Des continents perdus découverts sous la glace en Antarctique
Par Laurent Sacco - 14/11/2018.
Les mesures fines du champ de gravité de la Terre par le satellite de
l'ESA Goce ont permis de voir sous la glace de l'Antarctique. Les
géophysiciens ont alors découvert dans la croûte continentale des restes de
continents anciens disparus.
Les géophysiciens sont
passés maîtres, depuis quelques années déjà, dans la résolution de problèmes
inverses.
Autrement dit, cela
revient à déterminer la forme et la composition d'un instrument de musique
encore jamais vu uniquement en écoutant la musique jouée avec.
C'est-à-dire qu'à partir
d'un signal donné, que les chercheurs sont capables d'inverser d'une certaine
façon, ils peuvent en déduire les caractéristiques de sa source.
Il s'agit de résoudre un
subtil problème mathématique et l'une des applications les plus spectaculaires
se trouve, bien sûr, dans le domaine de la sismologie.
Les types d'ondes et leurs
vitesses à l'intérieur de la Terre dépendent en effet de la composition
minéralogique des roches ainsi que de leurs températures et des pressions
auxquelles elles sont soumises.
C'est la même chose avec
le champ de gravité de la Terre qui est sensible à la répartition et aux
densités des roches.
Cela permet, par exemple,
de faire de la prospection géophysique pour la recherche de gisements de
pétrole, voire de minerais, à l'aide de mesures de gravimétrie.
Encore faut-il disposer
d'instruments suffisamment sensibles et précis et enfin, d'un assez grand
nombre de mesures.
L'Europe s'est dotée d'un
instrument performant de ce genre il y a plusieurs années en lançant dans
l'espace le satellite Goce (Gravity field and steady-state Ocean Circulation
Explorer) qui a orbité autour de la Terre à très basse altitude, autour de 260
kilomètres.
L'objectif est d'établir
une carte particulièrement précise, non seulement du champ de gravité, mais
aussi de ses variations dans les trois directions de l'espace autour de son
orbite ; c'est-à-dire, du gradient local du champ de gravité.
Des fragments de
supercontinents trahis par la gravité
Une carte encore plus
précise du géoïde a pu être obtenue, débouchant sur la forme théorique de la
Terre si elle était recouverte des océans au repos à l'équilibre dans le champ
de gravitation (et ses bosses et creux, reflets de l'intérieur de la planète)
et de sa topographie.
On obtient de cette
manière une surface de référence à partir de laquelle se détermine le niveau moyen des océans, la
circulation thermohaline, l'épaisseur des glaces et qui permet donc mieux comprendre
le changement climatique.
La mission Goce a duré
environ quatre ans et s'est achevée en 2013.
Mais, l'analyse des
données collectées s'est poursuivie et aujourd'hui, elle a donné lieu à la
publication d'un article dans Scientific Reports.
Les géophysiciens
annoncent s'être servis de ces données en complément de celles déjà fournies
par la sismologie pour sonder la structure des plaques tectoniques, en
particulier sous l'Antarctique où faire des observations concernant la nature
de roches sous l'Inlandsis n'est évidemment pas facile.
Les mesures gravimétriques
permettent alors de voir clairement des cratons (de kratos en grec, la force),
c'est-à-dire, des parties anciennes et stables de la croûte continentale bien
définies par leurs compositions rocheuses et leurs structures ; celles-ci ont
survécu à la fusion et au morcellement des continents et des supercontinents au
gré des cycles de Wilson pendant au moins 500 millions d'années.
Certains cratons ont plus
de 2,5 milliards d'années et datent donc de l'Archéen au moment où la croûte
continentale s'est majoritairement mise en place.
Ils forment une véritable
mosaïque de blocs et se trouvent généralement à l'intérieur des continents.
On ne connaissait pas
vraiment ceux sous l'Antarctique mais c'est maintenant chose faite : des
fragments disparus de continents ont été retrouvés.
Des traces d'un passé
géologique avec des éléments concordants d'un puzzle confirment bien qu'il y a
plus de 160 millions d'années l'Antarctique, l'Inde et l'Australie étaient
connectés au sein d'un supercontinent, le Gondwana.
On constate aussi que
l'Antarctique occidentale a une croûte et une lithosphère plus fines comparées
à celles de l'Antarctique oriental.
CE QU'IL FAUT RETENIR
Les géophysiciens sont des
adeptes de la résolution de ce que l'on appelle des problèmes inverses en
physique mathématique, c'est-à-dire déterminer la structure de la source d'un
signal (ondes sismiques, champ magnétique, gravité, flux de chaleur, etc.) à partir
de la forme de ce signal.
En combinant les mesures
gravimétriques du satellite Goce avec des données de la sismologie, ils ont
renouvelé leur connaissance de la structure des plaques tectoniques, mettant en
évidence les fragments d'anciens continents constituant l'Antarctique, des
cratons jamais vus auparavant.
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