successives, principalement de deux façons.
D’abord, la difficulté à trouver un emploi entraîne des
périodes de chômage. Ensuite, un endettement massif des collectivités
publiques, lié au poids croissant des prestations de toutes sortes, pèse sur un
nombre réduit d’actifs disposant d’un emploi.
Selon l’INSEE, en 2016, la
population active était en France de 29,6 millions de personnes, dont 26,6
millions en emploi et 3 millions au chômage au sens du Bureau International du
Travail.
Mais si l’on veut ajouter les personnes en sous-emploi,
il faut cumuler les catégories A, B et C des statistiques de Pôle emploi.
On obtient alors
près de 6 millions de demandeurs d’emploi, ce qui représente plus de 20 % de la
population active.
Ces 20 % impactent non seulement les dépenses publiques
(indemnisation du chômage, santé, famille) mais aussi les recettes publiques
(cotisations, impôts et taxes en moins).
La gestion électoraliste à court terme a donc consisté,
depuis une cinquantaine d’années, à satisfaire les électeurs en négligeant
totalement la situation des générations futures.
Les actifs
d’aujourd’hui ont ainsi sur les épaules une énorme dette publique et un chômage
de masse.
Patrick Aulnas - rivagedeboheme.fr - Diplômé d’études
supérieures de droit public, ancien professeur agrégé d’économie-gestion,
Patrick Aulnas est aujourd'hui blogueur et essayiste.
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