Par Ysaline Homant
Le 13 novembre
1907, à Coquainvilliers, près de Lisieux, * Paul Cornu réussit à s'élever pour
la première fois à bord d'un hélicoptère.
Ce jour-là, il
atteint l'altitude de... 1 mètre 50 en envol vertical libre !
Paul Cornu à bord de son hélicoptère, à
Coquainvilliers
Une invention qui
vient de loin
Le mot hélicoptère a été forgé en 1861 par le vicomte
Ponton d'Amécourt à partir du grec helix (spirale) et pteron (aile).
Mais quatre siècles plus tôt, Léonard de Vinci en avait
déjà pressenti le concept à en juger par certains de ses croquis.
Paul Cornu aux commandes de son hélicoptère.
Famille Cornu (dont Rundvald) — descendants de la
famille de Paul Cornu.
**Louis Breguet, un jeune industriel de 27 ans, conçoit
la première aile tournante. Il s'inspire non de Léonard de Vinci mais de Jules
Verne, qui évoque cette technique dans le roman de science-fiction Robur le
Conquérant.
La boutique des Cornu père et fils, rue de la Gare à
Lisieux au début du xxe siècle.
Famille Cornu (dont Rundvald) — descendants de la
famille de Paul Cornu.
Le 29 septembre 1907, il fait un premier essai dans la
cour de son usine, à Douai, avec son ami le professeur Charles Richet.
Avion biplan Breguet, 1911, chapelle du musée des arts
et métiers.Photo PHGCOM
Avec à son bord un certain Maurice Volumard, l'appareil,
baptisé Gyroplane N°1, doté de quatre voilures tournantes de 8,10 mètres de
diamètre et d'un moteur de 50 CV, atteint non sans mal l'altitude vertigineuse
de 1,5 mètre mais quatre techniciens ont soin de le maintenir en équilibre, ce
qui altère la portée de l'exploit.
Trois semaines plus tard arrive le tour de Paul Cornu, un
simple mécanicien à la tête d'une petite entreprise normande.
Son engin a une envergure de plus de 6 mètres. Il
comporte à chaque extrémité un rotor ou hélice avec de grandes pales horizontales
recouvertes de soie et de 6 mètres de diamètre. Ces rotors sont entraînés par
un moteur de 24 CV.
Reproduction de l’hélicoptère de Paul Cornu réalisée
par des élèves ingénieurs à l’occasion du centenaire du premier vol. Rundvald —
Travail personnel
Après plusieurs essais, l'engin s'élève à 1,50 mètre
au-dessus du sol en vol vertical libre avec son pilote, sans personne au sol
pour le maintenir en équilibre... Notons que le frère de Paul Cornu, qui
mettait le moteur en marche, a dû se cramponner au châssis et monter avec
l'engin !
L'exploit marque
la véritable naissance de l'hélicoptère.
L'année suivante, Louis Breguet récidive avec le
Gyroplane N°2, qui a l'avantage de pouvoir se diriger grâce à une voilure fixe
planante et deux rotors inclinés sur l'avant.
Il s'élève à plus
de quatre mètres et parcourt une distance d'une centaine de mètres.
Mais l'engin est peu après détruit dans son hangar par
une tempête.
Les hélicoptères vont attendre un peu avant de prendre
réellement leur essor. C'est seulement à la fin des années 1920 qu'un ingénieur
espagnol, Juan de la Cierva, apporte une amélioration décisive en introduisant
les pales articulées et le vol contrôlé.
L'autogire C-6 de Juan de la Cierva (1925)
Andy Dingley (scanner) — Scan
from Foreword by E. Royston Pike (1938) Our Generation, Londres : Waverley Book
Company
Les hélicoptères prouveront leur utilité dans le
transport de troupes et les interventions difficiles à partir de 1942, grâce à
l'industriel américain d'origine russe Igor Sikorski.
Ils seront massivement utilisés pendant la guerre du
Vietnam, dans les années 1970, et seront les véritables héros du film
Apocalypse now de Francis Ford Coppola (1979).
Au nombre d'environ 70.000, ils rendent aujourd'hui des
services dans les liaisons entre aéroports et centre-ville, dans les opérations
de sauvetage et dans le soutien logistique des militaires en opération.
Louis Breguet,
pionnier de l'aéronautique
Louis Breguet aux commandes de l'un de ses premiers
appareils L'ingénieur Louis Breguet, co-inventeur de l'hélicoptère, est
considéré comme le « père de l'aviation scientifique ».
Dans l'usine familiale, il s'intéresse très tôt aux
machines volantes avec le professeur Charles Richet, ami de son père. Après son
expérience décevante de l'hélicoptère, il se tourne vers la construction
d'aéroplanes.
Le succès lui vient en septembre 1914, au début de la
Grande Guerre : Louis Breguet, pilote affecté au camp retranché de Paris,
effectue un vol au cours duquel son observateur, le lieutenant Watteau, constate
un changement de direction de l'armée allemande.
Renonçant à foncer sur Paris, celle-ci présente son flanc
à la capitale.
Le général Gallieni, gouverneur militaire de Paris,
profite de cette faiblesse de l'ennemi pour acheminer en toute hâte des troupes
vers l'est.
Il lance la
contre-offensive de la Marne qui va sauver la France de l'invasion.
Louis Breguet reçoit la croix de guerre et retrouve ses
usines avec mission d'accélérer la production d'avions.
Début 1917 sort le Breguet XIV, avion de reconnaissance
et de bombardement entièrement métallique, qui atteint la vitesse de 180 km/h.
Construit à plus de huit mille exemplaires, il équipe les
flottes aériennes de plusieurs alliés, dont les États-Unis, et après la guerre,
s'illustre dans l'histoire de l'Aéropostale, piloté notamment par Mermoz et
Saint-Exupéry.
L'industriel va multiplier les innovations jusqu'à sa
mort en 1955.
Ses usines sont aujourd'hui partie intégrante du groupe
Avions Marcel Dassault.
………..
* Paul Cornu, né le 15 juin 1881 à Glos-la-Ferrière
(Orne) et mort le 6 juin 1944 à Lisieux (Calvados), est un inventeur et
aviateur français.
Né à Glos-la-Ferrière, dans l’Orne, près de L'Aigle, Paul
Cornu était l’aîné d'une famille de 15 enfants.
Il a neuf ans en 1890 quand sa famille s’installe à
Lisieux.
Son père, Jules, était très habile.
Il savait dessiner et avait fait lui-même quelques
inventions ; en 1884, il a notamment établi un projet de dirigeable qui présente
plusieurs analogies avec certains dispositifs du Zeppelin.
C’est lui qui lancera son fils.
Rundvald — Famille Cornu - Croquis du moteur rotatif
de Paul Cornu.
Certificat d'études en poche, Paul réalise sa première
invention à 14 ans : un régulateur de température pour couveuse.
Pour faire bouillir la marmite, les Cornu père et fils
réparent vélos et machines à coudre dans leur atelier, près de la gare.
Ils sont bien connus et estimés des nombreux chauffeurs
parisiens qui roulent vers la côte normande.
Paul Cornu et son père Jules à bord de leur voiturette
ultra légère qu'ils ont conçue et construite ensemble, à Lisieux, en 1904.
Parallèlement, ils mettent au point un vélo à moteur, un
tricycle à vapeur, une pendule thermique, une moto...
Grâce à la publication de leurs travaux dans des revues,
ils se font connaître.
En 1904, ils réalisent une « voiturette ultralégère » à
deux moteurs (un pour chaque roue arrière) ; elle atteint 70 km/h.
Ils reçoivent des commandes d’industriels d’Ukraine, de
Roumanie ou d’Angleterre… mais aussi de médecins de campagne.
Elle ne sera pourtant jamais commercialisée ; les Cornu
n'ont pas le sens des affaires.
En 1905, Paul Cornu commence à s’intéresser à l’aviation
et au décollage vertical.
Des quantités de maquettes avaient déjà volé, mais pas de
modèle grandeur nature.
Un an plus tard, l’inventeur tente un essai devant les
notables de la ville, ce qui lui permet d’obtenir 12 000 FRF de souscriptions
pour construire le modèle définitif.
L’engin ressemble à un gros insecte équipé de deux
hélices montées sur de grandes roues de bicyclette.
Comme un millier de Lexoviens, il meurt à Lisieux en
1944, écrasé sous les bombardements alliés, il avait 62 ans.
Sous les décombres ont disparu les quelques éléments de
l’hélicoptère qu’il avait conservés, les plans, et une grande maquette.
Heureusement, une caisse de documents a été sauvée, elle
contenait le journal manuscrit des expériences, une importante correspondance,
des coupures de journaux, des articles de revues françaises et étrangères, et
beaucoup de photos et de cartes postales.
Tous ces documents
ont été déposés par la famille de Paul Cornu au musée d'art et d'histoire de
Lisieux.
La ville de Lisieux n’a jamais oublié Paul Cornu ; depuis
1969, un des deux principaux lycées de la ville, le lycée technique, porte son
nom.
………
**Louis Charles Breguet, né le 2 janvier 1880 dans le 6e
arrondissement de Paris et mort le 4 mai 1955 à Saint-Germain-en-Laye, diplômé de
Supélec, est un constructeur d'avions français et l'un des fondateurs de la
société Air France, titulaire du brevet de pilote civil no 52 depuis le 19
avril 1910.
Membre de la famille Breguet, il perpétue une longue
tradition d'innovations technologiques.
Orphelin de père (Antoine Breguet, 1850-1882) depuis
l’âge de deux ans, Louis Charles Breguet, élevé dans un milieu scientifique
(Marcellin Berthelot est marié à Sophie Caroline Niaudet, nièce de Louis
Breguet) et artistique (sa grand-mère Camille O'Méara qui tenait salon fut une
des élèves de Chopin), reprend la direction de la section électricité de
l'entreprise familiale, la Maison Breguet, située à Douai.
À ce titre il se plonge dans l’étude des diagrammes des
moteurs asynchrones puis calcule et fait réaliser en 1905 les groupes
électromoteurs de deux sous-marins.
Descendance de
Louis Breguet.
Louis Charles Breguet est le petit-fils de Louis Breguet,
horloger et physicien.
Par cette ascendance, il est cousin germain de Daniel
Halévy, essayiste et historien, lui-même grand-père de Pierre Joxe, homme
politique.
Il est l'arrière-grand-père de l'actrice Clémentine
Célarié.
Louis Charles Breguet est diplômé de l’École supérieure
d'électricité, promotion 1903.
Activité professionnelle
Avec son frère Jacques, polytechnicien d’un an son cadet,
il commence à concevoir un « gyroplane » (l'ancêtre de l'hélicoptère) avec des
ailes flexibles en 1907.
Après des essais par l’ingénieur Maurice Volumard dans
l'usine familiale de Douai (et sur le terrain de La Brayelle devenu Champ
d'aviation de la Brayelle), ils présentent le Gyroplane Breguet-Richet à
l'Académie des sciences le 21 septembre 1907.
Il crée la Société anonyme des ateliers d’aviation Louis
Breguet et construit son premier avion en 1909 qui bat le record de vitesse sur
10 km en 1911.
René Moineau le rejoint la même année en tant
qu'ingénieur et pilote d'essai. En 1912, il construit son premier hydravion.
Durant la Première Guerre mondiale il fournit des avions
notamment de reconnaissance et le bombardier Breguet XIV, son record de
production avec plus de 8 000 exemplaires.
Il est l'un des premiers à construire un avion presque
entièrement en aluminium.
En février 1919, il fonde la Compagnie des messageries aériennes,
qui est à l'origine d'Air France et fournit de nombreux avions pour
l'Aéropostale.
À partir de 1924, il connaît un autre grand succès, le
Breguet 19 construit à plus de 2 000 exemplaires, bombardier spécialisé dans
les grands raids qui favoriseront la mise sur le marché de variantes civiles.
Avec René Dorand, il produit en 1933 un hélicoptère
coaxial appelé le « Gyroplane Laboratoire » qui battra des records en 1936.
Louis Breguet meurt à Saint-Germain-en-Laye, le 4 mai
1955 à l'âge de 75 ans, il repose au cimetière du Père-Lachaise (11e division)
à Paris.
En 1967, la société d'avions Breguet fusionne avec la
société des avions Marcel Dassault.
………..
*** Juan de la Cierva y Codorníu, né à Murcie en Espagne
le 21 septembre 1895 et mort le 9 décembre 1936 à Croydon, Angleterre, est un inventeur
espagnol.
Son père était le maire de Murcie Juan de la Cierva y
Peñafiel, plus tard ministre de la Guerre (1917-1918, 1921-1922)..
En 1923 il invente
l'autogire, ou « gyroplane », appareil similaire à l'hélicoptère mais dont la
voilure tournante, qui assure la sustentation, est libre.
L'autogire doit
tout de même disposer d'un moteur pour son hélice de propulsion.
Il enregistrera son premier "succès" avec le 4e
appareil mis au point : le C4, qui sera le premier à parvenir à voler le 31
janvier 1923 à l’aérodrome de Cuatro Vientos, parcourant 4 km en 3 minutes et
30 secondes, à 30 mètres d'altitude
En 1936, la société de construction aéronautique Cierva
Autogiro Company est créée pour développer ses études, avec le soutien
financier de James George Weir (en), un industriel écossais et aviateur.
Il est mort avec Arvid Lindman et 13 autres personnes
dans le crash au décollage (en) d'un Douglas DC-2 de la KLM, ce vol commercial
avait pour destination Amsterdam.
……………..
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